Titre original : Home Education Series – Volume 1. Home Education, by Charlotte Mason.
Cette édition de la série « L’éducation à la maison » a été traduite par Maeva Dauplay et Sylvie Dugauquier, © 2021.
Elle est protégée par les droits d’auteur de Charlotte Mason France, et ne peut être publiée ou copiée ailleurs sans l’autorisation expresse de www.charlottemason.fr.
Nous remercions la contribution, l’enthousiasme et les encouragements de toute la communauté Charlotte Mason francophone et en particulier :
Cécile Brown, Céline Garcia, Elisabeth Vogels, Sarah Eisele, Aurore Valantin, Charlotte Roman, Amélie Rullier Charrier, Joana Beigbeder, Paule Boufferet, Eglantine Ben Mechichi et Olivia Fydji.
Préface à la quatrième édition
Les perspectives éducatives sont plutôt brumeuses et déprimantes tant dans notre pays qu’à l’étranger. Que la science devrait être l’aliment de base de l’éducation, que l’enseignement du latin, des langues modernes, des mathématiques devrait être réformé, que la nature et les travaux manuels devraient être mis au service de la formation de l’œil et de la main, que les garçons et les filles devraient apprendre à écrire l’anglais et devraient donc connaître l’Histoire et la littérature ; et, d’autre part, que l’éducation devrait être rendue plus technique et plus utilitaire – là sont les lamentations opportunistes avec lesquelles nous prenons position. Mais nous n’avons pas de principe unificateur, pas de but défini ; en fait, pas de philosophie de l’éducation. De même qu’un cours d’eau ne peut s’élever au-dessus de sa source, il est probable qu’aucun effort éducatif ne peut s’élever au-dessus de l’ensemble de la pensée qui lui donne naissance ; et c’est peut-être la raison de toutes “nos chutes, absences”, échecs et déceptions qui marquent nos résultats scolaires.
Ceux d’entre nous qui ont passé de nombreuses années à poursuivre la vision bienveillante et insaisissable de l’éducation perçoivent que leurs démarches sont réglementées par une Loi, et c’est cette Loi qui doit être encore évoquée. Nous pouvons en discerner les contours, mais pas plus. Nous savons qu’elle est omniprésente ; il n’y a aucun fragment de la vie de famille ou du travail scolaire d’un enfant que cette Loi n’atteint pas. Elle éclaire aussi, montrant la valeur, ou le manque de valeur, de mille systèmes et expédients. Ce n’est pas seulement une lumière, mais une mesure qui pourvoit une norme par laquelle toute chose, petite ou grande, appartenant au travail éducatif, doit être testée. La Loi est libérale, admettant tout ce qui est vrai, honorable et qui mérite l’approbation, et n’offre aucune limitation ou entrave sauf là où un excès risquerait de nuire. Et le chemin indiqué par la Loi est continu et progressif, sans transition du berceau à la tombe, si ce n’est que la maturité prend la direction habituelle à laquelle l’immaturité a été entraînée. Nous trouvons sans doute, lorsque nous appréhendons la Loi, que certains penseurs allemands – Kant, Herbart, Lotze, Froebel – ont raison ; que, comme ils disent, il est « nécessaire » de croire en Dieu ; que, par conséquent, la connaissance de Dieu est la connaissance principale, et le but ultime de l’éducation. Par sa nature nous saurons reconnaître cette Loi parfaite de la liberté éducative lorsqu’elle sera mise en évidence. Il a été dit que « la meilleure idée que nous pouvons former de la vérité absolue est qu’elle est viable et qu’elle répond à toutes les conditions par lesquelles elle peut être testée ». Voici ce que nous attendons de notre Loi : qu’elle soit confirmée par toutes les expériences et par toutes les investigations rationnelles.
N’ayant pas reçu les tables de notre Loi, nous nous rabattons sur Froebel ou sur Herbart ; ou, si nous appartenons à une autre école, sur Locke ou Spencer ; mais nous ne sommes pas satisfaits. Un mécontentement, est-ce un mécontentement divin ? nous accable ; et nous devrions certainement saluer une philosophie de l’éducation efficace et réalisable comme étant une délivrance face à beaucoup de perplexité. Avant que cette grande délivrance ne nous parvienne, il est probable que de nombreux efforts provisoires seront déployés, ayant plus ou moins les caractéristiques d’une philosophie ; notamment, avoir une idée centrale, un corps de pensée dont les membres travaillent en harmonie vitale.
Une telle théorie de l’éducation, qui n’a pas besoin de prendre soin de s’appeler un système de psychologie, doit être en harmonie avec les mouvements de pensée de l’époque ; elle doit considérer l’éducation, non pas comme un compartiment fermé, mais comme faisant partie de la vie autant que la naissance ou la croissance, le mariage ou le travail ; et elle doit laisser l’élève attaché au monde en plusieurs points de contact. Il est vrai que les pédagogues sont déjà désireux d’établir un tel contact dans plusieurs directions, mais leurs efforts reposent sur un axiome ici et une idée là, et il n’y a pas de base de pensée unificatrice assez large pour soutenir l’ensemble.
Les imbéciles se précipitent là où les anges ont peur de marcher ; et l’espoir qu’il y ait de nombreux efforts hésitants tendant vers une philosophie de l’éducation, et que tous se rapprochent du magnum opus, m’encourage à entreprendre une telle tentative. La pensée centrale, ou plutôt corps de pensée, sur laquelle je me base, s’appuie sur le fait quelque peu évident que l’enfant est une personne avec toutes les possibilités et les pouvoirs inclus dans sa personnalité. Certains des membres qui se développent à partir de ce noyau ont été exploités de temps à autre par des pédagogues, et existent vaguement dans la conscience commune, une notion ici, une autre là. Une thèse, peut-être nouvelle, selon laquelle l’Éducation est la Science des Relations, me semble résoudre la question des programmes scolaires, car elle montre que le but de l’éducation est de mettre un enfant au contact du vivant, autant qu’il peut l’être, avec la vie de la Nature et de la pensée. Ajoutez à cela une ou deux clés de la connaissance de soi, et le jeune instruit va de l’avant avec une idée de la gestion de soi, avec quelques objectifs et de nombreux intérêts vitaux. Mon excuse pour m’aventurer à proposer une solution, même provisoire et passagère, au problème de l’éducation, est double. Pendant trente à quarante ans, j’ai travaillé sans relâche à établir une théorie de l’éducation fonctionnelle et philosophique ; et ensuite, je suis parvenue à chaque article de la foi éducative que je propose par des processus inductifs ; et chacun a été, je pense, vérifié par une longue et vaste série d’expériences. C’est cependant avec une sincère timidité que j’ose proposer les résultats de ce long travail ; parce que je sais que, dans ce domaine, il y a beaucoup de travailleurs bien plus capables et experts que moi – les “anges” qui ont peur de marcher, si tremblant est le pied !
Mais, si ce n’est que pour encourager les autres, j’ajoute un bref synopsis de la théorie de l’éducation avancée dans les volumes de la série « L’éducation à la maison ».
Le traitement n’est pas méthodique mais fortuit ; un peu ici, un peu là, comme il me semblait le plus susceptible de répondre aux expériences des parents et des enseignants. Je dois ajouter qu’au cours de plusieurs années, les divers essais ont été préparés à l’intention de la Parents’ National Education Union dans l’espoir que cette société puisse témoigner d’un ensemble plus ou moins cohérent de pensée éducative.
« La conséquence de la vérité est grande ; aussi, son jugement ne doit pas être négligent. »
Whichcote
- Les enfants sont des personnes dès la naissance.
- Ils ne naissent ni bons ni mauvais, mais avec le pouvoir de faire le bien ou le mal.
- Les principes d’autorité d’une part et d’obéissance d’autre part sont naturels, nécessaires et fondamentaux ; mais —
- Ces principes sont limités par le respect dû à la personnalité des enfants, à laquelle nous ne devons pas porter atteinte, que ce soit par l’usage direct de la peur ou de l’amour, de la suggestion ou de l’influence, ou en jouant de façon excessive sur leurs désirs naturels.
- Par conséquent, nous sommes limités à trois instruments éducatifs : l’atmosphère de l’environnement, la discipline des habitudes et la présentation d’idées vivantes.
- Lorsque nous disons que l’ÉDUCATION EST UNE ATMOSPHÈRE, nous ne voulons pas dire qu’un enfant doit être isolé dans ce que l’on peut appeler un « environnement enfantin », spécialement adapté et préparé, mais que nous devons tenir compte de la valeur éducative de l’atmosphère naturelle de son foyer, à la fois en ce qui concerne les personnes et les choses, et le laisser vivre librement dans ses propres conditions. Nous abrutissons un enfant en abaissant son monde à un niveau infantile.
- Par l’ÉDUCATION EST UNE DISCIPLINE, nous entendons la discipline des habitudes formées de façon définitive et réfléchie, qu’il s’agisse d’habitudes de l’esprit ou du corps. Les physiologistes ont démontré que le cerveau s’adapte à nos pensées et c’est ce qui forme les habitudes.
- Par l’ÉDUCATION EST UNE VIE, nous sous-entendons les besoins de nourriture intellectuelle, morale et physique. L’esprit se nourrit d’idées, et les enfants devraient donc avoir un programme généreux.
- Mais l’esprit n’est pas un réceptacle dans lequel les idées doivent être placées, chaque idée s’ajoutant à une « masse d’aperception » d’idées semblables, théorie sur laquelle repose la doctrine herbartienne.
- Au contraire, nous considérons que l’esprit de l’enfant n’est pas un simple sac destiné à contenir des idées ; mais est plutôt, si vous permettez l’image, un organisme spirituel, avec un appétit pour toute connaissance. C’est l’alimentation appropriée pour l’esprit, celle qu’il est capable de prendre, digérer et assimiler comme le corps le fait avec des aliments.
- Cette distinction est plus qu’un simple débat sur les mots employés. La doctrine herbartienne met le fardeau de l’éducation – la préparation des connaissances avec des morceaux alléchants, présentés dans l’ordre approprié – sur l’enseignant. Les enfants instruits selon ce principe risquent de recevoir beaucoup d’enseignements avec peu de connaissances ; et l’axiome de l’enseignant est : « Ce qu’un enfant apprend importe moins que la façon dont il l’apprend. »
- Nous estimons que l’enfant normal a les pouvoirs d’esprit requis pour gérer toutes les connaissances qui lui sont propres. C’est pourquoi nous devons lui donner un programme complet et généreux, veillant seulement à ce que toutes les connaissances qui lui sont offertes soient vivantes, c’est-à-dire que les faits ne soient pas présentés sans leur contexte. De cette conception vient le principe selon lequel, —
- L’éducation est la science des relations ; c’est-à-dire qu’un enfant a des relations naturelles avec un grand nombre de choses et de pensées : nous le formons donc à l’aide d’exercices physiques, de nature, de travaux manuels, de science et d’art, et de nombreux livres vivants, car nous savons que notre responsabilité n’est pas de tout lui apprendre sur tout, mais de l’aider à valider autant que possible
« les affinités innées,
qui modèlent notre nouvelle existence aux choses existantes. »
- Il existe aussi deux secrets de l’autogestion morale et intellectuelle qui devraient être offerts aux enfants ; nous pouvons les appeler la Voie de la Volonté et la Voie de la Raison.
- La Voie de la Volonté. – Il faut enseigner aux enfants
- À faire la distinction entre « je veux » et « je ferai ».
- Que la voie de la volonté, pour être efficace, doit se détourner des pensées qui tendent vers ce que nous désirons, mais que nous ne devrions pas faire.
- Que la meilleure façon de détourner nos pensées est de penser ou de faire quelque chose de très différent, divertissant ou intéressant.
- Qu’après ce moment de repos, la volonté reprendra son travail avec une vigueur nouvelle. (La diversion est une aide à la volonté dont la fonction est de nous soulager, pendant un moment, de l’effort de la volonté, afin que nous puissions « vouloir » à nouveau avec une force renouvelée. L’utilisation de la suggestion comme aide à la volonté est déconseillée car elle tend à saper et à stéréotyper le caractère. Il semblerait que la spontanéité soit une condition du développement et que la nature humaine ait autant besoin de la discipline de l’échec que de celle du succès.)
- La Voie de la Raison. – Nous devons aussi enseigner aux enfants à ne pas « s’appuyer » (avec trop d’assurance) « sur leur propre sagesse », car la raison a pour fonction de faire une démonstration logique :
- de la vérité mathématique ;
- d’une idée initiale, acceptée par la volonté.
Dans le premier cas, la raison est pratiquement un guide infaillible, mais dans le second, elle n’est pas toujours sûre ; car, que cette idée soit bonne ou mauvaise, notre raison la confirmera en utilisant des preuves irréfutables.
- Par conséquent, les enfants devraient apprendre, lorsqu’ils ont atteint la maturité nécessaire pour bénéficier de cet enseignement, que la principale responsabilité qui leur incombe en tant que personnes est l’acceptation ou le rejet des idées.
Pour les aider dans ce choix, nous leur donnons des principes de conduite et un large éventail de connaissances qui leur sont adaptées.
Ces trois principes (15, 16 et 17) devraient épargner aux enfants certaines des réflexions et des actions irréfléchies qui mènent la plupart d’entre nous à un niveau de vie inférieur à celui dont nous avons besoin.
- Nous ne devrions permettre aucune séparation entre la vie intellectuelle et la vie spirituelle des enfants, mais devrions leur enseigner que l’Esprit divin a un accès constant à leur esprit et qu’il est leur soutien continu dans tous les intérêts, devoirs et joies de la vie.
La série « Home Education » est ainsi nommée d’après le titre du premier volume, et non comme traitant, entièrement ou principalement, de « la maison » par opposition à « l’école ».
Préface à la quatrième édition
Dans le présent volume, je me propose de suggérer aux parents et aux enseignants une méthode d’enseignement reposant sur une loi naturelle ; et de traiter, à cet égard, des devoirs de la mère envers ses enfants. En m’aventurant à parler de ce dernier sujet, je le fais avec la plus grande déférence envers les mères, croyant que, selon les mots d’un sage enseignant des hommes : « la femme reçoit de l’Esprit de Dieu lui-même, les intuitions sur le caractère de son enfant, la capacité d’apprécier sa force et sa faiblesse, la faculté d’encourager l’une et de soutenir l’autre, ce dans quoi réside le mystère de l’éducation, en dehors de laquelle toutes ses règles et mesures sont totalement vaines et inefficaces. » [Rev. F. D. Maurice] Mais dans la mesure où une mère a cette intuition particulière concernant ses propres enfants, elle ressentira, je pense, son besoin de connaître les principes généraux de l’éducation, fondés sur la nature et les besoins de tous les enfants. Et cette connaissance de la science de l’éducation, même la meilleure des mères ne l’obtiendra pas d’en haut, vu que nous ne recevons pas souvent en cadeau ce que nous avons les moyens d’obtenir par nos propres efforts.
J’ose espérer que les professeurs de jeunes enfants pourront également trouver ce volume utile. Cette période de la vie d’un enfant entre sa sixième et sa neuvième année devrait être utilisée pour poser les bases d’une éducation libérale, et prendre l’habitude de lire pour s’instruire. Au cours de ces années, l’enfant devrait entrer dans le domaine de la connaissance, dans un grand nombre de directions, d’une manière reposante et consécutive, ce qui ne peut être atteint par le moyen quelque peu excitant des leçons orales. J’espère en tout cas que les enseignants trouveront cette nouvelle approche des « sujets conventionnels d’instruction » appropriée aux jeunes enfants à tout prix intéressants et stimulants ; et que peut-être les méthodes de cette nouvelle approche pourront se révéler parlantes et utiles.
L’objet particulier de ce volume, en tant que partie de la série « L’éducation à la maison », est de montrer l’influence de la physiologie des habitudes sur l’éducation ; pourquoi certaines habitudes physiques, intellectuelles et morales sont un atout précieux pour un enfant, et ce qui peut être fait pour former de telles habitudes. Je vous prie de reconnaître ma dette envers l’œuvre du Dr Carpenter, Principles of Mental Physiology, pour son enseignement précieux sur le sujet des habitudes, contenu dans deux ou trois chapitres de cet ouvrage. Je voudrais également renouveler mes remerciements aux amis médecins qui ont révisé avec soin et compétence les parties de cette œuvre qui reposent sur une base physiologique.
Je dois ajouter qu’il y a une vingtaine d’années (1885), la plus grande partie de ce volume a été livrée sous forme de « Conférences aux dames », forme sous laquelle les articles ont été initialement publiés (1886) sous un titre qui est toujours conservé. Les conférences VII et VIII et l’appendice du volume d’origine ont été transférés dans d’autres volumes de la série. Le tout a été révisé très soigneusement et beaucoup de nouveautés ont été introduites, en particulier dans la partie V, « Les leçons comme instruments d’éducation », partie qui offre maintenant une introduction assez complète aux méthodes d’enseignement des matières adaptées aux enfants âgés de six à neuf ans.
Le reste du volume tente de traiter de l’ensemble de l’éducation, de la petite enfance à la neuvième année de vie.
C. M. MASON
SCALE HOW, AMBLESIDE,
1905.
Cette traduction est protégée par les droits d’auteur de www.charlottemason.fr
Partie I – Quelques considérations préliminaires
Le désir croissant de travailler qui se manifeste chez les femmes éduquées n’est pas le moindre des signes du statut supérieur qu’elles ont acquis. La société a besoin du travail de ces femmes ; et actuellement, alors que l’éducation se généralise, nous allons voir toutes les femmes capables de travailler rejoindre les rangs des travailleuses, avec des tâches bien définies, des horaires fixes, et en guise de salaire, le plaisir et l’honneur de faire un travail utile si elles n’ont pas besoin de gagner de l’argent.
Les enfants sont un bien public. – Or, le travail qui a le plus d’importance pour la société, c’est l’éducation et l’instruction des enfants ; à l’école, certes, mais encore plus à la maison, car ce sont les influences familiales exercées sur l’enfant qui, plus que toute autre chose, déterminent le caractère et la carrière de l’homme ou de la femme en devenir. C’est une chose merveilleuse d’être parent : il n’y a aucune promotion, aucun honneur, qui puisse être comparé à cela. Les parents d’un seul enfant peuvent chérir ce qui sera une bénédiction pour le monde entier. Mais alors, chargés d’une telle responsabilité, ils ne sont pas libres de dire : « Je peux faire ce que je veux avec le mien. » En vérité, les enfants doivent être considérés moins comme une propriété personnelle que comme un bien public, mis entre les mains des parents pour qu’ils en tirent le meilleur pour le bien de la société. Et cette responsabilité n’est pas partagée équitablement entre les parents : c’est sur les mères d’aujourd’hui que l’avenir du monde repose, dans une plus grande mesure encore que sur les pères, car ce sont les mères qui ont la charge unique des premières années des enfants, années qui sont les plus influençables. C’est pourquoi nous entendons si souvent parler de grands hommes qui ont eu de bonnes mères, c’est-à-dire des mères qui ont élevé elles-mêmes leurs enfants et qui n’ont pas confié la plus importante de leurs responsabilités à des personnes indifférentes.
Les mères doivent un « amour réfléchi » à leurs enfants. – « La mère est qualifiée, dit Pestalozzi, et qualifiée par le Créateur Lui-même, pour devenir l’agent principal dans le développement de son enfant ; … et ce qui est exigé d’elle est – un amour réfléchi… Dieu a donné à l’enfant toutes les facultés de notre nature, mais la question la plus importante demeure incertaine – comment ce cœur, cette tête, ces mains seront-ils employés ? Au service de qui seront-ils dédiés ? Une question dont la réponse entraîne un avenir de bonheur ou de souffrance pour une vie qui vous est si chère. L’amour maternel est le premier agent de l’éducation. »
Nous nous éveillons à nos devoirs et, à mesure que les mères deviendront plus instruites et plus efficaces, elles ressentiront sans doute d’autant plus fortement qu’il est difficile de confier à d’autres mains que les leurs l’éducation de leurs enfants au cours des six premières années de leur vie. Et elles en feront leur profession – c’est-à-dire avec la diligence, la régularité et la ponctualité que les hommes accordent à leur travail professionnel.
Pour que la mère sache de quoi elle parle, qu’elle soit bien préparée à son travail, elle devrait avoir plus qu’une connaissance par ouï-dire de la théorie de l’éducation et des conditions de la nature de l’enfant sur lesquelles repose cette théorie.
La formation des enfants est « terriblement défectueuse ». – « La formation physique, morale et intellectuelle des enfants, dit M. Herbert Spencer, est terriblement défectueuse. Et il en est ainsi dans une large mesure parce que les parents sont dépourvus des connaissances qui pourraient les guider dans cette formation. A quoi faut-il s’attendre lorsque l’un des problèmes les plus complexes est entrepris par ceux qui ont à peine réfléchi au principe dont dépend sa solution ? Il faut un long apprentissage pour devenir cordonnier, pour bâtir une maison, pour diriger un navire, pour conduire une locomotive. Le développement du corps et de l’esprit d’un être humain est-il donc un processus si simple que n’importe qui peut le superviser et le réguler sans aucune préparation ? Si ce n’est pas le cas – si le processus est, à une exception près, plus complexe que n’importe quel autre dans la nature, et que la tâche de s’en occuper est d’une difficulté extrême, n’est-ce pas de la folie que de ne point se préparer à une telle tâche ? Mieux vaut sacrifier des accomplissements que d’omettre cette instruction essentielle. […] Il est indispensable de connaître les premiers principes de la physiologie, et les vérités élémentaires de la psychologie, si l’on veut élever convenablement les enfants. […] Voici les faits indiscutables : le développement physique et intellectuel des enfants est soumis à des lois ; si les parents ne se conforment pas dans une certaine mesure à ces lois, la mort est inévitable ; à moins qu’ils ne s’y conforment dans une large mesure, il en résultera de sérieux défauts corporels et moraux ; ce n’est que lorsqu’ils s’y conforment entièrement que les enfants parviennent à la maturité parfaite. Jugez donc si tous ceux qui seront un jour parents ne devraient pas s’efforcer ardemment d’apprendre ce que sont ces lois. »
Comment les parents procèdent habituellement. – Le parent commence instinctivement en considérant son enfant comme une tablette vierge, et il est rempli de grandes résolutions quant à ce qu’il doit y écrire. Peu à peu, des traits de caractère apparaissent, l’enfant a ses propres petites manières ; et, au début, chaque nouvelle démonstration de personnalité est une délicieuse surprise. Que le nourrisson manifeste du plaisir à la vue de son père, que son visage s’emplisse de sympathie pour sa mère, doit toujours être merveilleux pour nous. Mais l’émerveillement s’estompe ; ses parents se sont habitués quand vient le jour où l’enfant se montre comme un être humain à part entière, comme eux, avec des affections, des désirs, des pouvoirs ; s’intéressant à son livre, peut-être, comme un poisson dans l’eau ; ou appréciant les jeux qui feront de lui un homme. L’idée de tout faire pour l’enfant avec laquelle les parents ont commencé s’éloigne progressivement. Dès qu’il montre qu’il a trouvé sa propre voie, il est encouragé à la suivre. Le père et la mère n’ont pas de plus grand plaisir que de voir s’épanouir l’individualité de leur enfant comme une fleur qui se déploie. Mais Othello perd son occupation. Plus l’enfant façonne sa propre voie, moins les parents trouvent à faire, au-delà de lui donner de la nourriture convenable, que ce soit de l’amour, ou une pensée, ou à manger et à boire. Et ici, nous pouvons remarquer que les parents ont seulement besoin d’approvisionner ; l’enfant sait assez bien s’approprier ce qu’on lui donne. Le principal souci des parents est que ce qu’ils fournissent soit sain et nourrissant, qu’il s’agisse de livres d’images, de leçons, de camarades de jeu, de pain et de lait, ou d’amour maternel. C’est l’éducation telle que la conçoivent la plupart des parents, avec plus de viande, plus d’amour, plus de culture, selon chacun. Ils laissent leurs enfants tranquilles, permettant à la nature humaine de se développer sur ses propres lignes, modifiées par les faits du milieu et de la descendance.
Rien ne pourrait être meilleur pour l’enfant que cette « inactivité magistrale », aussi longtemps qu’elle convienne. Il est bon de le laisser grandir et de l’aider à grandir selon sa nature ; et tant que les parents n’interviennent pas pour le gâter, il y a beaucoup de bien et aucun mal évident à le laisser tranquille. Mais cette philosophie du « laisser faire », bien qu’elle couvre une partie, ne couvre pas la partie sérieuse de la vocation parentale ; elle ne couvre pas les efforts incessants et ardus sur les lignes de la loi qui poussent un être humain au meilleur de lui-même.
Rien n’est trivial en ce qui concerne un enfant ; ses mots et ses manières, insensés en apparence, sont porteurs de sens pour les sages. C’est dans l’infiniment petit que nous devons étudier l’infiniment grand ; et les vastes possibilités, ainsi que la bonne direction de l’éducation, sont indiquées dans le livre ouvert des pensées du petit enfant.
Il y a une génération, un grand maître parmi nous ne se lassait pas de répéter que, dans le plan Divin, « la famille est l’unité de la nation » : non pas l’individu, mais la famille. Il y a beaucoup d’enseignements dans cette phrase, mais ce n’est qu’en surface ; le tout est plus grand que la partie, le tout contient la partie, possède la partie, ordonne la partie ; et ceci étant, les enfants sont la propriété de la nation, pour être élevés comme il convient pour la nation, et non selon les caprices de chaque parent. La loi est faite pour punir ceux qui font le mal et pour louer ceux qui font le bien ; ainsi, en pratique, les parents ont toute liberté de manœuvre ; mais il est aussi bon de se rappeler que les enfants sont un bien national dont l’éducation est l’affaire de tous – même des personnes célibataires et sans enfants dont le rôle dans le jeu, plutôt ennuyeux, consiste à « regarder ».
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1. Une méthode d’éducation
Les méthodes traditionnelles d’éducation. – Jamais il n’a été plus nécessaire pour les parents d’affronter eux-mêmes cette question de l’éducation dans tous ses aspects. Jusqu’à présent, les enfants ont été principalement élevés avec des méthodes traditionnelles. L’expérience de nos ancêtres, contenue dans un grand nombre de maximes éducatives, est transmise de bouche en bouche ; et quelques-unes ou plusieurs de ces maximes forment le code éducatif de chaque foyer.
Mais nous n’avons guère conscience de la révolution complète que les progrès de la science opèrent dans la théorie de l’éducation. Les traditions des anciens ont été éprouvées et jugées insuffisantes ; il faudra du temps avant que les axiomes de la nouvelle école deviennent monnaie courante ; et, en attendant, les parents sont livrés à leurs propres ressources, et doivent absolument évaluer les principes d’éducation et adopter une méthode d’éducation pour eux-mêmes.
Par exemple, selon l’ancien code, une mère pouvait utiliser sa pantoufle de temps en temps, à bon escient et sans être blâmée ; mais maintenant, la personne de l’enfant est, à tort ou à raison, considérée comme sacrée et infliger de la douleur à des fins morales est généralement désapprouvé.
De même, l’ancienne règle pour la table des enfants était : « le plus simple est le mieux, et laissez la faim être la sauce » ; à présent, le régime des enfants doit être au moins aussi nourrissant et aussi varié que celui de leurs aînés ; et l’appétit, l’envie pour certains types de nourriture, jusqu’ici considérée comme une tendance vicieuse qui devait être réprimée, est maintenant, dans certaines limites, le guide le plus fiable des parents dans l’organisation d’un régime alimentaire pour leurs enfants.
L’ancien régime avait pour principe d’apprendre aux enfants à supporter les difficultés. « Je ne deviendrai jamais un marin si je ne peux pas affronter le vent et la pluie », dit un petit garçon de cinq ans emmené par une nuit glaciale assister à une procession aux flambeaux et qui, tremblant de froid, refusa un abri. De nos jours, l’abri est tout ; les enfants ne doivent pas être exposés à la fatigue ou au froid.
Que les enfants fassent ce qu’on leur demande, qu’ils se préoccupent de leurs livres, et prennent le plaisir qui s’offre à eux quand rien ne fait obstacle, résume la vieille théorie ; maintenant, les plaisirs des enfants ont tendance à être plus pris en compte que leurs devoirs.
Autrefois, ils étaient élevés dans la soumission ; maintenant, les anciens cèdent leur place, et le monde est fait pour les enfants.
Les Anglais vont rarement aussi loin que les parents de cette histoire parue dans French Home Life, qui arrivèrent avec une heure de retard à un dîner, parce que leur fille de trois ans leur avait demandé de se déshabiller et de s’allonger à ses côtés jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Nous n’allons pas aussi loin, mais c’est la direction que nous prenons actuellement ; et dans quelle mesure les nouvelles théories de l’éducation sont sages et humaines, le résultat de connaissances physiologiques et psychologiques plus largement répandues, et dans quelle mesure elles ne font que répondre au culte de l’enfant auquel nous succombons tous, n’est pas une question à trancher d’emblée.
Quoi qu’il en soit, il n’est pas exagéré de dire qu’un parent qui ne suit pas une méthode d’éducation raisonnablement réfléchie ne parvient pas – aujourd’hui plus que jamais – à remplir les devoirs qu’il a envers ses enfants.
La méthode est un moyen de parvenir à une fin. – La méthode implique deux choses : un moyen de parvenir à une fin, et une progression étape par étape dans cette voie. De plus, l’application d’une méthode implique une idée, une image mentale de la fin ou de l’objet à atteindre. Que doit produire l’éducation sur votre enfant ? Encore une fois, la méthode est naturelle ; facile, souple, discrète, simple comme les voies de la Nature elle-même ; et en même temps, vigilante, prudente, omniprésente, convaincante. La méthode, ayant en vue le but de l’éducation, met les choses les plus improbables au service de ce but, mais sans mécanisme plus fastidieux que celui qu’emploie le soleil lorsqu’il fait souffler les vents et couler les eaux uniquement en brillant. Le parent qui voit son chemin – c’est-à-dire la force exacte de la méthode – pour éduquer son enfant, se servira de chaque circonstance de la vie de l’enfant presque sans intention de sa part, tant une méthode d’éducation fondée sur la Loi Naturelle est facile et spontanée. Que l’enfant mange ou boive, qu’il aille, vienne ou joue – il est éduqué tout le temps, bien qu’il en soit aussi peu conscient que de l’acte de respirer. Il y a toujours le danger qu’une méthode, une méthode de bona fide, dégénère en un simple système. La méthode du jardin d’enfants, par exemple, mérite ce nom, car elle a été conçue et perfectionnée par des éducateurs au grand cœur pour aider l’évolution à multiples facettes d’un être humain qui vit et grandit de façon complexe ; mais quel misérable système de bois devient-il entre les mains de praticiens ignorants !
Un système plus facile qu’une méthode. – Un « système d’éducation » est une fantaisie séduisante ; plus séduisante, à certains égards, qu’une méthode, parce qu’il est promis à des résultats plus précis et calculables. Grâce à un système, certains développements peuvent être obtenus par l’observation de règles données. La sténographie, la danse, la réussite aux examens, comment devenir un bon comptable ou une femme de la société peuvent tous être appris grâce à des systèmes.
Un système – l’observation de règles jusqu’à ce que l’habitude de faire certaines choses, de se comporter d’une certaine façon, soit confirmée, et que, par conséquent, l’art soit acquis – est si efficace pour atteindre des résultats précis, qu’il n’est pas étonnant qu’il y ait des tentatives permanentes pour restreindre tout le champ de l’éducation aux limites d’un système.
Si l’être humain était une machine, l’éducation ne pourrait rien faire de plus pour lui que de le mettre en action selon des méthodes prescrites, et le travail de l’éducateur consisterait simplement à adopter un système ou un ensemble de systèmes qui fonctionne bien.
Mais l’éducateur a affaire à un être qui agit et se développe par lui-même, et son travail est de guider et d’aider à la production du bien latent dans cet être, à la dissipation du mal latent, à la préparation de l’enfant pour qu’il prenne sa place dans le monde avec le meilleur de lui-même, avec toutes les capacités pour le bien qu’il a développé en un pouvoir.
Bien que le système soit très utile en tant qu’instrument d’éducation, un « système d’éducation » est néfaste, car il ne produit qu’une action mécanique au lieu de la croissance et du mouvement essentiels à un être vivant.
Il vaut la peine de souligner la différence entre un système et une méthode, parce que les parents se laissent souvent abuser par un « système » plausible, dont l’objet est de produire un développement dans une direction – des muscles, de la mémoire, de la faculté de raisonnement – et de s’en contenter, comme si ce seul développement constituait une éducation complète. Cette satisfaction facile provient de la mollesse de la nature humaine, à laquelle tout plan défini est plus agréable que la vigilance constante et l’action imprévue requises lorsque toute l’existence d’un enfant doit être utilisée comme moyen d’éducation. Mais qui est suffisamment compétent pour une éducation aussi complète, aussi constante ? Un parent peut être prêt à subir n’importe quel labeur pour le bien de son enfant ; mais, être toujours attentif à son bien-être, faire en sorte que les circonstances jouent à son avantage, c’est le rôle d’un dieu et non d’un homme ! C’est une objection relativement raisonnable, si l’on considère l’éducation comme une série infinie d’efforts indépendants, chacun devant être pensé et mis en œuvre sous l’impulsion du moment ; mais le fait est que quelques grands principes essentiels couvrent tout le domaine, et qu’une fois que l’on s’en est emparé, il est aussi facile et naturel d’agir sur eux que d’agir sur notre connaissance de faits tels que le feu brûle et l’eau coule. Dans ce chapitre et dans les suivants, je m’efforcerai de vous présenter ces quelques principes fondamentaux sous leur aspect pratique. En attendant, considérons une ou deux questions préliminaires.
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2. La place de l’enfant
L’enfant placé au milieu. – D’abord, considérons où et ce qu’est le petit être qui est confié aux soins des parents humains. Une tablette sur laquelle on écrit ? Une brindille à plier ? De la cire à modeler ? Très probablement ; mais il est bien plus que cela – un être appartenant à une catégorie supérieure à la nôtre, en quelque sorte un prince confié aux soins de paysans. Écoutez l’appréciation de Wordsworth sur la place de l’enfance :
« Notre naissance n’est qu’un sommeil et un oubli :
L’âme qui se lève avec nous, l’étoile de notre vie,
A eu ailleurs son coucher,
Et vient de loin ;
Pas dans un oubli total,
Et pas dans une nudité totale,
Mais traînant des nuages de gloire, nous venons
De Dieu qui est notre maison :
Le ciel nous entoure dans notre enfance !
* * * * * * * *
Toi, dont l’apparence extérieure dément
L’immensité de ton âme ;
Toi, le meilleur philosophe, qui pourtant gardes
Ton héritage ; tu es l’œil parmi les aveugles,
Qui, sourd et silencieux, lit les profondeurs éternelles,
Hanté à jamais par l’esprit éternel –
Puissant prophète ! Voyant béni !
Sur qui ces vérités reposent,
Que nous cherchons toute notre vie à découvrir ;
Toi, sur qui ton immortalité
Couve comme le jour, un maître sur un esclave,
Une présence qu’on ne peut ignorer ;
Toi, petit enfant, pourtant glorieux dans la puissance
De la liberté née du ciel, sur la hauteur de ton être – »
et ainsi de suite, à travers toute cette grande ode, qui, après la Bible, donne l’aperçu le plus profond de ce qui est propre aux enfants dans leur nature et leur place. « Tel est le royaume des cieux ». « Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » « Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? » « Jésus, ayant appelé un petit enfant, le plaça au milieu d’eux. » Voici le sentiment divin de la place de l’enfant. Il vaut la peine pour les parents de méditer chaque parole des Évangiles concernant les enfants, en se débarrassant de l’idée que ces paroles appartiennent, en premier lieu, aux adultes qui sont devenus comme des petits enfants. Ce que ces paroles profondes sont, et combien elles peuvent signifier, n’est pas le sujet de ce livre ; seulement elles semblent couvrir beaucoup plus que les revendications de Wordsworth sur les enfants dans sa tentative la plus sublime :
« Traînant des nuages de gloire, nous venons
De Dieu qui est notre maison. »
Code de l’éducation dans les Évangiles. – Il peut être surprenant pour les parents de découvrir un code d’éducation dans les Évangiles, expressément établi par le Christ. Il se résume en trois commandements, et tous les trois ont un caractère négatif, comme si la chose principale exigée des adultes est qu’ils ne devraient faire aucune sorte de tort aux enfants : Gardez-vous de scandaliser – mépriser – empêcher – un seul de ces petits.
Voici donc les trois lois éducatives du Nouveau Testament, qui, examinées séparément, me semblent couvrir toute l’aide que nous pouvons apporter aux enfants et tout le mal dont nous pouvons les sauver – c’est-à-dire tout ce qui est inclus dans l’instruction d’un enfant selon la voie qu’il doit suivre. Considérons ces trois grandes lois comme prohibitives, afin de préparer le terrain pour réfléchir à une méthode d’éducation ; car si nous prenons conscience de ce que nous ne pouvons pas faire, alors il est plus facile de voir ce que nous pouvons et devons faire. En effet, le positif est inclus dans le négatif, ce que nous sommes tenus de faire pour l’enfant est inclus dans ce qu’il nous est interdit de faire pour ne pas lui faire de mal.
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3. Scandaliser les enfants
Offenses. – Le premier et le second des édits divins semblent inclure nos péchés de commission et d’omission contre les enfants : nous les offensons, quand nous faisons par eux ce que nous n’aurions pas dû faire ; nous les méprisons, quand nous laissons en suspens ces choses que, pour eux, nous aurions dû faire. Une offense, nous le savons, est littéralement une pierre d’achoppement, celle qui fait trébucher le marcheur et le fait tomber. Les mères savent ce que c’est que de dégager le sol de tous les obstacles lorsqu’un bébé fait ses petits pas instables d’une chaise à l’autre, d’une paire de bras aimants à l’autre. Le pied de table, le jouet de l’enfant sur le sol, qui a causé une chute et un cri pitoyable, est une chose à déplorer ; pourquoi quelqu’un ne l’a-t-il pas écarté pour que le bébé ne trébuche pas ? Mais le petit enfant va dans le monde avec des pas chancelants et incertains, dans de nombreuses directions. Il y a des causes de trébuchement plus difficiles à écarter qu’un tabouret offensant ; et malheur à celui qui fait tomber l’enfant !
Les enfants sont nés respectueux des lois. – « Vilain bébé ! » dit la mère ; les yeux de l’enfant s’affaissent et une rougeur monte sur le cou et les sourcils. C’est vraiment merveilleux ; très « drôle », pensent certains, et ils disent : « Vilain bébé ! » quand le bébé est gentil, s’amusant de l’âme de l’enfant qui se manifeste à leurs yeux. Mais qu’est-ce que cela signifie, cette démonstration de sentiment, de conscience, chez l’enfant, avant que tout enseignement humain ne puisse l’atteindre ? Pas moins que cela, qu’il est né en tant qu’être respectueux des lois, avec le sens de je peux et de je ne dois pas, du bien et du mal. C’est ainsi que les enfants sont envoyés dans le monde avec l’avertissement : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ». Et – cela étant – qui n’a pas rencontré de grandes filles et de grands garçons, les enfants de parents sensés, qui ne savent pas encore ce que je dois signifie, qui ne sont pas animés par je devrai, dont le cœur ne ressent aucun éveil au nom solennel du Devoir, qui ne connaissent pas de règle de vie plus élevée que « je veux », « je ne veux pas », « j’aime » et « je n’aime pas » ? Que le ciel aide les parents et les enfants quand on en arrive là !
Mais comment se fait-il que le bébé, doté d’un sens aigu du bien et du mal même s’il ne comprend pas grand-chose à la parole humaine, devienne le garçon ou la fille atteint de « la malédiction du cœur sans loi » ? Par étapes lentes, un peu ici et un peu là, car tout ce qui est bon ou mauvais de caractère vient à passer. « Vilain ! » dit encore la mère quand une petite main s’enfonce dans le sucrier ; et quand une paire d’yeux malicieux cherche furtivement les siens, pour mesurer, comme ils le font infailliblement, jusqu’où le petit voleur peut aller. C’est très amusant ; la mère « ne peut s’empêcher de rire » ; et la petite transgression est autorisée : mais ce à quoi la pauvre mère n’a pas pensé, une offense, une cause de trébuchement, a été jetée sur le chemin de son enfant de deux ans. Il a déjà appris que ce qui est « vilain » peut être fait à nouveau en toute impunité, et il continue d’améliorer ses connaissances. Il est inutile de continuer ; tout le monde connaît les étapes par lesquelles le « non » de la mère vient à être ignoré, son refus transformé en consentement. L’enfant a été amené à croire qu’il n’a que la réticence de sa mère à vaincre ; puisqu’elle a choisi de le laisser faire ceci ou cela, il n’y a pas de raison pour qu’elle ne continue pas. Il peut l’obliger à choisir de le laisser faire ce qui est interdit et alors il pourra le faire. La prochaine étape de l’argumentation n’est pas trop grande pour les esprits enfantins : si sa mère fait ce qu’elle veut, bien sûr, il fera ce qu’il veut, s’il le peut ; et désormais la vie de l’enfant devient une lutte sans fin pour trouver son propre chemin ; une lutte dans laquelle un parent est à peu près sûr d’être malmené, ayant beaucoup de choses à penser, tandis que l’enfant reste fidèle à sa fantaisie du moment.
Ils doivent se rendre compte que leurs gouverneurs sont soumis à la loi. – Où est le début de cet enchevêtrement, gâchant la vie des parents et des enfants ? En ceci : la mère a commencé sans un sens suffisant du devoir ; elle se croyait libre de permettre et de refuser, de dire et de ne pas dire, à son bon plaisir, comme si l’enfant était à elle et qu’elle pouvait en faire ce qu’elle voulait. L’enfant n’a jamais perçu de je dois derrière les décisions de sa mère ; il ne sait pas qu’elle ne doit pas le laisser casser les jouets de sa sœur, se gaver de gâteau, gâcher le plaisir des autres, parce que ces choses ne sont pas bonnes. Faites en sorte que l’enfant perçoive que ses parents sont tenus par la loi aussi bien que lui, qu’ils ne peuvent tout simplement pas lui permettre de faire les choses qui ont été interdites, et il se soumettra avec la douce humilité qui appartient à son âge. Donner des raisons à un enfant est généralement déplacé et constitue un sacrifice de dignité parentale ; mais il est assez rapide pour lire dans le visage et les manières de sa mère, le « je dois » et le « je devrais » qui la gouvernent, et dans le fait qu’elle ne doive pas changer de résolution sur une question de bien et de mal.
Les parents peuvent offenser leurs enfants en ignorant les lois de la santé. – Le fait de permettre à l’enfant de faire ce qui est mal n’est qu’une des nombreuses façons dont la mère aimante peut offenser son enfant. Par ignorance ou volontairement, ce qui est pire, elle peut non seulement permettre à son enfant de faire le mal, mais aussi lui faire du mal. Elle peut faire obstacle à la vie physique en lui donnant de la nourriture malsaine, en le laissant dormir et vivre dans des pièces mal aérées, en négligeant l’une ou l’autre des lois simples de la santé, dont l’ignorance n’est guère excusable au vu des efforts déployés par les scientifiques pour mettre ces connaissances nécessaires à la portée de tous.
Et de la vie intellectuelle. – Ce qui est presque aussi grave, c’est que la vie intellectuelle de l’enfant peut être anéantie dès le début par une série de leçons mornes et interminables, qui ne servent aucun progrès réels, et qui, loin d’éduquer dans le vrai sens du terme, abrutissent son esprit d’une manière dont il ne se remet jamais. Beaucoup de petites filles, en particulier, quittent la salle de classe avec un dégoût pour tout type d’apprentissage, une aversion pour l’effort mental, qui durera toute leur vie. C’est pourquoi, à l’âge adulte elles lisent peu, à part des romans de mauvaise qualité, et parlent toute la journée de leurs vêtements.
Et de la vie morale. – Et ses affections – les mouvements du cœur tendre et plein d’entrain de l’enfant – comment sont-elles traitées ? Rares sont les mères qui ne se soucient pas de chérir les affections familiales ; mais quand l’enfant en vient à avoir des relations avec des personnes extérieures, les maximes et les motivations mondaines ne viennent-elles pas étouffer les bourgeons de l’amour enfantin ? Il y a pire encore lorsque l’amour de l’enfant ne trouve pas de débouchés naturels dans son foyer : lorsqu’elle est l’enfant quelconque ou ennuyeuse de la famille, et qu’elle est ignorée, tandis que l’affection des parents est prodiguée au reste. Bien sûr, elle n’aime pas ses frères et sœurs, qui monopolisent ce qui aurait dû être à elle aussi. Et comment aimer ses parents ? Personne ne connaît l’angoisse réelle dont souffrent beaucoup d’enfants pour cette raison, ni combien de vies sont amères et gâtées par la suppression de ces affections enfantines. « Mon enfance a été rendue misérable, me disait une dame il y a quelque temps, par l’adoration et l’affection de ma mère pour mon petit frère ; il n’y avait pas un jour où elle ne me rendait pas malheureuse en entrant dans la nurserie pour le câliner et jouer avec lui, et pendant tout ce temps elle n’avait pas un mot, un regard ou un sourire pour moi, comme si je n’avais pas été dans la pièce. Je ne m’en suis jamais remise ; elle est très gentille avec moi maintenant, mais je ne me suis jamais sentie tout à fait naturelle avec elle. Et comment pouvons-nous, frère et sœur, ressentir l’un pour l’autre ce que nous devrions ressentir si nous avions grandi ensemble dans l’amour, dans notre chambre d’enfants ? »
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4. Mépriser les enfants
L’enfant devrait recevoir le meilleur de sa mère. – Supposons qu’une mère puisse offenser son enfant, comment est-il possible de dire qu’elle ne le méprise pas ? « Mépriser : avoir une mauvaise opinion de, sous-estimer » – selon le dictionnaire ; et, à vrai dire, même si nous les aimons beaucoup, nous, les adultes, avons une bien trop mauvaise opinion des enfants. Si la mère ne sous-estimait pas son enfant, l’abandonnerait-elle à la compagnie d’une nourrice ignorante pendant les premières années où sa nature entière reçoit en continu, comme la plaque sensible du photographe, des impressions indélébiles ? Non pas que la nourrice soit mauvaise pour l’enfant. Il est très probable que les personnes instruites ne répondraient pas à l’exigence d’avoir toujours leurs enfants à leurs côtés. La compagnie constante de ses parents pourrait être trop stimulante pour l’enfant. En outre, le changement fréquent de pensées et la compagnie d‘autres personnes rendent la mère plus fraîche pour ses enfants. Mais ils devraient recevoir le meilleur de leur mère, ses heures les plus douces et les plus brillantes ; tandis qu’en même temps, elle s’applique à choisir judicieusement ses nourrices, les former avec soin et garder un œil vigilant sur tout ce qui se passe dans la nurserie.
« Nourrice. » – La simple grossièreté et l’impolitesse de sa nourrice causent à l’enfant un tort durable. Beaucoup d’enfants quittent la nurserie avec un sens moral émoussé et abandonnent leur Père céleste pour le restant de leur vie. Car le sens moral de l’enfant est extrêmement sensible ; il est à l’affût du moindre acte ou de la moindre parole d’injustice, de tromperie, de sournoiserie. Sa nourrice dit : « Si vous êtes un bon garçon, je ne le dirai pas. » ; et l’enfant apprend que des choses peuvent être cachées à sa mère, elle qui pourtant doit être pour lui comme Dieu, au courant de tout son bien et son mal. Et ce n’est pas comme si l’enfant notait avec aversion les dérapages de ses aînés. Il sait ce qu’il doit faire, c’est vrai, mais il ne se fie pas à ses propres intuitions ; il façonne sa vie sur n’importe quel modèle qui lui est présenté, et avec la teinte fatale de la nature humaine, il est plus enclin à imiter un mauvais modèle qu’un bon. Donnez-lui une nourrice grossière, violente et sournoise, et avant que l’enfant soit capable de parler clairement, il aura pris cette tendance.
Les défauts des enfants sont graves. – L’une des nombreuses façons dont les parents sont susceptibles d’avoir une trop mauvaise opinion de leurs enfants est la question de leurs défauts. Un petit enfant montre un trait laid : il est gourmand et engloutit la part de friandises de sa sœur ainsi que la sienne ; il est vindicatif, prêt à mordre ou à se battre avec la main qui l’offense ; il dit un mensonge : – non, il n’a pas touché au sucrier ou au pot de confiture. La mère remet à demain les mauvais jours : elle sait qu’elle devrait réagir face à l’enfant pour ses fautes, mais en attendant, elle dit : « Oh, peu importe cette fois-ci ; il est si jeune, et il apprendra petit à petit. » Au lieu de se laisser déborder, elle pourrait instaurer une ambiance sécurisante pour elle et ses enfants et transformer ainsi ces mauvais jours en jours heureux. Si la mère décide elle-même que l’enfant ne fait jamais de mal sans en être conscient, elle verra qu’il n’est pas trop jeune pour que son défaut soit corrigé ou prévenu. Occupez-vous d’un enfant lors de sa première offense, et un regard affligé suffit à condamner le petit transgresseur ; mais laissez-le continuer jusqu’à ce qu’une mauvaise habitude soit formée et la guérison sera lente ; la mère n’aura aucune chance tant qu’elle n’aura pas formé en lui l’habitude contraire de bien faire. Rire d’une mauvaise humeur et la laisser passer parce que l’enfant est petit, c’est semer le vent.
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5. Empêcher les enfants
La relation d’un enfant avec Dieu tout-puissant. – La manière la plus fatale de mépriser l’enfant relève de la troisième loi éducative des Évangiles ; c’est de négliger et de prendre à la légère sa relation naturelle avec le Dieu tout-puissant. « Laissez les petits enfants venir à Moi », dit le Sauveur, comme si c’était la chose naturelle à faire pour les enfants, la chose qu’ils font quand ils ne sont pas empêchés par leurs aînés. Et peut-être n’est-ce pas une trop belle chose à croire dans ce monde racheté, que, comme le bébé se tourne vers sa mère bien qu’il n’ait pas le pouvoir de dire son nom, comme les fleurs se tournent vers le soleil, ainsi le cœur des enfants se tourne inconsciemment vers leur Sauveur et vers Dieu avec plaisir et confiance.
Théologie de la nurserie. – Écoutez ce qui se passe dans de nombreuses nurseries : – « Dieu ne vous aime pas, vilain et méchant garçon ! » « Il vous enverra dans le mauvais endroit ! », et ainsi de suite ; et c’est là tout l’enseignement pratique que reçoit l’enfant sur les voies de son « Amour tout-puissant » ! – jamais un mot sur la façon dont Dieu aime et chérit les petits enfants tout au long de la journée, et remplit leurs heures de plaisir. Ajoutez à cela des prières superficielles, des discussions vaines sur les choses divines en leur présence, un usage léger de paroles saintes, peu de signes qui indiquent à l’enfant que les choses de Dieu sont plus pour ses parents que n’importe quelle chose au monde, et l’enfant est empêché, tacitement défendu de « venir à Moi » – et cela, souvent, par des parents qui, au fond de leur cœur, ne désirent rien en comparaison de Dieu. Ce méfait réside dans cette même méprise et sous-évaluation insensée des enfants, à cause de l’idée que l’enfant ne peut avoir de vie spirituelle tant qu’il ne plaît pas à ses aînés d’en allumer la flamme.
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6. Les conditions d’une activité cérébrale saine
Ayant juste jeté un coup d’œil sur le vaste champ des interdits, nous sommes prêts à examiner ce que la mère doit, définitivement et positivement, à son enfant, sous le nom d’Éducation.
Tout travail de l’esprit induit l’usage du cerveau. – Tout d’abord, les pouvoirs les plus éducables de l’enfant – son intelligence, sa volonté, ses sentiments moraux – ont leur siège dans son cerveau ; c’est-à-dire, de la même façon que l’œil est l’organe de la vue, le cerveau, ou une partie de celui-ci, est l’organe de la pensée et de la volonté, de l’amour et du culte. Les spécialistes ne s’accordent pas quant à la mesure dans laquelle il est possible de localiser les fonctions du cerveau ; mais cela semble au moins assez clair : aucune des fonctions de l’esprit n’est accomplie sans activité réelle de la masse de matière grise et blanche appelée « le cerveau ». Cette question ne concerne pas seulement le physiologiste, mais chaque mère, chaque père de famille ; car ce merveilleux cerveau, grâce auquel nous pensons, s’il doit agir sainement et en harmonie avec l’action saine de ses membres, ne doit agir que dans des conditions d’exercice, de repos et de nutrition qui garantissent la santé de toutes les autres parties du corps.
L’exercice. – La plupart d’entre nous ont rencontré quelques excentriques et un bon nombre de personnes stupides, au sujet desquelles la question s’impose : ces personnes sont-elles nées avec moins de puissance cérébrale que les autres ? Probablement pas ; mais s’ils furent autorisés à grandir sans l’habitude quotidienne d’un travail moral et mental approprié, s’ils furent autorisés à traîner dans leur jeunesse sans efforts réguliers et soutenus de pensée ou de volonté, le résultat serait le même, et le cerveau qui aurait dû être revigoré par un exercice quotidien est devenu mou et faible comme un bras sain le serait après avoir été porté pendant des années en écharpe. Le grand cerveau actif ne se contente pas d’une oisiveté totale ; il se trace des lignes pour lui-même et travaille par intermittence, et l’homme ou la femme devient excentrique, parce que l’effort mental sain, comme la morale, doit être dirigé par la discipline de règles. Un auteur avisé suggère que l’indolence mentale peut avoir été dans une certaine mesure la cause de ces lamentables crises de dérangement et de dépression dont a souffert le pauvre Cowper ; la composition de « vers de mirliton » ne lui offrait pas la quantité de travail mental nécessaire à son bien-être.
La conclusion est la suivante : ne laissez pas les enfants passer une journée sans efforts marqués, intellectuels, moraux, volontaires ; qu’ils s’efforcent de comprendre ; qu’ils s’obligent à faire et à supporter ; et qu’ils fassent le bien au sacrifice de la facilité et du plaisir : et ceci pour de nombreuses raisons supérieures, mais, en premier lieu, pour que le simple organe physique de l’esprit et de la volonté devienne vigoureux avec le travail.
Le repos. – Il est tout aussi important que le cerveau bénéficie d’un repos approprié ; c’est-à-dire qu’il se repose et travaille en alternance. Et là, deux considérations entrent en jeu. En premier lieu, lorsque le cerveau travaille activement, il est traité comme tous les autres organes du corps dans les mêmes circonstances ; c’est-à-dire qu’une grande quantité supplémentaire de sang est attirée vers la tête pour nourrir l’organe qui dépense sa substance dans un dur travail. Or, il n’y a pas une quantité indéfinie de ce que nous appellerons pour le moment un surplus de sang dans les vaisseaux. L’approvisionnement est régulé sur le principe qu’un seul ensemble d’organes à la fois doit être excessivement actif – maintenant les membres, puis les organes digestifs, puis le cerveau ; et tout le sang du corps qui peut être économisé va au soutien des organes qui, pour le moment, sont en état de travail.
Le repos après les repas. – L’enfant vient de prendre son repas du midi, le repas de la journée qui fatigue le plus sévèrement ses organes digestifs ; deux ou trois heures après, ces organes ont beaucoup de travail, et le sang qui peut être épargné ailleurs est là pour aider. Maintenant, envoyez l’enfant faire une longue promenade immédiatement après le déjeuner – le sang va aux membres qui travaillent, et la nourriture reste à moitié digérée ; donnez à l’enfant une habitude régulière de tels déjeuners avec promenades, et il deviendra dyspeptique. Mettez-le à ses livres après un repas copieux, et l’affaire est aussi mauvaise ; le sang qui aurait dû aider à la digestion du repas va au cerveau en travail.
Il s’ensuit que les heures de cours doivent être soigneusement choisies, après des périodes de repos mental – le sommeil ou le jeu, par exemple – et lorsqu’il n’y a pas d’activité excessive dans une autre partie du système. Ainsi, le matin, après le petit-déjeuner (dont la digestion n’est pas une tâche difficile), est de loin le meilleur moment pour les leçons et toute sorte de travail mental ; si l’on ne peut pas consacrer tout l’après-midi aux loisirs en plein air, c’est le moment pour les tâches manuelles telles que la couture, le dessin, les répétitions. L’esprit des enfants est assez vif le soir, mais l’inconvénient du travail du soir est que le cerveau, une fois excité, est enclin à poursuivre son travail au-delà de l’heure du coucher, et des rêves, des réveils nocturnes, un sommeil difficile accompagnent le pauvre enfant qui a travaillé jusqu’à la dernière minute. Si les enfants les plus âgés doivent travailler le soir, ils devraient avoir au moins une ou deux heures agréables avant d’aller se coucher ; mais, en fait, nous devons aux enfants d’abolir la « préparation » du soir.
Le changement d’activité. – « Il n’y a, dit Huxley, aucune preuve satisfaisante à l’heure actuelle, que la manifestation d’un quelconque type de faculté mentale soit spécialement attribuée ou liée à l’activité d’une région particulière des hémisphères cérébraux », un propos qui s’oppose aux partisans du système phrénologique, mais qui nous vient d’une trop haute autorité pour être contesté. Il n’est pas possible de localiser les « facultés » – de dire que vous êtes prudent grâce à cette fraction de votre cerveau et mélomane grâce à telle autre ; mais ce qui est certain, et qui est très important pour l’éducateur, c’est que le cerveau, ou une partie du cerveau, s’épuise lorsque n’importe quelle fonction a été exercée trop longuement. L’enfant a fait du calcul pendant un certain temps et il devient inexplicablement sot : retirez-lui son ardoise et laissez-le étudier l’histoire et son esprit redevient frais et dispos. L’imagination, qui n’a joué aucun rôle dans les calculs, est mise à contribution par la leçon d’histoire, et l’enfant apporte une puissance vive inépuisable à son nouveau travail. Les emplois du temps scolaires sont généralement établis dans le but de donner au cerveau de l’enfant une variété de travail ; mais le secret de la lassitude que les enfants montrent souvent dans la salle d’école à la maison est qu’aucun changement judicieux dans les leçons n’a été prévu.
La nourriture. – Encore une fois, le cerveau ne peut pas bien faire son travail sans être abondamment et convenablement nourri ; quelqu’un a calculé combien d’onces de cerveau avaient servi à produire telle œuvre – disons Le paradis perdu -, combien pour telle autre, et ainsi de suite. Sans nous lancer dans un calcul mental de cette nature, nous pouvons dire avec certitude que toute sorte d’activité intellectuelle épuise les tissus cérébraux ; un réseau de vaisseaux fournit une énorme quantité de sang dans cet organe pour compenser cette matière perdue ; et la vigueur et la santé du cerveau dépendent de la qualité et de la quantité de cet apport sanguin.
Certaines raisons affectent la qualité du sang. – La qualité du sang est affectée par trois ou quatre causes. En premier lieu, le sang est élaboré à partir de la nourriture ; plus la nourriture est nutritive et facile à digérer, plus les propriétés du sang seront vitales. La nourriture doit être également variée, fournir un régime mixte, parce que de nombreux ingrédients sont nécessaires pour suppléer aux différentes pertes dans les tissus. Les enfants sont de grands dépensiers ; leurs allées et venues incessantes, leur agitation, leur énergie, leur langue très remuante, tout cela induit une dépense de substance : la perte n’est pas quantifiable mais ils perdent quelque chose à chaque sortie soudaine, à l’extérieur ou à l’intérieur. Sans doute le gain de puissance qui résulte de l’exercice compense-t-il largement la perte de substance ; mais, tout de même, cette perte doit être promptement comblée. Non seulement le corps de l’enfant est plus actif, proportionnellement, que celui de l’homme, mais le cerveau de l’enfant, comparé à celui de l’homme, est en perpétuelle effervescence. Il a été calculé que, bien que le cerveau d’un adulte ne pèse pas plus qu’un quarantième du poids total de son corps, un cinquième ou un sixième de la totalité de sa réserve de sang sert à nourrir cet organe délicat et intensément actif ; mais, dans le cas de l’enfant, une proportion considérablement plus grande du sang est consacrée à l’approvisionnement de son cerveau. Et pendant tout ce temps, avec ces demandes excessives qui pèsent sur lui, il faut que l’enfant grandisse ! Non seulement pour compenser les pertes, mais aussi pour produire de nouvelles substances dans le cerveau et le corps.
A propos des repas. – Quelle est la conclusion évidente ? Que l’enfant doit être correctement nourri. La moitié des individus de faible vitalité que nous rencontrons sont les victimes d’une mauvaise alimentation dans leur enfance ; et cela, plus souvent parce que leurs parents n’étaient pas conscients de leur devoir à cet égard, que parce qu’ils n’étaient pas en mesure d’offrir à leurs enfants le régime nécessaire à leur plein développement physique et mental. Des repas réguliers à des intervalles généralement ininterrompus – le déjeuner jamais plus de cinq heures après le petit déjeuner ; l’en-cas du matin, superflu ; les apports carnés, une fois ou, sous une forme plus légère, deux fois par jour – sont les recommandations de bon sens suivies dans la plupart des foyers bien organisés. Mais ce n’est pas la nourriture que l’on mange, mais bien celle que l’on digère, qui nourrit le corps et le cerveau. Et à ce propos, les considérations sont si nombreuses que nous ne pouvons que jeter un coup d’œil sur deux ou trois des plus évidentes. Tout le monde sait que les enfants ne devraient pas manger de pâtisseries, ni de porc, ni de viandes frites, ni de fromage, ni d’aliments riches et très assaisonnés d’aucune sorte ; que le poivre, la moutarde, et le vinaigre, les sauces et les épices, devraient être proscrites ainsi que le pain blanc, les gâteaux gras et les confitures, comme celles de prunes ou de groseilles, dans lesquelles l’enveloppe coriace du fruit a été conservée ; que le lait, ou le lait et l’eau, et pas trop chaud, ou le cacao, est la meilleure boisson pour les enfants, et qu’ils devraient être habitués à ne pas boire avant d’avoir fini de manger ; que les fruit frais au petit-déjeuner sont d’une valeur inestimable ; que, dans le même but, le gruau d’avoine et la mélasse, ainsi que la graisse du lard grillé, sont des aliments précieux pour le petit déjeuner ; et qu’un verre d’eau aussi, pris à la dernière heure du soir et à la première heure du matin, est utile dans le soutien de ces routines régulières desquelles dépend une grande partie de son confort de vie.
La discussion pendant les repas. – Il est inutile d’insister sur tout cela et sur bien d’autres choses du même genre ; mais permettez-moi de répéter que ce sont les aliments digérés qui nourrissent le système, et les gens ont tendance à oublier à quel point les conditions mentales et morales affectent les processus de digestion. Le fait est que les sucs gastriques qui agissent comme des solvants sur les aliments ne sont sécrétés librement que lorsque l’esprit est dans un état de gaieté et de satisfaction. Si l’enfant n’apprécie pas son repas, il l’avale, mais la digestion de ce repas désagréable est un processus laborieux, hautement entravé ; si le repas est pris en silence, sans être agrémenté d’une conversation plaisante, l’enfant perd une grande partie du « bénéfice » de son repas. Il ne s’agit donc pas du tout de les choyer, mais d’une question de santé, d’une question d’alimentation appropriée, que les enfants apprécient leur nourriture, et que leurs repas soient pris dans la joie. Néanmoins, soit dit en passant, l’excitation joyeuse est aussi néfaste que son contraire en détruisant cette humeur égale et joyeuse qui est favorable aux processus de digestion. Aucun effort ne devrait être épargné pour faire de ces heures autour de la table familiale les plus lumineuses de la journée. Cela suppose que l’on permette aux enfants de s’asseoir à la même table que leurs parents ; et, s’il est possible de le faire à chaque repas, à l’exception du souper tardif, l’avantage pour les petits est incalculable. C’est l’occasion pour les parents de leur inculquer les bonnes manières et la morale, de cimenter l’amour familial et d’habituer les enfants à des habitudes, comme celle de bien mastiquer, par exemple, aussi importante pour la santé que pour la bienséance.
Des repas variés. – Mais, même en offrant un environnement plaisant et une nourriture excellente, les besoins de ces petits êtres exigeants ne sont pas pleinement satisfaits : aussi simple que soit leur nourriture, ils doivent avoir de la variété. Un gigot de mouton chaque mardi, le même servi froid le mercredi, et haché le jeudi, peut être un très bon aliment ; cependant, l’enfant qui a ce menu semaine après semaine est insuffisamment nourri, simplement parce qu’il s’en lasse. La mère devrait imaginer une rotation pour ses enfants qui durerait au moins une quinzaine de jours, sans que le même repas n’y figure deux fois. Le poisson, surtout si les enfants en mangent sans viande à la suite, est un excellent substitut, d’autant plus qu’il est riche en phosphore – un nutriment précieux pour le cerveau. Les desserts des enfants méritent beaucoup d’attention, car ils n’aiment généralement pas les aliments gras, mais préfèrent tirer de l’énergie pour leur corps de l’amidon et du sucre de leurs desserts. Offrez-leur de la variété ; que cela ne soit pas « le sempiternel tapioca ». Même pour le goûter ou le petit déjeuner, la mère avisée ne dit pas « Je donne toujours à mes enfants » telle ou telle chose. Ils ne devraient pas avoir quoi que ce soit « toujours » ; chaque repas devrait réserver une petite surprise. Mais ne serait-ce pas la façon de trop les faire réfléchir à ce qu’ils vont manger et boire ? Au contraire, ce sont les enfants mal nourris qui sont gourmands, incapables d’apprécier toute gourmandise inhabituelle.
L’air aussi important que la nourriture. – La qualité du sang dépend presque autant de l’air que nous respirons que de la nourriture que nous mangeons ; toutes les deux ou trois minutes, tout le sang du corps passe par les interminables ramifications des poumons, sans autre but que celui, durant son passage, d’être rechargé par l’oxygène contenu dans l’air tiré jusque dans les poumons par le mécanisme de la respiration. Mais que peut-il arriver au sang au cours d’une exposition de si courte durée ? Tout simplement cela : toutes les caractéristiques, même la couleur, du sang se modifient : il pénètre dans les poumons dégradé, ne pouvant plus soutenir la vie ; il en sort, un pur fluide vital. Or, le sang n’est complètement oxygéné que lorsque l’air contient toute sa proportion d’oxygène, et chaque chose respirant et brûlant retire un peu d’oxygène de l’atmosphère. D’où l’importance de donner aux enfants des aérations quotidiennes, et de permettre à leurs membres et à leurs poumons de s’exercer abondamment dans un air non vicié et non appauvri.
Les enfants marchent tous les jours. – « Les enfants marchent tous les jours ; ils ne sortent jamais moins d’une heure lorsque le temps est clément. » Voilà qui est mieux que rien ; tout comme ceci : une maîtresse d’école de l’Est de Londres remarque la mine pâle de l’une de ses meilleures élèves. « Avez-vous déjeuné, Nellie ? » « Oui-i » (hésitante). « Qu’avez-vous mangé ? » « Mère nous a donné à Jessie et moi un demi-penny pour acheter nos déjeuners et nous l’avons entièrement dépensé en pastilles à l’anis – elles durent plus longtemps que le pain » – l’implorant du regard pour que son extravagance ne soit pas sanctionnée. Les enfants ne se développent pas au mieux avec des pastilles à l’anis en guise de déjeuner, pas plus qu’avec une heure quotidienne « de petits tours ». Il est possible que la science nous rappelle de plus en plus le fait que la vie animale, passée sous abri, est maintenue dans des conditions artificielles, tout comme l’est la vie végétale dans une serre. C’est sur ce point que la plupart des nations du Continent ont l’avantage sur nous : elles conservent l’habitude de la vie au grand air ; et, par conséquent, le Français, l’Allemand, l’Italien, le Bulgare moyens sont plus joyeux, plus simples et plus robustes que l’Anglais moyen. Le climat ? Charles II ne s’est-t-il pas prononcé – et il le savait – en faveur du climat britannique parce que vous pouviez être à l’extérieur « plus d’heures par jour et plus de jours dans l’année » en Angleterre que dans « n’importe quel autre pays » ? Nous perdons de vue le fait que nous ne sommes pas comme ce personnage historique qui « ne vivait que de victuailles et de boissons. » Nous disons à l’invalide qui ne peut pas manger : « Vous ne pouvez pas vivre d’air ! » Non, nous ne pouvons pas vivre d’air ; mais, s’il faut choisir parmi les trois sources de vie, c’est l’air qui nous soutiendra le plus longtemps. Nous savons tout cela ; nous sommes extrêmement lassés par ce sujet ; il suffit que votre œil attrape le mot « oxygénation » sur une page pour que l’organe bien entraîné saute ce paragraphe de lui-même. Il n’est pas nécessaire d’expliquer à l’écolier de Macaulay, ou à qui que ce soit d’autre, comment le sang du corps est amené aux poumons et y est répandu dans une immense étendue d’innombrables « tuyaux » afin d’être exposé momentanément à l’oxygène de l’air ; comment l’air est fait pour agir sur le sang, tout prêt à se propager, par l’action de la respiration similaire à celle d’un soufflet ; comment l’air pénètre les parois très minces des tuyaux ; et alors, voici une transmutation magique (ou chimique) ; le liquide usé et sans valeur du système devient en un instant le riche fluide vivifiant dont la fonction est de constituer les tissus des muscles et des nerfs. Et ce Prospero qui porte une cape ? L’oxygène, voici son nom ! et la merveille qu’il accomplit en nous une quinzaine de fois par minute est probablement sans équivalent dans l’ensemble des merveilles que nous « totalisons » avec une connaissance facilitée, en considérant la « vie » et en portant… un code !
L’oxygénation a ses limites. – Nous savons tout à ce sujet ; ce que nous oublions, peut-être, c’est que même l’oxygène a ses limites : rien ne peut agir sauf là où il se trouve, et les déchets qui accompagnent le travail est vrai pour ce gaz vital comme pour les autres matières. Le feu, la lampe et les êtres qui respirent sont tous des consommateurs de l’oxygène qui les fait vivre. Qu’est-ce qui s’ensuit ? Que cet élément, qui est présent à raison de 23 % dans l’air pur, est soumis à un énorme débit entre les quatre murs d’une maison, où l’air est plus ou moins stationnaire. Je ne parle pas ici de l’altération de l’air – seulement de la diminution de cet élément vital. Pensez, à nouveau, à la forte consommation d’oxygène qui doit soutenir les multitudes de feux et les nombreux êtres respirants rassemblés dans une grande ville ! La question « Qu’est-ce qui en résulte ? » est strictement vitale. L’homme ne peut jouir pleinement d’une existence joyeuse et vigoureuse que lorsque son sang est parfaitement aéré ; et cela se produit lorsque l’air qu’il inhale contient tout son complément d’oxygène. Est-il exagéré de dire que la vitalité est réduite, toutes choses égales par ailleurs, lorsque les personnes vivent en maison plutôt qu’en plein air ? L’air appauvri maintient la vie à un niveau faible et médiocre ; c’est pourquoi dans les grandes villes, la stature diminue, la poitrine se contracte, les hommes vivent à peine le temps de voir les enfants de leurs enfants. Bien entendu, nous avons besoin d’avoir des maisons pour nous abriter des intempéries le jour et pour nous reposer la nuit ; mais si nous cessons de rendre nos maisons « confortables », si nous les considérons seulement comme des abris nécessaires lorsque nous ne pouvons pas sortir, nous jouirons alors pleinement de la vitalité vigoureuse qui peut s’offrir à nous.
L’air non renouvelé. – Parents des enfants de la ville au visage pâle, pensez à tout cela ! Les enfants des rues qui se nourrissent des restes de la rue se portent mieux (et ont meilleure mine) à cet égard que vos précieux chéris, parce qu’ils disposent d’une plus grande quantité du premier élément essentiel à la vie : l’air. Il y a une certaine circulation d’air même dans les bas-fonds de la ville, et l’enfant qui passe ses journées dans les rues est mieux alimenté en oxygène que celui qui passe le plus clair de son temps dans l’air non-renouvelé d’un appartement spacieux. Mais ce n’est pas l’air de la rue que les enfants veulent, c’est l’air délicieux et vivifiant de la campagne. Les dépenses des enfants pour vivre devancent considérablement celles des adultes. L’activité sans fin de l’enfant, tandis qu’il développe ses muscles, est maintenue aux dépens d’une grande perte de tissu. C’est le sang qui transporte les matériaux nécessaires à la réparation de cette perte. L’enfant doit faire grandir chaque partie de lui, et c’est le sang qui apporte la matière nécessaire à la construction de nouveaux tissus. Encore une fois, nous savons que le cerveau est, sans proportion avec sa taille, le grand consommateur de la réserve sanguine ; et le cerveau de l’enfant, avec son activité ardente, avec sa double croissance, est insatiable dans ses demandes !
« Je nourris Alice avec du bouillon de bœuf ». – « Je nourris Alice avec du bouillon de bœuf, de l’huile de foie de morue et toutes sortes de choses nourrissantes, mais c’est très décourageant, l’enfant ne prend pas de poids ! ». Il est probable qu’Alice respire vingt-deux heures sur vingt-quatre l’air appauvri, et plus ou moins vicié, que renferment les quatre murs d’une maison. L’enfant est pratiquement affamée ; car la nourriture qu’elle mange est très imparfaitement et insuffisamment transformée en sang aéré qui nourrit les tissus du corps.
Et si elle souffre d’inanition corporelle, qu’en est-il de l’esprit avide, actif, curieux, affamé de cette petite fille ? « Oh, elle a ses leçons chaque jour. ». Probablement : mais les leçons qui traitent des mots, et l’évocation seule des choses, n’est pas ce que l’enfant veut. Il n’y a aucune expérience plus appropriée aux premières années d’un enfant que celle du nom, de l’apparence et du comportement in situ de chaque objet naturel auquel il peut accéder. « Il a laissé le souvenir de ses merveilles. »
« Pendant trois ans, elle grandit au soleil et sous la pluie,
Puis la Nature a dit : « Une fleur plus belle
N’a jamais été semée sur terre :
Je vais prendre cette enfant pour moi :
Elle sera à moi, et j’en ferai
Une dame de mon choix.
*
Elle sera sportive comme le faon,
qui s’élance avec joie sur la pelouse
ou dans la montagne ;
Et à elle sera le baume du souffle,
Et à elle le silence et le calme
Des choses muettes et insensibles.
*
Les étoiles de minuit lui seront chères;
Et elle prêtera l’oreille
Dans bien des endroits secrets
Où les ruisseaux dansent leur ronde errante,
Et la beauté née du murmure
Passera sur son visage. »
La ventilation intérieure. – Nous aurons l’occasion de parler plus longuement des aérations en extérieur ; mais la ventilation en intérieur est vraiment tout aussi importante, car, si les tissus sont nourris de sang impur pendant toutes les heures que l’enfant passe dans la maison, le mal ne sera pas réparé dans les intervalles plus courts passés à l’extérieur. Mettez deux ou trois corps respirant, ainsi que le feu et le gaz, dans une pièce, et il est incroyable de constater à quel point l’air devient vite vicié s’il n’est pas constamment renouvelé ; c’est-à-dire si la pièce n’est pas bien aérée. Nous savons ce que c’est que de sortir au grand air et de se plaindre que la pièce est étouffante ; mais asseyez-vous dans la pièce quelques minutes et vous vous habituez à son atmosphère confinée ; les sens ne sont plus un guide fiable.
La ventilation. – Par conséquent, il faut prendre des dispositions régulières pour ventiler les pièces en fonction de la sensibilité de leurs habitants ; le haut de la fenêtre devrait être ouvert d’un pouce au moins, jour et nuit, afin de rendre la pièce relativement sûre, car cela permet à l’air vicié de s’échapper et, étant léger, de monter, laissant place à l’entrée d’un air plus froid et plus frais par les fentes et les fissures des portes et des planchers. Une cheminée ouverte est un ventilateur utile, mais non suffisant ; il va sans dire que l’obstruction des cheminées dans les chambres à coucher est suicidaire. Il est particulièrement important d’habituer les enfants à dormir avec une fenêtre ouverte d’un pouce ou deux, ou plus, tout au long de l’année – autant que vous le souhaitez en été.
L’air sain de la nuit. – Une idée répandue veut que l’air de la nuit soit malsain ; mais si l’on considère que l’air sain est celui qui contient son intégralité d’oxygène, et son intégralité, négligeable, d’acide carbonique, et que tous les objets qui brûlent – feu, fourneau, lampe à gaz – dégagent de l’acide carbonique et consomment de l’oxygène, on verra que l’air de la nuit est, dans des circonstances ordinaires, plus sain que l’air du jour, simplement parce que son gaz vital est moins épuisé. Lorsque les enfants sortent d’une pièce qu’ils occupent habituellement, la nurserie ou la salle du petit-déjeuner, c’est l’occasion de l’aérer complètement en ouvrant grand les fenêtres et les portes afin de créer un courant d’air abondant.
Du soleil. – Mais ce n’est pas seulement de l’air, et de l’air pur, que les enfants doivent avoir pour que leur sang soit de la « meilleure qualité », comme le disent les publicités. Un sang sain est extrêmement riche en minuscules corps rouges en forme de disque, appelés globules rouges, qui, dans des circonstances favorables, sont produits librement dans le sang lui-même. Or, on observe que les personnes qui vivent au soleil ont un teint rosé – ce qui signifie que leur sang contient un grand nombre de ces globules rouges ; tandis que les pauvres âmes qui vivent dans les caves et les allées sans soleil ont une peau de la couleur du papier brun-blanc. Par conséquent, on peut conclure que la lumière et le soleil sont favorables à la production de globules rouges dans le sang ; et, par conséquent, les chambres des enfants devraient être du côté ensoleillé de la maison, avec une orientation sud si possible. En fait, toute la maison devrait être claire et lumineuse pour leur bien ; les arbres et les dépendances qui obstruent l’ensoleillement et rendent les chambres d’enfants ternes devraient être enlevés sans hésitation.
La transpiration libre. – Un autre point doit être pris en compte afin de garantir que le cerveau soit nourri par un sang sain. Le sang reçoit et élimine les déchets des tissus, et la peau est l’un des agents les plus importants grâce auquel il accomplit ce nécessaire travail d’épuration. Des millions de pores invisibles perforent la peau, chacun d’eux étant l’embouchure d’un tube minuscule, et chacun de ces pores est utilisé sans interruption, tant que le corps est en bonne santé, pour évacuer la transpiration – c’est-à-dire les déchets des tissus – sur la peau.
La transpiration imperceptible. – Lorsque les sécrétions sont excessives, nous sommes conscients de l’humidité sur la peau ; mais, que nous en soyons conscient ou non, la sécrétion se poursuit en permanence ; et, qui plus est, si elle est empêchée, ou si une partie considérable de la peau est laquée, de sorte qu’elle devient imperméable, la mort s’ensuit. C’est pourquoi les gens meurent à la suite de brûlures qui blessent une grande surface de la peau, bien qu’elles ne touchent aucun organe vital. La multitude de minuscules tubes qui devraient évacuer les matières nocives du sang est fermée, et, bien que la surface restante de la peau et les autres organes excréteurs travaillent davantage, il est impossible de compenser la perte de ce que l’on peut appeler un drainage efficace sur une surface considérable. Par conséquent, si l’on veut que le cerveau soit dûment nourri, il est important de maintenir toute la surface de la peau en état de rejeter librement les déchets du sang.
Le bain quotidien et les vêtements perméables. – De cela, découlent deux observations : de la première, la nécessité du bain quotidien suivi d’un frottement vigoureux de la peau, il est inutile d’en dire plus ici. Nous préférons insister sur les vêtements perméables qui permettent aux enfants de laisser passer instantanément les émanations de la peau. Pourquoi les femmes délicates s’évanouissaient-elles ou, en tout cas, « se sentaient-elles faibles », lorsqu’on avait coutume d’aller à l’église en manteau de peau de phoque ? Pourquoi les personnes qui dorment sous des duvets, ou même sous des couettes en soie ou en coton, se lèvent-elles souvent sans être revigorées ? Pour une seule et même raison : leurs couvertures ont entravé le passage de la transpiration imperceptible, et ont ainsi empêché la peau de remplir sa fonction de débarrasser le sang de ses impuretés. Il est surprenant de constater la perte constante de vitalité que subissent de nombreuses personnes sans autre cause que le caractère inadapté de leurs vêtements. Les enfants ne peuvent pas être mieux habillés qu’avec des vêtements de laine, de flanelle et de serge, de différentes épaisseurs, pour l’été et l’hiver. Les lainages présentent d’autres avantages par rapport au coton et au lin, outre celui d’être respirants. La laine est un mauvais conducteur, et ne permet donc pas à la chaleur de s’échapper trop librement ; elle est absorbante, et soulage donc la peau des sensations de moiteur créées par la transpiration. Nous nous porterions mieux si nous pouvions nous décider à dormir dans la laine, en abandonnant le lin ou le coton au profit de draps faits d’une étoffe de laine légèrement tissée.
Nous pourrions dire beaucoup de choses sur cette question de la nutrition du cerveau, dont dépend la possibilité même d’une éducation saine. Mais nous aurons accompli quelque chose de bien si le pourquoi de seulement deux ou trois règles pratiques de santé est rendu si clair qu’il est impossible de les contourner sans avoir le sentiment d’enfreindre la loi.
Je crains que le lecteur ne soit enclin à penser que j’attire son attention principalement sur quelques questions physiologiques – le niveau le plus bas de l’échelle éducative. Mais aussi bas puisse-t-il être, c’est le premier niveau, l’étape nécessaire avant tous les autres. Car il n’est pas exagéré de dire que, dans l’état actuel de notre existence, la vie intellectuelle, morale et même spirituelle, ainsi que le progrès, dépendent largement des conditions physiques. Cela ne signifie pas qu’un homme beau soit nécessairement bon et intelligent ; mais que l’homme bon et intelligent a besoin de beaucoup de substance animale pour compenser la dépense de tissus qu’entraîne l’exercice de sa vertu et de son intelligence. Par exemple, est-il plus facile d’être aimable, gentil, franc, avec ou sans mal de tête ou névralgie ?
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7. « Le règne de la Loi » dans l’éducation
Le bon sens et les bonnes intentions. – D’ailleurs, bien que cette culture physique du cerveau ne soit que la base de l’éducation, la méthode qu’elle emploie indique ce que devrait être la méthode de toute éducation ; c’est-à-dire un progrès ordonné et réglementé sous la direction de la Loi. La raison pour laquelle l’éducation a tellement moins d’effets que ce qu’elle devrait avoir est simplement que, dans neuf cas sur dix, de bons parents raisonnables se fient trop à leur bon sens et à leurs bonnes intentions, oubliant que le bon sens doit se donner la peine de s’instruire sur la nature du sujet, et que les efforts bien intentionnés sont vains s’ils ne sont pas menés dans l’obéissance aux lois divines, lois qui peuvent être lues dans de nombreux cas, non pas dans la Bible, mais dans les faits de la vie.
Les vies respectueuses des lois sont souvent plus irréprochables que les vies pieuses. – C’est une honte pour les croyants que ceux dont la plus haute profession est de ne pas savoir, et donc de ne pas croire, puissent mener des vies plus irréprochables, plus libérées des défauts de leur tempérament, du vice de l’égoïsme, que beaucoup de gens sincèrement religieux. C’est un fait auquel seront confrontés les enfants un jour ou l’autre et qui nécessitera une explication ; et de surcroît, c’est un fait qui aura plus de poids pour peu qu’ils y soient confrontés par le biais d’une personne à laquelle ils portent de la considération et de l’amour, plutôt que tout l’enseignement religieux qu’ils auront pu recevoir. Cela me semble être le danger menaçant en ce qui concerne cette dépendance avérée et cette allégeance à Dieu Tout-Puissant que nous reconnaissons comme religion – non pas la méchanceté, mais la bonté d’une école qui refuse d’admettre une telle dépendance et allégeance.
Mon sentiment à propos de ce danger est la raison pour laquelle j’offre le peu que j’ai à dire sur le sujet de l’éducation, – ce que je perçois de ce danger, et ma conviction qu’il n’est pas un si grand danger après tout, et que les parents de la classe cultivée sont compétents pour s’en occuper, et sont précisément les seules personnes qui peuvent l’affronter.
L’esprit et la matière sont régis par la loi de façon égale. – Quant à cette morale supérieure de certains non-croyants, en supposant que nous l’accordions, à quoi correspond-elle ? Simplement à ceci, que l’univers de l’esprit, comme l’univers de la matière, est gouverné par des lois non écrites de Dieu ; que l’enfant ne peut pas faire des bulles de savon ou avoir des pensées volages autrement qu’en obéissant aux lois divines ; que toute sécurité, tout progrès et tout succès dans la vie proviennent de l’obéissance à la loi, aux lois de la science mentale, morale ou physique, ou de cette science spirituelle que la Bible expose ; qu’il est possible d’établir des lois et de les respecter sans reconnaître le Législateur, et que ceux qui vérifient et respectent toute loi divine héritent de la bénédiction due à l’obéissance, quelle que soit leur attitude à l’égard du Législateur ; tout comme l’homme qui sort sous un soleil de plomb est réchauffé, même s’il ferme les yeux et refuse de voir le soleil. Inversement, ceux qui ne se donnent pas la peine d’étudier les principes qui régissent l’action et la pensée humaines ratent les bénédictions qu’entraine l’obéissance à certaines lois, bien qu’ils puissent hériter des meilleures bénédictions qui découlent d’une relation reconnue avec le Législateur.
L’antagonisme à la loi montré par certaines personnes religieuses. – Ces dernières bénédictions sont si indiciblement satisfaisantes, que bien souvent le croyant qui en jouit n’en veut plus. Il ouvre la bouche et aspire de l’air pour le plaisir qu’il a dans la loi, il est vrai ; mais c’est seulement la loi de la vie spirituelle. Concernant les autres lois de Dieu qui régissent l’univers, il adopte parfois une attitude d’antagonisme, presque de résistance, digne d’un infidèle. Il ne lui importe pas de savoir qu’il est terriblement et merveilleusement fait ; il ne se soucie pas de savoir comment le cerveau, ni comment l’essence plus subtile que nous appelons esprit évolue et se développe en obéissant à des lois. Il y a des esprits pieux pour qui le désir d’examiner ces choses a un goût d’incrédulité, comme si c’était déshonorer le Tout-Puissant que de s’apercevoir qu’il accomplit Ses œuvres glorieuses au moyen de lois glorieuses. Ils n’acceptent aucune loi, sauf les lois du royaume de la grâce. Pendant ce temps, le non-croyant, qui n’attend aucune aide surnaturelle, s’efforce de découvrir et de se conformer à toutes les lois qui régissent la vie naturelle – physique, mentale, morale ; toutes les lois de Dieu, en fait, à l’exception de celles de la vie spirituelle que le croyant s’approprie comme son héritage particulier. Mais ces lois qui sont laissées à Ésaü sont aussi des lois de Dieu, et leur observation est accompagnée de telles bénédictions, que les enfants des croyants disent : « Comment se fait-il que ceux qui ne reconnaissent pas la Loi comme étant de Dieu soient meilleurs que nous qui la reconnaissons ? »
Les parents doivent se familiariser avec les principes de la physiologie et de la science morale. – Or, les parents croyants n’ont pas le droit de laisser à leurs enfants cette difficulté cruciale. Ils n’ont pas le droit, par exemple, de prier pour que leurs enfants deviennent sincères, diligents, droits et en même temps de négliger de se familiariser avec les principes de la science morale dont l’observation les guidera vers la vérité, la diligence et la droiture de caractère. Car telle est aussi la loi de Dieu. Observez, non pas dans la connaissance de Dieu, la chose qui vaut le plus la peine d’être vécue : aucune science mentale, ni aucune science morale, ne s’engage à révéler cela. Ce que je soutiens, c’est que ces sciences ont leur rôle à jouer dans l’éducation de la race humaine, et que le parent ne peut les ignorer impunément. Mon effort, dans ce volume et dans les suivants de la série, sera d’esquisser grossièrement une méthode d’éducation qui, reposant sur une base de loi naturelle, peut sembler, sans présomption, hériter de la bénédiction Divine. Toute esquisse que je peux offrir dans ce court accomplissement doit être très imparfaite et très incomplète ; mais une suggestion ici et là peut suffire à mettre des parents intelligents sur des lignes de pensée profitables en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants.
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PARTIE II – La vie en plein air pour les enfants
1. Le temps de la pleine croissance
Les repas à l’extérieur. – Les gens qui vivent à la campagne connaissent très bien la valeur de l’air frais et leurs enfants vivent à l’extérieur, avec des intervalles pour dormir et manger. Mais, même les gens de la campagne ne profitent pas pleinement de leurs possibilités. Les jours de beau temps, lorsqu’il fait assez chaud pour s’asseoir dehors avec des couvertures, pourquoi ne pas servir le thé et le petit-déjeuner, tout sauf un déjeuner chaud, à l’extérieur ? Car nous sommes une génération surmenée, qui court nerveusement, la tête dans le guidon ; pourtant chaque heure passée au grand air est un gain évident, qui tend à l’augmentation de la puissance cérébrale et de la vigueur corporelle, et à la prolongation de la vie elle-même. Ceux qui savent ce que c’est que d’avoir la peau fiévreuse et le cerveau palpitant délicieusement apaisés par la fraîcheur de l’air sont enclins à établir une nouvelle règle de vie : Ne jamais être à l’intérieur quand on peut à juste titre être à l’extérieur.
Outre le gain d’une heure ou deux à l’air libre, il y a ceci à considérer : les repas pris à l’extérieur sont généralement joyeux, et il n’y a rien de tel que la joie pour transformer la viande et la boisson en sang et tissus sains. Pendant tout ce temps, les enfants enregistrent aussi les souvenirs d’une enfance heureuse. Dans cinquante ans, ils verront l’ombre des branches dessiner des motifs sur la nappe blanche. Le soleil, les rires des enfants, le bourdonnement des abeilles et le parfum des fleurs sont mis en bouteille pour un rafraîchissement ultérieur.
Pour les habitants des villes et des banlieues. – Mais ce ne sont que les personnes qui vivent, pour ainsi dire, dans leur propre jardin qui peuvent prendre l’habitude de donner le goûter à leurs enfants à l’extérieur. Pour le reste d’entre nous, et la plupart d’entre nous, qui vivons dans des villes ou dans les banlieues des villes, cela suppose une question plus large : combien d’heures par jour en plein air les enfants devraient-ils avoir ? Et comment est-il possible de leur assurer cela ? En ces temps de pression extraordinaire, éducative et sociale, le premier devoir de la mère envers ses enfants est peut-être de leur assurer une période de croissance tranquille, six années complètes de vie paisible, dont les temps d’éveil seraient passés en grande partie au grand air. Et cela, non pas pour le seul gain de santé physique – le corps et l’âme, le cœur et l’esprit sont nourris avec des aliments qui leur conviennent lorsque les enfants sont laissés seuls, sans frictions et sans stimulus, parmi des influences heureuses qui les poussent à être bons.
Les possibilités d’une journée en plein air. – « Je mets un point d’honneur, dit une mère judicieuse, à envoyer mes enfants dehors, si le temps le permet, pendant une heure en hiver et deux heures par jour en été. » C’est bien ; mais ce n’est pas assez. En premier lieu, ne les « envoyez » pas ; si c’est possible, emmenez-les ; car, bien que les enfants doivent être laissés à eux-mêmes, il y a beaucoup à faire et beaucoup à éviter pendant ces longues heures en plein air. Et ce devrait être effectivement de longues heures ; non pas deux, mais quatre, cinq ou six heures, chaque jour de beau temps, d’avril à octobre. Impossible ! Dit une mère surmenée qui ne voit pas d’autre solution pour ses enfants qu’une heure ou deux par jour sur les trottoirs des squares londoniens du quartier. Permettez-moi de répéter, ce que j’ose suggérer, n’est pas forcément réalisable dans toutes les familles, mais c’est ce qui me semble être absolument le meilleur pour les enfants ; et cela, dans la foi que les mères font des merveilles une fois qu’elles sont convaincues que ces merveilles sont une exigence. Un voyage de vingt minutes en train ou en bus, et un panier-repas, permettront à la plupart des citadins de passer une journée à la campagne ; et si c’est possible un jour, pourquoi pas plusieurs, voire chaque jour de beau temps ?
En supposant que nous le pouvons, que faire de ces heures d’or, pour que tout le monde soit heureux ? Elles doivent être employées en suivant une certaine méthode, sinon cela demandera trop d’efforts à la mère et les enfants s’ennuieront. Il y a beaucoup à faire pour les enfants au cours de cette grande partie de la journée. Il faut les maintenir en permanence dans une humeur joyeuse, sinon ils manqueront une partie de ce que l’air béni a de fortifiant et de rafraîchissant pour eux. Il faut les laisser seuls, les abandonner souvent à eux-mêmes, pour qu’ils saisissent ce qu’ils peuvent de la beauté de la terre et des cieux ; car parmi les maux de l’éducation moderne, il y en a peu qui soient pires que celui-là, à savoir que le caquetage perpétuel de ses aînés ne laisse pas au pauvre enfant ni un instant ni un peu d’espace où s’émerveiller et grandir. En même temps, c’est l’occasion pour la mère de former l’œil et l’oreille de l’enfant, et de déposer des graines de vérité dans l’âme ouverte de l’enfant, graines qui germeront, fleuriront et porteront leurs fruits, sans autre aide ou connaissance maternelle. Ensuite, il y a beaucoup à faire en se perchant dans un arbre ou en se nichant dans la bruyère, mais le développement musculaire se fait de manière plus active, et une ou deux heures doivent être consacrées à un jeu vigoureux ; enfin, et c’est vraiment le moins important, une leçon ou deux doivent être assimilées.
Pas de livres d’histoires. – Supposons que la mère et les enfants arrivent dans un lieu de plein air où il semble régner un perpétuel après-midi. Tout d’abord, ce n’est pas son rôle de divertir les enfants : il ne devrait pas y avoir de livres d’histoires, pas de contes, aussi peu de discussions que possible, et ce, à des fins utiles. Qui pense amuser les enfants avec des histoires ou une conversation au cirque ou au théâtre ? Ici, dans la nature, n’y a-t-il pas infiniment plus de contemplations délicieuses ? Notre mère avisée envoie d’abord les enfants se dépenser dans une course effrénée, avec cris, hurlements, raffut, et toutes les extravagances qui viennent à leurs jeunes esprits. Il n’y a pas de distinction entre les grands et les petits ; ces derniers adorent suivre le sillage de leurs aînés, ils se joignent à eux aussi bien dans les leçons que dans le jeu et font selon leurs capacités. Quant au bébé, il nage dans le bonheur : débarrassé de ses vêtements, il donne des coups de pied, rampe, attrape l’herbe, fait entendre son doux rire de bébé, et assimile ses petites connaissances des formes et des propriétés à sa merveilleuse façon – vêtu d’une robe de laine, longue et ample, qui n’a pas à souffrir du pire usage qu’il puisse en faire.
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2. Visites et excursions
De temps à autre, ils reviennent vers leur mère et, alors que les esprits sont frais et les yeux vifs, elle les envoie en expédition : qui peut en voir le plus et en dire le plus sur cette colline ou ce ruisseau, cette haie ou ce bosquet là-bas ? C’est un exercice qui ravit les enfants, et qui peut être varié à l’infini, mené dans l’esprit d’un jeu, et pourtant avec l’exactitude et le soin d’une leçon.
Comment voir. – « Découvrez tout ce que vous pouvez sur cette maison au pied de la colline, mais ne soyez pas trop indiscrets. » Ils sont bientôt de retour, et il y a une foule de visages excités, un brouhaha de conversations, et des observations aléatoires sont lancées, à bout de souffle, à l’oreille de la mère. « Il y a des ruches. » « Nous avons vu beaucoup d’abeilles entrer dans l’une d’elles. » « Il y a un grand jardin. » « Oui, et il y a des tournesols dedans. » « Et des pâquerettes et des pensées », « Et il y a beaucoup de jolies fleurs bleues avec des feuilles rugueuses, mère ; que pensez-vous que cela puisse être ? » « De la bourrache pour les abeilles, très probablement ; elles en sont très friandes. » « Oh, et il y a des pommiers, des poiriers et des pruniers d’un côté ; il y a un petit chemin au milieu. » « De quel côté se trouvent les arbres fruitiers ? » « À droite… non, à gauche ; voyons, quelle est la main du dé à coudre ? Oui, c’est le côté droit. » « Et il y a des pommes de terre et des choux, de la menthe et d’autres choses de l’autre côté. » « Où sont les fleurs, alors ? » « Oh, elles sont juste au bord, elles longent chaque côté du chemin. » « Mais nous n’avons pas parlé à maman du merveilleux pommier ; je crois qu’il y a un million de pommes dessus, toutes mûres et toutes roses ! » « Un million, Fanny ? » « Eh bien, un grand nombre, maman ; je ne sais pas combien. » Et ainsi de suite, indéfiniment ; la mère obtenant peu à peu une description complète de la petite maison et de son jardin.
Les applications éducatives des excursions. – Tout cela n’est qu’un jeu pour les enfants, mais la mère fait un travail inestimable : elle entraîne leur sens de l’observation et de l’expression, accroît leur vocabulaire et leur champ d’idées en leur donnant le nom et l’usage d’un objet au moment opportun. Lorsqu’ils demandent : « Qu’est-ce que c’est ? » et « À quoi ça sert ? » et qu’elle répond de façon approfondie, en exposant les choses clairement, sans omission ou exagération, elle forme ses enfants à des habitudes de vérité. L’enfant qui décrit : « Un grand arbre, montant en pointe, aux feuilles plutôt rondes ; ce n’est pas un arbre agréable pour l’ombre, parce que les branches montent toutes. », mérite d’apprendre le nom de l’arbre et tout ce que sa mère a à lui dire à son sujet. Mais le petit maladroit, qui ne parvient pas à préciser s’il décrit un orme ou un hêtre, ne devrait pas recevoir d’encouragement ; sa mère ne doit pas bouger d’un pouce pour voir son arbre, aucune cajolerie ne doit l’amener à en parler, jusqu’à ce que, désespéré, il s’en aille et revienne avec une description plus précise – écorce rugueuse ou lisse, feuilles rugueuses ou lisses – alors la mère réfléchit, se prononce, et, plein de joie, il l’emmène voir par lui-même.
L’observation discriminante. – Peu à peu, les enfants apprennent avec discernement toutes les caractéristiques des paysages qui leur sont familiers ; et pensez à ce que représente pour la vieillesse et la quarantaine une série d’images représentées, caractéristique par caractéristique, dans la lueur ensoleillée de l’esprit de l’enfant ! Ce qu’il y a de malheureux dans les souvenirs d’enfance de la plupart des gens, c’est qu’ils sont flous, déformés, incomplets, pas plus agréables à regarder qu’une tasse cassée ou un vêtement déchiré ; et la raison en est, non pas que les anciens paysages sont oubliés, mais qu’ils n’ont jamais été vus complètement. À l’époque, on n’avait qu’une vague impression de la présence de tel ou tel objet, et naturellement, après des années, il est rare que l’on se souvienne de ces caractéristiques dont l’enfant n’avait pas conscience alors qu’il les avait devant lui.
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3. « Peindre une image »
La méthode. – Cette faculté de prendre des photographies mentales, des images exactes des beautés de la nature, nous permettant de parcourir le monde par un simple souvenir, est si délicieuse qu’il vaut la peine d’exercer les enfants d’une autre façon à cette fin, en gardant à l’esprit qu’ils voient le proche et le minuscule, et qu’ils ne peuvent être amenés à regarder le large et le lointain qu’avec un effort. Demandez aux enfants de bien regarder une parcelle de paysage, puis de fermer les yeux et de faire apparaître l’image ; si une partie est floue, ils devraient regarder à nouveau. Lorsqu’ils ont une image parfaite devant les yeux, faites-leur raconter ce qu’ils voient. Ainsi : « Je vois un étang ; il est peu profond de ce côté, mais profond de l’autre ; les arbres sont au bord de l’eau de ce côté, et vous pouvez voir leurs feuilles vertes et leurs branches si nettement dans l’eau que vous avez l’impression qu’il y a un bois en dessous. Un peu de ciel bleu avec un nuage blanc et doux touche presque les arbres dans l’eau ; et lorsque vous levez les yeux, vous voyez ce même petit nuage, mais avec beaucoup de ciel au lieu d’un morceau de forêt, car il n’y a pas d’arbres là-haut. Il y a de jolis nénuphars jaunes le long du bord de l’étang le plus éloigné de nous, et deux ou trois de leurs grandes feuilles rondes sont relevées comme des voiles. Près de l’endroit où je me tiens, trois vaches sont venues boire, et l’une d’elles est entrée loin dans l’eau, presque jusqu’au cou, » etc.
S’exercer à être attentif. – C’est un exercice que les enfants apprécient également, mais comme il implique un certain effort d’attention, il est fatigant et ne devrait être réalisé que de temps en temps. Il vaut cependant la peine de donner aux enfants l’habitude de mémoriser un morceau de paysage de cette manière, car c’est l’effort de rappel et de reproduction qui est fatigant ; tandis que l’acte tout à fait agréable de voir, pleinement et en détail, est susceptible d’être répété inconsciemment jusqu’à ce qu’il devienne une habitude pour l’enfant qui doit de temps en temps reproduire ce qu’il voit.
Voir pleinement et en détail. – Au début, les enfants voudront un peu d’aide dans l’art de voir. La mère dira : « Regardez le reflet des arbres ! Il pourrait y avoir un bois sous l’eau. À quoi vous font penser ces feuilles dressées ? » Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les enfants aient remarqué les points saillants de la scène. Elle va même apprendre elle-même deux ou trois scènes, et les décrire les yeux fermés pour le plaisir des enfants ; et ils sont si imitateurs, et en même temps si sensibles, que toute touche gracieuse et fantaisiste qu’elle placera dans ses descriptions sera reproduite avec des variations dans les leurs.
Les enfants prendront d’autant plus de plaisir à ce jeu de « peinture-image » si la mère l’introduit en décrivant une grande galerie d’images qu’elle a vue – des images de montagnes, de landes, de mers agitées, de champs labourés, de petits enfants en train de jouer, d’une vieille femme qui tricote, – et elle poursuivra en disant que, bien qu’elle ne peigne pas ses images sur des toiles et ne les fasse pas encadrer, elle porte avec elle une grande galerie d’images ; car chaque fois qu’elle voit quelque chose de beau ou d’intéressant, elle le regarde jusqu’à ce qu’elle ait l’image en tête ; puis elle l’emporte avec elle, faisant sienne pour toujours une image qu’elle peut voir quand elle le veut.
Un moyen de réconfort et de ressourcement. – Cette habitude de voir et de mémoriser est un moyen de réconfort et de ressourcement. Les plus occupés d’entre nous ont des vacances lorsqu’ils s’échappent et se retrouvent face à la nature, pour être guéris et bénis par
« Le baume de la respiration,
Le silence et le calme
des choses muettes et insensibles. »
Ce ressourcement immédiat est accessible à chacun selon sa mesure ; mais c’est une erreur de supposer que chacun est capable d’emporter une image ressourçante de ce qui le ravit. Seuls quelques-uns peuvent, comme William Wordsworth, dire des scènes qu’ils ont visitées :
« Bien qu’absent depuis longtemps,
Ces formes de beauté n’ont pas été pour moi
Comme un paysage l’est pour l’oeil d’un aveugle ;
Mais souvent, dans les chambres solitaires, et au milieu du vacarme
Des villes et des villages, je leur ai dues,
Dans les heures de fatigue, de douces sensations,
Ressenties dans le sang, et ressenties dans le coeur ;
Et passant même dans mon esprit plus pur,
Avec une restauration tranquille. »
Et pourtant, il ne s’agit pas là d’un don poétique élevé que nous devons nous contenter d’admirer, mais une récompense normale pour le soin apporté à l’acte de voir, soin que les parents peuvent grandement contribuer à conférer à leurs enfants.
La mère doit prendre garde de ne pas gâcher la simplicité, le caractère objectif du plaisir de l’enfant, en traitant ses petites descriptions comme des prouesses d’intelligence à répéter à son père ou aux visiteurs ; elle ferait mieux de se réprimer, « de ne rien dire à personne », du moins en sa présence, même si l’enfant se montrait un poète né.
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4. Fleurs et arbres
Les enfants devraient connaître les grandes cultures. – Au cours de ces excursions et de ces « peintures de scènes », les enfants auront l’occasion de se familiariser avec les objets et les travaux ruraux. S’il y a des terres agricoles dans les environs, ils devraient connaître les prés et les pâturages, le trèfle, le navet et le champ de maïs, sous tous les aspects, du labour de la terre à la récolte.
Les fleurs des champs et le cycle biologique des plantes. – Le polygale, l’euphraise, la bugrane, le gaillet, l’épilobe, ils devraient connaître toutes les fleurs sauvages qui poussent dans leur voisinage parfaitement ; ils devraient être capables de décrire la feuille – sa forme, sa taille, sa croissance à partir de la racine ou de la tige ; le mode de floraison – une tête de fleurs, une fleur unique, un épi, etc. Et, après avoir fait la connaissance d’une fleur sauvage, afin de ne jamais l’oublier ou la confondre, ils devraient examiner l’endroit où ils l’ont trouvée, afin de savoir à l’avenir dans quel type de terrain chercher telle ou telle fleur. « Nous devrions trouver du thym sauvage ici ! », « Oh, c’est l’endroit idéal pour les soucis des marais ; nous devons venir ici au printemps. » Si la mère n’est pas une grande botaniste, elle trouvera très utile le livre Wild Flowers de Mlle Ann Pratt, planches en couleur, qui permettent d’identifier les fleurs par des noms anglais courants, ainsi que des faits et des fantaisies agréables qui ravissent les enfants. Faire des collections de fleurs sauvages pour les différents mois, les presser et les monter soigneusement sur des carrés de papier cartonné, avec leur nom anglais, l’habitat et la date de leur découverte, constitue une occupation très agréable et, en même temps, une formation utile : il est encore mieux d’habituer les enfants à faire des dessins soignés au pinceau pour les fleurs qui les intéressent, de la plante entière si possible.
L’étude des arbres. – Les enfants devraient également être familiarisés très tôt avec les arbres ; ils devraient choisir une demi-douzaine d’arbres, chêne, orme, frêne, hêtre, dans leur nudité hivernale, et les considérer comme leurs amis pour toute l’année. En hiver, ils observeront les tresses claires du bouleau, les bras noueux du chêne, la croissance vigoureuse du sycomore. Ils pourront attendre l’arrivée des premières feuilles pour apprendre le nom des arbres. Au fur et à mesure que le printemps avance, on peut observer un raidissement général et un soupçon de vie dans les branches encore nues ; la vie s’agite dans le beau mystère des bourgeons, un nid de délicates petites feuilles reposant dans une chaleur duveteuse et protégées dans de nombreuses enveloppes étanches ; le chêne et l’orme, le hêtre et le bouleau, chacun a sa propre façon de plier et d’emballer ses petites feuilles ; observez les « rouges bourgeons du tilleul » et le frêne, avec son joli bourgeon en forme de pied de cerf, pas vert mais noir :
« Plus noir que les bourgeons de hêtre au début du mois de mars. »
Suivre les saisons. – Qu’il est difficile de suivre le rythme des merveilles qui se déploient au cours de « l’heureuse saison d’abondance ». Il y a les chatons qui pendent et les petites fleurs pistillées rouge rubis du noisetier – deux sortes de grappes de fleurs sur un seul arbre ; et les chatons staminés duveteux du saule ; et l’éclosion festive de tous les arbres en un beau feuillage ; l’apprentissage des formes des feuilles à mesure qu’elles sortent, et le nom des arbres à partir de ces signes et d’autres. Puis viennent les fleurs, chacune bien enfermée dans le coffret délicat que nous appelons un bourgeon, aussi astucieusement enveloppées que les feuilles dans leurs bourgeons, mais moins soigneusement gardées, car la plupart de ces « doux nourrissons » retardent leur arrivée jusqu’à ce que la terre ait un lit chaud à offrir, et que le soleil leur fasse un accueil chaleureux.
Leigh Hunt sur les fleurs. – « Supposons, dit Leigh Hunt, que les fleurs elles-mêmes soient nouvelles ! Supposons qu’elles viennent d’arriver au monde, douce récompense d’une nouvelle bonté… Imaginez ce que nous ressentirions en voyant la première tige latérale se détacher de la tige principale et produire une feuille. Comme nous devrions regarder la feuille déployer progressivement sa petite main gracieuse ; puis une autre, puis une autre ; puis la tige principale se dresser et produire plus ; puis l’une d’entre elles offrir des indices sur l’étonnante nouveauté : un bourgeon ! Puis ce mystérieux bourgeon se déploie progressivement comme la feuille, nous surprenant, nous enchantant, nous alarmant presque de plaisir, comme si nous ne savions pas quel enchantement allait suivre, jusqu’à ce qu’enfin, dans toute sa beauté féérique, et sa volupté odorante, et l’élaboration mystérieuse d’une sculpture tendre et vivante, resplendisse la fleur rougissante. » Les fleurs, il est vrai, ne sont pas nouvelles ; mais les enfants le sont ; et c’est la faute de leurs parents si chaque nouvelle fleur qu’ils rencontrent n’est pas pour eux une Picciola, un mystère de beauté à regarder de jour en jour avec un émerveillement et un plaisir indicibles.
Entre-temps, nous avons perdu de vue cette demi-douzaine d’arbres de la forêt que les enfants ont choisi comme camarades pour l’année. Ils ont maintenant la joie de découvrir que les grands arbres ont aussi des fleurs, des fleurs très souvent de la même teinte que leurs feuilles, et que certains arbres retardent l’apparition de leurs feuilles jusqu’à ce que leurs fleurs soient tombées. Ensuite, il y a les fruits, et la découverte que chaque arbre – à quelques exceptions près qu’ils n’ont pas encore besoin d’apprendre – et chaque plante porte des fruits, « du fruit et de la semence selon son espèce ». Pour les personnes plus âgées, tout cela n’est qu’un savoir périmé, mais l’un des secrets de l’éducateur est de ne rien présenter comme un savoir périmé, mais de se mettre à la place de l’enfant, de s’émerveiller et d’admirer avec lui ; car chaque miracle commun que l’enfant voit de ses propres yeux fait de lui, pour le moment, un autre Newton.
Les calendriers. – C’est une bonne idée que les enfants tiennent un calendrier – la première feuille de chêne, le premier têtard, la première primevère, le premier chaton, les premières mûres, où et quand ils les ont vus. L’année suivante, ils sauront quand et où chercher leurs favoris, et seront, chaque année, en mesure d’ajouter de nouvelles observations. Pensez au piquant et à l’intérêt, qu’une telle pratique donnera aux promenades quotidiennes et aux petites excursions. Il n’y a guère de jour où l’on ne s’attende pas à ce qu’un nouvel ami ne soit invité à « la maison » pour la première fois.
Le journal de la nature. – Dès qu’il est capable de le tenir lui-même, un journal de la nature est une source de joie pour un enfant. Chaque jour de promenade lui donne quelque chose à noter : trois écureuils dans un mélèze, un geai volant à travers tel champ, une chenille grimpant sur une ortie, un escargot mangeant une feuille de chou, une araignée tombant soudainement sur le sol, là où il a trouvé du lierre terrestre, comment il poussait et quelles plantes poussaient avec lui, comment le liseron ou le lierre réussissait à grimper. D’innombrables sujets à enregistrer se présentent à l’enfant intelligent. Pendant qu’il est encore assez jeune (cinq ou six ans), il devrait commencer à illustrer ses notes librement avec des aquarelles ; il devrait recevoir un peu d’aide au début pour mélanger les couleurs, sous forme de principes et non de directives. On ne devrait pas lui dire d’utiliser ceci et cela, mais « nous obtenons du violet en mélangeant ceci et cela », et ensuite il devrait être laissé à lui-même pour obtenir la bonne teinte. Quant au dessin, l’instruction a sans doute son temps et sa place ; mais son journal de la nature devrait être laissé à sa propre initiative. Un enfant de six ans produira un pissenlit, un coquelicot, une marguerite, un iris, avec ses feuilles, poussé par le désir de représenter ce qu’il voit, avec une vigueur et une exactitude surprenantes.
Un cahier d’exercices avec une couverture rigide peut servir de journal de la nature, mais il faut veiller à choisir un papier qui convient à la fois à l’écriture et à l’aquarelle.
« Je ne peux pas m’arrêter de penser. » – « Je ne peux pas m’arrêter de penser ; je ne peux pas me décider à m’asseoir ! » Pauvre petite fille ! Tous les enfants vous remercient pour avoir donné une voix à leurs malheurs ridicules. Et nous, adultes, nous avons si peu d’imagination, que nous envoyons un petit garçon au cerveau trop actif jouer tout seul dans le jardin pour échapper à la corvée des leçons. Nous sommes loin de nous douter de la façon dont le cerveau fourmille !
« Le (cerveau) humain comme la meule tourne en rond ;
S’il n’a rien d’autre à broyer, il doit lui-même être broyé. »
Mettez l’enfant à un travail précis par tous les moyens, et donnez-lui quelque chose à broyer. Mais, de grâce, laissez-le travailler avec des choses et non avec des mots – les choses de la Nature à leur place, la prairie et le bocage, le bois et le rivage.
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5. Les « créatures vivantes »
Un domaine d’intérêt et de plaisir. – En ce qui concerne les « créatures vivantes », c’est un domaine d’intérêt et de plaisir sans limites. Les animaux domestiques sont rapidement accueillis avec bienveillance par les petits. Peut-être vivent-ils trop loin de la « vraie campagne » pour que les écureuils et les lapins sauvages soient pour eux plus qu’un rêve de plaisirs possible. Mais il y a sûrement un étang accessible – par la route ou le train – où l’on peut attraper des têtards, les ramener à la maison dans un récipient, les nourrir et les observer dans tous leurs changements : les nageoires disparaissent, la queue devient de plus en plus courte, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de queue du tout et qu’une jolie petite grenouille vous regarde en face. Retournez n’importe quelle pierre par hasard, et vous pourriez tomber sur une colonie de fourmis. Nous avons toujours su qu’il était de notre devoir d’examiner leurs manières et d’être sages ; maintenant, pensez à tout ce que Lord Avebury nous a dit de cette fourmi qu’il connaissait depuis douze ans pour en faire un véritable personnage. Ensuite, il y a les abeilles. Certains d’entre nous ont peut-être entendu feu le doyen Farrar décrire cette leçon à laquelle il assistait, sur le thème « Comment va la petite abeille occupée » – le professeur était brillant, mais les enfants peu réactifs ; ils ne s’intéressaient pas du tout aux petites abeilles occupées. Il en soupçonna la raison et, interrogeant la classe, constata qu’aucun d’entre eux n’avait jamais vu d’abeille. « N’avoir jamais vu d’abeille ! Pensez un instant, dit-il, à tout ce que cela implique » ; et nous avons alors été émus par une image éloquente de cette triste vie d’enfant dont les abeilles, les oiseaux et les fleurs sont tous exclus. Mais combien d’enfants ne vivent pas dans les quartiers pauvres de Londres et sont pourtant incapables de distinguer une abeille d’une guêpe, ou même un bourdon d’une abeille à miel !
Les enfants devraient être encouragés à observer. – Les enfants devraient être encouragés à observer, patiemment et tranquillement, jusqu’à ce qu’ils apprennent quelque chose des habitudes et de l’histoire de l’abeille, de la fourmi, de la guêpe, de l’araignée, de la chenille velue, de la libellule, et de tout ce qui se trouve sur leur chemin. « Les créatures n’ont jamais d’habitudes pendant que je les regarde ! » se plaint une petite fille dans un livre d’histoires ; mais c’est sa faute ; les yeux vifs et brillants dont les enfants sont dotés ont été conçus pour voir et comprendre les faits et gestes de créatures trop petites pour être observées à l’œil nu par des personnes plus âgées. Les fourmis peuvent être observées à la maison de la manière suivante : procurez-vous deux carrés de verre de 30 cm de côté, trois bandes de verre de 29 cm de long et une bande de 28 cm de long, toutes d’une largeur de 2 cm. Le verre doit être soigneusement coupé de manière à s’adapter exactement. Placez les quatre bandes de verre sur l’un des carrés et fixez, en laissant une petite ouverture, avec de la seccotine ou tout autre bon fixateur. Récupérez dans une fourmilière une douzaine de fourmis (les fourmis jaunes sont les meilleures, car les rouges ont tendance à se quereller), quelques œufs et une reine. La reine est plus grande qu’une fourmi ordinaire et peut donc être facilement repérée. Prenez un peu de la terre de la fourmilière. Mettez la terre avec vos fourmis et vos œufs sur le carré et fixez l’autre plaque au-dessus, en laissant seulement le petit trou dans un coin, fait par la bande la plus courte, qui doit être bouché avec un peu de coton. Les fourmis seront agitées pendant, peut-être, quarante-huit heures, mais elles commenceront ensuite à s’installer et à arranger la terre. Retirez le bouchon de coton une fois par semaine et remettez-le après avoir mis deux ou trois gouttes de miel dessus. Une fois toutes les trois semaines, enlevez le bouchon pour y déposer à l’aide d’une seringue une dizaine de gouttes d’eau. Cela ne sera pas nécessaire en hiver pendant que les fourmis sont endormies. Ce « nid » durera des années.
En ce qui concerne l’horreur que certains enfants manifestent à l’égard du scarabée, de l’araignée et du ver, il s’agit généralement d’une attitude transmise par les adultes. Les enfants de Kingsley couraient vers leur « papa » avec un « délicieux ver de terre », un « charmant crapaud », un « gentil scarabée » qu’ils tenaient tendrement dans leurs deux mains. Il existe des aversions réelles que l’on n’arrive pas à surmonter, comme l’horreur personnelle de Kingsley pour les araignées ; mais les enfants qui sont habitués à tenir et à admirer les chenilles et les coléoptères depuis leur tendre enfance ne céderont pas à des peurs de ce genre. L’enfant qui passe une heure à observer le comportement d’une nouvelle « larve » qu’il a rencontré sera un homme de marque. Qu’il inscrive dans son journal tout ce qu’il découvre à son sujet – par sa mère, si l’écriture lui est pénible, – où il l’a trouvée, ce qu’elle fait ou ce qu’elle lui semble faire ; sa couleur, sa forme, ses pattes : un jour, il découvrira le nom de la créature et reconnaîtra la description d’un vieil ami.
La force de l’opinion publique à la maison. – Certains enfants sont des naturalistes nés, avec un penchant hérité, peut-être, d’un ancêtre inconnu ; mais chaque enfant a un intérêt naturel pour les choses vivantes qui l’entourent et c’est l’affaire de ses parents de l’encourager ; car peu d’enfants sont capables de tenir tête à l’opinion publique ; et s’ils voient que les choses qui les intéressent vous sont indifférentes ou dégoûtantes, leur plaisir s’évanouit, et ce chapitre du livre de la Nature se ferme pour eux. Il est probable que L’histoire naturelle de Selborne n’aurait jamais été écrite si le père du naturaliste n’avait pas eu l’habitude d’emmener ses garçons dans des expéditions quotidiennes de recherche de nourriture, au cours desquelles pas une chose en mouvement ou en croissance, pas un caillou ni un rocher à moins de deux kilomètres de Selborne, n’échappait à leur examen passionné. Audubon, l’ornithologue américain, est un autre exemple de l’effet de ce type de formation précoce. « Alors que j’avais à peine appris à marcher, dit-il, et à articuler ces premiers mots toujours si attachants pour les parents, les productions de la nature qui s’étalaient tout autour m’étaient constamment montrées du doigt… Mon père accompagnait généralement mes pas, me procurait des oiseaux et des fleurs, me faisait remarquer les mouvements élégants des premiers, la beauté et la douceur de leur plumage, les manifestations de leur plaisir ou de leur sens du danger, les formes toujours parfaites et les splendides atours des secondes. Il parlait du départ et du retour des oiseaux avec la saison, décrivait leurs repaires et, plus merveilleux que tout, le changement de leur plumage, me poussant ainsi avec enthousiasme à les étudier et à élever mon esprit vers leur grand Créateur. »
Ce que les enfants des villes peuvent faire. – Les enfants des villes peuvent prendre beaucoup de plaisir à observer les moineaux – petits oiseaux savants et faciles à apprivoiser avec des miettes – et leurs sorties les amèneront vers de nouvelles connaissances. Mais beaucoup peut être déjà fait avec des moineaux. Un ami écrit : « Avez-vous vu cet homme dans les jardins des Tuileries qui nourrit et parle à des dizaines d’entre eux ? Ils s’assoient sur son chapeau, ses mains et se nourrissent depuis ses doigts. Lorsqu’il lève les bras, ils s’envolent tous, puis se posent à nouveau sur lui et autour de lui. Je l’ai vu appeler un moineau de loin par son nom et refuser la nourriture à tous les autres jusqu’à ce que « petit chou », un joli moineau bigarré, vienne prendre la part qui lui était destinée. Les autres avaient leur nom et répondaient à ses appels, mais je ne voyais aucun signe distinctif ; et la foule de moineaux sur la promenade, les bancs et la balustrade, formait un auditoire des plus attentifs à la brillante conversation française qui les maintenait en mouvement constant alors qu’ils étaient, ici et là, invités à venir chercher une bouchée alléchante. Un vrai saint François et les oiseaux ! »
L’enfant qui ne connaît pas la forme replète et la poitrine tachetée de la grive, le vol gracieux de l’hirondelle, le bec jaune du merle, le chant jaillissant de l’alouette des champs, est presque aussi à plaindre que ces enfants londoniens qui « n’avaient jamais vu une abeille ». La chenille velue, qui s’attrape facilement, est une rencontre agréable. Le bon moment pour la saisir est lorsqu’on la voit se déplacer sur le sol avec une grande hâte ; elle est à la recherche d’un endroit tranquille où se coucher : mettez-la alors dans une boîte et couvrez-la d’un filet à travers lequel vous pourrez observer ses activités. La nourriture n’a pas d’importance, elle a d’autres choses à faire. Au bout d’un certain temps, elle tisse une sorte de tente ou de hamac blanc dans lequel elle se retire ; vous pouvez voir à travers et la regarder, peut-être cela sera au moment même où sa peau se fend, lui laissant, pendant des mois, une masse ovoïde sans aucun signe de vie. Enfin, l’être vivant qui se trouve à l’intérieur s’échappe de ce paquet et le voilà, le beau papillon de nuit, battant faiblement des ailes contre le filet. La plupart des enfants de six ans ont eu ce goût de l’expérience naturaliste, et cela ne vaut la peine d’en parler que parce que, au lieu d’être un amusement inoffensif, c’est un élément d’éducation précieux, plus utile à l’enfant que la lecture d’un livre entier d’histoire naturelle, ou que beaucoup de géographie et de latin. Car le malheur est que les enfants acquièrent leurs connaissances en histoire naturelle, comme toutes leurs connaissances, de seconde main. Ils sont tellement rassasiés de merveilles que rien ne les surprend ; et ils sont si peu habitués à voir par eux-mêmes, que rien ne les intéresse. Le remède à cet état blasé est de les laisser un peu tranquilles, puis de recommencer sur de nouvelles bases. Pauvres enfants, ce n’est pas de leur faute s’ils ne sont pas comme ils sont censés l’être – de petites âmes curieuses, toutes impatientes d’explorer ce monde merveilleux autant qu’elles pourraient le faire, ce qui est leur première affaire dans la vie.
« Il prie le mieux, celui qui aime le mieux
Toutes choses, grandes et petites,
Car le cher Dieu qui nous aime,
Les fit toutes et les aime toutes. »
La connaissance de la nature est la plus importante pour les jeunes enfants. – Il serait bon que toutes les personnes en charge d’enfants – les parents et tous ceux qui agissent pour les parents – se rendent compte qu’aucun apprentissage n’est plus précieux, au cours de ces premières années, que celui qu’ils obtiennent par eux-mêmes du monde dans lequel ils vivent. Mettez-les une seule fois en contact avec la Nature et ce contact deviendra une habitude qui sera, tout au long de leur vie, une grande source de plaisir. Nous sommes tous destinés à être des naturalistes, chacun à son niveau, et il est inexcusable de vivre dans un monde si plein de merveilles de la vie végétale et animale et de ne se soucier d’aucune de ces choses.
La formation de l’esprit naturaliste chez l’enfant. – Considérons aussi la formation mentale inégalée que l’enfant-naturaliste reçoit et qui sera utile pour toute étude ou vocation – les pouvoirs d’attention, de discrimination, de quête patiente, qui se développent avec sa croissance, lui serviront quelle que soit sa voie. De plus, il trouve la vie si intéressante qu’il n’a pas de temps pour les écarts de comportement qui prennent généralement racine dans l’ennui ; il n’y a aucune raison pour qu’il soit maussade quand il est toujours bien occupé.
L’apprentissage de la nature est particulièrement précieux pour les filles. – Je dis « il » par habitude mais en vérité, qu’elle soit ainsi familiarisée avec la nature est une question infiniment plus importante pour la petite fille : c’est elle qui est le plus sujette à se laisser aller à de viles humeurs (enfant comme adulte) car le temps lui file entre les doigts ; elle, dont les pensées plus oisives et décousues ont besoin d’être à la fois stimulées et réfrénées ; elle, dont la santé plus fragile nécessite d’être renforcée par une vie au grand air remplie de saines stimulations. De plus, c’est faire acte de la plus grande des bienveillances que d’extraire les petites filles comme les femmes de leur tendance à l’égotisme, aux intérêts et aux admirations qui n’en valent pas la peine et qui régissent trop souvent leur vie. L’étude de la nature peut élever leurs pensées vers des centres d’intérêt plus nobles et c’est d’autant plus important que ce sont elles qui façonneront la prochaine génération.
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6. La connaissance de la nature par son observation directe et par les livres des naturalistes
Respecter la vie. – Est-il donc conseillé d’enseigner les sciences naturelles, la biologie, la botanique, la zoologie aux enfants ? Dans l’ensemble, non. Même la dissection d’une fleur affecte l’enfant sensible. Jusqu’à ce que l’enfant ait six ou huit ans, je ne lui enseignerais aucune leçon de botanique qui nécessiterait d’arracher des fleurs pour les déchiqueter, et je lui permettrais encore moins de blesser ou de détruire toute forme de vie animale (à moins qu’elle ne soit dangereuse). Vénérer la vie et la reconnaître comme un cadeau merveilleux et sacré qu’un enfant cruel peut détruire mais jamais restaurer est une leçon de la plus haute importance pour un enfant :
« Accorde à ce savoir la croissance infinie,
Mais qu’en nous croisse aussi le respect de ta loi ; »
L’enfant qui voit sa mère embrasser avec respect et douceur un perce-neige apprend bien plus qu’aucun livre ne pourra le faire. D’ici quelques années, quand l’enfant sera assez grand pour comprendre que la science est sacrée en elle-même et qu’elle exige des sacrifices, toutes les informations qu’il aura rassemblées jusqu’alors, et les habitudes d’observation qu’il aura acquises formeront un socle solide pour l’étude des sciences. D’ici-là, laissons les enfants examiner les lys dans le champ et les oiseaux dans le ciel.
Établir une première classification par un contact direct avec la nature. – Afin de faire des descriptions justes, les enfants devraient pouvoir nommer et distinguer les pétales, les sépales, etc. ; et ils devraient être encouragés à faire ces premières classifications sommaires en se servant de leurs petites connaissances du monde animal et végétal. Les plantes avec des feuilles en forme de cœur ou de cuillère, avec des feuilles entières ou divisées ; les feuilles qui ont des nervures réticulées et celles qui ont des nervures rectilignes ; les fleurs campanulées et les fleurs cruciformes ; les fleurs à trois, quatre et cinq pétales ; les arbres qui gardent leurs feuilles toute l’année, et les arbres qui les perdent en automne ; les créatures ayant une colonne vertébrale et celles n’en ayant pas ; les créatures qui mangent de l’herbe et celles qui mangent de la viande, et ainsi de suite. C’est un vrai plaisir que de ramasser, presser et organiser sa collection de feuilles et de fleurs en fonction de leur forme et il n’y a rien de mieux pour remarquer les différences et les ressemblances. On retrouve ce type de classification de feuilles et de fleurs dans tous les petits livres de botanique pour débutants.
L’une de nos plus grandes facultés intellectuelles réside dans cette capacité à classifier, différencier, distinguer ces choses, et il ne faut laisser passer aucune occasion de la cultiver. Cependant, une classification qui se ferait d’abord à partir des livres sans que l’enfant n’en ait fait lui-même l’expérience ne servirait pas à construire cette faculté intellectuelle. Elle servirait plutôt la mémorisation par cœur mais si c’est cette compétence qui était visée, apprendre une ou deux phrases de tamoul ou toute autre langue étrangère ferait tout aussi bien l’affaire.
L’utilité des livres de naturalistes. – À ce stade, les livres de naturalistes sont essentiellement utilisés pour donner à l’enfant un aperçu exquis des merveilles qui peuplent le monde dans lequel il vit, pour lui révéler toutes sortes de choses qu’un œil curieux se doit de voir et susciter un désir irrépressible de se lancer dans ses propres découvertes. Quelques exemples parmi ces très nombreux livres tous plus plaisants les uns que les autres à lire, écrits pour la majorité d’entre eux par des hommes de sciences mais requérant peu, voire aucune connaissance scientifique préalable pour pouvoir en jouir pleinement : Water Babies et Madam How and Lady Why de Charles Kingsley, tous les livres de Mme Eliza Brightwen, la série des Eyes and no Eyes et Life and her children de Mlle Arabella Buckley (alias Mme Fisher). Tous les livres de Ernest Seton-Thompson. School of the woods et The Little Brother of the Bear de William J. Long. Wild nature’s ways de Richard Kearton. Living animals of the world de Charles J. Cornish.
Les mères et les professeurs devraient avoir une bonne connaissance de la nature. – Une mère devrait consacrer beaucoup de temps à ce genre de lectures, non seulement pour transmettre des bribes d’information à ses enfants au hasard de leurs découvertes mais aussi pour être capable de répondre à leurs questions et les accompagner dans leurs observations. Non seulement la mère, mais toute femme susceptible de passer une heure ou deux en compagnie d’enfants, devrait être une experte en ce domaine. Les enfants l’adoreront parce qu’elle sait ce qu’ils veulent savoir. Et qui sait si elle ne donnera pas son penchant pour la vie à un jeune esprit destiné à faire de grandes choses pour le monde.
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7. L’enfant apprend avec tous ses sens
Les leçons de la nature. – Si vous observez un enfant qui regarde quelque chose de nouveau pour lui – une charrue en marche, par exemple – vous verrez qu’il est aussi absorbé qu’un nourrisson au sein de sa mère. En fait, il se remplit de cette nourriture intellectuelle dont son cerveau a besoin à ce stade de son développement. Au début de sa vie, l’enfant est très attentif. Il observe, ou plus exactement, il perçoit, faisant appel à la vue, au toucher, au goût, à l’odorat et à l’ouïe, afin d’apprendre tout ce qu’il peut découvrir sur chaque nouvelle chose qui lui est présentée. Tout le monde a vu comment un bébé, à qui l’adulte arrogant a donné une cuillère ou une poupée pour qu’il « reste tranquille », la tripote avec ses petits doigts légers, la porte à sa bouche et enfin frappe avec pour voir quel genre de bruit elle fait. Ce sont des leçons pour l’enfant, et tout ce qu’il apprend, il l’apprend à un rythme tout à fait surprenant pour le physiologiste qui considère tout ce qui entre en jeu dans l’acte de voir. Par exemple, pour l’enfant, comme pour l’adulte aveugle qui vient de recouvrer la vue, il n’y a aucune différence entre une image et un corps solide. Les concepts de forme et de solidité ne se construisent donc pas du tout grâce à la vue mais grâce à l’expérimentation. Pensez ensuite au petit poing qui s’agite, imprécis, dans les airs jusqu’à ce qu’il agrippe l’objet de ses désirs, et vous verrez comment il apprend à situer les choses tout en n’ayant aucune notion de direction. Et pourquoi pleure-t-il de ne pouvoir attraper la lune ? Pourquoi a-t-il une folle envie de jouer avec un cheval autant qu’avec une mouche comme s’ils étaient des compagnons de jeu adéquats ? Parce que les concepts « loin » et « proche », « grand » et « petit », lui sont encore étrangers. L’enfant a vraiment beaucoup à apprendre avant de pouvoir « croire ses propres yeux ». Mais la Nature lui enseigne d’une façon si douce, si progressive, si persistante qu’il ne se sent jamais submergé et qu’il apprend lentement mais sûrement tout ce qu’il a besoin de savoir sur le monde qui l’entoure.
Ce processus, c’est celui que l’enfant devrait poursuivre durant les premières années de sa vie. C’est la période où il emmagasine les images de tout ce qui peuple son environnement immédiat. À l’avenir, il devra concevoir des choses qu’il n’a jamais vues : comment pourra-t-il y parvenir si ce n’est en les comparant à ce qu’il a vu et qu’il connaît bien ? À l’avenir, il sera appelé à réfléchir, comprendre, raisonner. Sur quel matériau pourra-t-il s’appuyer si ce n’est sur son registre d’informations construit et stocké dans sa mémoire ? L’enfant qu’on aura habitué à remarquer que le soleil est à son zénith à midi un jour d’été, et qu’il est, au contraire, bas, à la même heure, en hiver, sera capable de concevoir la forte chaleur des tropiques sous un soleil vertical, et de comprendre que la hauteur moyenne du soleil au-dessus de l’horizon influe grandement sur le climat.
Trop de pression. – Ces derniers temps, il a beaucoup été question des effets néfastes de l’excès de pression et d’un trop grand travail mental exigé d’un jeune enfant. Le danger existe, mais il réside, non pas dans le fait de donner trop à apprendre à l’enfant, mais dans le fait de lui donner la mauvaise chose à faire, le genre de travail qui n’est pas adapté à son stade actuel de développement cognitif. Qui s’attend à ce qu’un petit enfant puisse soulever un poids de cinquante kilos ? Mais donnez à l’enfant le travail que la Nature a prévu pour lui, et la quantité qu’il peut accomplir avec facilité est pratiquement illimitée. Qui a déjà vu un enfant fatigué de regarder, d’observer à sa façon, des nouvelles choses ? C’est le genre de nourriture mentale pour laquelle il a un appétit sans bornes, car c’est cette nourriture de l’esprit dont il a besoin pour grandir, à ce moment-là.
Les leçons de choses. – La question qui se pose alors est de savoir comment satisfaire leur soif naturelle de connaissances. Les écoles maternelles et les jardins d’enfants enseignent des leçons de choses, ce qui est mieux que rien, mais elles sont si maigres qu’on pourrait les comparer à un haricot qui serait donné quotidiennement à un cheval affamé en se disant que cela suffirait à le nourrir. L’enfant, à la maison, se voit présenter plus de choses nouvelles, mais avec moins de méthode. L’école comme la maison ne parviennent pas à proposer à l’enfant l’abondant « festin pour les yeux » qu’exigent ses besoins.
Un enfant apprend à partir de « choses ». – Nous autres, adultes, en partie à cause de notre intellect plus mûr, en partie à cause de notre éducation défectueuse, nous acquérons la plupart de nos connaissances par le biais des mots. Nous demandons à l’enfant d’apprendre de la même façon, et nous le trouvons ennuyeux et lent. Pourquoi ? Parce qu’il n’associe un sens précis qu’à quelques mots d’usage courant ; tous les autres ne sont pas plus pour lui que les vocables d’une langue étrangère. Mais mettez-le face à une chose concrète, et il est vingt fois plus rapide que vous pour la comprendre ; la connaissance des choses est attirée par l’esprit de l’enfant comme la limaille d’acier à l’aimant. Et, pari passu à sa connaissance des choses, son vocabulaire s’enrichit, car, c’est une loi de l’esprit, ce que nous savons, nous avons du mal à l’exprimer. Ce fait explique beaucoup des questions apparemment sans but des enfants ; ils sont en quête, non pas de connaissances, mais de mots pour exprimer les connaissances qu’ils ont. À la lumière de ces explications, enfermer un enfant qui a cette capacité astronomique de voir et de savoir, entre les quatre murs d’une maison ou le cantonner aux seules rues mornes d’une ville, c’est se rendre coupable de gâcher son énergie intellectuelle. De même, le laisser battre la campagne où il y a tant à voir, sans but précis est presque aussi néfaste car son immense faculté cognitive s’évaporera en observations aléatoires faute de méthode et de ligne directrice.
Le sens de la beauté vient du contact précoce avec la nature. – Un enfant intelligent peut assimiler une quantité illimitée d’informations essentielles à sa construction qu’il n’oubliera pas, avant même de commencer l’école. Le garçon qui peut vous dire spontanément où se trouve, dans son voisinage, chacun des six bouleaux les plus gracieux et trois ou quatre des frênes les plus élégants part avec bien plus de chances dans la vie qu’un garçon dont l’esprit moins vif et aiguisé ne saurait pas différencier un orme d’un chêne. Il aura non seulement plus de chances de réussite mais aussi plus d’opportunités d’avoir une vie plus riche et plus heureuse car il est intéressant de constater que la simple observation de la Nature et de tout ce qu’elle produit a un effet sur certains de nos sentiments. « Le sens esthétique du beau, dit le Dr Carpenter, du sublime, de l’harmonieux, dans sa forme la plus élémentaire, semble se connecter instantanément aux Perceptions qui se dégagent du contact de nos esprits avec la Nature extérieure. » Il cite le Dr Morrell qui affirme avec encore plus de vigueur que « tous ceux qui ont fait preuve d’une remarquable appréciation des formes et de la beauté au cours de leur vie rapportent que leurs premières impressions remontent à une période bien antérieure à celle des idées définies ou de leur instruction formelle. »
La plupart des adultes perdent l’habitude d’observer. – Nous devons beaucoup à M. Evans d’avoir emmené avec lui sa petite fille Mary Anne lors de ses longs déplacements professionnels sur les chemins pleins de charme du Warwickshire ; la petite fille était assise entre les genoux de son père, regardant beaucoup, parlant peu. Et cela a donné plus tard les scènes de la vie rurale dans Adam Bede et The Mill on the Floss. Wordsworth, du fond de ses montagnes, devint un vrai prophète de la Nature tandis que Tennyson puisa inlassablement des images dans les reliefs des comtés de l’est où il avait grandi. Le petit David Copperfield était « un petit garçon très observateur, cependant, dit-il, je pense que la mémoire de la plupart d’entre nous [adultes] peut remonter bien plus loin que nous ne le supposons. De même, je crois que le pouvoir d’observation naturel et juste que possèdent de très nombreux enfants est assez merveilleux. En fait, je pense que la plupart des hommes ayant un sens remarquable de l’observation ont, pour être précis, conservé cette faculté en grandissant plutôt qu’acquise. Et, certainement que cette fraîcheur, cette délicatesse et cette aptitude à être satisfait que j’ai pu observer chez ces hommes leur viennent de l’enfance et qu’ils ont su les préserver. » Dickens, à travers cette réflexion de son personnage, nous livre un message plein de philosophie et de bon sens.
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8. L’enfant doit se familiariser avec les objets naturels
Un enfant observateur doit être mis sur le chemin des choses qui méritent d’être observées. – Mais à quoi sert d’être un « enfant très observateur » si on ne vous met pas sur le chemin des choses qui méritent d’être observées ? Et voici la différence entre les rues d’une ville et les paysages et les bruits de la campagne. Il y a beaucoup de choses à voir dans une ville et les enfants habitués à la rue deviennent assez vifs d’esprit. Mais les bribes d’information que l’on peut recueillir dans une ville sont des fragments isolés ; ils ne sont reliés à rien d’autre et n’aboutissent à rien de plus ; l’information peut être pratique, mais personne ne devient plus sage en sachant de quel côté de la rue se trouve la boutique de Smith, et quelle intersection mène à la boutique de Thompson.
Chaque objet naturel fait partie d’un enchaînement. – Prenez maintenant un objet naturel, peu importe lequel, et vous voilà en train de l’étudier comme faisant partie d’un groupe, comme membre d’une série ; quelle que soit la connaissance que vous obtenez à son sujet, elle servira la science de tous les autres du même groupe. Cassez un rameau de sureau au printemps ; vous remarquez un anneau de bois autour de la moelle au centre, et vous avez d’un coup d’œil le caractère distinctif d’une grande division du monde végétal. Ramassez un caillou. Ses bords sont parfaitement lisses et arrondis : pourquoi ? demandez-vous. Il est usé par l’eau et par les intempéries. Et ce petit caillou vous met face à face avec l’érosion, la force à laquelle, plus qu’à tout autre, nous devons les aspects du monde que nous appelons pittoresques – vallon, ravin, vallée, colline. Il n’est pas nécessaire d’expliquer à l’enfant ce qu’est l’érosion ou les dicotylédones, il suffit qu’il observe le bois et la moelle du rameau de noisetier, l’agréable rondeur du caillou ; peu à peu, il apprendra le sens des faits qui lui sont déjà familiers, ce qui est très différent d’apprendre le pourquoi de faits qui n’ont jamais été portés à son attention.
Le pouvoir va passer de plus en plus entre les mains des scientifiques. – En premier lieu, il vaut infiniment la peine que la mère s’efforce de faire en sorte que ses enfants passent chaque jour plusieurs heures parmi les objets naturels à la campagne ; et, en second lieu, qu’elle s’efforce de leur inculquer, ou plutôt d’entretenir en eux, le goût de la recherche. « Je le dis délibérément, dit Kingsley, en tant qu’étudiant de la société et de l’histoire : le pouvoir va passer de plus en plus entre les mains des scientifiques. Ils gouverneront et ils agiront – avec prudence, nous pouvons l’espérer, et modestie, et charité – parce qu’en apprenant la vraie connaissance, ils auront aussi appris leur propre ignorance, et l’immensité, la complexité, le mystère de la Nature. Mais ils seront aussi capables de gouverner, ils seront capables d’agir, parce qu’ils auront pris la peine d’apprendre les faits et les lois de la Nature. »
L’intimité avec la nature contribue au bien-être personnel. – Mais leur permettre de suivre le courant est le moindre des avantages que cette formation précoce devrait conférer aux enfants ; l’amour de la Nature, implanté si tôt qu’il leur semblera plus tard être né en eux, enrichira leur vie d’intérêts purs, d’occupations absorbantes, de santé et de bonne humeur. « J’ai vu, dit le même auteur, le jeune homme aux passions féroces et à l’audace incontrôlable dépenser sainement cette énergie qui menaçait quotidiennement de le plonger dans l’imprudence, sinon dans le péché, en chassant et en recueillant, à travers les rochers et les marais, la neige et la tempête, chaque oiseau et œuf de la forêt voisine… J’ai vu la jeune beauté londonienne, au milieu de toute l’excitation et de la tentation du luxe et de la flatterie, le cœur pur et l’esprit occupé dans un boudoir rempli de coquillages et de fossiles, de fleurs et d’algues, se préserver du monde, en étudiant la façon dont poussent les lys des champs. »
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9. La géographie en extérieur
Les petites choses peuvent enseigner les grandes. – Après cette longue digression, destinée à faire comprendre aux mères l’importance suprême d’éveiller chez leurs enfants l’amour de la Nature et des objets naturels – une source profonde qui fait jaillir des eaux pures dans les endroits les plus arides de l’au-delà – revenons auprès de la mère que nous avons laissée dehors pendant tout ce temps, attendant de savoir ce qu’elle doit faire ensuite. Cette terre agréable qui est la nôtre ne doit pas être négligée dans l’éducation en plein air des enfants. « Comment trouvez-vous le temps de faire tant de choses ? » – « Oh, je laisse de côté les sujets sans valeur éducative ; je n’enseigne pas la géographie, par exemple », a déclaré un jeune théoricien supérieur avec toutes sortes de certificats.
Géographie illustrée. – Mais la mère, qui est plus avisée, trouvera des centaines d’occasions d’enseigner la géographie en cours de route : une mare aux canards est un lac ou une mer intérieure ; n’importe quel ruisseau servira à illustrer les grands fleuves du monde ; une butte devient une montagne, un système alpin ; un ensemble de noisetiers suggère les puissantes forêts d’Amazonie ; un marais de roseaux, les rizières de Chine ; un pré, les immenses prairies de l’Ouest ; les jolies fleurs violettes de la mauve commune sont un livre ouvert sur les champs de coton des États du Sud : en fait, tout le domaine de la géographie illustrée peut être couvert ainsi et les cartes peuvent attendre.
La position du Soleil. – Et ce n’est pas tout : il faut apprendre aux enfants à observer la position du Soleil dans le ciel d’heure en heure, et, par sa position, à savoir dire l’heure. Bien sûr, ils voudront savoir pourquoi le Soleil est un voyageur infatigable, et il en résulte une histoire merveilleuse, qu’ils peuvent tout aussi bien apprendre à l’« âge de la foi », sur les tailles relatives du Soleil et de la Terre, et sur la nature et les mouvements de cette dernière.
Nuages, pluie, neige et grêle. – « Nuages et pluie, neige et grêle, vents et vapeurs, qui exécutez Ses ordres » – sont autant de mystères quotidiens que la mère sera appelée à expliquer fidèlement, mais avec simplicité. Il y a certaines idées que les enfants doivent acquérir dans un rayon de marche autour de leur propre maison s’ils veulent vraiment comprendre les cartes et les termes géographiques.
La distance en fait partie, et la première idée de distance doit être atteinte avec des opérations agréables pour les enfants. Un enfant marche à son rythme habituel ; quelqu’un mesure et lui indique la longueur de son pas, puis il mesure les pas de ses frères et sœurs. Puis telle promenade, telle distance, ici et là, est solennellement rythmée, et il s’ensuit un petit calcul – tant de centimètres couverts par chaque pas équivaut à tant de mètres sur toute la distance. Diverses petites distances autour de la maison de l’enfant devraient être mesurées de cette façon ; et lorsque l’idée de couvrir la distance est pleinement établie, l’idée du temps comme moyen de mesure devrait être introduite. Le temps nécessaire pour parcourir cent yards doit être noté. Ayant découvert qu’il faut deux minutes pour parcourir une centaine de yards, les enfants seront capables de passer à l’étape suivante, à savoir que s’ils ont marché pendant trente minutes, la marche doit mesurer quinze cents yards ; en trente-cinq minutes, ils auront parcouru un mile, ou plutôt dix-sept cent cinquante yards, et ils pourront alors ajouter les cinquante yards supplémentaires qui feront un mile. Plus les jambes sont longues, plus le pas est long, et la plupart des adultes peuvent marcher un mile en vingt minutes.
La direction. – Une fois que les enfants se sont familiarisés avec la notion de distance, il faut introduire celle de direction. La première étape consiste à rendre les enfants attentifs à la progression du Soleil. L’enfant qui observe le Soleil pendant un an et note lui-même, ou dicte, les heures de son lever et de son coucher pendant la plus grande partie de l’année, ainsi que les points de son lever et de son coucher, se sera assuré une base de connaissances précises. Cette observation doit prendre en compte la réflexion de la lumière du soleil, la lumière du soir réfléchie par les fenêtres de l’est, celle du matin par les fenêtres de l’ouest, la longueur et l’intensité variables des ombres, la cause des ombres, ce qui peut s’apprendre, avec une bougie, grâce à l’ombre projetée par une silhouette sur un rideau. Il devrait également associer les heures chaudes de la journée à un soleil haut, et les heures fraîches du matin et du soir à un soleil bas ; et il devrait se rappeler que s’il se tient droit devant le feu, il ressent davantage la chaleur que s’il se trouvait dans un coin de la pièce. Lorsqu’il a observé la course du Soleil, il est prêt à intégrer l’idée de la direction, qui dépend entièrement du soleil.
L’est et l’ouest. – Bien sûr, les deux premières idées sont que le Soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest ; à partir de ce fait, l’enfant sera capable de dire dans quelle direction se trouvent les lieux proches de sa propre maison, ou les rues de sa propre ville. Demandez-lui de se tenir debout de façon à ce que sa droite soit vers l’est où le Soleil se lève, et sa gauche vers l’ouest où le Soleil se couche. Il regarde alors vers le nord et son dos est tourné vers le sud. Toutes les maisons, les rues et les villes qui se trouvent à sa droite sont à l’est de lui, celles qui se trouvent à gauche sont à l’ouest. Les lieux face à lui sont au nord et ceux derrière lui, au sud. S’il se trouve dans un endroit nouveau pour lui où il n’a jamais vu le Soleil se lever ou se coucher et qu’il veut savoir dans quelle direction passe une certaine route, il doit remarquer dans quelle direction tombe sa propre ombre à midi, car à midi les ombres de tous les objets tombent vers le nord. Alors, s’il fait face au nord, il a, comme précédemment, le sud derrière lui, l’est à sa droite, l’ouest à sa gauche ; ou bien, s’il fait face au Soleil à midi, il fait face au sud.
S’entraîner à trouver la direction. – Cela lui apportera un éclairage intéressant sur les noms de nos grands chemins de fer. Un enfant peut devenir capable de remarquer la direction des lieux avec un peu d’entraînement. Qu’il remarque comment sont orientées les fenêtres de sa salle de classe, ou les fenêtres de chacune des pièces de sa maison ; les rangées de maisons devant lesquelles il passe au cours de ses promenades, et quels sont les côtés nord, sud, est et ouest des églises qu’il connaît. Il sera bientôt prêt à remarquer la direction du vent en observant la fumée des cheminées, le mouvement des branches, du maïs, de l’herbe, etc. Si le vent souffle du nord – « Le vent du nord souffle et nous aurons de la neige. » S’il souffle de l’ouest, un vent d’ouest, nous nous attendons à de la pluie. Il faut prendre soin à ce stade de faire comprendre à l’enfant que le vent doit son nom à l’endroit d’où il vient, et non au point vers lequel il souffle – tout comme il est anglais parce qu’il est né en Angleterre et non français parce qu’il va en France. Les idées de distance et de direction peuvent maintenant être combinées. Tel bâtiment est à deux cents yards à l’est d’une porte, tel village à deux miles à l’ouest. Il rencontrera bientôt la difficulté qu’un lieu n’est pas exactement à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud. Il est bon de le laisser donner, d’une manière détournée, la direction des lieux comme – « plus à l’est qu’à l’ouest », « très près de l’est mais pas tout à fait », « à mi-chemin entre l’est et l’ouest ». Il appréciera d’autant plus les moyens d’expression exacts qu’il en aura ressenti le besoin.
Plus tard, il devrait être initié aux merveilles de la boussole du navigateur, avoir sa propre petite boussole de poche et observer les quatre points cardinaux et tous les autres points. Ceux-ci lui fourniront les noms des directions qu’il a du mal à décrire.
Exercice avec la boussole. – Ensuite, il doit effectuer certains exercices avec la boussole : dites-lui de tenir le N de la boussole vers le nord. « Ensuite, la boussole en main, tournez-vous vers l’est, et vous verrez une chose remarquable. La petite aiguille bouge aussi, mais elle se déplace toute seule dans l’autre sens. Tournez vers l’ouest, et là encore, l’aiguille se déplace dans la direction opposée à la vôtre. Aussi peu que vous vous tourniez, un petit frémissement de l’aiguille suit votre mouvement. Et vous la regardez en vous demandant comment cette petite chose peut percevoir que vous aviez bougé, alors que vous le saviez à peine vous-même. Marchez tout droit dans n’importe quelle direction et l’aiguille est assez stable, assez stable seulement, car vous êtes sûr, sans le vouloir, de vous déplacer un peu à droite ou à gauche. Tournez très lentement, petit à petit, en commençant par le nord et en tournant vers l’est, et vous pouvez faire en sorte que l’aiguille tourne aussi en rond. Elle se déplace dans la direction opposée à la vôtre, car elle essaie de revenir vers le nord dont vous vous détournez. »
Les limites. – Pour les enfants ayant acquis l’idée de la direction, il sera assez facile d’introduire celle des limites – tel champ de navets, par exemple, est délimité par la route au sud, par un champ de blé au sud-est, une haie au nord-est, et ainsi de suite. Les enfants acquièrent peu à peu l’idée que les limites d’un espace donné sont simplement ce qui le touche de tous les côtés. Ainsi, une culture peut en toucher une autre sans qu’il y ait de ligne de démarcation, et donc une culture délimite l’autre. Il est bon que les enfants aient des notions claires à ce sujet, sinon, plus tard, ils seront dans le flou lorsqu’ils apprendront que tel département est « délimité » par tel autre. En ce qui concerne les espaces délimités, qu’il s’agisse de villages, de villes, d’étangs, de champs ou autres, les enfants devraient être amenés à remarquer les différentes cultures pratiquées dans la région, pourquoi il y a des pâturages et des champs de céréales, quelles sortes de roches apparaissent et combien de sortes d’arbres poussent dans le voisinage. Pour chaque champ, ou tout autre espace examiné, qu’ils dessinent un plan grossier dans le sable, en donnant la forme approximative et en inscrivant les directions N, S, O, etc.
Les plans. – Lorsqu’ils auront appris à dessiner des plans à l’intérieur, ils pourront de temps en temps parcourir le côté d’un champ et dessiner leur plan à l’échelle, en assignant un pouce pour cinq ou dix yards. Les plans du jardin, des étables, de la maison, etc. pourraient suivre.
Géographie locale. – Il est probable que son quartier donnera à l’enfant l’occasion d’apprendre la signification des termes colline et vallon, étang et ruisseau, ligne de partage des eaux, courant, lit, berges, affluents d’un ruisseau, positions relatives des villages et des villes ; et toute cette géographie locale, il doit être capable de la représenter grossièrement sur un plan fait à la craie sur un rocher, ou avec une canne dans le gravier, en percevant les distances et les situations relatives des lieux qu’il marque.
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10. L’enfant et Mère-Nature
La mère doit s’abstenir de trop parler. – Un programme aussi vaste inquiète-t-il la mère ? Se voit-elle avec consternation parler pendant cinq ou six heures et, même avec cela, penser qu’elle n’enseigne pas un dixième de ce qu’elle devrait ? Au contraire, moins elle parle, mieux c’est ; et quant à la quantité de travail éducatif à accomplir, c’est encore la fable du pendule inquiet : il est vrai qu’il y a d’innombrables « tics » à cocher, mais il y aura toujours une seconde de temps à cocher, et pas plus d’un seul tic par seconde.
Faire une nouvelle connaissance. – Les enfants rapides auront joué le jeu, qu’il s’agisse de visites ou de « peinture d’image », en un quart d’heure environ ; pour l’étude des objets naturels, un « Regardez ! » de temps en temps, un examen attentif de l’objet de la part de la mère, un nom donné, une remarque – d’une douzaine de mots – faite au bon moment, et les enfants ont fait une nouvelle découverte qu’ils poursuivront par eux-mêmes ; et pas plus d’une ou deux présentations de ce genre ne devraient avoir lieu dans une seule journée.
Maintenant, voyez combien de loisirs il vous reste ! La vraie difficulté pour la mère sera de ne pas trop parler avec les enfants et de les empêcher de s’occuper avec elle. Il y a peu de choses plus douces et plus précieuses pour l’enfant qu’un bavardage amusant avec sa mère ; mais une chose est meilleure – la communion avec la Grande Mère, pour laquelle l’enfant et elle doivent être laissés à eux-mêmes. C’est vraiment une chose délicieuse à observer : la mère lit son livre ou tricote sa chaussette, repoussant toutes les tentatives de conversation ; l’enfant regarde fixement un arbre ou une fleur, sans rien faire, sans penser à rien ; ou bien il mène une vie d’oiseau parmi les branches, ou bien il gambade dans une extase sans but ; ce sont des actions assez insensées, irrationnelles, mais, pendant tout ce temps, il y a une création : la Nature joue son rôle, avec le vœu…
« Je vais prendre cette enfant pour moi :
Elle sera à moi, et j’en ferai
Une dame de mon choix. »
Deux choses que la mère peut faire. – Il y a une chose que la mère peut faire en tant qu’interprète entre la Nature et l’enfant, mais pas plus souvent qu’une fois par semaine ou une fois par mois, et avec un regard et un geste de plaisir plutôt qu’avec un flot de mots raffinés – elle fera remarquer à l’enfant une touche de beauté particulière dans la coloration ou l’aspect du paysage ou du ciel. Elle fera une autre chose, mais très rarement, et avec un tendre respect filial (le plus souvent elle dira ses prières, et parlera à partir de sa prière, car toucher à ce terrain avec des mots durs, c’est blesser l’âme de l’enfant) : elle montrera quelque belle fleur ou quelque arbre gracieux, non seulement comme une belle œuvre, mais comme une belle pensée de Dieu, dans laquelle nous pouvons croire qu’Il trouve un plaisir continuel, et qu’Il est heureux de voir ses enfants humains s’en réjouir. Une telle graine de sympathie avec la pensée Divine semée dans le cœur de l’enfant vaut bien des sermons que l’homme pourra écouter plus tard, bien de la théologie qu’il pourra lire.
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11. Jeux extérieurs, etc.
Les heures radieuses passent vite, et il y a encore au moins une leçon au programme, sans parler d’une heure ou deux de jeux dans l’après-midi. L’idée d’une leçon est peu engageante après la discussion de beaucoup de choses plus intéressantes et, en vérité, plus importantes ; mais ce n’est qu’une petite leçon de dix minutes, et la légère pause et l’effort d’attention donneront plus d’entrain au plaisir et aux loisirs qui suivront.
La leçon de français. – La leçon quotidienne de français est celle qui ne doit pas être omise. Que les enfants apprennent le français oralement, en écoutant, en répétant des mots et des phrases en français ; qu’ils commencent si jeunes que la différence d’accent ne les frappe pas, mais qu’ils répètent le nouveau mot français comme s’il s’agissait d’un mot anglais et l’utilisent aussi librement ; qu’ils apprennent chaque jour quelques mots français nouveaux – deux ou trois, cinq ou six – et que, en même temps, les anciens mots restent en usage – sont des points qui seront approfondis ci-après. En attendant, il est si important de garder la langue et l’oreille familières avec la prononciation française, que pas une leçon ne devrait être omise. La leçon de français peut, cependant, être adaptée aux occupations de plein air ; la demi-douzaine de mots peut correspondre aux parties – feuilles, branches, écorce, tronc d’arbre, ou les couleurs des fleurs, ou les mouvements de l’oiseau, du nuage, de l’agneau, de l’enfant ; en fait, les nouveaux mots français ne devraient être qu’une autre forme d’expression des idées qui, pour le moment, remplissent l’esprit de l’enfant.
Les jeux bruyants. – Les jeux de l’après-midi, après le déjeuner, constituent une partie importante des activités de la journée pour les enfants les plus âgés. Les plus jeunes se sont probablement déjà épuisés à ce moment-là à cause de l’agitation incessante grâce à laquelle la Nature assure le bon développement du tissu musculaire chez eux ; laissez-les dormir à l’air doux et se réveiller rafraîchis. Pendant ce temps, les aînés jouent ; plus ils courent, plus ils crient, plus ils agitent leurs bras, plus le jeu est sain. Et c’est une des raisons pour lesquelles les mères devraient emmener leurs enfants dans des endroits isolés, où ils peuvent utiliser leurs poumons à leur guise sans risquer d’ennuyer personne. La structure musculaire des organes de la voix n’est pas assez prise en considération ; les enfants adorent s’adonner aux cris, aux hurlements et aux stridulations, et ce jeu « grossier » et « bruyant », pour lequel leurs aînés n’ont pas beaucoup de patience, n’est rien d’autre que la façon dont la Nature pourvoit à l’exercice approprié des organes, de la puissance desquels dépendent en grande partie la santé et le bonheur futurs de l’enfant. Les gens parlent de « poumons faibles », de « poitrine faible », de « gorge faible », mais il ne vient peut-être pas à l’esprit de tout le monde que des poumons forts et une gorge forte s’obtiennent généralement dans les mêmes conditions qu’un bras ou un poignet fort – par l’exercice, l’entraînement, l’utilisation, le travail. Pourtant, si les enfants peuvent « donner de la voix » musicalement, et plus rythmiquement au son de leur propre voix, c’est encore mieux. À cet égard, les enfants français sont mieux lotis que les enfants anglais ; ils dansent et chantent pendant une centaine de rondes – des jeux qui, sans doute, imitent les mariages et les enterrements, comme ceux auxquels jouaient les enfants il y a longtemps sur la place du marché de Jérusalem.
Les « rondes ». – Avant que les innovations puritaines ne fassent de nous un peuple guindé et circonspect, les filles et les garçons anglais de tous âges dansaient de petits drames sur la place du village, s’accompagnant des paroles et des airs de rondes que les enfants français chantent aujourd’hui. Il nous en reste encore quelques-uns, que l’on entend lors des fêtes du dimanche et autres rassemblements d’enfants, et ils méritent d’être préservés : « Il y eut trois ducs à cheval, à cheval, à cheval » ; « Les oranges et les citrons, disent les cloches de Saint-Clément » ; « Ici, nous venons cueillir des noix en mai » ; « Qu’a fait mon pauvre prisonnier ? » et bien d’autres, le tout sur des airs délicieusement chantants que les petits pieds parcourent allègrement, d’autant plus que les mots – ducs, noix, oranges – titillent agréablement l’oreille.
Les promoteurs du système du jardin d’enfants ont fait beaucoup pour introduire des jeux de ce genre, ou plutôt d’un genre plus éducatif ; mais n’est-il pas vrai que les jeux chantés des jardins d’enfants ont tendance à être quelque peu ineptes ? De même, on peut se demander dans quelle mesure les plus beaux jeux, appris à l’école et auprès d’un enseignant, s’empareront des enfants comme le font les jeux qui ont été transmis de main en main par une chaîne sans fin d’enfants et qui ne se trouvent dans aucun livre imprimé.
La corde à sauter et le jeu du volant. – Le cricket, le tennis et le rounders sont les jeux par excellence si les enfants sont en âge d’y jouer, à la fois parce qu’ils permettent un jeu libre et harmonieux des muscles et parce qu’ils servent le but moral le plus élevé des jeux en soumettant les enfants à la discipline des règles ; mais la petite famille que nous visons, tous âgés de moins de neuf ans, ne sera guère capable de jouer à des jeux stratégiques. Les courses et les poursuites, le « chat », « Jacques-a-dit » et tous les jeux de folâtrerie qu’ils peuvent inventer, seront plus adaptés à leur esprit : le cerceau, la balle, le jeu du volant et l’inestimable corde à sauter sont encore meilleurs. Pour la corde, le meilleur usage consiste à sauter avec la sienne, en la lançant vers l’arrièreplutôt que vers l’avant, de sorte que la tendance du mouvement soit d’élargir la poitrine. Le jeu du volant est un beau jeu, offrant de la place à l’ambition et à l’émulation. Le biographe de Mlle Austen pense qu’il vaut la peine de raconter qu’elle pouvait renvoyer le volant plus d’une centaine de fois d’affilée, à l’admiration de ses neveux et nièces ; de la même manière, tout exploit dans le jeu du volant pourrait être noté comme un événement familial, de sorte que les enfants puissent être animés de l’ambition d’exceller dans un jeu qui offre grâce et vigueur à presque tous les muscles du haut du corps, et a cette grande qualité de pouvoir être joué aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le meilleur jeu est de maintenir le volant avec une raquette dans chaque main, de sorte que les muscles de chaque côté soient mis en action de manière égale. Mais « ordonner » des jeux d’enfants est une perte de temps inutile, car ici la mode est aussi suprême et arbitraire qu’en matière de bonnet ou de crinoline.
L’escalade. – L’escalade est un amusement qui n’a pas la faveur des mères ; vêtements déchirés, genoux en sang, et les bouts des chaussures abîmés et troués, sans parler des risques plus sérieux, sont autant d’arguments contre cette forme de plaisir. Mais, en vérité, l’exercice est si admirable – le corps est lancé dans une infinité de postures gracieuses qui font jouer tous les muscles – et l’entraînement au courage, à l’audace et à la persévérance est si précieux qu’il est dommage que les arbres, les falaises et les murs soient interdits même aux petites filles. La mère peut faire beaucoup pour éviter les accidents graves en habituant les jeunes enfants à de petits exploits de saut et d’escalade, de sorte qu’ils apprennent en même temps le courage et la prudence à partir de leurs propres expériences, et soient moins susceptibles de suivre l’exemple de camarades de jeu trop audacieux. Plus tard, la mère doit se décider à partager les sentiments de la poule qui a choyé une couvée de canetons, en se rappelant qu’un petit cri et un soudain « Descends immédiatement ! » « Tommy, tu vas te rompre le cou ! » donnent à l’enfant un choc nerveux et risque de provoquer la chute qu’elle voulait éviter en faisant perdre à Tommy toute présence d’esprit. Même la navigation de plaisance et la natation ne sont pas hors de portée des enfants de la ville, à une époque où tout le monde se rend en été dans les environs de la mer ou de lacs et rivières ; et puis, il y a des piscines dans la plupart des villes. Il serait bon que la plupart des enfants de sept ans apprennent à nager, non seulement pour l’utilité éventuelle de cet art, mais aussi parce qu’il leur donne un moyen supplémentaire de se mouvoir, et donc de se divertir.
Les vêtements. – Les dégâts sur les vêtements ne sont pas nécessairement importants si les enfants sont habillés pour leurs petites excursions, comme ils doivent l’être, dans des vêtements simples en laine, serge ou flanelle. La laine, en tant que tissu d’habillement, présente de nombreux avantages par rapport au coton, et plus encore encore par rapport au lin ; principalement parce qu’elle est un bon isolant ; c’est-à-dire qu’elle ne permet pas à la chaleur du corps de trop se libérer, ni à la chaleur du soleil de trop entrer. Par conséquent, l’enfant en vêtements de laine, qui s’est échauffé en jouant, ne souffre pas du froid dû à la perte soudaine de cette chaleur, contrairement à l’enfant en vêtements de lin ; aussi, il est plus frais au soleil et a plus chaud à l’ombre.
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12. Promenades par mauvais temps
Les promenades d’hiver sont aussi nécessaires que les promenades d’été. – Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent s’applique au temps d’été, qui est – hélas pour nous ! – une chose très limitée et incertaine dans notre partie du monde. La question de l’exercice en plein air en hiver et par temps de pluie est vraiment plus importante ; car, parmi ceux qui le peuvent, qui ne voudrait pas être à l’étranger en été ? Si l’on veut que les enfants aient ce qu’il y a de mieux pour eux, il faut qu’ils passent deux ou trois heures par jour à l’air libre pendant tout l’hiver, disons une heure et demie le matin et autant l’après-midi.
Les plaisirs liés au gel et à la neige. – Lorsqu’il a gelé et neigé, les enfants profitent de moments très festifs, comme faire des glissades, des boules de neige et des constructions en neige. Mais même la plupart des jours où le sol est boueux et le ciel est maussade, les enfants doivent rester intéressés et alertes, afin que le cœur puisse faire son travail joyeusement, et qu’une lueur de gratitude soit maintenue dans tout le corps malgré les nuages et le froid.
Les observations hivernales. – Tout ce qui a été dit sur les excursions et la « peinture d’image », les petites conversations en français et les observations à noter dans le journal de famille, appartient tout autant au temps d’hiver qu’à celui d’été ; et les choses à voir et à noter sont infinies. Le groupe tombe sur un grand arbre qu’il juge, d’après sa forme, être un chêne – il est noté dans le journal ; et quand les feuilles sont sorties, les enfants reviennent pour voir s’ils ont raison. De nombreux oiseaux sont visibles d’autant plus librement par temps froid car ils vont et viennent à la recherche de nourriture.
« Le bétail se morfond dans les coins où la clôture fait écran.
Le soleil, avec son orbe rougeoyant
ascendant, embrase l’horizon.
Chaque herbe et chaque brin d’herbe
Étend une longueur d’ombre sur le champ.
Les moineaux jettent un œil, et quittent l’avant-toit qui les abrite.
Le rouge-gorge gazouille encore, mais il est satisfait
Avec des notes minces, et plus qu’à moitié supprimées ;
Satisfait de sa solitude, et volant avec légèreté
De rameau en rameau, où qu’il se repose, il secoue
De bien des branches les gouttes de glace pendantes.
Qui tintent dans les feuilles fanées en bas. »
Il n’y a aucune raison pour que la promenade hivernale de l’enfant ne soit pas aussi fertile en observations que celle du poète ; en effet, d’une certaine manière, il est possible de voir davantage en hiver, car les choses ne s’évincent pas les unes les autres.
L’habitude de l’attention. – Les promenades hivernales, que ce soit en ville ou à la campagne, offrent de grandes occasions de cultiver l’habitude de l’attention. Le célèbre prestidigitateur, Robert Houdin, raconte dans son autobiographie que son fils et lui passaient rapidement devant une vitrine, celle d’un magasin de jouets, par exemple, et que chacun y jetait un regard attentif. Quelques pas plus loin, chacun tirait du papier et un crayon de sa poche et essayait de savoir qui pouvait énumérer le plus grand nombre d’objets vus en passant. Le garçon surprenait son père par sa rapidité d’appréhension, étant souvent capable d’écrire quarante objets, alors que son père en atteignait à peine trente ; lorsqu’ils revenaient pour vérifier leurs comptes, il était rare que le fils se trompe. Voici une idée d’un divertissement très éducatif pour de nombreuses promenades d’hiver.
Randonnées par temps humide. – Mais qu’en est-il des jours de pluie ? Le fait est que la pluie, à moins qu’elle ne soit très forte, ne fait aucun mal aux enfants s’ils sont convenablement vêtus. Mais tout type de vêtement imperméable devrait être proscrit, car la texture qui ne laisse pas pénétrer la pluie ne permet pas l’évacuation de la transpiration insensible, et l’un des secrets de la santé des personnes qui n’ont pas de maladie organique est l’évacuation rapide des matières décomposées et nocives évacuées par la peau.
Vêtements d’extérieur adaptés. – Les enfants devraient avoir des vêtements de pluie en laine – en serge grossière, par exemple – à changer dès qu’ils reviennent d’une promenade, et ainsi ils ne risquent pas de prendre froid. C’est une question de bon sens. Des linges mouillés sont placés sur la tête d’un patient fiévreux ; puis les linges sèchent, et on les trempe de nouveau : qu’est devenue l’eau ? Elle s’est évaporée et, en s’évaporant, a emporté beaucoup de chaleur de la tête enfiévrée. Or, ce qui soulage la peau chaude de la fièvre est justement la chose à éviter dans les circonstances ordinaires. Être mouillé jusqu’à la peau ne fait pas plus de mal à un enfant que ne le ferait un bain, si les vêtements mouillés ne sèchent pas sur lui, c’est-à-dire si l’eau ne s’évapore pas en emportant beaucoup de chaleur de son corps. C’est la perte de chaleur qui est suivie de rhumes, et non le fait d’être trempé, que les mères sont prêtes à déplorer. Gardez un enfant actif et heureux sous la pluie, et il ne retirera que du bien de sa promenade. Le cas est différent si l’enfant a déjà un rhume ; alors l’exercice actif pourrait augmenter toute inflammation déjà installée.
Je ne sais pas si c’est plus qu’une jolie fantaisie de Richter quand il dit qu’une douche printanière est une sorte de bain électrique et un moyen très puissant pour la santé ; certainement la pluie nettoie l’atmosphère – un fait d’une importance considérable dans et autour des grandes villes. Mais il suffit pour notre propos de prouver que la pluie ne nuit pas ; car l’exercice quotidien abondant au grand air est d’une importance si vitale pour les enfants, que rien, sinon la maladie, ne devrait les retenir à l’intérieur. Une promenade simple et joyeuse est suffisante lors d’une journée pluvieuse, car, faite dans la bonne humeur, la pluie battante elle-même est exaltante. La longue marche de l’écolier, caractérisée par son petit trot régulier, se transformant de temps en temps en course, est un exercice capital. Toutefois, il faut tenir compte des forces des enfants qui ne doivent pas être surmenées.
Les précautions. – Les enfants ne devraient jamais être autorisés à s’asseoir ou à se tenir debout dans des vêtements humides ; et voici l’utilité des vêtements imperméables – pour les garder au sec pendant les courts trajets vers l’église, l’école ou la maison du voisin, où ils ne peuvent pas vraiment changer de vêtements.
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13. Vie de « Peaux rouges »
Le scoutisme. – Le petit livre de Baden Powell sur le Scoutisme nous a mis sur une nouvelle voie. Des centaines de familles font de joyeuses expéditions, bien plus éducatives qu’elles ne l’imaginent, où le scoutisme est à l’ordre du jour. Par exemple, un groupe de quatre personnes ou plus se tient en embuscade, la meilleure embuscade qui soit, installée après mûre réflexion. L’ennemi fait des repérages ; il trouve d’abord l’embuscade, puis il fait preuve d’habileté en s’approchant sans être découvert. Chaque famille devrait s’emparer du Scoutisme à défaut de pouvoir partir en guerre avec un « Peau rouge ». Le mal de la vie « toute faite » que nous menons est que nous ne discernons pas les signes du temps. Une intelligence alerte sur ce qui se passe dans le monde en plein air est une grande qualité, et, même si nous approuvons fortement l’effort fait pour abolir la chasse aux nids d’oiseaux, nous risquons de perdre, si nous ne faisons pas attention, le peu de ce que nous pouvons appeler le savoir-faire « Peau rouge » encore à notre portée.
La traque des oiseaux. – La « traque des oiseaux », pour lui donner un nom, est beaucoup plus excitante et agréable que la chasse aux nids, et nous nous amusons sans faire souffrir les autres êtres vivants. Toute l’habileté d’un bon scout entre en jeu. Pensez, comme il est excitant de se glisser silencieusement comme des ombres derrière les buissons au bord de la rivière, à quatre pattes, sans déranger une brindille ou un caillou, jusqu’à ce que vous arriviez à un mètre d’un couple de bécasseaux, puis, allongé à même le sol, d’observer leurs délicates petites courses, leurs jolis mouvements de tête et de queue, et entendre la mélodie de leur cri. Et c’est là qu’intervient la véritable joie de la traque des oiseaux. Si, au cours des mois d’hiver, les enfants se sont familiarisés avec les chants de nos oiseaux résidents, ils seront en mesure, au début de l’été, de les « traquer » dans un but précis. Les cris et les chants du mois de juin sont assez déconcertants, mais l’idée est de distinguer ceux dont on est sûr, puis de suivre les autres. La clé de la connaissance des oiseaux est la connaissance de leurs chants, et la seule façon de l’obtenir est de suivre tout chant dont vous n’êtes pas sûr. La joie de suivre un cri jusqu’à sa source est la joie d’une « découverte », une possession pour la vie.
Mais la traque des oiseaux ne peut se faire que sous certaines conditions. Vous ne devez pas seulement être « silencieux comme une souris », vous ne devez même pas laisser chuchoter une pensée, car si vous vous laissez aller à penser à autre chose, le jeu tout à fait charmant de la vie des oiseaux passe inaperçu ; les chants des oiseaux vous resteront inconnus.
Voici deux promenades racontées par un amoureux des oiseaux :
« Nous avons entendu un chant semblable à celui du pinson des arbres, mais plus lent, et nous avons levé les yeux vers les branches du frêne pour essayer de suivre l’oiseau grâce au frémissement soudain d’une brindille ici, d’une autre là. Nous avons trouvé un chemin escarpé et rocheux qui nous a amené presque au niveau de la cime des arbres, et nous avons alors eu une bonne vue du timide petit roitelet des saules occupé à chercher de la nourriture. Une mélodie provenant de l’arbre suivant, semblable à un pétillement, nous a fait avancer, et nous avons trouvé le troglodyte et l’avons observé, tandis que, la tête tournée vers le haut et la gorge pétillante, il lançait son trille. »
« Une joyeuse mélodie a éclaté dans un buisson à proximité, et nous avons rampé, pour trouver une fauvette à tête noire, la crête relevée, qui tournait avec enthousiasme, extasiée par sa chanson. Nous avons attendu, et l’avons suivie jusqu’à son prochain arrêt grâce à son léger bruissement dans les branches. Un cri rauque provenant d’un autre arbre nous avertissait de la présence d’un pinson vert, et nous l’avons poursuivi longtemps pour l’apercevoir ; mais il s’est arrêté sur une brindille saillante, et nous avons alors entendu son joli chant, que je n’aurais jamais deviné être le sien si nous ne l’avions pas vu faire. Une petite note grinçante nous a incités à regarder les troncs d’arbres, et, bien sûr, il y avait un grimpereau qui courait et tournait autour d’un frêne, poussant sa chansonnette en continu. »
« Un autre jour, nous nous sommes mis derrière un mur d’où nous pouvions observer un champ qui se trouvait près d’un lac. Il y avait le pluvier vert avec son élégante crête, courant et picorant, et, pendant qu’il picorait, nous avons aperçu l’éclat rose sous sa queue. Nous avons attendu, espérant en voir plus, car les pluviers sont si immobiles qu’ils se confondent dans leur environnement. Mais quelqu’un a toussé et les pluviers se sont envolés, une douzaine d’entre eux, avec leur cri de détresse : « Pourquoi vous ne nous laissez pas tranquilles ? » Leur détresse a réveillé d’autres oiseaux, et nous avons vu une bécassine s’élever du bord de l’eau, un endroit marécageux, avec un vol en zigzag précipité ; elle a fait un long tour et s’est posée pas beaucoup plus loin que là d’où elle s’était envolée. Les bécasseaux se sont envolés, deux au ras de l’eau, sifflant sans cesse. Au bord d’un petit ravin, nous avons observé une bergeronnette, et un rayon de soleil nous a montré la poitrine jaune de la bergeronnette printanière. Un « tis-sic » bruyant près de nous a attiré nos yeux vers le mur, et là se tenait une bergeronnette de Yarrell, le bec plein, attendant de se débarrasser de nous pour aller visiter son nid dans le mur. Nous nous sommes éloignés et abrités derrière un arbre, et après quelques minutes d’attente, nous l’avons vue rentrer dans son trou. Une série de sons rapides et aigus à proximité (comme un balai sur les stores vénitiens !) a dirigé nos yeux vers un petit troglodyte sur le mur, la queue relevée, mais en une minute, il a disparu comme une souris de l’autre côté du mur. »
Ceci de la part d’un autre amoureux des oiseaux :
« Maintenant, ils (les enfants) commencent à s’intéresser davantage aux oiseaux qu’aux œufs, et leur première question, au lieu d’être, « À quoi ressemble l’œuf ? » est généralement « A quoi ressemble l’oiseau ? » Nous avons fait de grandes recherches dans A History of British Birds [Les oiseaux britanniques] de Morris pour identifier les oiseaux que nous avons vus et pour vérifier quelques points douteux.
« A présent, passons aux oiseaux. Les tariers pâtres abondent sur les landes. Je me suis piqué jusqu’aux genoux, debout dans une parcelle d’ajoncs, pour regarder et écouter jusqu’à en voir un premier, puis j’ai été bien vite récompensé car, finalement, je vis quatre couples en même temps. Connaissez-vous ces oiseaux ? Les mâles sont de si beaux petits oiseaux : tête et masque noirs, collier blanc, poitrine rousse et dos gris foncé ou brun. Ils ont un joli petit chant, un peu plus long que celui du pinson, en plus du cri bavard quand ils sont dérangés. Ils ne volent pas longtemps, et planent dans l’air comme un gobemouche. Les hirondelles de rivage ont de nombreux trous dans les falaises. Nous avons essayé de voir à quelle profondeur elles creusent pour construire leurs nids, mais bien que j’ai mis mon bras jusqu’au coude dans plusieurs trous déserts, je n’ai pas pu atteindre le fond. Je pense que mes oiseaux favoris sont les rousserolles effarvattes. J’en connais au moins quatre couples, et lorsque j’ai pu convaincre les enfants d’arrêter de parler tous les deux pendant quelques minutes, nous avons pu les observer sautiller hardiment le long des roseaux et chanter sous nos yeux. »
Ceci le genre de choses que les traqueurs d’oiseaux découvrent – et quel dommage pour les enfants qui ne sont pas familiarisés avec le doux art de l’observation. Il n’y a pas d’avidité à collectionner, pas de jeu de chasseur avec l’instinct de tuer, et pourtant c’est une joie qui vous appartient pour la vie.
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14. Les enfants ont besoin de l’air de la campagne
La proportion essentielle d’oxygène. – Tout le monde sait que la respiration d’un air qui a perdu une petite partie de sa proportion d’oxygène est la condition essentielle d’une vie vigoureuse et d’un corps sain. Aussi, tout ce qui produit de la chaleur, que ce soit l’animal, le feu, la bougie ou la lampe à gaz, cela se fait au dépens de l’oxygène présent dans l’atmosphère – une réserve dans laquelle puise tout objet qui respire ou qui brûle. Par ailleurs, dans les situations où l’on respire et où l’on brûle beaucoup, ce gaz vital est terriblement épuisé ; et la consommation peut être si excessive qu’il n’y a plus assez d’oxygène dans l’air pour soutenir la vie animale, ce qui peut entraîner la mort. Là où la consommation est moins excessive mais encore grande, la vie animale peut être entretenue et les gens vivent dans un état de vitalité très bas.
L’excès de gaz carbonique. – Nous savons aussi que toute respiration et tout objet qui brûle expulse un gaz nocif – le gaz carbonique. Une très petite proportion de ce gaz est présente dans l’air atmosphérique le plus pur, et cette petite proportion est saine ; mais augmentez cette quantité par l’action des fourneaux, des feux, des êtres vivants, des lampes à gaz, et l’air est rendu malsain, juste en proportion de la quantité de gaz carbonique superflu qu’il contient. Si cette quantité est excessive, comme c’est le cas lorsque de nombreuses personnes sont entassées dans une petite pièce non ventilée, il en résulte une mort rapide par suffocation.
L’air non vicié et non appauvri. – Pour ces raisons, il n’est pas possible de profiter pleinement de la vie dans une ville. Pour les adultes, la stimulation de la vie urbaine compense en quelque sorte l’impureté de l’air de la ville ; d’autre part, les ruraux perdent trop souvent leurs avantages par l’habitude de la lenteur mentale dans laquelle ils se laissent tomber : mais, pour les enfants, qui non seulement respirent, mais grandissent, et qui ont besoin, proportionnellement, de plus d’oxygène que les adultes pour leurs processus vitaux, il est absolument cruel de ne pas leur donner très fréquemment, sinon quotidiennement, de grandes quantités d’air non vicié, non appauvri, le genre d’air qu’on ne peut avoir que loin des villes.
La lumière du soleil. – Ce n’est là qu’une des raisons pour lesquelles, rien que pour la santé, il est primordial de donner aux enfants de longues journées en pleine nature. Ils ont besoin de lumière, de lumière solaire, et d’air. Les gens de la campagne sont plus rouges que ceux de la ville ; les mineurs sont cireux, tout comme les habitants des caves et des vallées sans soleil. La raison en est que, pour assurer l’éclat vermeil d’une santé parfaite, certains changements doivent se produire dans le sang – dont la nature serait trop longue à expliquer ici – et que ces changements dans le sang, marqués par la libre production de globules rouges, semblent avoir lieu le plus favorablement sous l’influence d’une abondante lumière solaire. De plus, les hommes de science commencent à soupçonner que non seulement les rayons lumineux colorés du spectre solaire, mais aussi les rayons thermiquessombres et les rayons chimiques, contribuent à la vitalité d’une manière qui n’est pas encore entièrement comprise.
Un idéal physique pour un enfant. – Il y a quelque temps, il y avait une charmante photo dans Punch de deux petits garçons s’exprimant en franco-anglais sur la nouvelle femme de chambre de leur mère ; deux nobles petits camarades, droits comme des i, sans chair superflue, les yeux bien ouverts, la tête droite, la poitrine bien déployée, le corps tout entier plein d’énergie même au repos. Cela valait la peine de les examiner, ne serait-ce que pour suggérer le type de physique que nous aimons voir chez un enfant. Il ne fait aucun doute que l’enfant hérite de ce qu’il est à cet égard comme à tous les autres ; mais voici ce que l’éducation peut faire, avec certaines limites : l’enfant naît avec certaines tendances naturelles et, selon son éducation, chacune de ces tendances peut se transformer en un défaut de la personne ou de caractère, ou en une grâce apparentée. C’est pourquoi il vaut la peine d’avoir même un idéal physique pour son enfant ; il ne faut pas, par exemple, se convaincre qu’un enfant gros est nécessairement un bon enfant. L’enfant gros peut facilement être produit : mais les yeux brillants, le regard ouvert, le pas vif, la voix claire, les mouvements agiles et gracieux qui caractérisent l’enfant bien élevé sont le résultat, non pas seulement d’un bien-être corporel, mais « d’un esprit et d’une âme en accord », d’une intelligence rapide et entraînée, et d’une nature morale habituée à la « joie de se maîtriser ».
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PARTIE III – « Une habitude vaut dix natures »
1. Une éducation basée sur la loi naturelle
Un cerveau sain. – Ce que je souhaite présenter au lecteur, c’est une méthode d’éducation basée sur la loi naturelle. En premier lieu, nous avons considéré certaines des conditions à observer en vue de maintenir le cerveau en bon état de fonctionnement ; car la possibilité d’une bonne éducation dépend d’un cerveau actif et dûment nourri.
La vie en plein air. – La considération de la vie au grand air, dans l’élaboration d’une méthode d’éducation, vient en second lieu ; car mon but est de montrer que la fonction principale de l’enfant – son occupation dans le monde au cours des six ou sept premières années de sa vie – est de découvrir tout ce qu’il peut, sur tout ce qui lui tombe sous la main, au moyen de ses cinq sens ; qu’il a un appétit insatiable pour les connaissances acquises de cette façon ; et que, par conséquent, l’effort de ses parents devrait être de le mettre en état de faire librement connaissance avec la Nature et les objets naturels ; qu’en fait, l’éducation intellectuelle du jeune enfant devrait résider dans le libre exercice du pouvoir perceptif, car les premières étapes de l’effort mental sont marquées par l’activité extrême de ce pouvoir ; et la sagesse de l’éducateur est de suivre l’exemple de la nature dans l’évolution complète de l’être humain.
Le prochain sujet à examiner – un sujet psycho-physiologique plutôt aride – me semble néanmoins tout à fait digne d’attention, car il constitue la clef de voûte d’une méthode raisonnable d’éducation.
L’habitude est l’instrument avec lequel travaillent les parents. – « Une habitude vaut DIX natures ! » Si je pouvais faire voir aux autres avec mes yeux combien cette phrase devrait signifier pour l’éducateur ! L’habitude, dans les mains de la mère, est comme le tour pour le potier, le couteau pour le sculpteur – l’instrument au moyen duquel elle réalise le projet qu’elle a déjà conçu dans son cerveau. Remarquez, le matériel est là pour démarrer ; le tour ne permettra pas au potier de produire une tasse en porcelaine à partir d’une argile brute ; mais l’instrument est aussi nécessaire que la matière ou le design. Il est désagréable de parler de soi, mais si le lecteur me le permet, je voudrais passer en revue les étapes par lesquelles j’ai été amenée à considérer l’habitude comme le moyen par lequel le parent peut faire de son enfant presque tout ce qu’il veut. Ce qui est devenu l’idée dominante de la vie d’une personne, si elle est lancée soudainement à une autre, n’a pas une très grande profondeur ou une très grande signification pour la seconde personne – elle doit y arriver par degrés, pour voir les étapes par lesquelles l’autre est passé. Je vais donc me risquer à montrer comment je suis arrivée à ma position actuelle, qui est, d’après l’un des trois points de vue possibles : la formation des habitudes est l’éducation, et l’Éducation est la formation des habitudes.
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2. Les enfants n’ont aucun pouvoir d’auto-discipline
Un cul-de-sac éducatif. – Il y a quelques années, j’avais l’habitude d’entendre par le clergé, au moins un dimanche sur quatre, l’expression : « Une habitude vaut DIX natures ». A l’époque, je venais de commencer à enseigner et j’étais jeune et enthousiaste dans mon travail. C’était pour moi une grande chose d’être enseignante ; il était impossible que le professeur ne laisse pas son empreinte sur les enfants. C’était de sa faute si quelque chose n’allait pas, si un enfant ne réussissait pas à l’école ou abandonnait. Il n’y avait aucun degré de responsabilité auquel l’ardeur de la jeunesse n’était pas égale. Mais, malgré tout ce zèle, il était décevant de constater que rien d’extraordinaire ne se produisait. Les enfants étaient bons dans l’ensemble, car ils étaient les enfants de parents qui avaient eux-mêmes été élevés avec un certain soin ; mais il était clair qu’ils se comportaient à peu près comme « était leur nature ». Les défauts qu’ils avaient, ils les gardaient ; les vertus qu’ils avaient, ils les exerçaient tout aussi irrégulièrement qu’auparavant. La petite fille bonne et docile racontait encore des mensonges. L’enfant brillant et généreux était incurablement oisif. Dans les leçons, c’était la même chose ; le flâneur continuait à flâner, l’enfant ennuyeux ne devenait pas plus brillant. C’était très décevant. Les enfants, sans aucun doute, « avançaient » un peu ; mais chacun d’eux avait en lui l’étoffe d’un noble caractère, d’un esprit fin, et où était le levier pour élever chacun de ces petits mondes ? Un tel levier devait exister. Ce manège en géographie et en français, en histoire et en calcul, n’était rien d’autre que jouer à éduquer ; car qui se souvient des bribes de connaissances sur lesquelles il a peiné quand il était enfant ? Et l’application de quelques heures plus tard dans la vie n’aurait-elle pas plus d’effet que la corvée d’une année dans une matière quelconque pendant l’enfance ? Si l’éducation doit assurer le progrès graduel de l’individu et de la race humaine, elle doit signifier quelque chose de plus que le labeur quotidien de petites tâches qui porte ce nom.
L’amour, le droit et la religion en tant que forces éducatives. – Cherchant des conseils dans la littérature éducative, j’ai beaucoup appris de diverses sources, mais je n’ai pas réussi à trouver ce qui me semblait être un guide faisant autorité, c’est-à-dire un guide dont la pensée embrassait les possibilités contenues dans la nature humaine de l’enfant, et, en même temps, mesurait la portée de l’éducation. J’ai vu comment l’enseignement religieux aidait les enfants, leur donnait le pouvoir et la motivation d’un effort continu, et élevait leurs désirs vers les meilleures choses. J’ai vu jusqu’où la loi freinait le mal, et l’amour poussait vers le bien. Mais malgré ces grandes aides venant de l’extérieur et d’en haut, il y avait toujours le sentiment déprimant de travailler dans l’obscurité ; les progrès réalisés par les jeunes gens dans le domaine moral, et même dans le domaine intellectuel, étaient comme ceux d’une porte sur ses gonds – un mouvement vers l’avant aujourd’hui et un mouvement vers l’arrière demain, avec peu de progrès sensibles d’année en année au-delà de la capacité de faire des calculs plus difficiles et de lire des livres plus difficiles.
Pourquoi les enfants sont incapables d’effort constant. – Considération faite, la raison de l’échec était évidente : il y avait une chaude lueur de bonté dans le cœur de chaque enfant, mais ils étaient tous incapables d’un effort soutenu, parce qu’ils n’avaient aucune force de volonté, aucun pouvoir de se forcer à faire ce qu’ils savaient devoir faire. C’est ici, sans doute, qu’interviennent les parents et les enseignants ; ils devraient pouvoir faire faire à l’enfant ce qu’il n’a pas le pouvoir de se contraindre à faire. Mais ce serait une mauvaise habitude que de maintenir l’enfant dans la dépendance de l’influence personnelle. C’est le rôle de l’éducation de trouver un moyen de suppléer à cette faiblesse de volonté qui est un fléau pour la plupart d’entre nous et des enfants.
Les enfants devraient être épargnés de l’effort de décision. – Que l’effort de décision soit l’effort le plus épuisant de la vie, a été bien dit par le clergé ; et si cela reste vrai pour nous-mêmes, même lorsque la décision porte sur des questions insignifiantes d’aller ou de venir, d’acheter ou de ne pas acheter, il n’est certainement pas juste de laisser aux enfants tout le travail d’un effort de volonté chaque fois qu’ils doivent choisir entre le bien et le mal.
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3. Qu’est-ce que la « Nature » ?
« Une habitude vaut DIX natures », ne cessait d’être clamé à mes oreilles ; et finalement, il m’est apparu comme un dicton lourd de sens, qui pourrait contenir l’éducatif « Sésame, ouvre-toi ! » que je cherchais. Tout d’abord, qu’est-ce que la nature, et qu’est-ce que l’Habitude, précisément ?
C’est une chose étonnante lorsque l’on considère ce qu’est l’enfant, indépendamment de sa race, de son pays ou de sa parenté, du simple fait de sa naissance en tant qu’être humain.
Toutes les personnes naissent avec les mêmes désirs primaires. – Que nous ayons tous les mêmes instincts et les mêmes appétits, nous sommes prêts à l’admettre, mais que les principes d’action qui gouvernent tous les hommes en tous lieux soient essentiellement les mêmes, voilà qui est un peu surprenant ; que, par exemple, les mêmes désirs s’agitent dans la poitrine du sauvage et du sage ; que le désir de connaissance, qui se manifeste dans la curiosité de l’enfant pour les choses et dans l’usage avide qu’il fait de ses yeux, est également actif partout ; que le désir de compagnie, que vous pouvez voir dans deux bébés présentés l’un à l’autre et tout agités de joie et d’amitié, se vérifie, aussi bien, dans des communautés villageoises parmi les tribus sauvages que dans les réunions philosophiques des savants ; que partout se fait sentir le désir d’estime – un pouvoir merveilleux dans les mains de l’éducateur, rendant un mot d’éloge ou de blâme plus puissant comme motivation que toute crainte ou espoir de punition ou de récompense.
Et les affections. – Et il ne s’agit pas seulement des mêmes désirs ; tous les hommes, partout, ont les mêmes affections et les mêmes passions qui agissent de la même manière sous une provocation semblable : la joie et la peine, l’amour et le ressentiment, la bienveillance, la sympathie, la peur, et bien d’autres choses encore que nous avons tous en commun. Il en va de même pour la conscience, le sens du devoir.
Le contenu de la notion la plus élémentaire de la nature humaine. – Le Dr Livingstone mentionne que le seul ajout qu’il s’est senti appelé à faire au code moral de certaines tribus du Zambèze (même si elles ne respectaient pas leur propre loi) était qu’un homme ne devait pas avoir plus d’une femme. « Parler mal, mentir, haïr, désobéir à ses parents, les négliger » tout cela était considéré comme des péchés par ces peuples à la peau foncée que l’enseignement civilisé ou chrétien n’avait jamais atteint. Non seulement le sens du devoir est commun à l’humanité, mais aussi la conscience plus profonde de Dieu, aussi vague soit-elle. Et tout cela, et bien plus encore, constitue la notion la plus élémentaire de la nature humaine.
La nature plus l’hérédité. – Ensuite, l’hérédité entre en jeu, et voici, si vous le voulez bien, dix natures : qui va s’occuper de l’enfant rancunier, ou têtu, ou imprudent, parce que c’est né en lui, la nature de sa mère ou celle de son grand-père ? Pensez à l’œil malicieux, à l’action de la main, ces gestes répétés de père en fils ; au caractère particulier de l’écriture, identifiable, comme Miss Power Cobbe nous dit que c’est le cas dans sa famille, par exemple, sur cinq générations ; au tempérament artistique, au goût pour la musique ou le dessin, qui se retrouve dans les familles : voilà la Nature avec une torsion, confirmée, scellée, rivetée, une preuve absolue, diriez-vous, contre toute tentative de l’altérer ou de la modifier.
Plus les conditions physiques. – Et, une fois de plus, les conditions physiques entrent en jeu. L’enfant chétif et faible et le robuste gamin qui ne tombe jamais malade doivent nécessairement différer l’un de l’autre par la force de leurs désirs et de leurs émotions.
La nature humaine est la somme de certains attributs. – Si l’on ajoute à cela les désirs naturels, les affections et les émotions communes à toute la race, les tendances que chaque famille tire de sa descendance, et les particularités que l’individu doit à sa propre constitution corporelle et cérébrale, – la nature humaine, somme de tous ces éléments, se présente comme une affaire solide ; à tel point que nous sommes enclins à penser que le mieux que l’on puisse faire est de la laisser tranquille, de laisser chaque enfant se développer sans entrave selon les éléments de caractère et de disposition qui sont en lui.
L’enfant ne doit pas être laissé à sa nature humaine. – C’est précisément ce que la moitié des parents du monde et les trois quarts des enseignants se contentent de faire ; et quelle en est la conséquence ? Le monde fait des progrès, mais ces progrès sont, pour la plupart, le fait du petit nombre de ceux dont les parents ont pris sérieusement en main l’éducation ; tandis que les autres, à qui on a permis de rester là où ils étaient, de n’être ni plus ni mieux que la Nature ne les a faits, agissent comme un lourd boulet : car, le fait est qu’ils ne restent pas là où ils étaient ; il est indéniablement vrai que l’enfant qui n’est pas constamment élevé à un niveau de plus en plus haut tombera de plus en plus bas. C’est pourquoi le parent a autant le devoir d’éduquer son enfant à la force morale, à la détermination et à l’activité intellectuelle que de le nourrir et de le vêtir, et cela en dépit de sa nature, s’il doit en être ainsi. Il est vrai que, de temps à autre, les circonstances interviennent et « font un homme » du garçon que les parents n’ont pas réussi à discipliner ; mais il s’agit là d’une aide fortuite sur laquelle l’éducateur ne peut aucunement compter.
Je commençais à voir la voie à suivre – je n’étais pas encore sortie de la difficulté psychologique qui, en ce qui me concernait, bloquait la voie à toute véritable éducation ; mais maintenant je pouvais mettre le doigt sur l’origine du blocage, et c’était quelque chose. Ainsi :
La volonté de l’enfant est pitoyablement faible, plus faible chez les enfants des faibles, plus forte chez les enfants des forts, mais on ne peut presque jamais compter sur elle comme puissance éducative.
La nature de l’enfant – sa nature humaine – est la somme de ce qu’il est en tant qu’être humain, de l’héritage dont il est issu et de ce qu’il est comme résultat de sa propre constitution physique et mentale – cette nature est d’une force incalculable.
Le problème pour l’éducateur. – Le problème qui se pose à l’éducateur est de donner à l’enfant le contrôle de sa propre nature, de lui permettre de se prendre en main aussi bien en ce qui concerne les traits que nous appelons bons, que ceux que nous appelons mauvais : plus d’un homme a fait naufrage sur le rocher où il a fait grandir sa vertu caractéristique – son ouverture d’esprit, par exemple.
La grâce divine s’exerce sur les lignes de l’effort humain. – En cherchant une solution à ce problème, je ne sous-estime pas la grâce divine, bien au contraire ; mais nous ne tenons pas toujours suffisamment compte du fait que la grâce divine s’exerce suivant les lignes de l’effort humain éclairé ; que le parent, par exemple, qui se donne la peine de comprendre ce qu’il fait en éduquant son enfant, mérite et obtient assurément le soutien d’en haut ; que Rebecca, par exemple, n’avait pas le droit d’élever son fils pour qu’il soit ce « vermisseau de Jacob », dans l’espoir que la grâce divine, pour parler avec respect, le tirerait d’affaire. Comme il était un homme pieux, le fils de parents pieux, il a été tiré d’affaire, mais ses jours, se plaint-il à la fin, ont été « peu nombreux et mauvais ».
La confiance des parents ne doit pas être passive. – Et en effet, c’est ce à quoi s’attendent trop de parents chrétiens : ils laissent l’enfant croître librement comme la ronce sauvage, produisant sans contrôle tout ce qu’il a en lui – épine, fleur grossière, fruit insipide, – confiants, vous diront-ils, que la grâce de Dieu taillera, arrachera et soutiendra les branches indisciplinées. Et leur confiance n’est pas toujours mal placée ; mais le pauvre homme endure l’angoisse, est déchiré dans le processus de guérison que ses parents auraient pu lui épargner s’ils avaient formé les premières pousses qui devaient se développer par la suite pour former le caractère de leur enfant.
La Nature, aussi forte soit-elle, n’est pas invincible ; et, au mieux, elle ne doit pas être autorisée à se déchaîner. Le mors et la bride, la main et la voix, lui permettront d’accomplir le maximum d’efforts si son éducation est prise en main à temps ; mais laissez la Nature se déchaîner, comme avec les poneys New-Forest, et ni l’éperon ni le fouet ne l’assoupliront.
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4. L’habitude peut supplanter la « Nature »
« Une habitude vaut dix natures. » – Si cela est vrai, aussi forte que soit la nature, l’habitude n’est pas seulement aussi forte, mais dix fois plus forte. Voilà donc quelque chose de plus fort, capable de vaincre cet homme fort et armé.
L’habitude suit les lignes de la nature. – Mais l’habitude suit les lignes de la nature : l’enfant lâche ment habituellementpour échapper au blâme ; l’enfant aimant a cent habitudes attachantes ; l’enfant bon a l’habitude de donner ; l’enfant égoïste, l’habitude de garder. L’habitude, qui fonctionne ainsi selon la nature, est simplement la nature en action qui se renforce par l’exercice.
Mais l’habitude peut être un levier. – Mais l’habitude, pour être le levier qui va élever l’enfant, doit agir contre la nature, ou en tout cas, indépendamment d’elle.
Dès que nous commençons à comprendre le fonctionnement de l’habitude dans ce sens, les exemples se multiplient : il y a les enfants formés à des habitudes soigneuses, qui ne salissent jamais leurs vêtements ; ceux formés aux habitudes de discrétion, qui ne parlent jamais de ce qui se fait à la maison, et répondent aux questions indiscrètes par « je ne sais pas » ; il y a les enfants élevés dans des habitudes courtoises, qui laissent la place à leurs aînés avec une grâce douce, et plus volontiers à la pauvre femme au panier qu’à la dame bien habillée ; et il y a les enfants formés aux habitudes de réticence, qui ne proposent jamais de céder, d’aller ou de faire.
Une mère crée involontairement les habitudes de ses enfants. – De telles habitudes, bonnes, mauvaises ou indifférentes, sont-elles naturelles pour les enfants ? Non, mais ce sont celles que leur mère leur a inculquées ; et, en fait, il n’y a rien qu’une mère ne puisse inculquer à son enfant, et il n’y a guère de mère qui n’ait deux ou trois – parfois des préférences personnelles, parfois des principes – que ses enfants ne violent jamais. Si bien que l’on en arrive à ceci : une mère qui a des opinions libérales en matière d’éducation, et qui ne peut s’empêcher d’influer sur les habitudes de ses enfants avec ses propres idées ; ou bien une mère dont la question ultime est : « Que diront les gens ? Que penseront les gens ? De quoi aura-t-on l’air ? » et voilà que les enfants grandissent avec des habitudes de paraître et non d’être ; ils se contentent de paraître bien habillés, bien élevés et bien intentionnés avec les étrangers à la famille, et font peu d’efforts pour rechercher la beauté, l’ordre et la bonté à la maison et dans leur famille.
L’habitude force la nature à emprunter de nouvelles voies. – L’extraordinaire pouvoir de l’habitude, qui force la nature à emprunter de nouvelles voies, n’a guère besoin d’être illustré ; il suffit de voir un petit garçon dans un cirque monter à cru deux poneys avec un pied sur le dos de chacun d’eux, ou une fée-pantomime danser en l’air, ou un clown se comporter comme une balle en caoutchouc, ou n’importe laquelle des mille prouesses d’adresse et de dextérité que nous payons de nos shillings – prouesses mentales aussi bien que corporelles, bien que, heureusement, ces dernières soient plus rares – pour être convaincu que tout peut être accompli par l’entraînement, c’est-à-dire par la culture d’habitudes persistantes. Et le pouvoir de l’habitude ne se manifeste pas seulement chez les êtres humains. Le chat va chercher son repas toujours à la même heure et au même endroit, à condition que l’on ait l’habitude de le nourrir au même endroit. En effet, l’habitude du lieu est si importante pour le chat, qu’il préfère souvent mourir de faim plutôt que d’abandonner la maison à laquelle il est habitué. Quant au chien, il est encore plus un « paquet d’habitudes » que son maître. Dispersez des miettes pour les moineaux à neuf heures tous les matins, et à neuf heures ils viendront prendre leur petit-déjeuner, miettes ou pas. Darwin est enclin à penser que la terreur et l’évitement de l’homme par les oiseaux sauvages et les petits animaux sont simplement une question d’habitude transmise ; il nous raconte qu’il a débarqué sur certaines îles du Pacifique où les oiseaux n’avaient jamais vu d’homme auparavant, et qu’ils se sont posés sur lui et ont volé autour de lui sans aucune crainte. Pour revenir plus près de chez nous, quelle preuve de la maîtrise de l’habitude est plus triste et plus accablante que les habitudes de l’ivrogne, par exemple, qui persiste, malgré la raison, la conscience, le but, la religion, tous les motifs qui devraient influencer un être pensant ?
Les parents et les enseignants doivent établir des lignes d’habitude. – Tout cela n’est pas nouveau ; nous avons toujours su que « l’usage est une seconde nature » et que « l’homme est un paquet d’habitudes ». Ce n’était pas le fait, mais l’application du fait, et la physiologie de l’habitude, qui étaient des idées nouvelles et extrêmement précieuses pour moi, et j’espère qu’elles pourront être utiles au lecteur. Il était nouveau pour moi, par exemple, de percevoir que c’est aux parents et aux enseignants qu’il incombe d’établir les lignes d’habitude sur lesquelles la vie de l’enfant peut désormais se dérouler avec peu de secousses ou de ratés, et avancer dans la bonne direction avec le minimum d’effort.
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5. Établir des lignes d’habitude
« Commencez, et la chose sera terminée ! » est infailliblement vrai pour toute habitude mentale et morale : achevée, non pas selon ce que vous avez prévu et voulu, mais selon ce qui est approprié et nécessaire à cette habitude particulière. Dans l’expression « cérébration inconsciente », nous sommes confrontés au fait que, quelle que soit la graine de pensée ou de sentiment que vous implantez chez un enfant – que ce soit par héritage ou par une formation précoce – elle grandit, s’accomplit et prolifère selon sa nature, comme le fait un organisme corporel. C’est une chose belle et merveilleuse que de percevoir une idée – quand l’idée elle-même est bonne – se développer en vous de son propre chef, de réaliser que votre plume se met à écrire des phrases dont la suite logique vous enchante, et cependant sans avoir conscience d’où cela vient. Lorsque l’écrivain expérimenté « dévide » de cette façon, il sait que, pour ce qui est de la suite des mots, de l’ordre des idées, son travail n’aura pas besoin d’être révisé. Cela est si agréable que la fausse idée de l’infaillibilité de la raison persiste et s’établit. Le philosophe, qui prend plaisir à observer les voies de son propre esprit, est un penseur de hautes pensées, et il a tendance à oublier que la pensée qui souille un homme se comporte exactement de la même manière que celle qui purifie : l’une, comme l’autre, se développe, mûrit et augmente selon son espèce.
Nous pensons, comme nous avons l’habitude de penser. – Comment cela se répercute-t-il en pratique sur l’éducation des enfants ? De la manière suivante. Nous pensons, comme nous avons l’habitude de penser ; les idées vont et viennent en un trafic incessant dans l’ornière – appelons cela ainsi – que vous leur avez tracée dans la substance nerveuse même du cerveau. Vous n’avez pas délibérément l’intention de penser ces pensées ; vous pouvez, en fait, vous opposer fortement au chemin qu’elles empruntent (deux « trains » de pensées circulant en même temps !), et en vous y opposant, vous pouvez être capable de barrer le chemin, d’afficher un « sens interdit » en grosses lettres, et de contraindre la population affairée du monde cérébral à prendre une autre route. Mais qui est capable de faire cela ? Pas l’enfant, dont la volonté est immature, la puissance morale faible, et qui n’a pas l’habitude des armes du combat spirituel. Il dépend de ses parents ; c’est à eux qu’il appartient d’initier les pensées qu’il doit penser, les désirs qu’il doit chérir, les sentiments qu’il doit autoriser. Seulement initier, rien de plus ne leur est permis ; mais de cette initiation résulteront les habitudes de pensée et de sentiment qui gouvernent l’homme – c’est-à-dire son caractère. Mais n’est-ce pas trop présomptueux, puisque, pour résumer à peu près tout ce que nous entendons par hérédité, l’enfant naît avec son avenir entre les mains ? L’enfant naît, sans aucun doute, avec les tendances qui doivent façonner son avenir ; mais chaque tendance a ses embranchements, ses bons ou mauvais débouchés ; et mettre l’enfant sur la bonne voie, lui permettre d’accomplir l’ensemble des possibilités qui se trouvent en lui, telle est la vocation du parent.
Direction des lignes d’habitude. – Cette relation de l’habitude à la vie humaine – comme les rails sur lesquels circule une locomotive – est peut-être la plus évocatrice et la plus utile pour l’éducateur ; car tout comme il est, dans l’ensemble, plus facile pour la locomotive de poursuivre son chemin sur les rails que de faire une course désastreuse hors de ceux-ci, de même il est plus facile pour l’enfant de suivre les lignes de l’habitude soigneusement tracées que de s’écarter de ces lignes à son péril. Il s’ensuit que cette tâche de tracer des lignes vers le pays inexploré de l’avenir de l’enfant est une tâche très sérieuse et une grande responsabilité pour le parent. C’est à lui qu’il incombe de bien considérer les pistes sur lesquelles l’enfant devrait voyager avec profit et plaisir ; et, le long de ces pistes, de tracer des lignes si invitantes, si douces et si faciles que le petit voyageur les emprunte à toute vitesse sans s’arrêter pour se demander s’il choisit ou non d’emprunter cette voie.
Habitude et libre-arbitre. – Mais, en supposant que l’accomplissement d’une certaine action une vingtaine de fois sans interruption forme une habitude qu’il est aussi facile de suivre que de ne pas suivre ; que, si l’on persiste encore dans cette habitude sans défaillir, elle devient une seconde nature, dont il est difficile de se défaire ; que, si l’on maintient cette habitude pendant des années, alors elle aura la force de dix natures, et on ne pourra s’en défaire sans se faire une véritable violence ; – reconnaissant tout cela, et également qu’il est possible de former l’habitude de dire et de faire chez l’enfant, et même de penser et de ressentir, tout ce qui est souhaitable qu’il dise, fasse, pense ou ressente, – n’enlevez-vous pas à l’enfant son libre arbitre, n’en faites-vous pas un simple automate par cette culture excessive ?
L’habitude régit quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos pensées et de nos actes. – Tout d’abord, que vous choisissiez ou non de vous préoccuper de la formation de ses habitudes, c’est tout de même l’habitude qui régira quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la vie de l’enfant : il est le simple automate que vous décrivez. Quant au fait que l’enfant devienne la créature de l’habitude, ce n’est pas au parent de le déterminer. Nous sommes tous de simples créatures d’habitudes. Nous avons nos pensées habituelles, nos causeries habituelles, faisons nos rondes insignifiantes, nos tâches domestiques, sans le moindre effort de volonté. S’il n’en était pas ainsi – s’il fallait penser, délibérer, tous les actes du quotidien – la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue ; l’effort perpétuellement répété de décision nous épuiserait. Mais, soyons reconnaissants, la vie n’est pas si laborieuse. Sur les cent fois où nous agissons ou pensons, il n’est pas nécessaire de choisir, de vouloir, disons, plus d’une fois. Et les petites urgences, qui obligent à un acte de volonté, surviendront dans la vie des enfants aussi fréquemment que dans la nôtre. Nous ne pouvons pas les sauver de ces situations, et il n’est pas souhaitable que nous le fassions. Ce que nous pouvons faire pour eux, c’est leur assurer des habitudes qui les mèneront dans les voies de l’ordre, de la convenance et de la vertu, au lieu de laisser la roue de la vie s’enliser dans de mauvaises ornières à des endroits boueux.
L’habitude est puissante même lorsque la volonté décide. – Et puis, même dans les situations d’urgence, dans chaque difficulté et tentation soudaine qui exige un acte de volonté, la conduite est toujours susceptible de suivre les lignes de l’habitude familière. Le garçon qui a été habitué à trouver à la fois profit et plaisir dans ses livres ne tombe pas facilement dans la paresse parce qu’il est attiré par un camarade de classe paresseux. La jeune fille qui a été soigneusement formée à dire l’exacte vérité ne considère tout simplement pas le mensonge comme un moyen facile de se sortir d’un mauvais pas, aussi lâche soit-elle.
Mais cette doctrine de l’habitude, est-elle, après tout, autre chose qu’un traitement empirique des symptômes de l’enfant ? Pourquoi l’accomplissement d’un acte ou d’une pensée, disons une vingtaine de fois de façon ininterrompue, aurait-il tendance à faire de cet acte ou de cette pensée une partie de la nature de l’enfant ? Nous pouvons accepter cette doctrine comme un acte de foi reposant sur l’expérience ; mais si nous pouvions découvrir la raison d’être de cette énorme force de l’habitude, il serait possible de travailler à la création d’habitudes avec un but et une méthode réels.
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6. La physiologie de l’habitude
Un ouvrage du Dr Carpenter a peut-être été le premier à me donner l’indice que je cherchais. Dans Mental Physiology – un livre très intéressant d’ailleurs – il établit l’analogie entre l’activité mentale et l’activité physique, et montre que la correspondance des effets est due à une correspondance des causes.
Les tissus en croissance se forment à des modes d’action. – Pour énoncer grossièrement la doctrine de l’école que représente le Dr Carpenter – les tissus, comme le tissu musculaire, par exemple, subissent une perte constante et une réparation constante. Même les modes d’action musculaire que nous considérons comme naturels, comme marcher et se tenir droit, sont en réalité les résultats d’une éducation laborieuse ; tout autant que de nombreux modes d’action que nous acquérons consciemment, comme écrire ou danser, et ceux-ci deviennent parfaitement faciles et naturels. Pourquoi ? Parce que la loi des tissus en croissance constante veut qu’ils se forment selon les modes d’action qui leur sont demandés. Dans le cas où le cerveau envoie de façon répétée aux muscles, sous contrôle nerveux, le message qu’une certaine action doit être effectuée, cette action devient automatique dans le centre inférieur, et la moindre suggestion extérieure vient la produire sans l’intervention du cerveau. Ainsi, les articulations et les muscles de la main de l’enfant s’adaptent très vite au mode d’action qui leur est demandé pour tenir et guider le stylo. Observez, ce n’est pas que l’enfant apprenne avec son esprit comment se servir de son stylo, en dépit de ses muscles, mais que les muscles nouvellement développés prennent eux-mêmes forme en fonction de l’action qui leur est demandée. Et voici l’explication de tous les exploits des cavaliers qui semblent tout simplement impossibles au spectateur non entraîné. Ils sont impossibles pour lui, parce que ses articulations et ses muscles n’ont pas les mêmes pouvoirs que ceux qui ont été produits chez le cavalier par un processus d’entraînement précoce.
C’est pourquoi les enfants devraient apprendre à danser, à nager, etc., dès leur plus jeune âge. – Voilà pour les simples activités corporelles. Et voici la raison pour laquelle les enfants devraient apprendre la danse, l’équitation, la natation, la callisthénie, toutes les formes d’activité qui exigent un entraînement musculaire, dès leur plus jeune âge : le fait est que les muscles et les articulations n’ont pas seulement à se conformer à de nouveaux usages, ils doivent aussi se développer et se modifier de façon à s’y adapter ; et cette croissance et cette adaptation se font avec la plus grande facilité lorsque les enfants sont jeunes. Bien sûr, l’homme dont les muscles ont gardé l’habitude de s’adapter s’adonne à de nouveaux jeux, à de nouveaux exercices musculaires, sans grand effort. Mais apprenez à un laboureur à écrire, et vous verrez l’énorme difficulté physique que rencontrent les muscles non habitués à s’adapter à toute nouvelle sorte d’effort. Nous voyons ici combien il est important de surveiller les habitudes de prononciation, de port de la tête, etc., que l’enfant forme d’heure en heure. Le pas traînant, le dos courbé, la parole indistincte, ne sont pas de simples détails à abandonner à loisir « quand il sera plus grand et qu’il saura mieux », cela est en train de devenir une partie de lui-même, parce que cela s’inscrit dans la substance même de sa moelle épinière. La partie de son système nerveux où réside la conscience (le cerveau) a depuis longtemps donné un ordre permanent, et les complications de l’administration sont telles que pour rappeler cet ordre, il faudrait reconstruire complètement les parties concernées. Et pour corriger de mauvaises habitudes d’élocution, par exemple, il ne suffira pas que l’enfant ait l’intention de parler clairement et qu’il essaie de le faire ; il ne pourra pas le faire de façon habituelle tant qu’un certain degré de croissance ne se sera pas produit dans les organes de la voix au moment où il s’efforce de former la nouvelle habitude.
Les habitudes morales et mentales marquent les tissus physiques. – Pratiquement tout le monde sait que le corps, et chaque partie du corps, s’adapte très facilement à l’usage qu’on en fait : nous savons que si un enfant s’habitue à se tenir sur un pied, remontant ainsi une épaule, cette habitude aboutira probablement à une courbure de la colonne vertébrale ; que permettre l’affaissement des épaules, et, par conséquent, la contraction de la poitrine, c’est préparer la voie aux maladies pulmonaires. Les conséquences physiques de mauvaises habitudes de ce genre sont si évidentes que nous ne pouvons pas nous aveugler sur la relation de cause à effet. Ce que nous sommes moins disposés à admettre, c’est que des habitudes qui ne semblent avoir aucun effet physique – une habitude désinvolte, une habitude d’honnêteté, une habitude d’ordre – puissent également laisser leur marque sur un tissu physique, et que c’est à cet effet physique qu’est probablement due l’énorme force de l’habitude. Pourtant, si l’on considère que le cerveau, le cerveau physique, est l’organe extrêmement délicat par lequel nous pensons, nous sentons, nous désirons, nous aimons, nous haïssons et nous adorons, il n’est pas surprenant que cet organe soit modifié par le travail qu’il a à faire ; pour dire la chose de façon pittoresque, c’est comme si chaque train familier de pensées créait une ornière dans la substance nerveuse du cerveau, dans laquelle les pensées se précipitent légèrement d’elles-mêmes, et dont elles ne peuvent sortir que par un effort de volonté.
Des trains de pensées persistants. – Ainsi, la maîtresse de maison sait que lorsque ses pensées sont libres de suivre leur propre cours, elles courent vers les soins de la maison ou du garde-manger, vers le dîner de demain ou les vêtements d’hiver ; autrement dit, que la pensée s’engage dans l’ornière qui lui a été, pour ainsi dire, tracée par la répétition constante. La mère pense à ses enfants, le peintre à ses tableaux, le poète à ses poèmes, le chef de famille à ses soucis d’argent, peut-être, jusqu’à ce que, dans les moments de pression inhabituelle, les pensées coulent, coulent, coulent dans cette ornière bien usée, et refusent de s’engager dans tout autre canal, jusqu’à ce que le pauvre homme perde la raison, simplement parce qu’il ne peut pas sortir ses pensées de ce seul canal creusé dans la substance de son cerveau. Et, en effet, « la folie est sur cette pente » pour chacun d’entre nous, dans la prédation persistante d’un seul train de pensées sur le tissu cérébral. L’orgueil, le ressentiment, la jalousie, une invention sur laquelle un homme a travaillé, une opinion qu’il a conçue, toute ligne de pensée qu’il n’a plus le pouvoir de détourner, mettront en danger la santé mentale d’un homme.
Régénération continue du tissu cérébral. – Si nous aimons, haïssons, pensons, sentons, adorons, au prix d’un effort physique réel de la part du cerveau, et d’une perte de tissus consécutive, combien doit être énorme le travail de cet organe avec lequel nous faisons, en fait, tout, même beaucoup de ces actes dont l’exécution finale revient aux mains ou aux pieds ! C’est vrai : et pour réparer cette perte excessive, le cerveau consomme la part du lion des aliments fournis au corps. Comme nous l’avons déjà vu, un sixième ou un cinquième de tout le sang du corps sert à réparer les déchets de la maison du roi ; en d’autres termes, de nouveaux tissus cérébraux se forment constamment à une vitesse étonnante : on se demande à quel âge l’enfant n’a plus aucune partie du cerveau avec lequel il est né.
Le nouveau tissu répète l’ancien, mais pas tout à fait exactement, de même qu’une nouvelle croissance musculaire s’adapte à tout exercice qui lui est demandé, de même, le nouveau tissu cérébral est censé « grandir » pour s’adapter à toute habitude de pensée en vigueur pendant la période de croissance – le mot « pensée » incluant, bien entendu, tout exercice de l’esprit et de l’âme. « Le cerveau de l’homme se développe en fonction des modes de pensée dans lesquels il est habituellement exercé », dit un physiologiste compétent ; ou, selon les mots du Dr Carpenter, « Toute séquence d’action mentale qui a été fréquemment répétée tend à se perpétuer ; de sorte que nous nous trouvons automatiquement incités à penser, à sentir ou à faire ce que nous avons déjà eu l’habitude de penser, de sentir, ou de faire, dans des circonstances similaires, sans aucun but conscient ni anticipation des résultats. Car il n’y a aucune raison de considérer le cerveau comme une exception au principe général selon lequel, si chaque partie de l’organisme tend à se former conformément au mode d’exercice habituel, cette tendance sera particulièrement forte dans l’appareil nerveux, en vertu de cette régénération continue qui est la condition même de son activité fonctionnelle. Il n’est guère possible de douter que tout état de conscience idéationnelle, soit très fort, soit habituellement répété, laisse une impression organique sur le cerveau, en vertu de laquelle le même état peut être reproduit à tout moment dans le futur, s’il correspond à une suggestion propre à l’exciter. »
Des actions réflexes artificielles peuvent être acquises. – Ou, pour reprendre les propos de Huxley :
« Avec l’aide du cerveau, nous pouvons acquérir une infinité d’actions réflexes artificielles ; c’est-à-dire qu’une action peut exiger toute notre attention et toute notre volonté lors de la première, deuxième ou troisième exécution, mais par répétition fréquente, elle devient, en quelque sorte, une partie de notre organisation, et est exécutée sans volonté ni même conscience. « Comme chacun le sait, il faut beaucoup de temps à un soldat pour être formé – par exemple, apprendre à se mettre au « garde-à-vous » au moment où il entend le mot de commandement. Mais au bout d’un certain temps, le son du mot donne lieu à l’acte, que le soldat y pense ou non. Il y a une histoire, qui est assez crédible, bien qu’elle puisse ne pas être vraie, d’un plaisantin qui, voyant un ancien combattant démobilisé rapportant son dîner à la maison, a soudainement crié « Garde-à-vous ! », sur quoi l’homme a instantanément baissé ses mains et perdu son gigot et ses pommes de terre dans le caniveau. L’entraînement avait été si rigoureux que ses effets s’étaient inscrits dans la structure nerveuse de l’homme.
« La possibilité de toute éducation (dont l’exercice militaire n’est qu’une forme particulière) est basée sur l’existence de ce pouvoir que possède le système nerveux d’organiser des actions conscientes en opérations plus ou moins inconscientes, ou réflexes. On peut poser comme règle que si deux états mentaux quelconques sont appelés ensemble, ou successivement, avec la fréquence et la vivacité voulues, la production de l’un suffira à appeler l’autre, et cela que nous le voulions ou non. »
L’éducation intellectuelle et morale. – « L’objet de l’éducation intellectuelle est de créer des associations indissolubles entre nos idées sur les choses, dans l’ordre et la relation où elles se présentent dans la nature ; celui de l’éducation morale est d’unir de manière aussi fixe, les idées des mauvaises actions à celles de la douleur et de la dégradation, et celles des bonnes actions à celles du plaisir et de la noblesse. »
Mais c’est l’imbrication intime de l’esprit et de la matière qui est plus directement importante pour l’éducateur – l’idée que nous avons présentée de façon générale sous la figure (nullement exacte sur le plan scientifique) d’une ornière. Étant donné que la direction constante des pensées produit un certain ensemble dans les tissus du cerveau, cet ensemble est la première trace de l’ornière ou du chemin, une ligne de moindre résistance, le long de laquelle la même impression, faite une autre fois, trouvera qu’il est plus facile de voyager ici que de prendre un autre chemin. C’est ainsi que naît une emprise pour toute habitude d’action ou de pensée donnée.
Le caractère affecté par la modification acquise du tissu cérébral. – Qu’est-ce qui s’ensuit ? Eh bien, que la structure réelle du cerveau de l’enfant dépend des habitudes que les parents autorisent ou encouragent ; et que les habitudes de l’enfant produisent le caractère de l’homme, parce que certaines habitudes mentales, une fois établies, sont destinées à durer éternellement, à moins qu’elles ne soient remplacées par d’autres habitudes. C’en est fini de la philosophie facile qui consiste à dire : « Cela n’a pas d’importance », « Oh, cela lui passera », « Il s’en rendra compte plus tard », « Il est si jeune, que peut-on espérer ? » etc. Chaque jour, chaque heure, les parents forment, passivement ou activement, chez leurs enfants ces habitudes dont dépendent, plus que toute autre chose, le caractère et la conduite futurs.
L’influence extérieure. – Et c’est là qu’intervient l’influence extérieure. Neuf fois sur dix, nous commençons à faire une chose parce que nous voyons quelqu’un d’autre la faire ; nous continuons à la faire, et… voilà une habitude ! S’il est si facile pour nous de prendre une nouvelle habitude, cela est dix fois plus facile pour les enfants ; et c’est là la vraie difficulté en matière d’éducation avec les habitudes. Il est nécessaire que la mère soit toujours sur le qui-vive pour tuer dans l’œuf la mauvaise habitude que ses enfants peuvent être en train de prendre auprès des domestiques ou des autres enfants.
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7. Former une habitude – « Ferme la porte derrière toi »
« Fais la chose suivante. »
« Perds le jour à musarder, et l’histoire va se répéter
Demain ; et plus dilatoire encore, le jour d’après :
À ses propres délais, l’indécision contribue,
Et les jours se perdent à se lamenter sur les jours perdus, »
dit Marlowe qui, comme beaucoup d’entre nous, a connu la misère de l’indolence intellectuelle qui ne peut se forcer à « faire la chose suivante ». Aucune question concernant l’éducation des enfants ne peut, on le conçoit, être insignifiante, mais celle-ci, celle de l’indolence, est très importante. L’effort de décision, nous l’avons vu, est le plus grand effort de la vie ; il ne s’agit pas de faire la chose, mais de déterminer quelle chose faire en premier. C’est généralement cette sorte d’indolence mentale, née de l’indécision, qui conduit à des habitudes de flânerie. Comment guérir l’enfant dilatoire ? Par le temps ? Elle s’améliorera en grandissant ? Pas du tout : « et plus dilatoire encore, le jour d’après » sera l’histoire de ses jours, à l’exception d’élans occasionnels. Des punitions ? Non ; votre personne dilatoire est un fataliste. « Ce qui ne peut être guéri doit être enduré », dit-il, mais il endurera sans faire aucun effort pour guérir. Des récompenses ? Non ; pour lui, une récompense est une punition présentée sous un autre aspect : la récompense possible, il la considère comme réelle ; elle est là, à sa portée, pour ainsi dire ; en renonçant à la récompense, il est puni ; et il supporte la punition. Que reste-t-il à essayer lorsque ni le temps, ni la récompense, ni la punition ne sont efficaces ? La panacée de l’éducateur : « une habitude l’emporte sur une autre ». Cette flânerie invétérée est une habitude qui ne peut être supprimée que par l’habitude contraire, et la mère doit se consacrer pendant quelques semaines à ce remède aussi régulièrement et inlassablement qu’elle le ferait pour soigner son enfant atteint de rougeole. Après avoir indiqué en quelques mots – moins on en dira, mieux ce sera – les misères qui doivent résulter de cette faute, et le devoir de la surmonter, et avoir ainsi mis la volonté (tristement faible) de l’enfant du côté de la bonne action, elle veille simplement à ce que, pendant des semaines, la faute ne se reproduise pas. L’enfant va s’habiller pour aller se promener ; elle rêvasse sur le laçage de ses bottes – la boucle dans ses doigts en équilibre dans l’air – mais sa conscience est éveillée ; elle est obligée de lever les yeux, et l’œil de sa mère est sur elle, plein d’espoiret d’attente. Elle retourne à ses lacets et continue ; au milieu du laçage de la deuxième botte, il y a une autre pause, plus courte cette fois ; elle lève à nouveau les yeux, et continue. Les pauses deviennent de moins en moins nombreuses, les efforts sont plus soutenus, la jeune volonté immature se renforce, l’habitude de l’action rapide s’acquiert. Après cette première conversation, la mère ferait bien de s’abstenir de dire un mot de plus sur le sujet ; le regard (attentif, non réprobateur) et, quand l’enfant est loin dans un rêve, le toucher le plus léger possible, sont les seuls instruments efficaces. De temps en temps, « Tu crois que tu peux te préparer en cinq minutes aujourd’hui sans moi ? » « Oh oui, mère. » « Ne dis pas “oui” si tu n’es pas sûre. » « Je vais essayer. » Elle essaye, et elle réussit. À présent, la mère sera tentée de relâcher ses efforts, de ne pas tenir compte d’une petite flânerie parce que la chère enfant a fait tant d’efforts. Ceci est absolument fatal. Le fait est que l’habitude de la flânerie a laissé une empreinte appréciable dans la substance même du cerveau de l’enfant. Pendant les semaines de cure, une nouvelle croissance a effacé l’ancienne trace, et la trace d’une nouvelle habitude est en train de se former. Permettre tout retour à l’ancienne mauvaise habitude, c’est perdre tout ce gain. Former une bonne habitude est le travail de quelques semaines ; la conserver est un travail de soin incessant, mais nullement anxieux. Un mot encore : une action rapide de la part de l’enfant doit avoir pour récompense un loisir absolu, un temps où elle peut faire exactement ce qui lui plaît, non pas accordé comme une faveur, mais acquis (sans mot) comme un droit.
L’habitude est un plaisir en soi. – A part cet inconvénient, la formation des habitudes chez les enfants n’est pas une tâche laborieuse, car la récompense va de pair avec le travail ; à tel point que c’est comme dépenser un penny avec la certitude de recevoir immédiatement une livre en retour. Car l’habitude est un plaisir en soi ; la pauvre nature humaine a conscience de la facilité avec laquelle on répète une chose sans effort ; et, par conséquent, la formation d’une habitude, la diminution progressive du sentiment d’effort dans un acte donné, est agréable. C’est là un des rochers sur lesquelles les mères se brisent parfois : elles perdent de vue qu’une habitude, même une bonne habitude, devient un véritable plaisir ; et lorsque l’enfant a vraiment pris l’habitude de faire une certaine chose, sa mère s’imagine que l’effort est aussi grand pour lui qu’au début, que c’est une vertu pour lui de continuer à fournir cet effort, et qu’il mérite, en guise de récompense, un peu de détente ; elle le laissera donc briser la nouvelle habitude quelques fois, et puis la reprendre. Mais il ne s’agit pas de la reprendre ; il s’agit de recommencer à nouveau, et de recommencer avec des obstacles. Le « petit relâchement » qu’elle accorde à son enfant entraîne la formation d’une autre habitude contraire, qui doit être combattue avant que l’enfant ne revienne au point où il était auparavant. En fait, cette sympathie malavisée de la part des mères est la seule chose qui rend laborieuse l’entreprise de former un enfant à de bonnes habitudes ; car c’est la nature de l’enfant de prendre les habitudes aussi gentiment que le nourrisson prend le lait de sa mère.
Tact, vigilance, et persévérance. – Par exemple, et pour choisir une habitude sans grande conséquence, sauf par égard pour les autres : la mère souhaite que son enfant prenne l’habitude de fermer la porte après lui lorsqu’il entre ou sort d’une pièce. Le tact, la vigilance et la persévérance sont les qualités qu’elle doit cultiver en elle ; et, grâce à ces qualités, elle sera étonnée de la promptitude avec laquelle l’enfant prendra cette nouvelle habitude.
Les étapes de la formation d’une habitude. – « Johnny, dit-elle d’une voix claire et amicale, je veux que tu te souviennes de toutes tes forces d’une chose : n’entre et ne sors jamais d’une pièce où quelqu’un est assis sans fermer la porte. »
« Mais si j’oublie, mère ? »
« J’essaierai de te le rappeler. »
« Mais je serai peut-être très pressé. »
« Tu dois toujours prendre le temps de le faire. »
« Mais pourquoi, mère ? »
« Parce que ce n’est pas poli pour les gens dans la pièce de les mettre mal à l’aise. »
« Mais si je sors à nouveau à l’instant même ? »
« Ferme quand même la porte quand tu rentres, tu pourras la rouvrir pour sortir. Tu crois que tu peux t’en souvenir ? »
« Je vais essayer, mère. »
« Très bien ; je vais observer pour voir le peu de fois où tu auras des “oublis”. »
Deux ou trois fois, Johnny s’en souvient ; et puis, il est parti comme un éclair et se trouve déjà au milieu des escaliers avant que sa mère ait le temps de le rappeler. Elle ne crie pas : « Johnny, reviens et ferme la porte ! », car elle sait qu’une telle sommation est exaspérante pour les grands et les petits. Elle va jusqu’à la porte et appelle agréablement : « Johnny ! » Johnny a complètement oublié la porte ; il se demande ce que veut sa mère, et, poussé par la curiosité, il revient, et la trouve assise et occupée comme avant. Elle lève les yeux, jette un coup d’œil à la porte et dit: « J’ai dit que j’essaierai de te le rappeler. » « Oh, j’ai oublié », dit Johnny, rappelé à sa promesse, et il ferme la porte cette fois-là, et la suivante, et celle d’après.
Mais le petit bonhomme n’a pas vraiment la capacité de se souvenir, et la mère devra employer divers petits moyens pour lui rappeler ; mais elle veillera à deux choses : qu’il ne s’éclipse jamais sans fermer la porte, et qu’elle ne laisse jamais ce sujet causer des frictions entre elle et l’enfant, adoptant la position de son alliée amicale pour l’aider contre sa mauvaise mémoire. Au bout d’un certain temps, après, disons, vingt fermetures de la porte sans aucun oubli, l’habitude commence à se former ; Johnny ferme la porte automatiquement, et sa mère le voit avec plaisir entrer dans une pièce, fermer la porte, prendre quelque chose sur la table, et sortir, en fermant de nouveau la porte.
La phase dangereuse. – Maintenant que Johnny ferme toujours la porte, la joie et le triomphe de sa mère commencent à se mêler à une pitié déraisonnable. « Pauvre enfant, se dit-elle, il se donne tant de mal pour une petite chose, juste parce qu’on le lui demande ! » Elle pense que, pendant tout ce temps, l’enfant fait un effort pour elle ; elle perd de vue que l’habitude est devenue facile et naturelle, qu’en fait, Johnny ferme la porte sans le savoir. Vient alors le moment critique. Un jour, Johnny est tellement pris par un nouveau plaisir que l’habitude, qui n’est pas encore complètement formée, perd son emprise, et il est à mi-chemin de l’escalier quand il pense à la porte. Il y pense, avec une petite piqûre de conscience, assez forte, non pas pour le faire revenir, mais pour qu’il s’arrête un instant pour voir si sa mère le rappelle. Elle a remarqué l’omission, et se dit : « Pauvre petit, il a été si sage pendant tout ce temps ; je vais le laisser tranquille pour cette fois. » Lui, sorti, n’entend pas l’appel de sa mère, et se dit – phrase fatale ! : « Oh, ce n’est pas grave », et s’en va.
La fois suivante, il laisse la porte ouverte en sortant, mais ce n’est pas un « oubli ». Sa mère le rappelle assez faiblement. Son oreille attentive perçoit la faiblesse de son ton, et, sans revenir, il s’écrie : « Oh, mère, je suis tellement pressé ! », et elle ne répond rien, mais le laisse partir. Il se précipite à nouveau dans la pièce, laissant la porte grande ouverte. « Johnny ! » – sur un ton d’avertissement. « Je sors à nouveau dans une minute à peine, mère ! », et après dix minutes à fouiller, il sort et oublie de fermer la porte. Le relâchement inopportun de la mère lui a fait perdre tout le terrain qu’elle avait gagné.
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8. Les « habitudes » de l’enfant en bas âge
L’ensemble des habitudes, mi-physiques, mi-morales, dont dépendent la bienséance et le confort de la vie quotidienne, est reçu passivement par l’enfant ; c’est-à-dire qu’il fait très peu pour former lui-même ces habitudes, mais son cerveau reçoit des impressions de ce qu’il voit autour de lui ; et ces impressions prennent la forme de ses habitudes les plus fortes et les plus durables.
Quelques branches de l’éducation des enfants en bas âge. – La propreté, l’ordre, la netteté, la régularité, la ponctualité, sont autant de « branches » de l’éducation des enfants en bas âge. Elles devraient être présentes chez l’enfant comme l’air qu’il respire, et il les assimilera aussi inconsciemment. Il est à peine nécessaire de dire un mot sur la nécessité d’une propreté délicate dans la nurserie. Les bébés reçoivent leur quota de bains, et une quantité illimitée de linge est lavée pour eux ; mais, en fait, aussi scrupuleuses que soient les mères de la classe cultivée, une grande partie du travail repose sur les nourrices, et il faut beaucoup de vigilance pour s’assurer qu’il n’y a pas la moindre odeur sur le nourrisson ou tout ce qui lui appartient, et que les nurseries restent agréables et bien aérées. Une grande difficulté est qu’il y a encore des nourrices qui appartiennent à une classe pour laquelle une fenêtre ouverte est une abomination ; et une autre est qu’elles ne connaissent pas toute la signification des odeurs : elles ne peuvent pas voir « une odeur », et, par conséquent, il n’est pas facile de les persuader qu’une odeur est une matière, des particules microscopiques que l’enfant absorbe à chaque fois qu’il respire.
Un nez sensible. – À ce propos, un aspect très important de l’éducation physique d’un enfant consiste à former en lui un nez sensible – des narines qui flairent le moindre « manque d’air » dans une pièce, ou la plus légère odeur attachée aux vêtements ou aux meubles. Le sens de l’odorat semble nous avoir été donné non seulement comme une voie de plaisir, mais aussi comme une sorte de signal de danger pour nous avertir de la présence de matières nocives : pourtant, beaucoup de gens semblent traverser le monde sans avoir de nez du tout ; et ce fait tend à montrer qu’un odorat très développé est une question d’éducation et d’habitude. L’habitude se forme facilement. Encouragez les enfants à remarquer si la pièce dans laquelle ils entrent « sent » assez frais quand ils reviennent du grand air, à observer la différence entre l’air de la ville et l’air plus frais de la campagne ; et entraînez-les à percevoir la moindre trace d’odeur agréable ou inoffensive.
Le bébé est omniprésent. – Pour revenir à la nurserie. Ce serait une excellente chose si la nourrice pouvait être convaincue de l’idée que le bébé est omniprésent, et que non seulement il voit et sait tout, mais qu’il gardera, toute sa vie, la marque de tout ce qu’il voit : –
« S’il y a un trou dans un de vos manteaux,
Je vous en prie, occupez-vous en ;
Un enfant est parmi vous, prenant des notes,
Et croyez-moi, il l’écrira »
« l’écrira » sur son cerveau actif, comme un modèle pour ses habitudes futures. Une telle idée chez la nourrice pourrait contribuer à assurer une propreté qui va au-delà de celle des tabliers propres. Il y a un ou deux petits gestes de rangement affectionnés par les nourrices qui ne sont pas à recommander du point de vue de la propreté : faire les lits des enfants tôt le matin et plier les vêtements des enfants lorsqu’ils les enlèvent le soir. Il est bon de tendre une corde à travers la nurserie le soir, et de suspendre les petits vêtements pour les aérer, afin de se débarrasser de la transpiration imperceptible dont ils ont été imprégnés toute la journée. Pour la même raison, les lits et les draps devraient être aérés pendant quelques heures avant d’être faits.
La propreté personnelle comme habitude précoce. – La table de la nurserie, s’il y en a une, devrait être aussi scrupuleusement belle que celle de la salle à manger. L’enfant qui s’assied devant une nappe froissée ou tachée, ou qui utilise une cuillère en métal décolorée, est dégradé – et pas qu’un peu. Les enfants devraient également être encouragés à la propreté de leur personne. Nous avons tous vu la délicate main de bébé tendue pour être lavée ; elle a été souillée, et l’enfant n’aime pas cela. Puissent-ils être aussi exigeants lorsqu’ils seront assez grands pour se laver les mains ! Ce n’est pas qu’ils doivent être toujours propres et présentables ; les enfants adorent s’amuser et devraient avoir des grands tabliers à cet effet. Ils sont tous comme ce petit prince français qui dédaignait ses cadeaux d’anniversaire et suppliait qu’on lui permette de faire des petits pâtés de boue avec le garçon dans le caniveau. Laissez-les faire leurs pâtés de boue librement ; mais une fois terminé, ils devraient être impatients d’enlever toute trace de terre, et devraient le faire eux-mêmes. On peut apprendre aux jeunes enfants à prendre soin de leurs ongles, et à nettoyer le coin des yeux et les oreilles. Quant au fait de s’asseoir à table avec des mains non lavées et des cheveux non brossés, cela, bien sûr, aucun enfant décent ne peut le faire. Les enfants devraient disposer très tôt de leurs propres affaires de toilette et être habitués à trouver un réel plaisir à prendre un bain et à s’occuper d’eux-mêmes. Il n’y a aucune raison pour qu’un enfant de cinq ou six ans ne puisse pas se laver consciencieusement, sans cette torture du savon dans les yeux et de la manipulation générale que les enfants détestent, et à juste titre. De plus, l’enfant ne prend l’habitude du bain quotidien que lorsqu’il peut le prendre lui-même, et il est important que cette habitude soit prise avant que l’ère insouciante de l’école ne commence.
La décence et la pudeur. – Les opérations du bain offrent à la mère l’occasion de donner l’enseignement et la formation nécessaires aux habitudes de décence et au sens de la pudeur. Laisser son jeune enfant vivre et grandir dans une simplicité digne de l’Eden est peut-être la solution la plus tentante et la plus naturelle pour la mère. Mais hélas ! nous ne vivons pas dans le Jardin, et il est peut-être bon que l’enfant soit formé dès le départ aux conditions dans lesquelles il doit vivre. Au plus jeune enfant, comme à nos premiers parents, il y a ce qui est interdit. À l’âge de l’obéissance aveugle, qu’il sache que le Dieu tout-puissant ne lui permet pas de parler de tout son corps, d’y penser, de l’exposer, de le manipuler, sauf pour des raisons de propreté. Cela sera plus facile pour la mère si elle parle du cœur, des poumons, etc., que nous n’avons pas non plus le droit de regarder ou de manipuler, mais qui ont été tellement enfermés dans des murs de chair et d’os que nous ne pouvons pas les atteindre. Ce qui nous est laissé ouvert l’est, comme l’arbre du jardin d’Eden, comme un test d’obéissance ; et dans un cas comme dans l’autre, la désobéissance est accompagnée d’une perte et d’une ruine certaines.
L’habitude d’obéissance et le sens de l’honneur. – Le sens de l’interdiction, du péché dans la désobéissance, sera une merveilleuse protection contre la connaissance du mal pour l’enfant élevé dans des habitudes d’obéissance ; et plus efficace encore sera le sens de l’honneur, d’une responsabilité à tenir – le motif des injonctions apostoliques à ce sujet. Que la mère renouvelle cette charge avec sérieux la veille, disons, de chaque anniversaire, en faisant sentir à l’enfant qu’en obéissant dans ce domaine, il peut glorifier Dieu avec son corps ; qu’elle veille contre toute approche du mal ; et qu’elle prie chaque jour que chacun de ses enfants soit gardé dans la pureté pour ce jour-là. Ignorer les possibilités du mal dans ce domaine revient à exposer son enfant à d’effrayants dangers. En même temps, il ne faut pas oublier que les mots qui ont pour but d’entraver peuvent eux-mêmes être la cause du mal, et qu’une vie pleine d’intérêts et d’activités saines est l’un des moyens les plus sûrs de se prévenir du vice secret.
L’ordre est essentiel. – Ce qui a été dit sur la propreté vaut tout autant pour l’ordre – l’ordre dans la nurserie, et les habitudes ordonnées chez la nourrice. Une chose à ce sujet : la nurserie ne doit pas devenir l’hôpital des meubles défectueux ou usés de la maison ; les tasses fêlées, les assiettes ébréchées, les pichets et les théières au bec cassé doivent être bannis. Les enfants devraient être sensibilisés au fait que lorsqu’un article est rendu inesthétique par la saleté ou une fracture, il est gâché et doit être remplacé. Cette règle s’avèrera vraiment économique, car lorsque les enfants et les domestiques s’aperçoivent qu’un objet ne fait plus « l’affaire », après un dommage par négligence, ils apprennent à faire attention. Mais, en tout état de cause, c’est un véritable préjudice pour les enfants de grandir en utilisant des objets de fortune imparfaits et inesthétiques.
Le plaisir que les grandes personnes prennent à s’occuper des enfants est en réalité une source féconde de méfaits ; par exemple, en ce qui concerne les habitudes d’ordre. Qui ne connaît pas les dégâts que les enfants laissent après eux une douzaine de fois par jour, dans la nurserie, le jardin, le salon, partout où leurs petits pieds agités les portent ? Nous sommes un peu sentimentaux au sujet des jouets éparpillés, des petits bouquets fanés, et de tous les signes de la présence des enfants ; mais le fait est que l’on ne devrait pas permettre aux enfants de prendre l’habitude anarchique d’éparpiller leurs affaires. Tout le monde condamne la mère de famille dont les tiroirs sont chaotiques, dont les affaires sont jetées un peu partout avec insouciance ; mais au moins une partie de la responsabilité devrait être reportée sur sa mère. Ce n’est pas en tant que femme qu’elle a pris cette lamentable habitude qui détruit le confort, sinon le bonheur, de son foyer ; on a laissé l’habitude du désordre se développer en elle pendant son enfance, et sa part de responsabilité est qu’elle n’a pas su se guérir.
L’enfant de deux ans devrait ranger ses jouets. – Il faut apprendre à l’enfant de deux ans à remettre ses jouets à leur place. Commencez tôt. Que ce soit un plaisir pour lui, une partie du jeu, d’ouvrir son placard et de remettre la poupée ou le cheval, chacun à sa place. Laissez-le toujours ranger ses affaires comme une évidence, et il est surprenant de constater à quel point l’habitude de l’ordre se forme rapidement, ce qui rendra agréable pour l’enfant de ranger ses jouets, et irritant pour lui de voir les choses à la mauvaise place. Si les parents voyaient seulement la moralité de l’ordre, que l’ordre dans la nurserie se transforme en rigueur plus tard dans la vie, et que l’entraînement nécessaire pour former cette habitude n’est pas plus, comparativement, que remonter occasionnellement une horloge, qui tourne d’elle-même et sans se déranger, ils prendraient plus de peine à cultiver cette importante habitude.
Le soin est semblable à l’ordre. – Le soin est semblable à l’ordre, mais ce n’est pas tout à fait la même chose : il implique non seulement « une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place », mais chaque chose à une place appropriée, de manière à produire un bel effet ; en fait, le bon goût entre en jeu. La petite fille ne doit pas seulement mettre ses fleurs dans l’eau, mais les arranger joliment, et elle ne doit pas être découragée par une vilaine tasse, une cruche de cuisine ou un vase rose hideux, mais elle doit avoir un vase ou un pot à la forme gracieuse et aux teintes harmonieuses, même si ce n’est qu’une bagatelle bon marché. De la même façon, tout dans la nurserie doit être « soigné », c’est-à-dire, plaisant et approprié ; et les enfants devraient être encouragés à arranger leurs propres petites affaires de manière soignée et efficace. Rien de vulgaire dans les imprimés, les livres d’images ou les jouets ne doit être admis, rien qui puisse altérer le goût de l’enfant ou introduire une once de banalité dans sa nature. D’un autre côté, on ne peut sous-estimer l’influence élévatrice et raffinante d’une ou deux œuvres d’art bien choisies, même d’une reproduction bon marché.
La régularité. – L’importance de la Régularité dans l’éducation du petit enfant commence à être généralement reconnue. La jeune mère sait qu’elle doit mettre son bébé au lit à l’heure voulue, sans tenir compte de ses pleurs, même si elle le laisse pleurer deux ou trois fois, afin que, pour le reste de sa vie de bébé, il puisse s’endormir gentiment dans le noir sans protester. Mais on raconte beaucoup de bêtises sur la raison des pleurs de l’enfant : il voudrait sa mère, sa nourrice, son biberon ou la lumière, et serait un « petit garçon malin », d’après sa nourrice, sachant bien que s’il pleure pour ces choses, il les obtiendra.
Les habitudes de temps et de lieu. – Le fait est que l’enfant a déjà pris l’habitude de s’éveiller ou de se nourrir à des moments inappropriés, et qu’il est aussi mal à l’aise lorsqu’on brise ses habitudes que le chat l’est lorsqu’il change d’habitation ; lorsqu’il se soumet avec bonheur au nouveau règlement, c’est parce que la nouvelle habitude est formée et qu’elle est, à son tour, source de satisfaction. D’après le Dr Carpenter : « La Régularité devrait commencer dès le stade de nourrisson, en ce qui concerne les heures de repas, de repos, etc. L’habitude corporelle ainsi formée contribue grandement à façonner l’habitude mentale à une période ultérieure. D’autre part, rien ne tend plus à créer une habitude de complaisance que de nourrir un enfant, ou de lui permettre de rester hors du lit, à des moments inopportuns, simplement parce qu’il pleure. Il est merveilleux de voir avec quelle rapidité les actions d’un jeune enfant (comme celles d’un jeune chien ou d’un jeune cheval) s’harmonisent avec un “dressage » systématique judicieusement exercé. » L’habitude de la régularité est aussi attrayante pour les enfants plus âgés que pour le nourrisson. Les jours où le programme habituel tombe à l’eau sont, nous le savons, les jours où les enfants sont susceptibles d’être vilains.
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9. Les exercices physiques
L’importance de la routine quotidienne. – Le sujet de l’entraînement naturel des yeux et des muscles a été abordé de façon assez complète dans la partie « La vie en plein air ». J’ajouterai seulement que pour donner à l’enfant le plaisir d’un mouvement léger et facile – le genre de plaisir dans la gestion de son propre corps qu’un bon cavalier trouve dans la gestion de son cheval – la danse, l’exercice, la gymnastique, une certaine sorte d’exercice physique judicieux, devraient faire partie de la routine quotidienne. La gymnastique suédoise est particulièrement utile, et beaucoup d’exercices sont tout à fait adaptés dès le plus jeune âge. Certaines qualités morales entrent en jeu dans les mouvements alertes, l’attention du regard, les réponses rapides et intelligentes ; mais il arrive souvent que de bons enfants échouent sur ces points par manque d’entraînement physique.
Leur donner des exercices de bonnes manières. – Laissez-les simplement faire l’exercice des bonnes manières : faites-leur répéter de petites scènes de jeu, – Mary, la dame qui demande le chemin du marché ; Harry, le garçon qui le lui indique, et ainsi de suite. Faites-leur pratiquer un exercice de position : les yeux bien droits, les mains immobiles, la tête haute. Ils inventeront des centaines de situations et le comportement propre à chacune d’elles, et ils apprécieront les conseils qui leur seront donnés pour les guider ; mais ce type d’exercice devrait être pratiqué tant que les enfants sont jeunes, avant que la tyrannie de la timidité ne s’installe. Encouragez-les à admirer et à être fiers des mouvements légers et souples, et à éviter une démarche lourde et une attitude clownesque de leurs membres.
La formation de l’oreille et de la voix. – La formation de l’oreille et de la voix est une part extrêmement importante de la culture physique. Entraînez les enfants à la pureté des voyelles, à l’énonciation des consonnes finales ; ne les laissez pas prendre l’habitude de mauvaises prononciations, omettre des syllabes ou bégayer. Entraînez-les à prononcer des mots difficiles – Imperturbabilité, Ipecacuanha, Antananarivo – avec une grande précision après une seule écoute ; à produire les sons de chaque voyelle et les sons des consonnes sans voyelles associées. Notre langue, enseignée à l’oral, est extrêmement bénéfique car cela permet un entraînement simultané de l’oreille et de la voix.
La formation musicale. – En ce qui concerne la formation musicale, il serait difficile de dire combien ce qui passe pour un goût et une capacité musicale hérités est le résultat de l’écoute et de la production constantes de sons musicaux, l’habitude de la musique, avec laquelle grandit l’enfant de musiciens. M. Hullah soutient que l’art du chant est entièrement une habitude formée – que chaque enfant peut, et devrait, être formé au chant. Bien sûr, il faut tenir compte de l’habitude transmise. Il est regrettable que la formation musicale de la plupart des enfants soit aléatoire ; qu’ils ne soient pas entraînés, par exemple, par des exercices d’oreille et de voix soigneusement gradués, à produire et à distinguer les tons et les intervalles musicaux.
Laissez les enfants tranquilles. – En conclusion, permettez-moi de dire que l’éducation de l’habitude est réussie dans la mesure où elle permet à la mère de laisser ses enfants tranquilles, sans les taquiner avec des ordres et des consignes en permanence – un flux incessant de « fais ci, ne fais pas ça » ; mais en les laissant suivre leur propre chemin et grandir, s’étant d’abord assurée qu’ils suivront le bon chemin et grandiront de manière fructueuse. Le jardinier, il est vrai, creuse et amende, taille et forme son pêcher ; mais cela ne représente qu’une petite partie de la vie de l’arbre : tout le reste du temps, l’air doux et le soleil, les pluies et les rosées, jouent autour de lui et respirent avec lui, pénètrent dans sa substance, et le résultat est – des pêches. Mais que le jardinier néglige son rôle, et les pêches ne seront pas meilleures que des prunelles.
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PARTIE IV – Quelques habitudes d’esprit – Quelques habitudes morales
Une science de l’éducation. – Permettez-moi de répéter que je m’aventure à écrire sur des sujets touchant à l’éducation à la maison avec la plus grande déférence pour les mères ; je crois qu’en vertu de leur perspicacité particulière dans les dispositions de leurs propres enfants, elles sont bénies d’avoir à la fois la connaissance de leurs enfants et la capacité à les gérer tandis que les spectateurs ne peuvent qu’admirer de loin. En même temps, il existe une science de l’éducation, qui ne vient pas par intuition, et dont la connaissance permet d’élever un enfant entièrement selon la loi naturelle, qui est aussi la loi Divine, et qui offre une grande récompense à ceux qui la respectent.
La formation des habitudes favorise une vie facile. – Nous avons vu pourquoi l’Habitude est une force si merveilleuse dans une vie. Je trouve cette vision des habitudes très encourageante, car elle donne un caractère scientifique aux conclusions déjà atteintes par l’expérience commune. Il est agréable de savoir que, même dans la vie adulte, il est possible, par un petit effort persistant, d’acquérir une habitude désirée. Il est bon, voire agréable, de savoir aussi avec quelle facilité fatale nous pouvons glisser vers de mauvaises habitudes. Mais ce qu’il y a de plus confortable dans cette conception de l’habitude, c’est qu’elle correspond à notre amour naturel d’une vie facile. Nous ne sommes pas réticents à faire des efforts au début, avec l’assurance que, par la suite, tout ira bien ; et c’est précisément ce que l’habitude est, à un degré extraordinaire, destinée à faire. La mère qui s’efforce de donner à ses enfants de bonnes habitudes s’assure des jours faciles et sans heurts, tandis que celle qui laisse les habitudes s’occuper d’elles-mêmes a une vie épuisante de frictions sans fin avec les enfants. Toute la journée, elle s’écrie, « fais ceci ! » et ils ne le font pas ; « fais cela » et ils font autre chose. « Mais, dites-vous, si l’habitude est si puissante, que ce soit pour empêcher ou pour aider l’enfant, il est fatigant de penser à toutes les habitudes dont la pauvre mère doit s’occuper. Ne sera-t-elle jamais à l’aise avec ses enfants ? »
S’entraîner à l’habitude devient une habitude. – Voici, encore une fois, une illustration de la fable du pendule anxieux, accablé par la pensée du nombre de tics qu’il doit faire. Mais les tics doivent être délivrés tic par tic, et il y aura toujours une seconde de temps pour faire un tic. La mère se consacre à la formation d’une habitude à la fois, se contentant de surveiller celles qui sont déjà formées. Si l’idée d’un travail excessif l’effraie, qu’elle limite le nombre de bonnes habitudes qu’elle se propose de former. L’enfant qui commence sa vie avec, disons, vingt bonnes habitudes, commence avec un certain capital qu’il mettra à profit sans fin au fil des années. La mère qui doute de sa propre capacité à fournir un effort constant peut se consoler de deux faits. Premièrement, elle acquiert elle-même l’habitude d’entraîner ses enfants à une habitude donnée, de sorte que, peu à peu, cette habitude devient non seulement plus simple, mais un plaisir pour elle. Deuxièmement, les habitudes les plus ancrées et les plus dominantes de l’enfant sont celles que la mère ne prend pas la peine de lui inculquer, mais qu’il acquiert par lui-même en observant attentivement tout ce qui se dit et se fait, ce qui se sent et ce qui se pense, dans sa maison.
Les habitudes inspirées par l’atmosphère du foyer. – Nous avons déjà considéré un groupe d’habitudes semi-physiques – ordre, régularité, soin – dont l’enfant s’imprègne, pour ainsi dire, d’une certaine manière. Mais ce n’est pas tout : les habitudes de douceur, de courtoisie, de gentillesse, de sincérité, de respect des autres, ou… des habitudes tout autres que celles-ci, sont inspirées à l’enfant comme étant la véritable atmosphère de son foyer, l’air dans lequel il vit et doit grandir.
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1. L’habitude de l’attention
Passons maintenant à l’examen d’un groupe d’habitudes mentales affectées par la formation directe plutôt que par l’exemple.
Tout d’abord, l’habitude de l’Attention, car les dons intellectuels les plus élevés dépendent, pour leur valeur, de la mesure dans laquelle leur propriétaire a cultivé l’habitude de l’attention. Pour expliquer pourquoi cette habitude est d’une importance si suprême, nous devons considérer le fonctionnement d’une ou deux des lois de la pensée. Entre temps, rappelez-vous la constance de l’attention avec laquelle l’homme de métier entraîné – l’avocat, le médecin, l’homme de lettres – écoute une histoire pleine de circonlocutions, élimine le remplissage, saisit les faits, évalue la portée de chaque circonstance et présente l’affaire avec une clarté et une méthode nouvelles. Comparez cela à l’œil errant et aux réponses aléatoires du non-éduqué ; et vous voyez que différencier les gens selon leur pouvoir d’attention, c’est utiliser un test légitime.
Un esprit à la merci des associations. – Nous allons donc examiner la nature et les fonctions de l’attention. L’esprit – à l’exception peut-être de l’état de coma – n’est jamais inactif ; des idées passent sans cesse par le cerveau, de jour comme de nuit, en dormant ou en marchant, en étant fou ou sain d’esprit. Nous prenons beaucoup trop sur nous lorsque nous supposons que noussommes les auteurs et les concepteurs des pensées que nous pensons. Le mieux que nous puissions faire est de donner une direction à ces trains de pensée dans les rares moments où nous régulons les pensées de nos cœurs. Nous voyons dans les rêves – la danse rapide des idées dans le cerveau pendant le sommeil léger – comment les idées se succèdent d’une manière générale. Dans les errances du délire, dans les fantaisies du fou, dans le bavardage inconséquent de l’enfant et dans le babillage du vieillard, nous voyons la même chose, c’est-à-dire la loi selon laquelle les idées se succèdent dans l’esprit lorsqu’il est laissé à lui-même. Vous parlez de verre à un enfant – vous voulez provoquer sa curiosité sur la façon dont le verre est fabriqué et sur son utilisation. Mais pas du tout ! il s’égare vers la pantoufle de verre de Cendrillon ; puis il vous parle de sa marraine qui lui a donné un bateau ; puis du bateau dans lequel l’oncle Harry est allé en Amérique ; puis il se demande pourquoi vous ne portez pas de lunettes, vous laissant deviner que l’oncle Harry en porte. Mais les divagations de l’enfant ne sont pas fantaisistes ; elles suivent une loi, celle des associations d’idées, selon laquelle toute idée présentée à l’esprit rappelle quelque autre idée qui lui a été associée à un moment donné – comme le verre et la pantoufle de Cendrillon ; et à cela, une autre idée a été associée. Cette loi d’association d’idées est un bon serviteur et un mauvais maître. Disposer de cette aide pour se rappeler les événements du passé, les engagements du présent, est un bienfait infini ; mais être à la merci des associations, ne pas avoir le pouvoir de penser ce que nous choisissons quand nous le choisissons, mais seulement parce que quelque chose nous le « met dans la tête », c’est n’être pas mieux qu’un imbécile.
L’attention errante. – Un effort vigoureux de volonté devrait nous permettre à tout moment de fixer nos pensées. Oui, mais une volonté vigoureuse qui s’impose d’elle-même est la fleur d’un caractère développé ; et tant que l’enfant n’a pas de caractère à proprement parler, mais seulement des dispositions naturelles, qui peut empêcher que des toupies soient mêlées à une leçon de géographie, ou qu’un canapé de poupée soit utilisé pour une leçon de français ? Voilà le secret de la fatigue de l’école à la maison : les enfants pensent tout le temps à autre chose qu’à leurs leçons ; ou plutôt, ils sont à la merci des mille fantaisies qui leur passent par la tête, chacune en entraînant une autre. « Oh, mademoiselle Smith, disait une petite fille à sa gouvernante, il y a tant de choses plus intéressantes que les leçons auxquelles on peut penser ! ».
Où est le mal ? En ceci : non seulement les enfants perdent leur temps, mais ils forment une habitude d’esprit désordonné et réduisent leur propre capacité d’effort mental.
L’habitude de l’attention doit être cultivée chez le nourrisson. – Ainsi, l’aide ne vient pas de la volonté de l’enfant mais de l’habitude de l’attention, une habitude à cultiver même chez le nourrisson. Un bébé, malgré ses merveilleux pouvoirs d’observation, n’a aucun pouvoir d’attention ; en une minute, le jouet convoité tombe des petits doigts apathiques et le regard errant s’allume sur une nouvelle joie. Mais même à ce stade, l’habitude de l’attention peut être formée : le jouet jeté est ramassé, et, en disant « coucou » et en montrant la chose, la mère maintient les yeux du nourrisson fixés pendant deux bonnes minutes – et c’est sa première leçon d’attention. Plus tard, comme nous l’avons vu, l’enfant est impatient de voir et de manipuler tous les objets qui se présentent à lui. Mais observez-le dans ses investigations : il vole de chose en chose avec moins d’intention qu’un papillon parmi les fleurs, ne s’attardant sur rien assez longtemps pour en tirer le meilleur parti. C’est à la mère de compléter la faculté d’observation rapide de l’enfant par l’habitude de l’attention. Elle doit veiller à ce qu’il ne passe pas d’une chose à l’autre, mais qu’il s’attarde assez longtemps sur une même chose pour en faire véritablement connaissance.
La petite Margaret fixe-t-elle de ses yeux ronds une marguerite qu’elle a cueillie ? En une seconde, la marguerite sera jetée, et un caillou ou un bouton d’or charmera la petite fille. Mais la mère saisit l’heureux moment. Elle montre à Margaret que la marguerite est un œil jaune vif entouré de cils blancs ; que toute la journée elle est couchée dans l’herbe et regarde le grand soleil, sans jamais cligner des yeux comme le ferait Margaret, mais en gardant les yeux grands ouverts. Et c’est pourquoi on l’appelle daisy[marguerite], « day’s eye » [œil du jour], parce que son œil regarde toujours le soleil qui fait le jour. Et qu’est-ce que Margaret pense qu’elle fasse la nuit, quand il n’y a plus de soleil ? Elle fait ce que font les petits garçons et les petites filles ; elle ferme simplement les yeux avec ses cils blancs bordés de rose et s’endort jusqu’à ce que le soleil revienne le lendemain matin. Dès ce moment, la marguerite est devenue intéressante pour Margaret ; elle la regarde avec de grands yeux après que sa mère ait fini de parler, puis, très probablement, elle la câline contre sa poitrine ou lui donne un doux petit baiser. C’est ainsi que la mère invente des moyens d’investir chaque objet du monde de l’enfant d’intérêt et de plaisir.
L’attention portée aux « choses » ; les mots lassent. – Mais le bras de fer commence avec les leçons de l’école. Même l’enfant qui a pris l’habitude de s’intéresser aux choses, trouve les mots lassants. C’est un tournant dans la vie de l’enfant, et le moment où la mère doit faire preuve de tact et de vigilance. En premier lieu, ne laissez jamais l’enfant musarder devant son cahier ou son addition, assis à rêver avec son livre devant lui. Lorsqu’un enfant perd l’intérêt pour une leçon, il est temps de la mettre de côté. Faites-lui faire une autre leçon aussi différente que possible de la précédente, puis revenez à sa tâche inachevée avec un esprit plus frais. Si la mère ou la gouvernante a été assez imprudente pour laisser l’enfant « être dans la lune » pendant une leçon, elle doit faire preuve d’intelligence pour le tirer d’affaire ; la leçon doit être faite, bien sûr, mais il faut la rendre lumineuse et agréable pour l’enfant.
Des leçons attrayantes. – L’enseignante devrait avoir une certaine connaissance des principes de l’éducation ; elle devrait savoir quels sujets conviennent le mieux à l’enfant compte tenu de son âge, et comment rendre ces sujets attrayants ; elle devrait aussi savoir comment varier les leçons, afin que chaque force de l’esprit de l’enfant se repose après l’effort, et qu’une autre force entre en jeu. Elle devrait savoir comment inciter l’enfant à l’effort par son désir d’approbation, d’excellence, de progrès, son désir de connaissance, son amour pour ses parents et son sens du devoir, de telle manière qu’aucun ensemble de motifs ne soit indûment utilisé et ne lèse le caractère de l’enfant. Mais le danger auquel elle doit être particulièrement attentive est la substitution de tout autre désir naturel à celui de la connaissance, qui est tout aussi naturel, et qui convient à tous les objectifs de l’éducation.
L’emploi du temps ; un travail précis dans un temps donné. – J’aurai l’occasion de revenir sur certains de ces points plus tard ; en attendant, penchons-nous sur une salle de classe à domicile gérée selon des principes solides. Tout d’abord, il y a un emploi du temps, rédigé avec précision, afin que l’enfant sache ce qu’il a à faire et combien de temps durera chaque leçon. Cette idée d’un travail précis à terminer dans un temps donné est précieuse pour l’enfant, non seulement parce qu’elle lui inculque des habitudes d’ordre, mais aussi d’assiduité ; il apprend qu’un temps n’est pas « aussi bon qu’un autre » ; que le meilleur moment pour faire ce qu’il a à faire est celui dans l’intervalle donné ; et cette seule connaissance contribue beaucoup à fixer l’attention de l’enfant sur son travail. De plus, les leçons sont courtes, rarement plus de vingt minutes pour les enfants de moins de huit ans ; et ceci, pour deux ou trois raisons. Le sentiment qu’il n’y a pas beaucoup de temps pour ses calculs ou sa lecture, maintient l’esprit de l’enfant en alerte et aide à fixer son attention ; il a le temps d’apprendre juste ce qu’il est bon pour lui d’assimiler en une seule fois : et si l’on alterne judicieusement les leçons – les mathématiques d’abord, disons, pendant que le cerveau est tout à fait frais ; puis l’écriture, ou la lecture – un exercice plus ou moins mécanique, en guise de repos ; et ainsi de suite, le programme variant un peu d’un jour à l’autre, suivant le même principe tout au long – une leçon de « réflexion » d’abord et une leçon « minutieuse » ensuite – l’enfant termine ses leçons du matin sans aucun signe de lassitude.
Même avec des leçons courtes et régulières, un autre stimulus peut être parfois nécessaire pour attirer l’attention de l’enfant. Son désir d’approbation peut demander non seulement un mot d’éloge, mais aussi une récompense pour l’encourager à faire de son mieux. Or, les récompenses doivent être distribuées à l’enfant par principe : elles doivent être les conséquences naturelles de sa bonne conduite.
Une récompense naturelle. – Quelle est la conséquence naturelle d’un travail accompli correctement et rapidement ? N’est-ce pas la jouissance d’un plus grand loisir ? On attend du garçon qu’il fasse deux additions justes en vingt minutes : il les fait en dix minutes ; les dix minutes restantes sont à lui, bien méritées, au cours desquelles il devrait être libre de gambader dans le jardin, ou de s’adonner à tout autre plaisir de son choix. Son devoir d’écriture consiste à produire six m parfaits : il écrit six lignes avec un seul bon m dans chaque ligne, le temps de la leçon d’écriture est terminé et il n’en a pas pour lui ; ou bien, il est capable de faire six bons m dans sa première ligne, et il a le reste du temps pour dessiner des bateaux à vapeur et des trains. Cette possibilité de laisser les enfants s’occuper de diverses manières pendant les quelques minutes qu’ils peuvent gagner à la fin de chaque leçon est une compensation que l’école à la maison offre pour l’enthousiasme que le travail de groupe et l’émulation sont censés donner au travail à l’école.
L’émulation. – Quant à l’émulation, un moyen très puissant pour exciter et retenir l’attention des enfants, on objecte souvent que le désir d’exceller, de faire mieux que les autres, implique un tempérament peu aimant, que l’éducateur devrait plutôt réprimer que cultiver. Les bonnes notes, sous une forme ou une autre, sont généralement la récompense de ceux qui font le mieux, et l’on prétend que ces bonnes notes sont souvent la cause d’une ridicule rivalité. Or, le fait est que les enfants sont formés pour vivre dans le monde, et dans le monde, nous obtenons tous des bonnes notes sous une forme ou une autre, des prix, des éloges, ou les deux, dans la mesure où nous excellons, que ce soit au football ou au tennis, ou en peinture ou poésie.
Il y a des jalousies et des déchirements parmi ceux qui arrivent en deuxième position ; il en a été ainsi depuis le début, et il en sera sans doute ainsi jusqu’à la fin. Si l’enfant doit être envoyé dans un monde compétitif, eh bien, il serait peut-être bien qu’il soit élevé dans une école compétitive. Mais c’est ici qu’intervient le travail de la mère. Elle peut enseigner à son enfant à être le premier sans vanité et à être le dernier sans amertume ; c’est-à-dire qu’elle peut l’élever dans une telle générosité d’amour et de sympathie que la joie du succès de son frère lui enlève l’amertume de son propre échec, et que le regret de l’échec de son frère ne laisse aucune place à la glorification de soi. De même, si un système de notes est utilisé pour stimuler l’attention et l’effort, les bonnes notes devraient être données pour la conduite plutôt que pour l’intelligence, c’est-à-dire qu’elles devraient être à la portée de tout le monde : chaque enfant peut obtenir son point pour la ponctualité, l’ordre, l’attention, la diligence, l’obéissance, la gentillesse ; et ainsi, les notes de ce genre peuvent être données sans risque de laisser un sentiment aigu d’injustice dans la poitrine de l’enfant qui échoue. L’émulation devient suicidaire lorsqu’elle est utilisée comme stimulant de l’effort intellectuel, car le désir de savoir s’atténue à mesure que le désir d’exceller devient actif. En fait, les notes de toutes sortes, même celles qui concernent la conduite, détournent l’attention des enfants de leur travail qui est en soi suffisamment intéressant pour assurer un bon comportement et de l’attention.
L’affection comme motif. – Le fait qu’il doive travailler dur pour faire plaisir à ses parents qui font tant pour lui, est un motif qu’il convient de présenter à l’enfant de temps en temps, mais pas trop souvent : si la mère joue fréquemment sur les sentiments de son enfant, si elle dit, « Faites ceci ou cela pour plaire à votre mère », « Ne peinez pas votre pauvre mère », etc., si elle lui donne trop souvent la raison de bien faire, il s’établit une relation sentimentale que le parent et l’enfant trouveront embarrassante, les vrais motifs de l’action seront obscurcis et l’enfant, ne voulant pas paraître peu aimant, finira par être faux.
L’attrait de la connaissance. – Bien entendu, le moyen le plus évident d’éveiller et de retenir l’attention des enfants réside dans l’attrait de la connaissance elle-même, et dans le réel appétit de savoir dont ils sont dotés. Mais on peut constater, dans de nombreuses salles de classe, à quel point les enseignants défaillants réussissent à priver les enfants de tout désir de savoir. J’aurai cependant plus tard l’occasion de dire quelques mots sur ce sujet.
Qu’est-ce que l’attention ? – Il est évident que l’attention n’est pas une « faculté » de l’esprit ; en fait, il est très douteux que les diverses opérations de l’esprit puissent être décrites comme des « facultés ». L’attention n’est même pas une opération de l’esprit, mais simplement l’acte par lequel toute la force mentale est appliquée au sujet en question. Cet acte, qui consiste à mettre tout l’esprit à contribution, peut être transformé en habitude par la volonté du parent ou de l’enseignant, qui attire et retient l’attention de l’enfant au moyen d’un motif suffisant.
L’autodiscipline. – À mesure que l’enfant grandit, on lui apprend à faire appel à sa propre volonté, à se rendre attentif malgré les suggestions les plus invitantes de l’extérieur. Il faut lui apprendre à ressentir un certain triomphe lorsqu’il s’oblige à fixer ses pensées. Faites-lui comprendre quelle est la véritable difficulté, comment il est dans la nature de son esprit de penser sans cesse, mais comment les pensées, si on les laisse à elles-mêmes, passeront toujours d’une chose à l’autre, et que la lutte et la victoire qu’on exige de lui est de fixer ses pensées sur la tâche en cours. « Vous avez fait votre devoir », accompagné d’un regard de sympathie de sa mère, est une récompense pour l’enfant qui a fait cet effort dans la force de sa volonté grandissante. Mais on ne saurait trop rappeler que l’attention est, dans une large mesure, le produit de l’esprit éduqué ; c’est-à-dire qu’on ne peut être attentif que dans la mesure où l’on a le pouvoir intellectuel de développer le sujet.
Il est impossible de surestimer l’importance de cette habitude d’attention. Elle est, pour citer des mots de poids, « à la portée de tous, et devrait être l’objet premier de toute discipline mentale » ; car quels que soient les dons naturels de l’enfant, ce n’est que dans la mesure où l’habitude de l’attention est cultivée en lui qu’il est capable de les utiliser.
Le secret de la pression excessive. – Si ce n’est que pour éviter l’usure, une lutte perpétuelle entre le devoir et l’inclination, il vaut la peine que la mère veille à ce que son enfant ne fasse jamais une leçon dans laquelle il ne met pas tout son cœur. Et ce n’est pas une entreprise difficile ; il s’agit de veiller dès le début à ce que ne se forme pas l’habitude contraire, celle de l’inattention. On a beaucoup parlé dernièrement de la pression excessive, et nous avons jeté un coup d’œil sur une ou deux des causes dont les effets portent ce nom. Mais en vérité, l’une des causes les plus fertiles d’un cerveau surmené est un manque d’habitude d’attention. Je suppose que nous sommes tous prêts à admettre que ce ne sont pas les choses que nous faisons, mais celles que nous omettons de faire, qui nous fatiguent, avec le sentiment de l’omission, avec le souci de la précipitation dans l’accomplissement de nos tâches. Et c’est presque la seule cause d’échec dans le travail de l’écolier ou de l’écolière en bonne santé : l’esprit vagabond empêche une leçon d’être pleinement assimilée au bon moment ; cette leçon devient une bête noire, sans cesse recherchée désormais et jamais présente ; et le sentiment de perte éprouve le jeune écolier plus que ne le ferait la réception attentive d’une douzaine de leçons de ce genre.
Les devoirs à la maison des écoliers. – En ce qui concerne les devoirs, les parents peuvent encore être d’une grande utilité pour leurs garçons et leurs filles après qu’ils aient commencé à fréquenter l’externat ; pas pour les aider, cela ne devrait pas être nécessaire ; mais voici deux exemples : « La pauvre Annie ne finit pas ses leçons avant neuf heures et demie, elle a vraiment tant à faire » ; « Le pauvre Tom est dans ses livres jusqu’à dix heures ; nous ne voyons jamais les enfants le soir », disent les parents affligés ; et ils laissent leurs enfants poursuivre une voie qui est absolument désastreuse pour la santé du corps et pour les facultés intellectuelles.
Un traitement sain à la maison pour les rêveurs. – C’est très rarement la faute des leçons mais plutôt celle des enfants ; ils sont dans la lune devant leurs livres, et un petit traitement sain à la maison devrait les guérir de ce mal. Accordez-leur, au maximum, une heure et demie pour leurs devoirs ; traitez-les tacitement comme des défaillants s’ils ne se présentent pas à la fin de cette période ; ne vous laissez pas trahir par un mot ou un regard de sympathie ; et dès que le temps des leçons est terminé, commencez un jeu ou un livre d’histoires très agréable dans le salon. Peu à peu, ils s’apercevront qu’il est possible de terminer les leçons à temps pour s’assurer ensuite une soirée agréable, et les leçons seront bien mieux faites du fait qu’une attention concentrée leur aura été accordée. Dans le même temps, la coutume de donner des devoirs à la maison, en tout cas aux enfants de moins de quatorze ans, est à critiquer fortement. Les enfants perdent le bénéfice de la combinaison de la vie à la maison et de la vie à l’école, et un programme très complet de travail scolaire peut être mené à bien pendant les heures du matin.
Les récompenses et les punitions devraient être des conséquences relatives à la conduite. – En examinant les moyens d’attirer l’attention, il a été nécessaire de se référer à la discipline, c’est-à-dire aux récompenses et aux punitions, un sujet sur lequel toute nourrice ou gouvernante novice se sent très compétente. Mais cela aussi a son côté scientifique : il existe une loiselon laquelle toutes les récompenses et les punitions devraient être réglementées : elles devraient être naturelles, ou, en tout cas, les conséquences relatives de la conduite ; elles devraient imiter, autant que possible sans blesser l’enfant, le traitement que telle ou telle conduite mérite et reçoit dans la vie future. Mlle Edgeworth, dans Rosamond and the Purple Jar, aborde le bon principe, bien que l’incident soit plutôt extravagant. Les petites filles ne se languissent pas souvent des bocaux violets dans les vitrines des pharmacies ; mais que nous devrions souffrir dans notre obstination à obtenir ce qui est inutile en nous privant de ce qui est nécessaire, est précisément l’une des leçons de vie que nous devons tous apprendre, et c’est donc la bonne sorte de leçon à donner à un enfant.
Conséquences naturelles et éducatives. – Il est évident que l’administration des récompenses et des punitions selon ce principe exige de la part de la mère une réflexion patiente et une détermination constante. Elle doit considérer elle-même quel est le défaut de disposition qui est à l’origine de la mauvaise conduite de l’enfant ; elle doit diriger sa punition vers ce défaut, et se préparer à voir son enfant subir une perte momentanée pour un gain durable. En fait, les punitions réelles sont très peu nécessaires lorsque les enfants sont élevés avec soin. Mais cela se produit continuellement : l’enfant qui a bien fait obtient une récompense naturelle (comme ces dix minutes dans le jardin), l’enfant qui a moins bien fait les perd ; et la mère doit se préparer, ainsi que son enfant, à supporter cette perte ; si elle égalise les deux enfants, elle commet une faute grave, non pas contre l’enfant qui a bien fait, mais contre celui qui a failli, qu’elle encourage délibérément à répéter sa faute. En soumettant son enfant à la discipline des conséquences, la mère doit faire preuve de beaucoup de tact et de discernement. Dans de nombreux cas, la conséquence naturelle de la faute de l’enfant est précisément celle qu’il s’agit d’éviter, tandis qu’en même temps, elle cherche quelque conséquence liée à la faute qui ait une portée éducative sur l’enfant : par exemple, si un garçon néglige ses études, la conséquence naturelle est qu’il reste ignorant ; mais le laisser faire serait une négligence criminelle de la part du parent.
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2. Les habitudes d’application, etc.
Effort mental rapide. – Les habitudes d’activité mentale et d’application sont formées par les mêmes moyens employés pour cultiver celle de l’attention. L’enfant qui fait son travail lentement avec assiduité peut être formé à un effort mental rapide. L’enseignante elle-même doit être vigilante, elle doit exiger des réponses instantanées, une réflexion rapide, un travail rapide. La tortue sera à la traîne derrière le lièvre, mais la tortue doit être entraînée à se déplacer, chaque jour, un peu plus rapidement. Visez résolument à obtenir la rapidité de compréhension et d’exécution, et vous y parviendrez en grande partie.
Le zèle doit être stimulé. – Il en va de même pour l’application. Il ne faut pas laisser l’enfant se mettre dans un état d’esprit qui le fait dire : « Oh, je suis si fatigué des additions » ou « de l’histoire ». Son zèle doit être stimulé ; il doit toujours y avoir une perspective agréable devant lui ; et l’application constante et infatigable au travail doit être considérée comme honorable, alors que l’attention et l’effort sporadiques et défaillants sont repérés.
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3. L’habitude de réfléchir et de penser
Les opérations « un lion ! » incluses dans la pensée. – Le travail effectif du cerveau est connu des psychologues sous différents noms, et divisé en diverses opérations : appelons-le réflexion, ce qui, à des fins éducatives, est suffisamment précis ; mais, par « réflexion », entendons un effort réellement conscient de l’esprit, et non les fantaisies qui voltigent sans effort dans le cerveau. Ceci est bien illustré par un exemple donné par l’archevêque Thompson dans ses Laws of Thought [Cet exemple, offert par un psychologue si compétent, est si admirable que je me permets de le citer plus d’une fois] : « Alors que le capitaine Head traversait les pampas de l’Amérique du Sud, son guide l’arrêta soudain et, pointant son doigt vers le ciel, s’écria : « Un lion ! ». Surpris par une telle exclamation, accompagnée d’un tel geste, il leva les yeux et perçut avec difficulté, à une hauteur incommensurable, un vol de condors, planant en cercle à un endroit particulier. Sous ce vol, hors de sa vue et de celle du guide, se trouvait la carcasse d’un cheval, et au-dessus de cette carcasse se tenait, comme le guide le savait bien, un lion, que les condors regardaient avec envie depuis leur hauteur dans les airs. Le signal des oiseaux était pour lui ce que la seule vue du lion aurait été pour le voyageur – une pleine assurance de sa présence. Voici un acte de pensée qui n’a posé aucun problème au penseur, qui lui a été aussi facile que de lever les yeux au ciel, mais qui, pour nous, peu habitués à ce phénomène, aurait exigé de nombreuses étapes et un certain travail de réflexion. La vue des condors l’a convaincu qu’il y avait une carcasse ou autre chose ; mais comme ils continuaient à tourner loin au-dessus, au lieu de descendre vers leur festin, il a deviné qu’une bête les avait devancés. Était-ce un chien ou un chacal ? Non, les condors n’auraient pas craint de les chasser ou de partager avec eux : ce devait être une grosse bête, et comme il y avait des lions dans les alentours, il en conclut que l’un d’eux était là. » Et toutes ces étapes de réflexion sont résumées dans les mots « Un lion ».
C’est ce genre de choses que les enfants devraient accomplir, plus ou moins, dans chaque leçon – identifier l’effet à partir de la cause, ou la cause à partir de l’effet ; comparer des choses pour découvrir où elles se ressemblent et où elles diffèrent ; conclure quant aux causes ou aux conséquences à partir de certaines hypothèses.
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4. L’habitude d’imaginer
Le sens de l’incongru. – Toutes leurs leçons donneront lieu à un léger exercice du pouvoir de réflexion des enfants, certaines plus, d’autres moins, et les leçons doivent être judicieusement alternées, afin que les efforts les plus mécaniques succèdent aux efforts strictement intellectuels, et que l’agréable exercice de l’imagination, là encore, succède aux efforts de la raison. D’ailleurs, il est dommage que le sens du ridicule soit cultivé dans les livres pour enfants au détriment de meilleures choses. Alice au Pays des Merveilles est un délicieux festin d’absurdités, dont aucun d’entre nous, jeunes ou vieux, ne pourrait se passer ; mais il est douteux que l’enfant qui le lit se régale de toutes ces imaginations, qu’il mesure cet inconnu, de la même façon que lorsqu’il lit Le Robinson suisse.
Ce point mérite d’être considéré en relation avec les livres de Noël pour les petits. Les livres au caractère comique ne cultivent aucun autre pouvoir que le sens de l’incongruité ; et bien que la vie soit plus amusante avec la possession d’un tel sens, lorsqu’il est cultivé à l’excès, il peut créer une habitude désinvolte. Diogenes and the Naughty Boys of Troy est irrésistible, mais ce n’est pas le genre de chose que les enfants vont vivre encore et encore, et « jouer » de nombreuses fois, comme nous avons tous joué à Robinson Crusoé trouvant les empreintes de pas. Ils doivent avoir des « livres amusants », mais ne donnez pas aux enfants trop de lectures absurdes.
Histoires ordinaires ; histoires imaginaires. – Les histoires, encore une fois, des vacances de Noël, de George et Lucie, des amusements, des défauts et des vertus des enfants dans leur propre condition de vie, ne laissent rien à imaginer. Les enfants savent si bien tout sur tout qu’il ne leur vient jamais à l’esprit de jouer les situations d’une de ces histoires, ni même de les relire. Mais donnez-leur des récits imaginaires, des scènes situées dans d’autres pays et d’autres temps, des aventures héroïques, des évasions, de délicieux contes de fées dans lesquels ils ne sont jamais brutalement arrêtés par l’impossible – même lorsque tout est impossible, et qu’ils le savent, et qu’ils y croient quand même.
L’imagination et les grandes conceptions. – Et ceci, non pas pour le seul amusement des enfants : il n’est pas impossible que la postérité se souvienne de nous comme d’une génération avec peu d’imagination, et, à ce jour, la moins capable de grandes conceptions et d’efforts héroïques, car c’est seulement parce que nous avons le courage de laisser une personne ou une cause occuper toute la place de notre esprit, à l’exclusion de toute occupation personnelle, que nous sommes capables d’actions généreuses en faveur de cette personne ou de cette cause. Nos romanciers disent qu’il n’y a plus rien à imaginer, et que, par conséquent, une description réaliste des choses telles qu’elles sont est tout ce qui leur reste. Mais l’imagination n’est rien si elle n’est pas créative, si elle ne voit pas, non seulement ce qui est apparent, mais ce qui est concevable, et ce qui est poétiquement approprié dans des circonstances données.
L’imagination grandit. – L’imagination ne descend pas, pleinement développée, pour prendre possession d’une maison vide ; comme toute autre force de l’esprit, elle n’est, au départ, qu’un simple germe de force, et elle grandit grâce à ce qu’elle obtient ; et l’enfance, l’âge de la foi, est le moment de la nourrir. Les enfants devraient avoir la joie de vivre dans des pays lointains, à travers d’autres personnes, à d’autres époques – une double existence délicieuse ; et cette joie, ils la trouveront, pour la plupart, dans leurs livres d’histoires. Leurs leçons d’histoire et de géographie devraient également cultiver leurs pouvoirs de conception. Si l’enfant ne vit pas à l’époque de sa leçon d’histoire, s’il ne se sent pas chez lui dans les climats décrits dans son livre de géographie, alors ces leçons n’atteindront pas leur but. Mais laissons les leçons faire de leur mieux, et la galerie d’images de l’imagination est mal accrochée si l’enfant n’a pas trouvé son chemin dans le royaume de la fantaisie.
Penser s’acquiert par la pratique. – Nous verrons plus tard comment les diverses leçons des enfants doivent être traitées de manière à leur donner l’habitude de penser ; mais pour l’instant, la pensée, comme l’écriture ou le patinage, s’acquiert par la pratique. L’enfant qui n’a jamais pensé, ne pense jamais et ne pensera probablement jamais ; ne trouve-t-on pas assez de gens qui parcourent le monde sans exercer délibérément leur propre esprit ? L’enfant doit réfléchir, trouver le pourquoi des choses par lui-même, tous les jours de sa vie, et chaque jour plus que la veille. Il est donné aux enfants comme aux parents d’inverser ce processus éducatif. L’enfant demande « Pourquoi ? » et le parent répond, plutôt fier de cette preuve de réflexion chez son enfant. Il y a bien un peu de réflexion dans le fait de se demander « Pourquoi ? », mais c’est l’effort le plus léger et le plus superficiel que produit le cerveau pensant. Que le parent demande « Pourquoi ? » et que l’enfant produise la réponse, s’il le peut. Après qu’il ait retourné la question dans tous les sens dans son esprit, il n’y a aucun mal à lui dire – et il s’en souviendra – la raison du pourquoi. Chaque promenade devrait offrir aux enfants un problème épineux à résoudre : « Pourquoi cette feuille flotte-t-elle sur l’eau et ce caillou coule-t-il ? » et ainsi de suite.
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5. L’habitude de se souvenir
Se souvenir et se rappeler. – La mémoire est l’entrepôt de toutes les connaissances que nous possédons ; et c’est en fonction des réserves logées dans la mémoire que nous nous classons comme êtres intelligents. Les enfants apprennent afin de pouvoir se souvenir. Une grande partie de ce que nous avons appris et vécu dans l’enfance et plus tard, nous ne pouvons pas le reproduire, et pourtant cela a établi la base de nos connaissances ultérieures ; les notions et les opinions futures se sont développées à partir de ce que nous avons un jour appris et su. C’est notre capital englouti, dont nous jouissons des intérêts bien que nous ne puissions pas le réaliser. De même, beaucoup de ce que nous avons appris et expérimenté n’est pas seulement conservé dans l’entrepôt de la mémoire, mais constitue notre capital disponible, que nous pouvons reproduire et rappeler sur demande. Cette mémoire qui peut être utilisée par l’acte de se rappeler est notre dotation la plus précieuse.
Une mémoire « fallacieuse ». – Il existe une troisième sorte de mémoire (fallacieuse) – des faits et des idées flottant dans le cerveau qui n’en font pas encore partie, et qui sont extirpés d’un seul effort ; comme lorsqu’un avocat présente toute sa connaissance d’une affaire dans son dossier et l’oublie ensuite complètement ; ou lorsque le lycéen « bachote » pour un examen, écrit ce qu’il a appris, puis cela disparaît de son regard pour toujours : comme le dit Ruskin, « Ils bachotent pour réussir, et non pour savoir, ils réussissent mais ils ne savent pas. » Que l’avocat, le médecin, puisse ainsi écarter l’affaire qui ne l’occupe plus, que l’éditeur oublie le livre qu’il a rejeté, est bien pour lui, et cet art de l’oubli n’est pas sans utilité : mais qu’en est-il de l’écolier qui, après une année de travail, n’a plus guère que sa place dans la liste de classe ?
La mémoire, un enregistrement dans le cerveau. – Il est impossible de dire ici quoi que ce soit d’adéquat sur le sujet de la mémoire ; mais essayons de répondre à deux ou trois questions qui se présentent à la surface. Comment en arrivons-nous à nous « souvenir » ? Comment acquiert-on le pouvoir d’utiliser les faits mémorisés, c’est-à-dire de se rappeler ? Et dans quelles conditions peut-on acquérir des connaissances qui ne contribuent pas à la croissance du cerveau et de l’esprit, qui ne sont pas disponibles sur demande, mais qui sont superficiellement logées dans le cerveau pendant une courte période et qui sont ensuite évacuées d’un seul coup ? Nous nous intéressons à une invention merveilleuse – un instrument qui enregistre les paroles et qui délivrera, disons dans un siècle, un discours ou une conférence avec les mêmes mots et les mêmes intonations que l’orateur. Un tel instrument est cette fonction du cerveau appelée mémoire, par laquelle les impressions reçues par le cerveau sont enregistrées mécaniquement – du moins, telle est la théorie assez généralement admise maintenant par les physiologistes. Autrement dit, l’esprit prend connaissance de certains faits, et la substance nerveuse du cerveau enregistre cette connaissance.
Réalisé dans quelles conditions. – Maintenant, les questions se posent : dans quelles conditions une telle empreinte de fait ou d’événement est-elle réalisée sur la substance du cerveau ? Cette empreinte est-elle permanente ? Et le cerveau est-il capable de recevoir un nombre indéfini de telles impressions ? Il semble, d’après l’expérience commune et d’après un nombre infini d’exemples cités par les psychologues, que tout objet ou idée considéré avec attention produit sur le cerveau l’impression qui, paraît-il, le fixe dans la mémoire. En d’autres termes, accordez un instant d’attention soutenue à quoi que ce soit, et cette chose sera mémorisée. Pour décrire cet effet, l’expression courante est exacte au-delà de son intention. Nous disons : « telle vue, tel son, telle sensation, m’ont fait une forte impression. » Et c’est précisément ce qui s’est passé : en fixant l’attention sur un fait ou un incident quelconque, on se souvient de ce fait ou de cet incident ; il est impressionné, imprimé dans la substance du cerveau. La déduction est claire. Vous voulez qu’un enfant se souvienne ? Alors obtenez toute son attention, le regard fixé de son esprit, pour ainsi dire, sur le fait dont il doit se souvenir ; alors il l’aura : par une sorte de processus photographique (!), ce fait ou cette idée est « pris » par son cerveau, et quand il sera un vieil homme, peut-être, le souvenir de ce fait lui reviendra en mémoire.
Se rappeler et la loi d’association. – Mais il ne suffit pas qu’un souvenir nous traverse l’esprit accidentellement ; nous voulons avoir le pouvoir de nous rappeler à volonté ; et pour cela, il faut quelque chose de plus qu’un acte d’attention occasionnel produisant une impression solitaire. Supposons, par exemple, que par un bon enseignement vous attiriez l’attention de l’enfant sur le verbe have, il s’en souviendra ; c’est-à-dire qu’une croissance infiniment légère du tissu cérébral enregistrera et retiendra ce seul verbe anglais. Mais un verbe n’est rien ; vous voulez que l’enfant apprenne l’anglais, et pour cela, vous devez non seulement fixer son attention sur chaque nouvelle leçon, mais chacune doit être liée à la précédente de telle sorte qu’il lui soit impossible de se souvenir de l’une sans que l’autre ne suive. L’effet physique d’une telle méthode semble être que chaque nouvelle croissance du tissu cérébral est, pour ainsi dire, posée sur la précédente ; c’est-à-dire, pour le dire de façon imagée, qu’une certaine partie du cerveau peut être conçue comme étant recouverte d’anglais. C’est faire un usage pratique de cette loi d’association d’idées dont on ne voudrait pas être le jouet ; et c’est la négligence de cette loi qui invalide beaucoup de bons enseignements. L’enseignant se contente de produire une impression solitaire dont on ne se souvient que lorsqu’on agit sur elle par une suggestion fortuite ; alors qu’il devrait forger les maillons d’une chaîne qui l’aidera à tirer son seau hors du puits. Le lecteur a sans doute entendu parler d’un certain Dr Pick, qui a fondé un système mnémonique vraiment philosophique sur ces deux principes d’attention et d’association. Quoi que nous puissions penser de son application, le principe qu’il a affirmé est le bon.
Chaque leçon doit rappeler la précédente. – Faites en sorte que chaque leçon retienne toute l’attention de l’enfant, et que chaque nouvelle leçon soit entrelacée avec la précédente de telle sorte que l’une doit rappeler l’autre, qui à son tour rappelle celle qui la précède, et ainsi de suite jusqu’au début.
La puissance d’enregistrement du cerveau n’a aucune limite. – Mais le « va-et-vient » de la simple mémoire verbale ne suit pas ces règles. L’enfant apprend son exercice « par cœur », le répète comme un perroquet, et voilà qu’il disparaît ; le cerveau n’en garde aucune trace. Pour qu’il y ait une telle trace, il faut du temps ; du temps pour ce regard plein de l’esprit que nous appelons attention, et pour que le tissu cérébral croisse avec une nouvelle idée. Dans ces conditions, il ne semble pas y avoir de limite quantitative au pouvoir d’enregistrement du cerveau. Sauf de cette façon : une jeune fille apprend le français et le parle assez bien ; une fois devenue grand-mère, elle l’a complètement oublié, il ne lui reste plus un mot. Lorsque cela arrive, c’est que son français a été abandonné ; elle n’a pas eu l’habitude de lire, d’entendre, de parler français depuis sa jeunesse. Il est donc évident que, pour accéder à cette trace de français imprimée dans son cerveau, le chemin aurait dû être maintenu ouvert par des allées et venues fréquentes.
Mais les liens d’association sont une condition pour se rappeler. – Acquérir un savoir ou un pouvoir quelconque, puis le laisser dépérir dans un coin négligé du cerveau, est pratiquement inutile. S’il n’y a pas de chaîne d’association pour tirer le seau hors du puits, c’est comme s’il n’y avait pas d’eau. Quant à la façon de former ces liens, chaque sujet suggère une méthode appropriée. L’enfant a une leçon sur la Suisse aujourd’hui, et une sur la Hollande demain, et l’une est liée à l’autre par le fait même que les deux pays n’ont presque rien en commun ; ce que l’un a, l’autre ne l’a pas. Là encore, l’association se fera par similitude, et non par contraste. Dans notre propre expérience, nous constatons que les couleurs, les lieux, les sons, les odeurs rappellent des personnes ou des événements ; mais des liens de cet ordre sensitif peuvent difficilement être employés dans l’éducation. Le lien entre deux choses doit être trouvé dans la nature des choses associées.
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6. L’habitude d’une exécution parfaite
L’habitude de produire un travail imparfait. – « Mettez la perfection dans tout ce que vous faites » est un conseil avec lequel une famille peut être élevée avec grand avantage. Nous, Anglais, en tant que nation, pensons trop aux personnes et trop peu aux choses, au travail, à l’exécution. Nos enfants sont autorisés à faire leurs calculs ou leurs lettres, leurs points de couture, leurs vêtements de poupée, leur petite menuiserie, n’importe comment, avec l’idée qu’ils feront mieux par la suite. D’autres nations – les Allemands et les Français, par exemple – considèrent la question d’un point de vue philosophique et savent que si les enfants prennent l’habitude de produire un travail imparfait, les hommes et les femmes conserveront sans doute cette habitude. Je me souviens avoir été enchantée par le travail d’une classe d’environ quarante enfants, de six à sept ans, dans une école primaire de Heidelberg. Ils faisaient une leçon d’écriture, accompagnée d’une bonne dose d’enseignement oral de la part d’un maître qui écrivait chaque mot au tableau. Au fur et à mesure, les ardoises étaient montrées, et je n’observais pas une seule lettre défectueuse ou irrégulière sur l’ensemble des quarante ardoises. Le même principe de « perfection » était visible dans une récente exposition de travaux scolaires organisée dans toute la France. Aucun travail défectueux ne fut montré, à excuser sous prétexte qu’il s’agissait de travaux accomplis par des enfants.
Un enfant doit réaliser une exécution parfaite. – On ne devrait donner à un enfant aucun travail qu’il ne puisse exécuter parfaitement, et on devrait ensuite exiger de lui la perfection comme une évidence. Par exemple, on lui demande de copier des traits et on lui permet de montrer sur une ardoise toutes sortes de traits de travers et irréguliers ; son sens moral est vicié, son œilest blessé. Donnez-lui six traits à copier ; qu’il apporte, non pas une ardoise pleine, mais six traits parfaits, à distances et inclinaisons régulières. S’il produit une paire défectueuse, demandez-lui de vous montrer la faute, et de persévérer jusqu’à ce qu’il ait accompli sa tâche ; s’il ne le fait pas aujourd’hui, qu’il continue demain et le jour suivant, et quand les six traits parfaits apparaissent, que ce soit une occasion de triomphe. Il en va de même pour les petites activités de peinture, de dessin ou de construction qu’il entreprend de lui-même : que tout ce qu’il fait soit bien fait. Un château de cartes instable est une chose dont il faut avoir honte. Cette habitude du « travail parfait » est étroitement liée à celle de terminer tout ce qui a été commencé. L’enfant devrait rarement être autorisé à entamer une nouvelle entreprise avant que la précédente ne soit terminée.
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7. Quelques habitudes morales – L’obéissance
Il est décevant que, pour couvrir le sujet, nous devions traiter de ces habitudes morales que la mère doit à ses enfants de cultiver en eux, d’une manière légère et inadéquate ; mais le point à garder à l’esprit est que tout ce qui a déjà été dit sur la culture de l’habitude s’applique avec la plus grande force possible à chacune de ces habitudes.
Le devoir tout entier d’un enfant. – Avant tout, l’habitude de l’obéissance est de loin la plus importante. En effet, l’obéissance est le devoir tout entier de l’enfant, et c’est pour cette raison que tous les autres devoirs de l’enfant sont accomplis dans le cadre de l’obéissance à ses parents. Mais ce n’est pas tout : l’obéissance est le devoir entier de l’homme, l’obéissance à la conscience, à la loi, à la direction divine.
Il a été bien observé que chacune des trois tentations rapportées de notre Seigneur dans le désert est une suggestion, non pas d’un acte de péché manifeste, mais d’un acte d’entêtement, cet état directement opposé à l’obéissance, et d’où jaillit toute cette folie qui est attachée au cœur d’un enfant.
L’obéissance n’est pas un devoir accidentel. – Maintenant, si le parent se rend compte que l’obéissance n’est pas un simple devoir accidentel, dont l’accomplissement est une affaire entre lui et l’enfant, mais qu’il est l’agent désigné pour former l’enfant à l’obéissance intelligente de l’être humain qui s’autodiscipline et qui respecte la loi, il verra qu’il n’a pas le droit de renoncer à l’obéissance de son enfant, et que tout acte de désobéissance chez l’enfant est une condamnation directe du parent. Il verra aussi que le motif de l’obéissance de l’enfant n’est pas celui, arbitraire, de « Fais ceci ou cela, parce que je l’ai dit », mais qu’il est le motif de l’injonction apostolique, « Enfants, obéissez à vos parents, selon le Seigneur, car cela est juste. »
Les enfants doivent avoir le désir d’obéir. – Ce n’est que dans la mesure où la volonté de l’enfant est dans l’acte d’obéissance, et où il obéit parce que son sens du bien lui donne le désir d’obéir en dépit des tentations de désobéissance – non pas par contrainte, mais de son plein gré – que s’est formée l’habitude qui permettra à l’enfant, plus tard, d’utiliser la force de sa volonté contre ses inclinations lorsque celles-ci l’inciteront à des comportements illégaux. On dit que les enfants des parents qui exigent l’obéissance la plus stricte tournent souvent mal, et que les orphelins et autres pauvres enfants élevés sous une discipline stricte utilisent la moindre opportunité pour se permettre de faire ce qu’ils veulent. Précisément, parce que, dans ces cas, il n’y a pas de formation progressive de l’enfant à l’habitude de l’obéissance ; pas d’engagement progressif de sa volonté à une servitude douce ni de soumission de son plein gré à la loi suprême : les pauvres enfants sont simplement contraints de se soumettre à la volonté, c’est-à-dire à l’entêtement d’un autre ; pas du tout « parce que cela est juste » ; seulement parce que cela est pratique.
Escompter l’obéissance. – La mère n’a pas de devoir plus sacré que celui de former son enfant à l’obéissance immédiate. Ce n’est pas une tâche difficile ; l’enfant est encore « traînant après soi des nuages de gloire, venant de Dieu qui est notre maison » ; le principe d’obéissance est en lui, attendant d’être mis en pratique. Il n’est pas nécessaire de frapper l’enfant, de le menacer ou d’utiliser une quelconque forme de violence, car le parent est investi d’une autorité que l’enfant reconnaît intuitivement. Il suffit de dire : « Fais ceci » sur un ton calme et autoritaire, et s’attendre à ce que cela soit fait. La mère perd souvent son emprise sur les enfants parce qu’ils détectent dans le ton de sa voix qu’elle ne s’attend pas à ce qu’ils obéissent à ses demandes ; elle ne croit pas assez à sa position ; elle n’a pas suffisamment confiance en sa propre autorité. La grande force de la mère réside dans l’habitude de l’obéissance. Si elle commence par exiger de ses enfants qu’ils lui obéissent toujours, ils le feront toujours, comme une évidence ; mais laissez-les une fois seulement s’engager sur la mauvaise pente, laissez-les découvrir qu’ils peuvent faire autre chose qu’obéir, et une lutte terrible commence, qui se termine généralement par le fait que les enfants font ce qui est juste à leurs propres yeux.
Voici le genre de chose qui est fatal : les enfants sont dans le salon, et un visiteur est annoncé. « Vous devez monter à l’étage maintenant. » « Oh, chère maman, laissez-nous rester dans le coin près de la fenêtre ; nous serons plus silencieux qu’une souris ! » La mère est plutôt fière des bonnes manières de ses enfants, et ils restent. Ils ne restent pas silencieux, bien sûr, mais c’est le moindre des maux ; ils ont réussi à faire ce qu’ils voulaient et non ce qu’on leur demandait, et ils ne se soumettront plus au joug sans se battre. C’est dans les petites choses que la mère est malmenée. « Au lit, Willie ! » « Oh, maman, laissez-moi juste finir ça. » ; et la mère cède, oubliant que l’objet de la demande est de peu d’importance ; ce qui importe, c’est que l’enfant confirme quotidiennement une habitude d’obéissance par la répétition ininterrompue d’actes d’obéissance. Il est étonnant de constater combien l’esprit de l’enfant est habile à trouver des moyens de s’échapper au lieu d’observer les recommandations. « Marie, venez. », « Oui, mère » ; mais sa mère appelle quatre fois avant que Marie n’arrive. « Rangez vos cubes » ; et les cubes sont rangés avec des gestes lents et réticents. « Vous devez toujours vous laver les mains lorsque vous entendez la première cloche. » L’enfant obéit pour cette fois, et plus par la suite.
Pour éviter ces démonstrations d’indiscipline, la mère insistera dès le début sur une obéissance prompte, joyeuse et durable – à part des oublis de la part de l’enfant. Une obéissance tardive, réticente, occasionnelle ne vaut guère la peine d’être obtenue ; et il est beaucoup plus facile de donner à l’enfant l’habitude d’une obéissance parfaite en ne lui permettant jamais rien d’autre, que d’obtenir cette simple obéissance formelle par un exercice constant de l’autorité. Au bout d’un certain temps, quand il est assez grand, mettez l’enfant dans la confidence ; expliquez-lui quelle noble chose c’est d’être capable de s’imposer de faire, en une minute, et brillamment, la chose même qu’il préférerait ne pas faire. Pour acquérir cette habitude d’obéissance, la mère doit faire preuve d’une grande retenue ; elle ne doit jamais donner un ordre qu’elle n’a pas l’intention de voir exécuté pleinement. Et elle ne doit pas imposer à ses enfants des fardeaux, pénibles à porter, de commandes qui se succèdent.
La loi assure la liberté. – Les enfants formés à l’obéissance parfaite peuvent être assurés d’une bonne dose de liberté : ils reçoivent quelques directives auxquelles ils savent qu’ils ne doivent pas désobéir ; et pour le reste, on les laisse apprendre à diriger leurs propres actions, même au prix de quelques petites mésaventures ; ils ne sont pas harcelés par un feu perpétuel de « Fais ceci » et « Ne fais pas cela ! »
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8. L’honnêteté
Il n’est pas nécessaire de dire un mot du devoir d’Honnêteté ; mais l’éducation de l’enfant dans l’habitude de la stricte véracité est une autre affaire, qui exige de la part de la mère un soin délicat et scrupuleux.
Trois causes du mensonge – toutes vicieuses. -Le vice du mensonge est dû à trois causes : la négligence dans la vérificationde la vérité, la négligence dans l’énoncé de la vérité et l’intention délibérée de tromper. Ces trois causes sont vicieuses, comme le montre le fait que le caractère d’un homme peut être ruiné par ce qui n’est rien de plus qu’une fausse déclaration négligente de la part d’un autre ; quelqu’un répète une remarque préjudiciable sans prendre la peine de la passer au crible ; ou bien il répète ce qu’il a entendu ou vu avec si peu de soin pour livrer la vérité que sa déclaration ne vaut pas mieux qu’un mensonge.
Un seul type de mensonge est reproché aux enfants. – Des trois types de mensonges, c’est seulement, en fait, le troisième qui est sévèrement reproché à l’enfant ; le premier et le second lui sont permis. Il vous dit qu’il a vu « beaucoup » de chiens tachetés dans la ville – il en a réellement vu deux ; que « tous les garçons » collectionnent les blasons – il en connaît trois qui le font ; que « tout le monde » dit que Jones est « sournois » – parce qu’il a entendu Brown le dire. Ces écarts à la stricte véracité des faits portent sur des questions d’une importance si minime que la mère a tendance à les laisser passer pour des « bavardages d’enfants » ; mais, en réalité, chaque écart de ce genre nuit au sens de la vérité de l’enfant – telle une lame qui perd facilement son tranchant.
L’exactitude de la déclaration. – La mère qui forme son enfant à une stricte exactitude de déclaration au sujet de choses petites et grandes le fortifie contre les tentations de mensonge plus importantes ; il ne colorera pas facilement un récit à son avantage, ne supprimera pas des faits, ne se dérobera pas, lorsque l’énoncé du simple fait est devenu une habitude obligatoire, et lorsqu’on ne lui a pas permis de prendre la mauvaise habitude de jouer avec les mots.
L’exagération et les embellissements ridicules. – Deux façons de s’écarter de la vérité, très tentantes pour l’enfant, exigeront une grande vigilance de la part de la mère – celle de l’exagération et celle d’enjoliver une histoire avec des embellissements ridicules. Aussi drôle que soit une circonstance décrite par l’enfant, la mère impitoyable doit dépouiller le récit de tout ce qui dépasse la vérité nue : car, en effet, une réputation de facétieux se paie chèrement par la perte de cette dignité de caractère, chez l’enfant ou l’homme, qui accompagne l’habitude de la stricte véracité ; il est possible, heureusement, de faire de l’humour sans sacrifier la vérité.
La révérence, etc. – En ce qui concerne la révérence, la considération pour les autres, le respect des personnes et des biens, je ne peux qu’insister sur l’importance d’une pratique assidue de ces qualités morales – les signes distinctifs d’une nature raffinée – jusqu’à ce qu’elles deviennent les habitudes quotidiennes de la vie de l’enfant, et ce d’autant plus qu’un tempérament autoritaire, agressif et égoïste n’est que trop caractéristique de l’époque où nous vivons.
Le tempérament, inné chez un enfant. – Je tiens, cependant, à dire quelques mots sur l’habitude de la bonne humeur. Il est très courant de considérer le tempérament comme constitutionnel, c’est-à-dire comme quelque chose qui naît en vous et qu’il ne faut ni aider ni entraver. « Oh, elle est toujours de bonne humeur ; rien ne la met en colère ! » « Oh, il a le tempérament de son père ; la moindre contrariété le met dans tous ses états ! », sont le genre de remarques que nous entendons constamment.
Pas un tempérament, mais une tendance. – Il est sans doute vrai que les enfants héritent d’une certaine tendance à l’irascibilité ou à l’amabilité, à la nervosité, au mécontentement, à l’irritabilité, à la maussaderie, au grommellement et à l’impatience ; ou à la gaieté, à la confiance, à la bonne humeur, à la patience et à l’humilité. Il est également vrai que de la prépondérance de l’une ou l’autre de ces qualités – c’est-à-dire du tempérament – dépend le bonheur ou le malheur de l’enfant et de l’homme, ainsi que le confort ou la misère des personnes qui vivent avec lui. Nous connaissons tous des personnes intègres et dotées de nombreuses vertus excellentes qui se rendent insupportables à leurs proches. La racine du mal n’est pas que ces personnes soient nées maussades, irritables ou envieuses – cela aurait pu être réparé – mais qu’on leur ait permis de grandir dans ces dispositions. Ici, comme partout ailleurs, le pouvoir de l’habitude est inestimable : il incombe aux parents de corriger l’inclination originelle, d’autant plus que c’est d’eux que l’enfant la tient, et d’envoyer leur enfant dans le monde avec un tempérament joyeux, enclin à tirer le meilleur parti des choses, à voir le bon côté des choses, à attribuer aux autres les intentions les meilleures et les plus aimables, et à ne pas faire de réclamations extravagantes pour son propre compte – source fertile de mauvais tempéraments. Et cela, seulement parce que l’enfant naît avec certaines tendances.
Les parents doivent corriger la tendance par une nouvelle habitude de tempérament. – C’est par la force de l’habitude qu’une tendance devient un tempérament ; et il appartient à la mère d’empêcher la formation de mauvais tempéraments et de forcer celle de bons tempéraments. Il n’est pas difficile de le faire tant que le visage de l’enfant est comme un livre ouvert pour sa mère et qu’elle lit les pensées de son cœur avant qu’il n’en ait conscience lui-même. Se rappelant que chaque pensée envieuse, murmurante, mécontente laisse une trace dans la substance même du cerveau de l’enfant pour que de telles pensées y circulent encore et encore – et que cette trace, cette ornière, pour ainsi dire, s’élargit et s’approfondit sans cesse avec la circulation des mauvaises pensées – le soin de la mère est d’empêcher dès le début la formation d’une telle trace. Elle voit dans l’âme de son enfant, elle voit le mauvais caractère en train de se manifester : c’est l’occasion.
Changer les pensées de l’enfant. – Qu’elle change les pensées de l’enfant avant même que la mauvaise humeur n’ait eu le temps de se transformer en sentiment conscient, et encore moins en action : faites-le sortir, envoyez-le chercher ou porter quelque chose, dites-lui ou montrez-lui quelque chose d’intéressant, en un mot, donnez-lui autre chose à penser ; mais tout cela d’une manière naturelle, et sans que l’enfant ne s’en aperçoive. De même que chaque accès de maussaderie laisse place dans l’esprit de l’enfant à un autre accès de maussaderie qui lui succédera, de même chaque accès de maussaderie évité par le tact de la mère tend à effacer les traces néfastes des anciens accès de maussaderie. Dans le même temps, la mère prend soin de tracer une route pour le libre cours de toutes les pensées et de tous les sentiments doux et plaisants.
J’ai proposé des suggestions, non pas pour un cours de formation intellectuelle et morale, mais seulement pour la formation de certaines habitudes qui devraient être, pour ainsi dire, l’aboutissement du caractère. Même avec ce programme limité, je n’ai pas abordé de nombreuses questions tout aussi importantes que celles qui ont été traitées. En présence de l’embarras du choix, il a été nécessaire d’adopter un certain principe de sélection ; et j’ai cru bon de m’arrêter sur des considérations qui ne me paraissent pas avoir tout leur poids auprès des parents instruits, plutôt que sur celles dont toute personne réfléchie reconnaît la force.
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PARTIE V – Les leçons comme instruments d’éducation
1. Le sujet et la méthode des leçons
Il me semble que nous vivons à l’ère de la pédagogie ; que nous, enseignants, sommes enclins à vouloir trop en faire, et que les parents sont prêts à céder la responsabilité de la direction, ainsi que de l’enseignement proprement dit, plus qu’il n’est sain pour les enfants.
Les parents doivent réfléchir au programme d’instruction. – J’aimerais attirer votre attention sur un sujet que les parents ont l’habitude de laisser entre les mains de l’instituteur ou de la gouvernante lorsqu’ils n’instruisent pas eux-mêmes leurs enfants : je veux parler du choix des sujets d’instruction et de la manière de les traiter. Les enseignants sont les personnes qui, plus que d’autres, se sont penchées sur ce qu’un enfant doit apprendre et comment il doit l’apprendre ; mais le parent devrait également avoir réfléchi à ce sujet, et, même quand il ne prétend pas instruire ses enfants, il devrait avoir formé soigneusement ses propres opinions quant au programme et à la méthode de leur éducation intellectuelle : et ceci aussi bien dans l’intérêt de l’enseignant que dans celui des enfants. Rien ne donne plus de vitalité et de sens au travail de l’enseignant que la certitude que les parents de ses élèves le soutiennent.
Même lorsque les enfants fréquentent des écoles où l’enseignement est dispensé par des personnes qualifiées, il est utile que les pères et les mères fassent preuve d’un peu de perspicacité pour empêcher l’enseignant de tomber dans les travers de sa profession, en valorisant la seule maîtrise de tel ou tel sujet, plutôt que l’impact qu’il aura sur les enfants. Mais dans les premiers temps de l’école à la maison, il est inique de laisser la jeune gouvernante, avec peu de qualifications à part son français ou son allemand natif, ou un anglais insuffisant, définir seule un programme pour elle-même et ses élèves. Le fait que les enfants perdent leur temps est le moindre des maux qui en résulte : ils prennent des habitudes qui les empêchent de faire des efforts intellectuels et, au bout du compte, lorsqu’ils vont à l’école, les leçons leur passent au-dessus de la tête, le travail leur échappe et leurs capacités de résistance passive déconcertent les enseignants les plus acharnés.
La maison est le meilleur endroit où grandir pour les jeunes enfants. – Quels que soient les avantages du jardin d’enfants et des autres structures pour les jeunes enfants, l’école à la maison est le meilleur endroit où grandir. Et sans doute en serait-il ainsi, si la mère avait la liberté de se consacrer à l’instruction de ses enfants ; mais c’est rarement le cas. Si elle vit en ville, elle peut les envoyer à l’école à l’âge de six ans ; si elle vit à la campagne, elle doit avoir une gouvernante ; et la difficulté est de trouver une femme qui non seulement connaisse les sujets qu’elle s’engage à enseigner, mais qui comprenne dans une certaine mesure la nature de l’enfant ainsi que l’art et les objectifs de l’éducation ; une femme capable de tirer le meilleur parti des enfants sans gaspillage de force ou de temps.
Un tel rara avis ne se présente pas en réponse à chaque petite annonce ; et à défaut d’une enseignante qualifiée, la mère doit se charger de former la gouvernante – c’est-à-dire qu’elle peut compléter par sa propre perspicacité le peu de connaissances et d’expérience de la jeune enseignante. « Je souhaite que les enfants apprennent à lire, de telle ou telle manière, parce que… », ou encore, « qu’ils apprennent l’Histoire de telle sorte que les leçons puissent avoir tel ou tel effet. » Une demi-heure de conversation de ce genre avec une gouvernante sensée assurera aux enfants un mois entier de travail, si bien dirigé que beaucoup est fait en peu de temps, afin de réserver le plus de temps possible au jeu et à l’exercice en plein air.
Trois questions pour la mère. – Mais si la mère veut inculquer à la gouvernante sa propre vision de l’enseignement de l’écriture, du français, de la géographie, elle doit elle-même en avoir une vision claire. Elle doit se demander sérieusement : Pourquoi les enfants doivent-ils apprendre ? Que devraient-ils apprendre ? Et, comment devraient-ils l’apprendre ? Si elle se donne la peine de trouver une réponse précise et réfléchie à chacune de ces trois questions, elle sera en mesure de diriger les études de ses enfants ; et en même temps, elle sera surprise de constater que les trois quarts du temps et du travail que l’enfant consacre ordinairement à ses leçons sont du temps perdu et de l’énergie gaspillée.
Les enfants apprennent pour grandir. – Pourquoi l’enfant doit-il apprendre ? Pourquoi mangeons-nous ? N’est-ce pas pour que le corps vive, grandisse et soit en mesure de remplir ses fonctions ? C’est précisément pour cela que l’esprit doit être soutenu et développé au moyen de la nourriture qui lui convient, le pabulum mental des connaissances assimilées. De même, le corps se développe, non seulement grâce à une nourriture appropriée, mais aussi par l’exercice approprié de chacun de ses membres. Une jeune mère me faisait remarquer l’autre jour qu’avant son mariage, elle avait des bras si minces qu’elle n’aimait pas les montrer ; mais un solide bébé de cinq mois l’avait finalement guérie de cela ; elle pouvait le soulever et le bercer avec facilité, et pouvait désormais montrer ses bras bien arrondis à n’importe qui ; et, tout comme les membres se renforcent avec l’exercice, l’effort intellectuel rend ce pouvoir efficace grâce à une certaine puissance de l’esprit. Les gens ont tendance à négliger le fait que l’esprit doit avoir sa nourriture – nous apprenons pour savoir, non pour grandir ; d’où les leçons répétées à la manière d’un perroquet, l’absorption de faits mal digérés pour les examens, toutes ces façons d’absorber de la connaissance que l’esprit n’assimile pas.
Théorie sur la connaissance. – Les spécialistes, par contre, ont tendance à accorder trop d’importance à l’exercice des différentes « facultés » mentales. Nous trouvons des livres d’enseignement, avec des leçons minutieusement préparées, dans lesquels certains exercices sont attribués aux facultés de la perspective, d’autres à l’imagination, au jugement, et ainsi de suite. Or, cette doctrine des facultés, qui repose sur une fausse analogie entre l’esprit et le corps, est en passe de rejoindre les limbes où les « bosses » du phrénologiste reposent désormais en paix. L’esprit semble former un tout indivisible, et être doté de multiples pouvoirs ; et ce genre de théorie sur la connaissance est inutile pour l’enfant sain, dont l’esprit est capable de s’autodiriger et de s’appliquer à son propre travail avec la quantité de connaissances qui lui est fournie. Presque tous les sujets que le bon sens indique comme appropriés à l’instruction des enfants permettront d’exercer toutes leurs facultés, s’ils sont présentés correctement.
Les enfants apprennent pour avoir des idées. – L’enfant doit apprendre, en second lieu, pour que les idées puissent être librement semées dans le sol fertile de son esprit. « Idée : image ou tableau que l’esprit se fait de quelque chose d’extérieur, qu’il s’agisse d’une chose sensible ou d’une chose spirituelle. », d’après le dictionnaire ; par conséquent, si le but de l’enseignement est de fournir des idées à l’enfant, tout enseignement qui ne le laisse pas en possession d’une nouvelle image mentale a, jusqu’ici, manqué sa cible. Pensez seulement à la manière apathique dont les enfants traînent trop souvent sur la lecture et les tables de multiplication, la géographie et les calculs, et vous verrez qu’il est rare qu’une partie quelconque d’une leçon les frappe avec la vivacité qui laisse une image mentale derrière elle. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’une matinée au cours de laquelle un enfant ne reçoit aucune idée nouvelle est une matinée gâchée, quelle que soit l’attention que le petit élève a porté à ses livres.
Les idées poussent et produisent selon leur nature. – Le dictionnaire me semble bien loin de la vérité dans sa définition du terme « idée ». Une idée est plus qu’une image ou un tableau ; c’est, pour ainsi dire, un germe spirituel doté d’une force vitale qui a le pouvoir de grandir et de produire selon sa nature. C’est la nature même d’une idée de croître : de même que le germe végétal sécrète ce qui le fait vivre, implantez une idée dans l’esprit de l’enfant, et elle sécrétera sa propre nourriture, grandira et portera ses fruits sous la forme d’une succession d’idées semblables. Nous savons par expérience que, si notre attention est attirée par un personnage public, par une théorie surprenante, pendant des jours, nous ne cessons d’entendre ou de lire des choses qui portent sur ce sujet, comme si le monde entier pensait à ce qui occupe nos pensées : le fait est que la nouvelle idée que nous avons reçue est en train de grandir et qu’elle cherche à se nourrir. Ce processus d’alimentation se déroule avec une avidité particulière dans l’enfance, et la croissance d’une idée chez l’enfant est relativement rapide.
Scott et Stephenson ont travaillé avec des idées. – Scott a eu une idée, tout un ensemble d’idées, à partir des contes et ballades écossais, du folklore de la campagne, dont son enfance s’est nourrie : ses idées ont grandi et se sont développées, et les romans de Waverley sont le fruit qu’elles ont porté. George Stephenson fabriquait de petits engins en argile avec son camarade de jeu, Thomas Tholoway ; plus tard, en devenant mécanicien, il était toujours en train de regarder son moteur, de le nettoyer, de l’étudier ; son idée dominante était la mécanique, et elle s’est développée en rien de moins que la locomotive.
La valeur des idées dominantes. -Mais comment cette théorie du caractère vital et fécond des idées influe-t-elle sur l’éducation de l’enfant ? De la façon suivante : donnez à un enfant une seule idée de valeur, et vous aurez fait plus pour son éducation que si vous aviez imposé à son esprit le fardeau d’une masse d’informations ; car l’enfant qui grandit avec quelques idées dominantes a son auto-éducation assurée et sa carrière toute tracée.
Les leçons doivent fournir des idées. – Pour recevoir une idée, l’esprit doit être dans une attitude d’attention enthousiaste, et nous avons vu ailleurs comment obtenir cet état. Autre chose : une seule idée peut être un bien si précieux en soi, si productive, que les parents ne peuvent pas permettre que le choix des idées de l’enfant soit le fruit du hasard ; ses leçons doivent lui fournir les idées qui lui permettront de poursuivre son éducation.
Les enfants apprennent pour acquérir des connaissances. – Mais ce n’est pas seulement pour assurer son développement intellectuel et meubler son esprit d’idées que l’enfant doit apprendre : l’idée commune selon laquelle il apprend pour obtenir des connaissances est également vraie, à tel point qu’aucune connaissance ne devrait être aussi précieuse que celle acquise dans l’enfance, aucune connaissance ultérieure ne devrait être aussi clairement inscrite dans le cerveau, ni aussi utile que le fondement de celle qui suivra. En même temps, la capacité de connaissance de l’enfant est très limitée ; son esprit n’est, à cet égard du moins, qu’une petite fiole au goulot étroit ; et, par conséquent, il incombe aux parents ou à l’enseignant de ne verser que le meilleur.
La connaissance diluée. – Mais, les pauvres enfants, ils sont trop souvent mal servis par leurs meilleurs amis concernant la connaissance qui leur est offerte. Les adultes autres que les mères parlent et pensent d’une manière bien plus puérile qu’un enfant dans leurs efforts pour approcher son esprit. Si un enfant dit des bêtises, c’est parce que ses aînés ont l’habitude de lui en dire ; laissez-le à lui-même, et ses remarques sont sages et sensées dans la mesure où sa petite expérience le guide. Les mères prennent rarement de haut leurs enfants ; elles sont trop intimes avec les petits et ont, par conséquent, trop de respect pour eux : mais les enseignants professionnels, que ce soit les auteurs de livres ou les dispensateurs de leçons, sont trop enclins à présenter un seul grain de connaissance pure dans tout un gallon de paroles, imposant à l’enfant le travail de discerner le grain et de l’extraire des bavardages inutiles.
Les connaissances du Dr Arnold lorsqu’il était enfant. – Dans l’ensemble, les enfants qui grandissent parmi leurs aînés et ne disposent pas du tout de ce que l’on appelle des livres pour enfants, s’en sortent mieux avec ce qu’ils sont capables de glaner pour eux-mêmes dans la littérature des adultes. On raconte ainsi que le Dr Arnold, à l’âge de trois ans, reçut en cadeau de son père L’histoire de l’Angleterre de Smollett en récompense de la précision avec laquelle il parcourait les histoires liées aux portraits et aux images des règnes successifs – un amusement qui a probablement jeté les bases du grand amour pour l’histoire qui l’a distingué par la suite. Lorsqu’il occupait la chaire de professeur à Oxford, il faisait des citations, nous dit-on, des Lectures on History du Dr Priestley – des citations exactes, nous pouvons le croire, car telle était l’habitude de son esprit ; d’ailleurs, un enfant n’a pas beaucoup d’habileté à reformuler les contenus – et cela, bien qu’il n’ait pas eu le livre entre les mains depuis l’âge de huit ans. Il ne fait aucun doute que c’était un enfant exceptionnel ; et tout ce que je soutiens, c’est que si sa lecture avait été le genre de sottises diluées que l’on impose généralement aux enfants, il lui aurait été impossible de citer des passages une semaine, et encore moins quelque vingt ans, après la lecture.
La littérature appropriée pour les enfants. – Ce genre de littérature pour enfants, de piètre qualité, tant dans les petits romans que dans les livres de leçons, est le résultat d’un processus réactionnaire. Il n’y a pas si longtemps, on croyait que les enfants comprenaient peu de choses mais avaient une mémoire prodigieuse des faits. De l’information à petite dose comme des dates, des nombres, des règles et des catéchismes de connaissances étaient considérés comme étant parfaits pour l’éducation des enfants. Nous avons changé tout cela et mis entre les mains des enfants des livres de leçons avec de belles images et un langage facile, presque aussi bons que des livres de contes. Mais nous ne voyons pas, qu’après tout, nous ne faisons que donner les mêmes petites pilules de connaissance sous la forme d’un diluant faible et abondant. Les enseignants, et même les parents, qui font assez attention à l’alimentation de leurs enfants, sont si insouciants quant à la diète mentale qui leur est offerte que je suis extrêmement désireuse que l’on réfléchisse à cette question des leçons et de la littérature appropriées aux enfants.
Quatre tests à appliquer aux leçons des enfants. – Nous voyons donc que les leçons des enfants doivent fournir la matière nécessaire à leur développement intellectuel, exercer les différents pouvoirs de leur esprit, leur fournir des idées fructueuses, et leur apporter des connaissances réellement précieuses en elles-mêmes, précises et intéressantes, du genre de celles que l’enfant se rappellera avec profit et plaisir une fois devenu adulte. Avant d’appliquer ces tests aux divers sujets dans lesquels les enfants sont communément instruits, permettez-moi de vous rappeler deux ou trois points que je me suis efforcée d’établir dans les pages précédentes :
Résumé des six points déjà examinés :
(a) Que les connaissances les plus précieuses pour l’enfant sont celles qu’il acquiert au grand air par ses propres yeux, oreilles et doigts (sous supervision).
(b) Que les exigences de la salle de classe ne doivent pas empiéter sur le droit de l’enfant à de longues heures quotidiennes d’exercice physique et d’exploration.
(c) Que l’enfant soit emmené chaque jour, si possible, dans des endroits – marais ou prairie, parc, lieu public ou littoral – où il peut trouver de nouvelles choses à observer, et ainsi ajouter à sa réserve de connaissances réelles. L’attention de l’enfant doit être dirigée vers la fleur ou le rocher, l’oiseau ou l’arbre ; qu’il s’emploie, en fait, à recueillir les informations communes qui sont la base de la connaissance scientifique.
(d) Que le jeu, un jeu vigoureux et sain, est, en son temps, tout aussi important que les leçons, tant pour la santé du corps que pour la puissance du cerveau.
(e) Que l’enfant, bien que surveillé, doit être beaucoup laissé à lui-même – à la fois pour qu’il puisse travailler à sa façon sur les idées qu’il reçoit, et aussi pour qu’il soit plus ouvert aux influences naturelles.
(f) Que le bonheur de l’enfant est la condition de son progrès ; que ses leçons doivent être joyeuses, et que les occasions de friction dans la salle de classe sont grandement désapprouvées.
Partant de ces prémisses, voyons maintenant ce que l’enfant devrait apprendre et la façon de le lui enseigner.
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2. Le jardin d’enfants comme lieu d’éducation
La mère est la meilleure des Jardinières. – Il n’est guère nécessaire, ici, de discuter des mérites du jardin d’enfants. Le succès de telles structures exige des qualités rares chez l’enseignante – une très bonne culture, une certaine connaissance de la psychologie et de l’art de l’éducation ; une sympathie intense pour les enfants, beaucoup de tact, beaucoup de bon sens, beaucoup de culture générale, beaucoup de « joie de vivre » et beaucoup de pouvoir de gouvernance ; en un mot, la méthode du jardin d’enfants est bien conçue pour mettre l’enfant en rapport avec une intelligence supérieure. Si l’on confie la direction de l’école à un être supérieur, le jardin d’enfants est magnifique : « c’est comme un petit paradis sur terre » ; mais si l’on confie la direction d’une telle école à une femme ordinaire, les dons, les jeux et les occupations merveilleusement conçus deviennent autant d’instruments d’enseignement en bois. Si l’essence même de la méthode du jardin d’enfants est l’influence personnelle, une sorte de mesmérisme spirituel, il s’ensuit que la mère est naturellement la meilleure jardinière ; car qui est susceptible comme elle d’avoir le tact, la sympathie, le bon sens et la culture nécessaires ?
La nurserie ne doit donc pas nécessairement être un jardin d’enfants. – Si chaque mère doit être une jardinière, au sens où Froebel l’entend, il ne s’ensuit pas que chaque nurserie doive être aussi organisée qu’un jardin d’enfants. En effet, le système du jardin d’enfants n’est rien de plus qu’un dispositif destiné à assurer l’application de certains principes éducatifs, et c’est à la mère qu’il incombe d’appliquer certains d’entre eux et de les appliquer selon les méthodes de Froebel – ou les siennes. Par exemple, au jardin d’enfants, les sens de l’enfant sont soigneusement et progressivement exercés : il regarde, écoute, apprend par le toucher ; il obtient des connaissances sur les ordres de grandeur, les couleurs, les formes, les nombres ; on lui apprend à copier fidèlement et à s’exprimer avec exactitude. Et dans le cadre de cet entraînement des sens, l’enfant est amené à suivre la méthode que le nourrisson se forge lui-même dans ses premières études de l’anneau ou de la balle.
Le champ des connaissances est trop circonscrit. – Mais il est possible que le merveilleux pouvoir de l’enfant d’obtenir des connaissances au moyen de ses sens soit sous-estimé ; que le champ soit trop circonscrit ; et que, pendant les six ou sept premières années au cours desquelles il aurait pu se familiariser intimement avec les propriétés et l’histoire de chaque objet naturel à sa portée, il ait obtenu, il est vrai, des idées exactes – il peut distinguer un parallélogramme d’un pentagone, une couleur primaire d’une couleur secondaire, il a appris à voir si justement qu’il peut reproduire ce qu’il voit en faisant un pliage en papier ou en tressant de la paille, – mais cela au détriment d’une grande partie de cette connaissance réelle du monde extérieur qu’à aucun autre moment de sa vie il ne sera aussi apte à acquérir. C’est pourquoi, bien que la formation précise et bien graduée du jardin d’enfants puisse avoir de la valeur, la mère s’efforcera de la donner de temps en temps et ne la laissera en aucun cas se substituer à cette formation plus large des sens, dont l’obtention pour ses enfants est un devoir primordial.
De même, au jardin d’enfants, on ne confie à l’enfant que des tâches qu’il est capable d’accomplir, et, quoi qu’il ait à faire, il est censé le faire parfaitement. J’ai vu un enfant de quatre ans rougir et se déconsidérer, parce qu’il avait plié une feuille de papier de façon irrégulière, comme s’il avait été démasqué pour un mensonge. Mais la mère ou la gouvernante est tout à fait en mesure de s’assurer que les petits travaux de l’enfant sont parfaitement exécutés ; et, c’est là un point important, sans cette légère tension d’anxiété pénible que l’on peut observer chez les enfants qui s’efforcent de plaire à cette déesse souriante, leur « Jardinière ».
La formation d’un œil juste et d’une main fidèle. – Les « occupations » du jardin d’enfants offrent des occasions de former ce genre de fidélité ; mais à la maison, mille occasions de ce genre se présentent ; ne serait-ce que dans des bagatelles comme repositionner une nappe ou un tableau, accrocher un torchon, emballer un paquet – chaque mère réfléchie invente mille façons de former chez son enfant un œil juste et une main fidèle. Néanmoins, comme moyen de formation méthodique, aussi bien que d’activité agréable, l’introduction de certains des jeux et occupations du jardin d’enfants dans la nurserie peut être autorisée ; à condition que la mère ne dépende pas de ceux-ci, mais fasse en sorte que toutes les occupations de l’enfant servent les buts de son éducation.
« Douceur et lumière » au jardin d’enfants. – L’enfant respire une atmosphère de « douceur et de lumière » au jardin d’enfants. Vous voyez le robuste gamin de cinq ans se raidir et refuser d’être une grenouille qui saute, et la jardinière vient avec une douceur imperturbable, le prend par la main, et le fait sortir du cercle, – il n’est pas traité comme un délinquant, seulement il choisit de ne pas faire comme les autres, donc il n’est pas le bienvenu : la fois suivante, il est tout à fait satisfait d’être une grenouille. Nous avons ici le principe de la discipline du jardin d’enfants. Ne traitez pas le petit défaut de l’enfant trop sérieusement, ne présumez pas qu’il soit méchant : laissez-le simplement de côté quand il n’est pas prêt à agir en harmonie avec les autres. Évitez les frictions ; et surtout, ne le laissez pas perturber l’atmosphère morale ; en toute douceur et sérénité, éloignez-le de la compagnie des autres, lorsqu’il est ce que les gouvernantes appellent « ennuyeux ».
Une fois de plus, le jardin d’enfants prétend tenir compte de la nature joyeuse de l’enfant : lui permettre d’exprimer pleinement et librement la joie qui l’habite, sans le « déchaînement » qui s’ensuit s’il est laissé à lui-même pour trouver un exutoire à sa vie exubérante. Cette union de joie et de douceur est le tempérament même à cultiver à la maison. Le comportement turbulent parfois autorisé chez les enfants est inutile – à l’intérieur, en tout cas : mais même une absence momentanée de soleil sur le visage de ses enfants sera un motif d’inquiétude plus sérieux pour la mère. Dans l’ensemble, nous pouvons dire que certains des principes qui devraient régir l’éducation au jardin d’enfants sont précisément ceux que toute mère réfléchie s’efforce d’appliquer à sa famille ; tandis que les pratiques du jardin d’enfants, qui ne sont que des moyens parmi d’autres d’appliquer ces principes, et qui sont susceptibles de devenir stéréotypées et figées, sont inutiles, mais peuvent être adoptées dans la mesure où elles s’accordent avec le projet général de la mère pour l’éducation de sa famille.
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3. Réflexion supplémentaire sur le jardin d’enfants
L’enfance de Tolstoï. – Il n’y a probablement aucun domaine de recherche connu dans lequel si peu de travaux ont été effectués que celui couvert par le mot « enfants ». Le « belle terre » se trouve sous nos yeux, mais celui qui veut la cartographier doit écrire « inexplorée » sur de vastes étendues. Les personnes réfléchies commencent à soupçonner que les erreurs que nous commettons par cette ignorance sont graves et préjudiciables. Par exemple, tous nos programmes d’éducation ne sont-ils pas fondés sur la présomption que l’esprit de l’enfant – son « homme pensant et sentant » – commence « très petit » et grandit avec la croissance de son corps ? Nous ne pouvons pas dire si c’est effectivement le cas. Les enfants restent discrets d’une manière générale, malgré leurs manières séduisantes et leurs franches confidences ; mais si, par hasard, un enfant se trouve révélé à l’un d’entre nous, l’adulte est surpris de constater que l’enfant a de loin l’intelligence la plus vive, les pensées les plus sages, l’âme la plus grande des deux. Lorsque le génie est capable de lever le voile et de nous montrer un enfant, il rend un service que, dans l’état actuel de nos pensées, nous sommes à peine capables d’apprécier ; et quand le génie ou la simplicité, ou les deux, nous auront donné suffisamment d’études de ce genre pour en faire une généralité, nous reconsidérerons sans doute tout le sujet, et nous serons consternés des offenses que nous avons faites aux enfants au nom de l’éducation. Le comte Tolstoï nous livre, dans Enfance, Adolescence, Jeunesse, un portrait d’enfant sans pareil, une miniature dans laquelle une mère peut voir son enfant et reconnaître ce qu’il y a et combien il y a en lui :
« Comme notre chère mère », écrit le petit garçon dans les vers qu’il fait pour l’anniversaire de sa grand-mère ; et puis, quand les vers sont lus, ah ! L’humiliation de l’âme qu’il subit et comme il s’attend à ce que son père et sa grand-mère le prennent pour un hypocrite. « Pourquoi l’ai-je écrit ? Elle n’est pas là, et il n’était pas nécessaire de la mentionner ; j’aime grand-mère, c’est vrai ; je la vénère, mais pourtant elle n’est pas la même. Pourquoi l’ai-je écrit ? Pourquoi ai-je menti ? » C’est le genre de chose qu’il y a chez les enfants. Nous le reconnaissons en lisant, et nous nous souvenons des jours sombres et enfantins où nous avions, nous aussi, un « organe de vérité » si délicieusement délicat ; et ce souvenir devrait augmenter notre respect pour la tendre conscience des enfants.
« L’histoire d’un enfant. » – Je voudrais, en parlant de ce sujet, mentionner un autre livre qui contient la révélation d’un enfant, un enfant qui, un jour, a été appelé à témoigner, hors de l’abîme sombre du temps. C’est cette étude de l’enfant qui est vraiment précieuse, parce qu’on ne peut l’obtenir qu’en se reportant à notre propre enfance, en la vivifiant, en la reproduisant, par la seule force de l’imagination. C’est absolument le seul moyen de sympathiser avec un enfant, car les enfants, avec toutes leurs franches confidences et leur bavardage facile, sont de petits êtres impénétrables, qui ne disent jamais à personne le genre de choses que nous lisons dans cette « histoire ». Il ne leur est pas nécessaire de se le dire entre eux, car les autres enfants le savent, et, quant à le dire aux adultes, les enfants sont pleinement convaincus qu’aucune grande personne, pas même leur mère, ne pourrait comprendre ; Otto pourrait, peut-être, et des confidences seront versées dans l’oreille d’un chien, confidences que la mère aimante attend en vain.
« Chacun dans sa sphère cachée de joie ou de malheur,
Nos esprits ermites habitent et s’éloignent,
Nos yeux voient tout autour dans l’obscurité ou la lueur –
Des teintes qui leur sont propres, fraîchement empruntées au cœur. »
Et c’est encore plus vrai avec les enfants que pour nous-mêmes. C’est une loi de notre nature contre laquelle il est absolument inutile de lutter, et notre seul moyen d’avoir une véritable intimité avec un enfant est de retrouver notre propre enfance – un pouvoir que nous sommes enclins à laisser échapper comme n’ayant aucune importance vitale. C’est ce que Mlle Margaret Deland nous aide à faire : nous reconnaissons notre ancien moi, avec une différence, en Ellen. Tout aussi irrationnelles, inconséquentes, aimantes et héroïques, et généralement fatigantes pour le monde des adultes, étaient nos propres impulsions il y a longtemps, sur lesquelles nous nous retournons avec tendresse, mais rarement avec complaisance. Si nous nous levons, après avoir lu The Story of a Child, un peu plus humbles, un peu plus hésitants, prêts à croire plus que ce que nous voyons, eh bien, cela ne nous fera pas de mal, et devrait bénir et aider les enfants. D’un mot de l’auteur, nous voudrions différer. Mlle Deland pense qu’il peut être sain pour les aînés de mieux comprendre les enfants, mais pour les enfants, elle pense que la plupart d’entre nous grandissent merveilleusement bien en dépit de cette difficulté et de toutes les autres. Dans un sens, c’est vrai, mais, dans un autre sens, l’une des choses les plus tristes de la vie est la transformation des splendides capacités des enfants en une maturité banale et sans intérêt, d’un type dont le monde semble ne tirer ni le meilleur ni le pire.
L’enfance de Tolstoï et celle de la petite héroïne de Mlle Deland semblent bien éloignées du « jardin d’enfants » ; mais en fait, ces deux révélations sur ce que sont les enfants nous amènent à un point précis de notre argumentation.
On nous dit que, « hier encore, à l’Université d’Edimbourg, la plus grande figure de la Faculté était Sir James Simpson, le découvreur du chloroforme. L’autre jour, son successeur et neveu, le professeur Simpson, a été prié par le bibliothécaire de l’Université d’aller à la bibliothèque et de désigner les livres qui n’étaient plus nécessaires à son sujet. Sa réponse au bibliothécaire fut la suivante : “Prenez tous les manuels qui ont plus de dix ans et mettez-les à la cave.” » Dans la mesure où l’éducation est une science, la vérité d’il y a dix ans – voire cent ans – n’est pas toute la vérité d’aujourd’hui.
« La pensée au-delà de leurs pensées a été donnée à ces grands voyants » ;
et notre ardeur à apprécier ces vérités que les grands pionniers, Froebel et les autres, ont conquis pour nous par une perspicacité rien moins que prophétique, notre diligence à les mettre en pratique, seront proportionnelles à l’urgence de l’effort éducatif. Mais, hélas, trois fois hélas pour les désirs de la nature humaine paresseuse, nous ne pouvons pas avoir un pape de l’éducation ; nous devons penser par nous-mêmes, ainsi qu’élaborer, ces choses qui appartiennent à l’éducation parfaite de nos enfants.
Ce que nous devons à Froebel. – Nous vénérons Froebel. Nous partageons beaucoup de ses grandes pensées ; nous ne pouvons pas dire que nous les empruntons, car certaines, comme les relations de l’enfant avec l’univers, sont au moins aussi anciennes que Platon ; d’autres appartiennent à la pratique et à l’expérience universelles, ce qui montre leur justesse psychologique. Froebel a rassemblé la pensée et la pratique diffusées dans un système, mais il a fait une chose plus grande que cela. Il a élevé à l’enthousiasme de l’enfance un autel dont la flamme ne s’est jamais éteinte depuis. La véritable Jardinière est l’artiste parmi les enseignantes ; elle est remplie de l’inspiration de son travail, et la plupart des enseignantes sincères ont probablement capté quelque chose de sa ferveur, un certain sens de la beauté de l’enfance et du plaisir passionnant d’un travail véritablement éducatif.
Les exigences d’une personne. – Et pourtant, je fais une mise en garde. Notre premier souci devrait être de préserver l’individualité, de laisser de la place à la personnalité des enfants. Or, les personnes ne poussent pas dans un jardin, et encore moins dans une serre. C’est une aubaine douteuse pour une personne que d’avoir des conditions trop soigneusement adaptées à ses besoins. L’ensoleillement et l’ombre, l’élagage et la taille exactement adaptés, sont bons pour une plante dont l’utilisation est subordonnée, pour ainsi dire, aux besoins et aux plaisirs de son propriétaire. Mais une personne qui a d’autres usages dans le monde, et une mère ou une enseignante qui la considère comme une plante et elle-même comme une jardinière, ne sera sauvée de graves erreurs que grâce à la force de la nature humaine qui se trouve en elle-même et en son enfant.
La Nature comme éducatrice. – L’idée de suppléer à la Nature dès le berceau est dangereuse. La Nature nous demande de la guider un peu, de la retenir un peu, de la regarder avec respect ; mais au-delà de cela, la sagesse des parents est de laisser les enfants autant que possible à la Nature et « à une Puissance supérieure à la Nature elle-même ».
Le danger de sous-estimer l’intelligence des enfants. – Ceux d’entre nous qui ont vu un gamin de sept ans faire la roue sur la longueur d’une rue, ou un groupe de petites filles danser au son d’un orgue de Barbarie, ou des petits garçons et petites filles sur le seuil d’une porte donnant ce que Dickens appelle de la « nourriture sèche » à leurs bébés, ou encore une petite fille envoyée par sa mère pour faire quatre achats soigneux avec six pence et rapporter la monnaie à la maison, ne sont pas prêts à croire que le développement physique, mental et moral attend, pour ainsi dire, l’enseignement du jardin d’enfants. En effet, je suis encline à me demander si, dans l’intérêt de l’application d’un système, la charmante Jardinière ne risque pas parfois de sous-évaluer grandement l’intelligence de ses enfants. Je connais une personne de trois ans qu’un visiteur a trouvée seule dans le salon. C’était le printemps, et le visiteur pensait se rendre amusant en parlant des jolis « bêêê-agneaux ». Mais deux grands yeux bleus étaient fixés sur lui et une personne solennelle fit cette remarque solennelle, « N’est-ce pas une horrible chose de voir un cochon tué ! »Nous espérons qu’elle n’avait jamais vu ni même entendu parler de la mise à mort d’un cochon, mais elle a protesté contre une sottise aussi efficacement que n’importe quelle femme de la société. Boers et kopjes, Russes et Japonais, L’île au trésor, Robinson Crusoé et son homme Vendredi, la bataille des Thermopyles, Ulysse et les prétendants – voilà le genre de choses auxquelles les enfants s’amusent tous ensemble pendant un mois ; même les tout-petits de trois et quatre ans se mesureront avec courage à leurs frères et soeurs. Et, si les petits avaient l’habitude de dire ce qu’ils ressentent, nous apprendrions sans doute que les jolis petits jeux dans lesquels ils s’ébattent comme des agneaux, battent des nageoires et tortillent leurs doigts comme des papillons, les ennuient beaucoup.
Nous aimons tous être divertis. – « Mais, dit le lecteur, les enfants font toutes ces choses si agréablement et joyeusement au jardin d’enfants ! » Il y a une chose curieuse dans la nature humaine, c’est que nous aimons tous être dirigés par des personnes qui prennent la peine de jouer sur notre corde sensible. Même un chien peut être rendu bêtement sentimental ; et, si nous, qui sommes plus âgés, avons des faiblesses de ce genre, il n’est pas étonnant que les enfants puissent être convaincus de faire n’importe quoi par des personnes qui les approchent toujours de façon charmante. Il est vrai que « W. V. », l’enfant que le monde a appris à aimer, chantait ses chansons de jardin d’enfants en agitant ses petites mains dans « l’air si bleu ! », mais c’était pour le plaisir et l’illusion des aînés quand venait l’heure du coucher. « W. V. » avait des pensées plus importantes à d’autres moments.
Les enseignants font trop de médiation. – Il existe encore, probablement, des jardins d’enfants où de nombreuses âneries sont prononcées à travers les chants et les histoires, où l’enseignante considère que créer elle-même des poèmes pour les enfants, composer des airs pour qu’ils chantent et dessiner des images pour qu’ils les admirent, c’est remplir sa fonction au maximum. Les enfants pourraient faire l’écho à la plainte de Wordsworth à l’égard du « monde » et dire que, vraiment, l’institutrice est trop avec nous, tôt ou tard. Tout est dirigé, attendu, suggéré. Aucune autre personnalité, qu’il s’agisse d’un livre, d’une image ou d’une chanson, non, pas même celle de la nature elle-même, ne peut atteindre les enfants sans la médiation de l’enseignant. Aucune place n’est laissée à la spontanéité ou à l’initiation personnelle.
Le danger du magnétisme personnel. – La plupart d’entre nous sont trompés par nos vertus, et le zèle et l’enthousiasme de la Jardinière sont peut-être sa pierre d’achoppement. « Mais les enfants sont si heureux et si sages ! » Précisément ; garder les petits enfants à la maison n’offre en aucun cas une telle scène de paix, mais j’ose penser que c’est un meilleur endroit pour grandir. Je suis ravie de voir qu’un éminent frœbelien proteste contre l’élément de magnétisme personnel chez l’enseignante ; mais l’on retrouve une grande part de cet élément chez les bambins qui réussissent au jardin d’enfants, et nous savons tous comment nous perdons notre vigueur et notre individualité sous ce genre d’influence. Même sans parler de cet élément de charme, je doute que devoir s’adapter à la vie du jardin d’enfants soit bon pour les enfants.
Le « Jardin d’enfants », une fausse analogie. – Le monde a souffert ce matin-là quand l’heureux nom de « Jardin d’enfants » a été suggéré au plus grand des « pères » de l’éducation. Il ne fait aucun doute qu’il était simple et approprié dans son intention première, à savoir une vie de jardin en plein air pour les enfants ; mais une fausse analogie a entravé, ou tué, plus d’un système philosophique – l’enfant est devenu une plante dans un jardin bien ordonné. L’analogie plaisait à l’esprit allemand, ordonné et scientifique, qui n’approuve guère les mouvements irréguliers et spontanés, quels qu’ils soient. La culture, la stimulation appropriée, la douceur et la lumière sont devenues les caractéristiques principales d’un grand code éducatif. De la serre au pot et de là au parterre de fleurs, la petite plante reçoit en proportion ce qui est bon pour elle. Elle grandit d’une manière harmonieuse, en rangs ordonnés, et au moment opportun, elle produit sa fleur.
Or, il est dangereux et trompeur de se représenter une personne par quelque analogie que ce soit ; il n’y a rien dans la nature qui soit comparable à une personne. L’analogie de la plante de jardin est très attrayante, mais elle est d’autant plus trompeuse ; les manifestations de l’intention chez une plante sont merveilleuses et délicieuses, mais chez une personne, ces manifestations sont simplement normales. Le résultat de toute pensée est nécessairement modelé par cette pensée, et avoir un jardin cultivé comme plan de base de notre pensée éducative, soit ne signifie rien du tout, ce qui serait faire tort au Maître que de le supposer, soit induit une interférence injustifiée avec le développement spontané d’un être humain.
« Les chants de la mère ou les causeries de la mère » sont trop fatigants pour un enfant. – Pour commencer, « Les chants de la mère ou les causeries de la mère » sont une douce conception, élaborée avec beaucoup d’amour. Mais considérons ceci : le nourrisson est parfaitement conscient de toutes les humeurs de sa mère, son petit visage s’assombrit de chagrin ou rayonne de joie en réponse à l’expression de la sienne. Les deux livrés à eux-mêmes ont des jeux merveilleux. Il saute et tire, chante et glousse, rampe, donne des coups de pied et gazouille de joie ; et, au milieu de tous ces jeux, on lui apprend ce qu’il ne doit pas faire. Les mains et les pieds, les jambes et les bras, les doigts et les orteils, sont continuellement en mouvement pendant qu’il est éveillé ; la bouche, les yeux et les oreilles sont en ébullition. Tout n’est que jeu sans intention, et la mère joue avec le bébé, aussi heureuse que lui. La nature prend place tranquillement et veille à ce que tout le jeu fonctionne vraiment ; et le développement de toute chose se déroule à un rythme plus élevé au cours des deux premières années de la vie qu’à toute autre période similaire de la vie ultérieure – suffisamment de développement mais pas trop non plus, car bébé est un gros dormeur. Puis arrive l’éducateur qui offre un peu plus. Les nouveaux jeux sont si jolis et attrayants que le bébé peut bien y jouer plutôt que de continuer ses propres sauts et tapotements, insignifiants et maladroits. Mais un véritable travail est imposé à l’enfant alors même que ces deux premières années sont les plus chargées de sa vie. Sa sympathie pour sa mère est si aiguë qu’il perçoit quelque chose d’éprouvant dans ce nouveau jeu, malgré tous les sourires et les belles paroles ; il répond par l’effort, d’autant plus grand qu’il est petit. Ses centres nerveux et son cerveau ont été excessivement sollicités, une partie de la joie de vivre lui a été enlevée, et bien que sa réaction de bébé à l’éducation directe soit très charmante, il lui reste moins de force latente pour les appels futurs de la vie.
La compagnie de ses pairs est trop stimulante pour un enfant. – Suivons le petit être au jardin d’enfants, où il est stimulé par des camarades de son âge. C’est certainement stimulant. Pour nous-mêmes, aucune société ne l’est autant que celle d’un certain nombre de personnes de notre âge et de notre condition ; c’est la grande joie de la vie universitaire ; une joie saine pour tous les jeunes gens pendant un temps limité. Mais les personnes de vingt ans ont, ou devraient avoir, une certaine maîtrise de leurs centres inhibiteurs. Ils ne devraient pas permettre la dissipation de la force nerveuse causée par une trop grande stimulation sociale ; pourtant, même les personnes de vingt ans ne sont pas toujours capables de se réguler dans des circonstances excitantes. Que faut-il donc attendre des personnes de deux, trois, quatre ou cinq ans ? Le fait que la petite personne ait l’air plutôt calme n’est pas une garantie contre l’excitation intérieure. Le choc et l’éclat de nos égaux stimulent, de temps en temps, la santé ; mais pour la vie quotidienne, la société mixte des aînés, des plus jeunes et des égaux, que nous avons dans une famille, donne à la fois le plus de repos et le plus de place pour le développement individuel. Nous nous sommes tous étonnés du bon sens, de la raison, de l’amusement et de l’ingéniosité dont fait preuve un enfant dans sa propre maison par rapport au même enfant dans la vie scolaire.
Il est dangereux de supplanter la nature. – Le danger est présent dans le jardin d’enfants, en proportion de l’exhaustivité et de la beauté de son organisation. Il est possible de compléter la Nature si habilement que nous courons le risque de la supplanter, de la priver d’espace et de temps pour faire son propre travail à sa manière. « Allez voir ce que fait Tommy et dites-lui qu’il ne doit pas le faire, » n’est pas une doctrine saine. Tommy devrait être libre de faire ce qu’il aime avec ses membres et son esprit pendant toutes les heures de la journée quand il n’est pas assis gentiment pendant les repas. Il devrait courir, sauter, bondir et culbuter, s’allonger face contre terre pour regarder un ver ou sur le dos pour regarder les abeilles dans un tilleul. La nature s’occupera de lui et lui donnera l’envie de savoir beaucoup de choses, et quelqu’un doit être là pour lui dire ce qu’il veut savoir ; l’envie de fairebeaucoup de choses, et quelqu’un devrait être à portée de main, juste pour le mettre sur la voie ; l’envie d’être beaucoup de choses, vilaines et bonnes, et quelqu’un devrait lui donner des instructions.
L’importance de l’initiative personnelle. – Nous arrivons ici au véritable nœud de la question du jardin d’enfants. La mère occupée dit qu’elle n’a pas le temps d’être ce quelqu’un, et que l’enfant va se déchaîner et prendre de mauvaises habitudes ; mais nous ne devons pas faire de l’habitude une obsession ; l’éducation est une vie aussi bien qu’une discipline. La santé, la force et l’agilité, les yeux brillants et les mouvements alertes sont le fruit d’une vie libre, en plein air, si possible. Quant aux habitudes, il n’y a pas d’habitude ou de pouvoir aussi utile à l’homme ou à la femme que celui de l’initiative personnelle. L’ingéniosité qui permet à une famille d’enfants d’inventer leurs propres jeux et occupations tout au long d’une journée d’été a plus de valeur dans la vie future qu’une bonne partie des connaissances sur les cubes et les hexagones, et cela ne vient pas d’une intervention continuelle de la part de la mère, mais d’une inactivité magistrale.
Les parents et les enseignants doivent semer des opportunités.
L’erreur éducative de notre époque est que nous croyons trop aux médiateurs. Or, la Nature est son propre médiateur, elle se charge elle-même de trouver du travail pour les yeux et les oreilles, le goût et le toucher ; elle va piquer le cerveau avec des problèmes et le cœur avec des sentiments ; et le rôle de la mère ou de l’enseignante dans les premières années (et même, tout au long de la vie) est de semer des opportunités, puis de rester en arrière-plan, prête à guider ou à retenir la main seulement quand cela est vraiment nécessaire. Les mères se dérobent à leur tâche et la confient, comme elles le disent, à de meilleures mains que les leur, parce qu’elles ne reconnaissent pas qu’un laisser-faire avisé est la chose la plus importante qui leur est demandée, étant donné que chaque mère a dans la Nature une servante qui se suffit à elle-même, qui veille au travail et au repos de l’esprit, des muscles et des sens.
D’une certaine manière, les enfants des pauvres ont de meilleures chances que ceux des riches. Les enfants pauvres sont éduqués dans les ménages ; mais une nurserie bien organisée peut leur apporter beaucoup d’enseignement, et leurs petites personnes et leurs biens devraient, comme je l’ai dit, fournir une bonne formation de « jardin d’enfants » à la petite famille à la maison. À l’âge de six ou sept ans, il faut commencer à donner des leçons précises, et il n’est pas nécessaire de les diluer ou de les servir avec de la confiture pour les intelligences vives qui seront ainsi mises à contribution.
Les enfants « uniques ». – Mais qu’en est-il des enfants seuls ou de l’enfant trop âgé pour jouer avec son petit frère ? Le jardin d’enfants est certainement une excellente aubaine pour ceux-ci ! Peut-être bien ; mais la compagnie d’un enfant de la campagne, ou une jeune nourrice pleine de vie, pourrait être mieux. Un enfant aura appris à peindre, coller, couper du papier, tricoter, tisser, marteler et scier, faire de belles choses dans l’argile et le sable, construire des châteaux avec ses briques ; peut-être aussi aura-t-il appris à lire, à écrire et à faire des additions, en plus d’acquérir des connaissances et des notions illimitées sur le monde dans lequel il vit, lorsqu’il aura six ou sept ans. Ce que je soutiens, c’est qu’il fera ces choses parce qu’il le choisit (à condition que l’on attende de lui le niveau de perfection qu’il peut fournir dans ses petites œuvres).
Il faut permettre à l’enfant de mettre un peu d’ordre dans sa vie. – Les détails de la vie familiale lui donneront le repos d’une vie ordonnée ; mais, pour le reste, il devrait avoir plus de temps libre que ne le permet la plus charmante des écoles. Le fait que les leçons ressemblent à des jeux n’est pas une recommandation : elles n’ont pas la liberté du jeu ni le sens de l’ordre qui appartient au jeu. La plupart d’entre nous n’ont pas suffisamment l’occasion de mettre de l’ordre dans notre propre vie, il est donc bon de profiter des années qui peuvent être données aux enfants pour acquérir cette joyeuse expérience.
Helen Keller. – Je pense que ce que j’ai dit à propos du développement naturel par opposition à tout système trop soigneusement organisé est étayé par une contribution récente, d’une valeur unique, à la science de l’éducation – je veux parler de l’autobiographie d’Helen Keller.
A l’âge de dix-neuf mois, Helen a été atteinte d’une grave maladie, au cours de laquelle elle a perdu la vue et l’ouïe, et par conséquent la parole. Elle ne récupéra jamais les sens perdus et il y avait là, devrions-nous dire, une âme scellée de façon presque inviolable, à laquelle on ne pouvait s’approcher que par le seul sens du toucher ; pourtant, le livre de cette dame, écrit de ses propres mains (elle se servait d’une machine à écrire), sans pratiquement aucune révision, devrait être considéré comme un classique pour la pureté et la vivacité du style, indépendamment de l’intérêt vital du sujet. Comment le miracle s’est-il accompli ? Helen dit elle-même de son enfance que, à part quelques impressions, « les ombres de la maison où elle était captive » l’ont enveloppée. Mais il y avait toujours des roses, et elle avait le sens de l’odorat ; et il y avait de l’amour – mais elle n’aimait pas alors. Quand elle avait sept ans, Miss Sullivan vint la voir. Cette dame était elle-même aveugle depuis quelques années et avait fréquenté l’Institut Perkins, fondé par le Dr Howe qui avait libéré l’intelligence de Laura Bridgman. Mais Mlle Sullivan n’est pas le simple produit d’une institution. C’est une personne saine d’esprit et intègre, faisant confiance à son initiative personnelle, et consciente dès le départ que son travail consistait à libérer la personnalité de sa petite élève et en aucun cas à lui superposer la sienne. « C’est ainsi que je suis sortie d’Egypte », explique Mlle Keller en parlant de l’arrivée de sa professeure, et la voix qu’elle a entendue du Sinaï lui a dit : « La connaissance est amour, lumière et vision » ; puis s’ensuit cette épopée étonnante et passionnante qui raconte comment tout s’est passé, comment le mot eau a été la clé qui a ouvert les portes de l’esprit de l’enfant, tandis que le mot amour a ouvert celles de son cœur fermé. Dès lors, de nombreux mots nouveaux arrivèrent chaque jour accompagnés d’une foule d’idées ; et il n’est pas exagéré de dire que cette enfant emprisonnée et délaissée entra dans un héritage de pensée et de connaissance, de joie et de créativité, tel que peu d’entre nous, du monde des voyants et des entendants, y parviennent. L’instrument de cette grande libération n’était rien de plus que l’alphabet manuel familier, suivi au fil du temps par des livres en relief et le « Braille ».
Mlle Sullivan sur les systèmes d’éducation. – Comme toutes les grandes découvertes, celle d’une âme a été, dans toutes ses étapes, marquée par la simplicité. Mlle Sullivan n’aimait guère les psychologues et toutes leurs méthodes ; elle ne voulait pas d’expériences ; elle ne voulait pas que son élève soit traitée comme un phénomène, mais comme une personne. « Non, dit-elle, je ne veux plus de matériel du jardin d’enfants. (…) Je commence à avoir des doutes sur tous les systèmes d’éducation élaborés et spéciaux. Ils me semblent construits sur la supposition que chaque enfant est une sorte d’idiot à qui il faut apprendre à penser, alors que si l’enfant est laissé à lui-même, il pensera plus et mieux, même si c’est moins évident. Laissez-le aller et venir librement, laissez-le toucher les choses réelles et combiner ses impressions par lui-même, au lieu de rester assis à l’intérieur à une petite table ronde, tandis qu’un professeur à la voix douce lui suggère de construire un mur de pierre avec ses cubes en bois, ou de faire un arc-en-ciel avec des bandes de papier de couleur, de planter des arbres de paille dans des pots de fleurs ornés de perles. Un tel enseignement remplit l’esprit d’associations artificielles dont il faut se débarrasser avant que l’enfant puisse développer des idées indépendantes à partir d’expériences réelles. » C’est extraordinaire d’avoir une étude de l’éducation pour ainsi dire de novo, dans laquelle nous voyons le triomphe de l’esprit, non seulement sur des obstacles naturels apparemment insurmontables, mais aussi sur le mur aveugle d’une éducation systématisée – un obstacle bien plus important pour tout enfant pauvre que ses graves défauts n’ont été pour Helen Keller.
Le Jardin d’enfants aux États-Unis. – Cette question du jardin d’enfants, en tant que lieu approprié pour l’éducation des jeunes enfants, est si importante que je voudrais recommander aux parents et aux enseignants l’examen du sujet contenu dans les Rapports Spéciaux publiés par le Conseil de l’Education.
Nous devons nous rendre aux États-Unis pour assister à l’apothéose de la théorie de l’éducation ; je dis théorie plutôt que pratique, car l’esprit américain, comme l’esprit français, me semble sévèrement logique tout autant que généreusement impulsif. Une théorie arrive, elle est généreusement accueillie, et elle est mise en œuvre avec les moyens appropriés, sur une échelle magnifique, pour réaliser ce qui, en elle, est nécessaire à l’éducation d’un grand peuple. A vrai dire, la science de l’éducation en Amérique semble être déductive plutôt qu’inductive ; les théories sont transposées en expériences avec un zèle et une générosité vraiment imposants. Une théorie inductive de l’éducation est, par contre, obtenue au moyen d’expériences longues, lentes, variées et laborieuses qui révèlent, un peu ici, un peu là, de la vérité universelle. Les Américains ont peut-être choisi la voie la plus facile et, finalement, ils expérimentent eux aussi leur théorie. Le système du jardin d’enfants illustre ce que je veux dire ; malgré son origine allemande, le jardin d’enfants n’est pas très répandu dans sa patrie ; c’est en Amérique que les idées de Froebel ont reçu leur plus grand développement, que le jardin d’enfants est devenu un culte et le grand maître, un prophète. Mais l’impulsion s’est épuisée ; de toute façon, elle s’affaiblit.
M. Thistleton Mark sur le sujet du Jardin d’enfants. – Selon M. Thistleton Mark, dont l’excellent article sur « L’éducation morale dans les écoles américaines » offre matière à réflexion, « Même un frœbelien immobile est obligé de trouver une meilleure prise que l’ipse dixit du grand réformateur. Le mot Jardin d’enfants n’est plus un nom propre signifiant toujours et partout la seule, unique, originale et identique chose. C’est un nom commun, et en tant que tel, il est assuré d’une place plus permanente dans le discours américain. » En d’autres termes, la pensée éducative en Amérique tend vers la conception large et naturelle exprimée dans l’expression « l’éducation est une vie ». Mais je souhaite que les pédagogues abandonnent le nom de jardin d’enfants. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est un peu forcer les esprits consciencieux que de recouvrir de la doctrine et de la pratique frœbeliennes les conceptions plus larges et plus vivantes qui ont cours aujourd’hui. Même la pratique révolutionnaire du jardin d’enfants doit souffrir du souvenir et de l’habitude de faiblesses comme le souligne le Dr Stanley Hall dans les mots suivants :
Dr Stanley Hall sur le Jardin d’enfants. – « La nouveauté intellectuelle la plus décadente des frœbeliens américains est l’accent mis sur “les chants de la mère ou les causeries de la mère” comme le summum de la sagesse du jardin d’enfants. Ceux-ci sont représentés par des poèmes très rudimentaires, une musique et des images quelconques, illustrant certains incidents de la vie de l’enfant considérés comme ayant une signification fondamentale et typique. J’ai lu ces poèmes en allemand et en anglais, j’ai joué la musique, et j’ai donné une brève série de conférences en empruntant le point de vue d’un sympathisant, essayant d’y mettre tout le sens auquel je pouvais penser. Mais je suis arrivé à la conclusion que, si ces choses ne sont pas franchement malsaines et nuisibles pour l’enfant, et productrices d’habitudes intellectuelles anti-scientifiques et non-philosophiques chez le professeur, elles devraient néanmoins être remplacées par les choses bien meilleures qui existent maintenant. »
« Une autre erreur capitale du jardin d’enfants est l’intensité de sa dévotion aux dons et aux activités. En les concevant, Froebel a fait preuve d’une grande sagacité ; mais le projet tel qu’il est sorti de ses mains était une expression très insuffisante de ses idées éducatives, même pour son époque. Il pensait que c’était une grammaire parfaite du jeu et un alphabet d’industries ; et, en ce sens, il se trompait complètement. Le jeu et l’industrie étaient alors relativement peu développés ; et si ces dispositifs étaient bénéfiques pour les enfants des paysans à la campagne, ils menaient, parmi les intérêts de l’enfant moderne de la ville, une vie très pâle et irréelle. » C’est sur ces paroles importantes que je dois conclure l’examen superficiel de cette question très importante : le jardin d’enfants est-il le meilleur terrain d’apprentissage pour un enfant ?
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4. La lecture
Le bon moment pour enseigner la lecture, une question ouverte. – La lecture se présente en premier parmi les leçons à utiliser comme instruments d’éducation, bien que l’on puisse discuter de la question de savoir si l’enfant doit acquérir cet art inconsciemment, dès sa petite enfance, ou si l’effort doit être reporté jusqu’à ce qu’il ait, disons, six ou sept ans, et alors que ce soit fait avec vigueur. Dans une précieuse lettre, adressée à son fils John, nous avons la manière d’enseigner à lire adoptée par cette mère modèle, la mère des Wesley :
Le programme de Mme Wesley. – « Aucun d’entre eux n’a appris à lire avant l’âge de cinq ans, à l’exception de Kezzy, pour qui on ne m’a pas laissé le choix ; et cela lui a pris plusieurs années alors que les autres ont appris en quelques mois. La façon d’enseigner était la suivante : la veille de la première leçon de lecture d’un enfant, la maison était mise en ordre, du travail était assigné à chacun, et tout le monde était prévenu : personne ne devait entrer dans la pièce de neuf heures à midi, ou de deux heures à cinq heures, ce qui correspondait à nos heures d’école. Une journée était accordée à l’enfant pour apprendre ses lettres, et chacun d’entre eux les a su dans ce temps imparti, majuscules et minuscules, à l’exception de Molly et Nancy, qui ont mis un jour et demi pour les connaître parfaitement et je les ai trouvées très lentes ; mais la raison en était que les autres avaient appris leurs lettres très facilement ; et votre frère Samuel, qui fut le premier enfant que j’ai instruit, a appris l’alphabet en quelques heures. Il avait cinq ans le dix février, le lendemain, nous avons commencé à apprendre, et dès qu’il a su les lettres, il a commencé le premier chapitre de la Genèse. On lui a appris à épeler le premier verset, puis à le relire jusqu’à ce qu’il puisse le lire sans hésitation ; ainsi de suite, jusqu’au deuxième verset, etc., jusqu’à ce qu’il puisse lire dix versets en une leçon, ce qu’il fit rapidement. Pâques tombait tôt cette année-là, et à la Pentecôte il pouvait très bien lire un chapitre ; car il lisait continuellement, et avait une mémoire si prodigieuse, que je ne me souviens pas lui avoir dit deux fois le même mot. Ce qui était encore plus étrange, c’est que tout mot qu’il avait appris dans sa leçon, il le reconnaissait partout où il le voyait, soit dans sa Bible, soit dans tout autre livre, ce qui fait qu’il apprit très vite à bien lire un auteur anglais. »
Il serait souhaitable que les mères réfléchies prennent plus souvent des notes sur les méthodes qu’elles emploient avec leurs enfants, notant le succès de l’un ou l’autre programme.
Beaucoup de personnes considèrent qu’apprendre à lire une langue aussi pleine d’anomalies et de difficultés que la nôtre est une tâche qui ne devrait pas être imposée trop tôt à l’esprit enfantin. Mais, en fait, peu d’entre nous peuvent se rappeler comment ou quand ils ont appris à lire : pour ce que nous en savons, c’est venu naturellement, comme l’art de courir ; et non seulement cela, mais souvent les mères des classes instruites ne savent pas comment leurs enfants ont appris à lire. « Oh, il a appris tout seul », voilà tout ce que sa mère peut dire de l’aptitude à lire du petit Dick. Il est donc clair que cette notion de l’extrême difficulté d’apprendre à lire est engendrée par les aînés plutôt que par les enfants. Il n’y aurait pas de petits livres intitulés Reading Without Tears [Lire sans larmes], si des larmes n’étaient pas parfois versées lors de la leçon de lecture ; mais, en réalité, lorsque c’est le cas, la faute en revient à l’enseignant.
L’alphabet. – Pour ce qui est des lettres, l’enfant les apprend généralement tout seul. Il a sa boîte de lettres en ivoire et choisit ppour pudding [dessert], b pour blackbird [merle], h pour horse [cheval], majuscule et minuscule, et les connaît toutes. Mais l’apprentissage de l’alphabet doit être un moyen de cultiver l’observation chez l’enfant : il faut lui faire voir ce qu’il regarde. Faites le B majuscule en l’air, et laissez-le le nommer ; puis laissez-le faire le cercle du O, le S tordu, et le T pour Tommy, et vous nommez les lettres au fur et à mesure que le petit doigt les forme avec des traits instables en l’air. La réalisation des minuscules de mémoire est un travail de grand art, et demande une observation plus attentive de la part de l’enfant. Un bac rempli de sable est utile à ce stade. L’enfant trace hardiment avec son doigt dans le sable, puis met un dos à son D ; et voilà son premier essai à faire un trait droit et une courbe. Mais les moyens de rendre l’apprentissage de l’alphabet intéressant sont infinis. Il n’y a pas lieu de presser l’enfant : laissez-le apprendre une forme à la fois, et la connaître si bien qu’il peut reconnaître le d en majuscule et en minuscule, disons, sur une page en gros caractères. Laissez-le dire d pour duck [canard], dog [chien], doll [poupée], ainsi : d-uck, d-og, en prolongeant le son de la consonne initiale, et en faisant sonner d seul, non pas dee, mais d’, le simple son de la consonne séparée autant que possible de la voyelle suivante.
Laissez l’enfant tranquille, et il apprendra l’alphabet par lui-même : mais peu de mères peuvent résister au plaisir de l’enseigner ; et il n’y a aucune raison pour qu’elles le fassent, car ce type d’apprentissage n’est rien de plus qu’un jeu pour l’enfant, et si l’alphabet est enseigné au petit élève, son appréciation de la forme et du son sera cultivée. Quand devrait-il commencer ? Dès que sa boîte de lettres commence à l’intéresser. Le bébé de deux ans est souvent capable de nommer une demi-douzaine de lettres, et il n’y a rien à redire tant que trouver et nommer les lettres est un jeu pour lui. Mais il ne faut pas le pousser, le contraindre à exhiber ce qu’il connaît, le taquiner pour qu’il trouve des lettres alors que son cœur est occupé par d’autres jeux.
La création de mots. – Les premiers exercices de création de mots seront tout aussi agréables pour l’enfant. Les exercices traités comme un jeu, mais qui enseignent les pouvoirs des lettres, seront meilleurs pour commencer que de véritables phrases. Prenez deux de ses lettres et formez la syllabe « at » [à] : dites-lui que c’est le mot que nous utilisons quand nous disons « at home » [à la maison], « at school » [à l’école]. Ensuite, mettez b à « at » –– bat ; c à « at » –– cat ; fat, hat, mat, sat, rat, etc. Tout d’abord, laissez l’enfant dire ce que devient le mot avec chaque consonne initiale à « at », afin de faire hat, pat, cat. Que les syllabes soient des mots réels qu’il connaît. Mettez les mots en rang et laissez-le les lire. Faites-le avec les voyelles courtes en combinaison avec chacune des consonnes, et l’enfant apprendra à lire des dizaines de mots de trois lettres, et maîtrisera les voyelles courtes avec les consonnes initiales et finales sans effort. Très vite, il fera la leçon pour lui-même. « Combien de mots pouvez-vous faire avec « en » et une autre lettre, avec « od » et une autre lettre ? » etc. Ne le pressez pas.
La création de mots avec des voyelles longues, etc. – Lorsque ce genre d’exercice devient si facile qu’il n’est plus intéressant, il faut apprendre les sons longs des voyelles de la même manière : utilisez les mêmes syllabes que précédemment avec un e final ; ainsi « at » devient « ate » [manger au passé simple], et nous obtenons late, pate, rate, etc. On peut dire à l’enfant que le a de « rate » est un a long ; que le a de « rat » est un a court. Il fera les nouvelles séries de mots avec beaucoup de facilité, aidé par l’expérience qu’il a acquise dans les leçons précédentes.
Ensuite, même chose avec les terminaisons en « ng » – « ing », « ang », « ong », « ung » ; comme dans ring, fang, long, sung ; le « th » initial comme then, that ; le « th » final, comme dans with, pith, hath, lath, et ainsi de suite, à travers une infinité de combinaisons qui se présenteront d’elles-mêmes. Ce n’est pas de la lecture, mais cela prépare le terrain pour la lecture ; les mots ne seront plus des objets inconnus et déroutants lorsque l’enfant les rencontrera sur une ligne imprimée. Demandez-lui de prononcer les mots qu’il fait avec un tel raffinement et de façon si distincte qu’il puisse lui-même entendre et compter les sons.
L’orthographe précoce. – Habituez-le dès le début à fermer les yeux et à épeler le mot qu’il a formé. Ce point est important. La lecture n’est pas l’orthographe, et il n’est pas nécessaire d’orthographier pour bien lire ; mais l’enfant qui saura bien écrire est l’enfant dont l’œil est assez prompt pour saisir les lettres qui composent le mot alors qu’il est en train de le lire, et c’est une habitude à prendre dès le début : habituez-le à voir les lettres du mot, et il le fera sans effort.
Si les mots étaient toujours faits sur un modèle donné en anglais, si les mêmes lettres représentaient toujours les mêmes sons, apprendre à lire serait facile ; car l’enfant acquerrait bientôt les quelques éléments dont tous les mots seraient alors composés. Mais beaucoup de nos mots anglais ont, chacun, leurs propres règles : il n’y a rien à faire, l’enfant doit apprendre à les connaître à vue ; il doit reconnaître « which », précisément comme il reconnaît « B », parce qu’il l’a vu auparavant, l’a regardé avec intérêt, de sorte que le squelette du mot est imprimé sur son cerveau. Ce processus devrait aller de pair avec l’autre – l’apprentissage des pouvoirs des lettres ; plus vous apporterez de variété à ses leçons de lecture, plus l’enfant y prendra plaisir. Les leçons de création de mots l’aident à s’intéresser intelligemment aux mots ; mais ses progrès dans l’art de la lecture dépendent principalement des leçons de « lecture à vue ».
La lecture à vue. – L’enseignant doit procéder très lentement, en sécurisant le sol sous ses pieds au fur et à mesure. Dire :
« Twinkle, twinkle, little star, [Brille, brille petite étoile]
How I wonder what you are! » [Dans la nuit qui se dévoile]
est la première leçon ; juste ces deux lignes. Lisez le passage à l’enfant, très lentement, doucement, avec une prononciation juste, agréable à écouter. Montrez du doigt chaque mot pendant que vous lisez. Ensuite, montrez du doigt « twinkle », « wonder », « star », « what », – et attendez de l’enfant qu’il prononce chaque mot de la strophe pris au hasard ; puis, quand il montre qu’il connaît chaque mot par lui-même, et pas avant, laissez-le lire les deux vers avec une énonciation et une expression claires : insistez dès le début sur une lecture claire et belle, et ne laissez pas l’enfant tomber dans un ton monotone morne, pas plus agréable pour lui-même que pour son auditeur. Bien sûr, à ce moment-là, il est capable de dire les deux vers ; et laissez-le les dire clairement et joliment. Dans sa leçon suivante, il apprendra le reste du petit poème.
La lecture de prose. – À ce stade, les leçons de lecture doivent progresser si lentement qu’il peut tout aussi bien apprendre ses exercices de lecture, en prose et en vers, pour ses leçons de récitation. Les petits poèmes qui peuvent être appris de cette façon se présenteront d’eux-mêmes ; mais la prose est peut-être préférable, dans l’ensemble, car elle offre plus de mots d’usage courant, d’origine saxonne et d’orthographe anormale. De courtes fables et une prose simple et gracieuse comme celle des Paraboles de la nature de Mme Gatty et, mieux encore, des poèmes en prose de Mme Barbauld, conviennent très bien. Même pour leurs premières leçons de lecture, il est inutile de mettre des sottises entre les mains des enfants.
Mais nous n’avons pas encore terminé la leçon de lecture sur « Twinkle, twinkle little star ». L’enfant doit chercher sur deux ou trois pages de bons caractères clairs les mots « little », « star », « you », « are », chacun des mots qu’il a appris, jusqu’à ce que le mot qu’il connaît lui apparaisse comme le visage d’un ami dans une foule d’étrangers, et qu’il soit capable de le saisir n’importe où. De peur qu’il ne se lasse de cette recherche, l’enseignante doit le guider, à son insu, vers la ligne ou le paragraphe où se trouve le mot recherché. L’enfant a déjà accumulé un petit capital ; il connaît si bien les huit ou dix mots qu’il les reconnaîtra partout, et la leçon a probablement duré dix minutes.
La prochaine leçon de « lecture à vue » commencera par une chasse aux mots familiers, puis…
« Up above the world so high, [Tout là-haut au firmament]
Like a diamond in the sky. » [Tu scintilles comme un diamant]
devrait être parcourue de la même manière. Comme l’orthographe n’est que l’art de voir, de voir les lettres d’un mot comme on voit les traits d’un visage, dites à l’enfant : « Pouvez-vous épeler sky ? » – ou n’importe quel autre mot plus court. Il est mis à l’épreuve, et s’il échoue cette fois-ci, soyez sûr qu’il sera capable d’épeler le mot quand vous le lui demanderez la prochaine fois ; mais ne le laissez pas apprendre à épeler ou même dire les lettres à haute voix avec le mot devant lui.
Quant à la compréhension de ce qu’ils lisent, les enfants seront plein de remarques et de questions brillantes et intelligentes, et prendront cette partie de la leçon en main ; en effet, l’enseignante devra être sur ses gardes pour ne pas les laisser la détourner du sujet.
Une prononciation soignée. – Les petites personnes devront probablement être tirées vers le haut en matière de prononciation. Ils doivent dire « high », « sky », « like », « world », avec une précision délicate ; pour « diamond » [diamant], ils voudront sans doute se précipiter et dire « di’mond », tout comme ils réduiront « history » à « hist’ry ». Mais voici un autre avantage d’une progression lente et régulière : la prononciation de chaque mot fait l’objet d’une attention particulière, et l’enfant est formé à l’habitude d’une énonciation soignée. Chaque jour augmente le nombre de mots qu’il est capable de « lire à vue », et plus il connaît de mots, plus sa leçon de lecture devient longue afin de lui permettre d’acquérir les dix ou douze nouveaux mots qu’il devrait maîtriser chaque jour.
Le travail d’une année. – « Mais quelle progression d’escargot ! », aurez-vous tendance à dire. Ce n’est pas si lent, après tout : un enfant apprendra ainsi, sans labeur notable, de deux à trois mille mots au cours d’une année ; en d’autres termes, il apprendra à lire, car la maîtrise de ce nombre de mots lui permettra de parcourir avec aisance la plupart des livres qui tomberont sous sa main.
La méthode ordinaire. – Maintenant, comparez les progrès réguliers, l’intérêt constant et la vivacité de ces leçons avec la lassitude mortelle de la leçon de lecture ordinaire. L’enfant parcourt une page ou deux d’un ton morne, sans expression, avec une énonciation imparfaite. Il arrive à un mot qu’il ne connaît pas, et il l’épelle ; cela n’éclaire pas le sujet, et on lui dit le mot : il le répète, mais comme il n’a pas fait d’effort mental pour obtenir le mot, la prochaine fois qu’il le rencontre, le même processus recommence. La leçon de lecture de ce jour s’achève. L’élève s’est lamentablement ennuyé et n’a pas acquis un seul nouveau mot. Il finit par apprendre à lire, d’une manière ou d’une autre, à force de répéter ; mais considérez quel abus de son intelligence est un système d’enseignement qui lui fait subir un travail quotidien sans résultat ou presque, et qui lui donne un dégoût des livres avant qu’il ait appris à s’en servir.
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5. La première leçon de lecture
(Deux mères se concertent)
« Vous voulez dire que vous vous lanceriez dans des mots de trois ou quatre syllabes avant qu’un enfant connaisse ses lettres ? »
« Il est possible de lire des mots sans connaître l’alphabet, comme on connaît un visage sans en distinguer les traits ; mais on apprend non seulement les noms mais aussi les sons des lettres avant de commencer à lire des mots. »
« Nos enfants apprennent leurs lettres sans aucun enseignement. Nous gardons toujours près de nous un tiroir de table peu profond, dont le fond est recouvert d’un demi-pouce de sable. Avant d’avoir deux ans, les bébés font des O ronds et des S tordus, et des T pour Tommy, et ainsi de suite, avec des petits doigts maladroits et incertains. Les aînés enseignent aux petits par le jeu. »
« Le sable est capital ! Nous avons divers dispositifs, mais aucun n’est aussi bon que celui-là. Les enfants adorent l’utiliser. Les lignes bizarres et tremblantes que le petit doigt trace dans le sable seront dix fois plus intéressantes que les formes que l’œil voit. »
« Mais la lecture ! Je ne peux pas faire plus de trois syllabes pendant la première leçon. Ma foi, c’est comme apprendre la valse à un enfant de douze mois. »
« Vous dites cela parce que nous oublions qu’un groupe de lettres n’est que le signe d’un mot, tandis qu’un mot n’est que le signe vocal d’une chose ou d’un acte. C’est ainsi que l’enfant apprend. D’abord, il a la notion de la table ; il voit plusieurs tables ; il découvre qu’elles ont des pieds, avec lesquels on peut se hisser debout ; très souvent des nappes que l’on peut enlever ; et sur ces tables reposent beaucoup de choses, bonnes et agréables pour un bébé ; parfois aussi, on peut tirer ces choses de la table, et elles tombent avec fracas, ce qui est plaisant. Les grandes personnes appellent cette chose agréable, pleine d’intérêts, « table » et, peu à peu, le bébé dit aussi « table », et le mot « table » en vient à signifier, d’une manière vague, tout cela pour lui. Les mots « autour de la table », « sur la table », etc., font partie de l’idée de « table » pour lui. De la même façon, le bébé chante quand sa mère chante. Elle dit : « Bébé, chante » et, peu à peu, les notions de « chanter », « embrasser », « aimer », apparaissent dans son cerveau. »
« Oui, comme ils sont adorables ! Et il est surprenant de voir combien de mots un enfant connaît avant même de pouvoir les prononcer ; « chaton », « poupée », « chariot », lui transmettent bientôt des idées intéressantes. »
« C’est exactement cela. Intéressez l’enfant à la chose, et il apprend rapidement le signe sonore qui la désigne – c’est-à-dire son nom. Maintenant, je maintiens que, lorsqu’il est un peu plus âgé, il devrait apprendre le signe formel – c’est-à-dire le mot imprimé – sur le même principe. Il est beaucoup plus facile pour un enfant de lire « plum-pudding » [pudding aux pruneaux] que de lire « t-o, to » (à), car « plum-pudding » véhicule une idée beaucoup plus intéressante. »
« C’est possible, lorsqu’il arrive à des mots de trois ou quatre syllabes ; mais que feriez-vous lorsqu’il en est à des mots d’une syllabe – en fait, composés de deux ou trois lettres ? »
« Je ne le mettrai jamais devant des mots d’une syllabe du tout. Plus le mot est grand, plus son aspect est frappant et, par conséquent, plus il est facile à lire, à condition que l’idée qu’il véhicule soit toujours intéressante pour un enfant. Il est triste de voir un enfant intelligent peiner sur une leçon de lecture infiniment en deçà de ses capacités – ath, eth, ith, oth, uth – ou, au mieux, « The cat sat on the mat » [Le chat s’est assis sur le tapis]. Comment aimerions-nous commencer à lire l’allemand, par exemple, en peinant sur toutes les combinaisons de lettres imaginables, arrangées sans autre principe que la similitude des sons ; ou, pire encore, que nos lectures soient graduées selon le nombre de lettres que chaque mot contient ? Nous serions perdus dans un brouillard sans espoir devant une page de mots de trois lettres tous tristement semblables les uns aux autres, sans aucun trait distinctif que l’œil puisse saisir ; mais l’enfant ? ‘Oh, eh bien, les enfants sont différents ; il est bon pour l’enfant de peiner ainsi !’ Mais ce n’est là qu’une des nombreuses façons dont les enfants sont inutilement et cruellement opprimés ! »
« Vous faites preuve d’autorité morale ! Tout de même, je ne pense pas être convaincue. Il est bien plus facile pour un enfant d’épeler chat que d’épeler pudding aux pruneaux. »
« Mais l’orthographe et la lecture sont deux choses différentes. Il faut apprendre à épeler pour pouvoir écrire des mots, pas pour les lire. Une enfant, en pleine leçon de lecture, épelle « c o u g h » [tousser] ; vous dites « cough », et elle répète. À force de répéter, elle finit par associer l’apparence du mot avec le son, et dit « tousser » sans l’épeler ; et vous pensez qu’elle est arrivée à « tousser » par c o u g h. Pas du tout ; c o f s’écrit cough ! »
« Oui ; mais « cough » a un u muet et un gh qui fait le son f. Là, je vous l’accorde, c’est une grande difficulté. Si seulement il n’y avait pas de lettres muettes, et si toutes les lettres avaient toujours le même son, cela, en effet, faciliterait la lecture. Les phonéticiens sont capables de l’expliquer. »
« Vous seriez d’accord avec l’auteur d’un article dans un numéro d’une grande revue : ‘Plough ought to be written and printed plow ; through, thru ; enough, enuf ; ought, aut or ort’ [La charrue devrait être écrite et imprimée charu ; à travers, a travère ; assez, acé ; devrait, devrai ou devrè] ; et ainsi de suite. Tout cela repose sur l’idée erronée qu’en lisant nous regardons les lettres qui composent un mot, pensons à leurs sons, les combinons et formons le mot. Nous ne faisons rien de tel ; nous acceptons un mot, écrit ou imprimé, simplement comme le symbole d’un mot que nous avons l’habitude de prononcer. Si le mot est nouveau pour nous, nous pouvons essayer de faire quelque chose des lettres, mais nous savons si bien que c’est fait au hasard, que nous prenons soin de ne pas dire le nouveau mot avant d’avoir entendu quelqu’un d’autre le dire. »
« Oui, mais les enfants sont différents. »
« Les enfants sont les mêmes, plus encore. Nous pourrions, si nous le voulions, décomposer un mot en ses sons, ou assembler certains sons pour en faire un mot. Mais ce sont là des efforts hors de portée des enfants. En premier lieu, comme en dernier lieu, ils apprennent à connaître un mot par son aspect, et plus son aspect est frappant, plus il est facile à reconnaître ; à condition que le mot imprimé soit toujours un mot qu’ils connaissent déjà très bien par le son et par le sens. »
« Ce n’est pas encore clair ; et si vous m’expliquiez, étape par étape, comment vous donneriez votre première leçon de lecture. Un exemple est toujours d’une grande aide. »
« Très bien : Bobbie a eu sa première leçon hier, le jour de son sixième anniversaire. La leçon faisait partie de la célébration. D’ailleurs, je pense que c’est plutôt une bonne idée de commencer une nouvelle étude avec un enfant le jour de son anniversaire, ou quelque grand jour ; il commence à penser que cette nouvelle étude est un privilège. »
« C’est un succès. Mais continuez ; Bobbie connaissait-il ses lettres ? »
« Oui, il les avait apprises, comme vous l’avez dit ; mais j’avais eu soin de ne pas permettre de petites lectures. Vous savez comment Susanna Wesley avait l’habitude de se retirer dans sa chambre avec l’enfant qui devait avoir sa première leçon de lecture, et de ne pas réapparaître avant plusieurs heures, lorsque le garçon était alors capable de lire une bonne partie du premier chapitre de la Genèse ? La première leçon de lecture de Bobbie était aussi une occasion solennelle, pour laquelle nous nous préparions depuis une semaine ou deux. D’abord, j’ai acheté une douzaine d’exemplaires à un penny de l’histoire de Cock Robin – des caractères bien gros, de mauvaises images, que nous avons découpées.
Ensuite, nous avons passé la journée à coller les feuilles sur du papier à dessin, six de chaque côté des feuilles ; de sorte que nous avions maintenant six exemplaires complets, et non douze.
Puis nous avons découpé juste la première page, sur les six exemplaires, ligne par ligne et mot par mot. Nous avons rassemblé les mots et les avons mis dans une boîte, et nos préparatifs étaient terminés.
Maintenant, passons à la leçon. Bobbie et moi sommes enfermés seuls dans le petit salon. J’utilise toujours un tableau noir pour enseigner aux enfants. J’écris, d’une belle écriture scripte,
Cock Robin
Bobbie regarde avec d’autant plus d’intérêt qu’il connaît ses lettres. Je dis, en montrant le mot, « cock robin » et il le répète.
Ensuite, les mots de la boîte sont éparpillés sur la table et il trouve une demi-douzaine de « cock robin » avec une grande facilité.
Nous faisons la même chose avec « sparrow », « arrow », « said », « killed », « who », et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les mots de la première strophe soient appris. Les mots sur le tableau noir forment une colonne, que Bob lit de haut en bas, de bas en haut, et dans tous les sens, sauf dans l’ordre qui correspond à celui de la strophe.
Ensuite, Bobbie classe les mots en vrac dans des colonnes comme celles du tableau.
Puis dans des colonnes de son propre choix, qu’il lit.
Enfin, joie culminante (toute la leçon a été un délice !), il trouve, parmi les mots libres, sous ma dictée,
« Who killed Cock Robin? [Qui a tué le Rouge-gorge ?]
I, said the Sparrow, [Moi, dit le Moineau,]
with my bow and arrow, [Avec mon arc et ma flèche,]
I killed Cock Robin. » [J’ai tué le Rouge-gorge.]
en arrangeant les mots sous forme de vers.
Il me restait alors un exemplaire non découpé, dont Bob eut le plaisir de lire la strophe, et il l’a lu d’avant en arrière. Aussi longtemps qu’il vivra, il connaîtra ces douze mots. »
« Sans doute, c’était une leçon agréable ; mais, tous ces collages et découpages ! »
« Oui, c’est pénible. J’aimerais qu’un éditeur nous fournisse ce que nous voulons – des comptines, en gros caractères, avec des boîtes de mots correspondantes, une boîte séparée, ou une division, pour chaque page, afin que l’enfant ne soit pas déconcerté en ayant trop de mots à retrouver. L’essentiel est qu’il voie et regarde le mot nouveau plusieurs fois, afin que sa forme s’imprime dans son cerveau. »
« Je vois, mais il est seulement capable de lire « Cock Robin » ; il n’a pas de capacité générale de lecture. »
« Au contraire, il lira ces douze mots partout où il les rencontrera. Supposons qu’il apprenne dix mots par jour, en six mois il aura au moins six cents mots ; il saura lire un peu. »
« Excellent, en supposant que vos enfants retiennent tout ce qu’ils apprennent. Au bout d’une semaine, le mien se souviendrait peut-être de « Cock Robin », mais il aurait oublié le reste ! »
« Oh, mais nous continuons à réviser ce que nous avons appris ! Lorsque nous avons maîtrisé les mots de la deuxième strophe, Bob parcourt la première strophe dans le livre, en nommant les mots ici et là lorsque je les désigne. Cela prend moins d’une minute, et les bases sont fixées. »
« La première leçon a dû être longue ? »
« Je suis désolée de reconnaître qu’elle a duré une demi-heure. L’intérêt de l’enfant m’a poussé à faire plus que je n’aurais dû. »
« Tout cela semble très attrayant – une sorte de jeu – mais je n’arrive pas à me convaincre qu’un enfant apprenne à lire sans connaître le pouvoir des lettres. On voit constamment un enfant épeler un mot, puis le prononcer ; d’autant plus qu’on lui a soigneusement enseigné le son des lettres, et non pas seulement leur nom. »
« Naturellement ; car si beaucoup de nos mots anglais ont chacun leur propre règle, d’autres offrent la clé de tout un groupe : arrow [la flèche] nous donne sp-arrow [moineau], m-arrow [moelle], h-arrow [herse] ; mais nous alternons les jours – l’un pour la lecture, l’autre pour la construction des mots – et c’est un moyen d’assurer de la variété, et, ainsi, l’intérêt joyeux qui est le vrai secret du succès. »
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6. La lecture par la vue et le son
Apprendre à lire est un travail difficile. – Il est probable que ce vague ensemble que nous appelons « Éducation » n’offre pas de tâche plus difficile et plus repoussante que celle à laquelle chaque petit enfant est (ou devrait être) astreint : la tâche d’apprendre à lire. Nous nous rendons compte du travail que cela représente lorsqu’un homme adulte fait un effort héroïque pour remédier à une ignorance honteuse, mais nous oublions combien il est contre-nature qu’un petit enfant s’occupe avec de mornes hiéroglyphes – tous si terriblement semblables ! – alors que le monde regorge d’objets intéressants qu’il est impatient de connaître. Mais nous ne pouvons pas excuser les distractions de notre Tommy, et il n’est pas bon pour lui que nous le fassions. Il est tout à fait nécessaire qu’il sache lire, et pas seulement cela, la discipline de cette tâche est tout à fait salutaire pour le petit homme. Néanmoins, reconnaissons que l’apprentissage de la lecture est un travail difficile pour de nombreux enfants, et faisons ce que nous pouvons pour rendre cette tâche facile et attrayante.
Connaître des symboles arbitraires. – En premier lieu, gardons à l’esprit que la lecture n’est ni une science ni un art. Même si elle l’était, les enfants devraient toujours être la priorité pour l’éducateur ; mais ce n’est pas le cas. Apprendre à lire n’est rien d’autre qu’acquérir, comme nous le pouvons, une connaissance de certains symboles arbitraires pour des objets et des idées. Il n’y a absolument aucunes « étapes » correctes et nécessaires à la lecture, chacune d’entre elles menant à la suivante ; il n’y a pas de véritable début, milieu ou fin. Car les symboles arbitraires que nous devons connaître pour lire ne sont pas des lettres, mais des mots. En guise d’illustration, considérez les délicates différences de sons que représente la lettre « o » dans une phrase ; analyser et classer les sons « o » parmi « for », « symbols », « know », « order », « to », « not » et « words » est une étude curieuse, qui ne serait pas spécialement utile pour un philologue, et serait laborieuse et inappropriée pour un enfant. Il est temps d’admettre que les lettres qui composent un mot anglais sont pleines d’intérêt philologique, et que leur étude constituera, en son temps, une partie précieuse de l’éducation ; mais en attendant, le lien entre le son et le signe des lettres est si vague en anglais, que fonder l’enseignement de la lecture sur les seuls sons des lettres, c’est imposer à l’enfant beaucoup de travail d’analyse, beaucoup de confusion mentale, due aux irrégularités de la langue ; et une petite tension morale pour choisir le bon son d’une lettre dans un mot donné à partir des « sons » qui lui ont été enseignés.
En définitive, que proposons-nous en apprenant à lire à un enfant ? (a) Qu’il connaisse de vue, disons, quelques milliers de mots ; (b) qu’il soit capable de construire de nouveaux mots avec les éléments de ceux-ci. Qu’il apprenne dix mots nouveaux par jour, et en vingt semaines, il sera dans une certaine mesure capable de lire, peu importe le nombre de lettres dans un mot. Pour la deuxième partie, moins importante, de notre tâche, l’enfant doit connaître les sons des lettres et acquérir le pouvoir d’utiliser des sons donnés dans de nouvelles combinaisons.
Ce que nous voulons, c’est un pont entre les intérêts naturels de l’enfant et ces symboles arbitraires avec lesquels il doit se familiariser, et qui, comme nous l’avons vu, sont des mots, et non des lettres.
Ces symboles devraient être intéressants. – L’enfant s’intéresse aux choses, pas aux mots ; son pouvoir d’analyse est très faible mais sa faculté d’observation est extrêmement vive et perspicace ; rien n’est trop petit pour lui ; il scruterait l’œil d’une mouche ; rien n’est trop complexe, il adore les casse-têtes. Mais la chose qu’il apprend à connaître en la regardant est une chose qui l’intéresse. Nous avons ici la clé de la lecture. Il ne faut pas lui présenter de combinaisons de lettres dénuées de sens, telles que cla, cle, cli, clo, clu, ou ath, eth, ith, oth, uth. Il faut apprendre à l’enfant, dès le début, à considérer le mot imprimé comme il considère déjà le mot parlé, comme le symbole d’un fait ou d’une idée pleine d’intérêt. Comme il est facile de lire « rouge-gorge », « boutons d’or et marguerites » ; le nombre de lettres des mots importe peu ; ces mots véhiculent des idées si intéressantes qu’il est facile pour l’enfant de fixer son attention et d’associer le mot à ce qu’il représente. Une fois que l’enfant aura fait le lien entre le mot imprimé et l’idée qu’il transmet, il utilisera sa connaissance des sons des lettres pour composer d’autres mots contenant les mêmes éléments avec un grand intérêt. Lorsqu’il connaît le mot « butter » [beurre], il est tout à fait prêt à faire « mutter » [marmonner] en changeant le b par un m.
La première leçon de Tommy. – Mais un exemple vaut mieux qu’un précepte, et est plus convaincant qu’un solide raisonnement. Voici le genre de leçon de lecture que nous visons. Tommy connaît le nom et le son des lettres, mais il ne sait rien de plus. Aujourd’hui, il va être lancé en plein dans la lecture, sans aucune « étape » préalable, car la lecture n’est ni un art ni une science, et n’a probablement pas de commencement. Tommy va apprendre à lire aujourd’hui :
« I like little pussy, [J’aime mon petit chat]
Her coat is so warm » [Son pelage est tellement chaud]
Et il doit connaître ces neuf mots si bien qu’il sera désormais capable de les lire partout et pour toujours.
« Oh, oui, dit un lecteur, comme dans la leçon « Cock Robin » ; admettons que le principe est bon – et il y a beaucoup à dire à propos de cette question – mais en l’admettant, qui donc pourrait supporter tout le collage, le découpage et le désordre général préparatoire à la grande leçon ? Non, la méthode des livres n’est peut-être pas la meilleure, mais les livres prêts à l’emploi sont plus simples pour moi. Je n’ai pas le temps de fabriquer mon matériel. »
Je dois avouer que le découpage et le collage sont chronophages, mais la leçon a servi son objectif puisqu’elle a incité une bonne amie éducatrice à nous préparer « Little Pussy », une boite fantastique, avec des mots en vrac, de beaux caractères bien gras, et les deux vers dans un sac. Celui qui apprend « Little Pussy » comme il faut l’apprendre connaît au moins une centaine de mots – ce n’est pas un mauvais début pour commencer – tous des mots utiles dont nous avons besoin tous les jours. Il y a une objection : des contractions comme « I’ll » [j’vais] sont laides, et j’espère que dans les leçons de mots basées sur « Little Pussy », il sera sélectionné des morceaux sans ce défaut.
Les étapes. – Et maintenant, commençons. Le matériel : la boîte de lettres mobiles de Tommy, la nouvelle boîte « Little Pussy », un crayon et du papier, ou mieux encore, un tableau noir et une craie. Nous écrivons en gros caractères d’imprimerie « Pussy ». Tommy regarde avec intérêt : il connaît les lettres et les épelle probablement en même temps que nous écrivons. D’ailleurs, il est préparé pour le grand événement de sa vie ; il sait qu’il va commencer à apprendre à lire aujourd’hui. Mais nous ne lui demandons encore rien sur ses connaissances antérieures. Nous lui disons simplement que le mot est « pussy ». L’intérêt est immédiat ; il connaît la chose, le chat, et le symbole écrit est agréable à ses yeux parce qu’il est associé à une idée existant dans son esprit. On lui dit de regarder le mot « pussy » jusqu’à ce qu’il soit sûr de le reconnaître. Puis il fait « pussy » de mémoire avec ses propres lettres mobiles. Ensuite, le petit sac contenant nos deux vers de mots en vrac est utilisé, et il trouve le mot « pussy » ; et, enfin, la petite feuille avec le poème imprimé lui est montrée, et il trouve le mot « pussy », mais il n’est pas encore autorisé à découvrir la suite de la rime. Les mots « coat, little, like, is, her, warm, I, so » sont enseignés de la même manière, en moins de temps qu’il n’en faut pour décrire la leçon. Lorsque chaque nouveau mot est appris, Tommy fait une colonne avec les mots, et la lit de haut en bas et de bas en haut sur le tableau noir.
Lire des phrases. – Il connaît maintenant des mots, mais il ne peut pas encore lire des phrases. Passons maintenant au plaisir de lire. Il trouve sous notre dictée, parmi ses mots en vrac, « pussy – is – warm » [le chat est chaud], les place dans l’ordre de « lecture », l’un après l’autre, et lit ensuite la phrase. La joie, comme quelqu’un qui a trouvé une nouvelle planète ! Et Tommy a en effet découvert un nouveau pouvoir. Ensuite, « her-little-coat-is-warm » [son petit pelage est chaud], « Pussy-is-so-little » [Le chat est si petit], « I-like-pussy » [J’aime le chat], « Pussy-is-little-like-her-coat » [Le chat est petit comme son pelage], et ainsi de suite à travers une douzaine d’autres petits arrangements. Si la comptine peut être gardée secrète jusqu’à ce que l’ensemble soit élaboré, c’est encore mieux. Le fait d’inventer les vers avec ses propres mots donnera à Tommy l’impression délicieuse que la connaissance est un pouvoir, comme peu d’occasions le permettront dans sa vie future. Quoi qu’il en soit, la lecture est désormais un plaisir pour lui, et il y a peu de risques pour qu’il la déteste.
La deuxième leçon de Tommy. – Tommy se promet une autre leçon de lecture le lendemain, mais il a à la place une leçon d’orthographe, conduite de cette façon :
Il écrit le mot « coat » [pelage] avec ses lettres, de mémoire s’il le peut ; sinon, avec le modèle. Dites « coat » lentement ; donnez le son du c. « Retirez le c, et que nous reste-t-il ? » Un peu d’aide lui permettra de trouver « oat » [avoine]. Comment feriez-vous « boat » [bateau] – dites le mot très lentement en faisant ressortir le son b. Il connaît le son des lettres et dit facilement b-oat ; fl-oat [flotter], deux sons ajoutés, que vous l’amenez à découvrir ; g-oat [chèvre], il vous donnera le g, et il trouvera que goat est un nouveau mot charmant à connaître ; m-oat [douves], il se décide facilement sur le son m ; une petite définition du mot douves ; les autres mots sont suffisamment familiers pour nécessiter une explication. Tommy proposera, sans doute, « note » et nous devons lui dire la vérité : « Non, note s’écrit avec d’autres lettres » ; mais nous ne lui indiquons pas quelles autres lettres maintenant. Ainsi, il apprend fortuitement et très progressivement que différents groupes de lettres peuvent représenter les mêmes sons. Mais nous ne lui demandons pas de généraliser ; nous lui indiquons seulement que n-oat ne correspond pas au symbole que nous exprimons par « note ». « Stoat » [hermine] – il sera capable de donner les sons des lettres initiales, et stoat appelle à nouveau une petite conversation – un autre mot intéressant. Il a fait un groupe de mots avec ses lettres, et ils sont là sur le tableau noir aligné en colonne :
c-oat
m-oat
g-oat
fl-oat
st-oat
b-oat
Il lit la colonne de haut en bas et dans le désordre ; chaque mot a un sens et véhicule une idée. Puis il puise dans les mots qu’il connaît, et nous lui dictons de nouvelles phrases, qu’il arrange : « I-like-her-goat » ; « her-little-stoat-is-warm », et ainsi de suite, en construisant les nouveaux mots avec des lettres mobiles.
Les mots inconnus. – Continuons avec une nouvelle expérience. Nous dictons « pussy is in the boat ». Consternation ! Tommy ne connaît ni « in » ni « the ». « Mettez des jetons à la place des mots que vous ne connaissez pas ; ils pourraient bientôt arriver dans nos leçons », et Tommy a un désir et un besoin – c’est-à-dire un appétit pour apprendre.
Des combinaisons identiques ont des sons différents. – Nous traitons les mots restants de la même manière – « little » donne brittle [cassant], tittle [titre], skittle [quille] ; pussy, is, I, et her ne donnent pas de nouveaux mots. « Like » donne Mike[Michel] et pike [brochet]. « So » donne no, do, et lo ! De « warm » nous obtenons arm, harm, charm, barm, alarm ; nous avons prononcé warm comme arm. Tommy s’aperçoit qu’une telle prononciation est fausse et vulgaire, et voit que tous ces mots ont le même son que « arm », mais pas un seul comme « warm » – c’est-à-dire qu’il comprend que le même groupe de lettres ne doit pas toujours avoir le même son. Mais nous ne lui demandons pas de retenir cette nouvelle connaissance ; nous la laissons se développer en lui progressivement, après de nombreuses expériences.
À ce moment-là, il a dix-huit nouveaux mots au tableau pour faire des phrases avec les neuf mots mobiles de « pussy ». « Her skittle is little, her charm is brittle, her arm is warm », et ainsi de suite. Mais nous veillons à ce que les phrases aient du sens. « Her goat is brittle » [Sa chèvre est cassante] est « idiot », et n’est pas du tout à écrire. Les nouveaux mots de Tommy sont écrits à la main dans son « carnet », en script, afin qu’il puisse faire le point sur ses possessions en matière de mots.
La formation morale dans les leçons de lecture. – Le lendemain, nous passons aux deux derniers vers de la strophe, comme au début. Ces vers n’offrent guère de matière pour une leçon d’orthographe, aussi, à la leçon suivante, nous passons à la deuxième strophe. Mais notre stock de mots augmente ; nous sommes capables, à mesure que nous avançons, de construire un nombre presque illimité de petites phrases. Si nous devons utiliser des jetons de temps en temps, cela ne fait qu’aiguiser notre appétit de connaissances. Lorsque Tommy a fini de travailler sur « Little Pussy », il a une assez grande réserve de mots ; il a un pouvoir considérable pour attaquer des nouveaux mots qui contiennent des combinaisons familières ; de plus, il a réussi ; il a le courage d’attaquer tout « apprentissage » et il a le sentiment que des résultats agréables sont tout à fait à sa portée. De plus, il apprend à lire d’une manière qui lui donne une formation morale. Il ne trébuche pas, n’hésite pas dès le début, mais est très attentif et y arrive parfaitement. Sa leçon de lecture est un plaisir dont il est privé lorsqu’il vient à sa leçon avec une humeur paresseuse et traînante. Nous insistons sur une énonciation et une précision parfaites, et lorsqu’il doit arranger l’ensemble de la petite comptine avec ses mots mobiles et la lire (la plus agréable de toutes les leçons), sa lecture doit être une récitation parfaite et aboutie. Les comptines pleines d’entrain constituent le meilleur matériel pour de telles leçons de lecture. Il peut être utile pour le petit Allemand de travailler toutes les combinaisons de lettres qui peuvent être ennuyeuses avant d’être autorisé à avoir du plaisir à « lire », parce que partout où ces combinaisons se produisent, elles auront les sons que l’enfant a appris laborieusement. Le fait que l’anglais soit plein d’anomalies en ce qui concerne le lien entre le signe et le son nous dispense heureusement d’imposer cette ennuyeuse corvée.
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7. La récitation
L’art des enfants
Sur ce sujet, je ne peux pas faire mieux que de renvoyer le lecteur à Récitation de M. Arthur Burrell. Ce livre est un manuel destiné aux enseignants des écoles élémentaires. Je souhaite qu’il soit très largement utilisé par les enseignants, et qu’il devienne également un manuel de famille, bien que de nombreuses leçons ne soient pas nécessaires dans les foyers éduqués. Il n’y a guère de « sujet » aussi éducatif et aussi valorisant que celui que M. Burrell a joyeusement décrit comme « l’art des enfants ». Tous les enfants ont en eux la capacité de réciter ; c’est un don emprisonné qui attend d’être délivré, comme l’était Ariel dans son arbre. Dans ce volume très réfléchi et très méthodique, nous disposons des incantations appropriées. Utilisez-les comme il se doit, et même de l’enfant le plus banal et le plus rigide surgit l’enfant-artiste, un esprit délicat, qui vous fera rire et vous fera pleurer. Le grand Sir Walter ne « se balançait-t-il pas en sanglotant », quand sa petite « Pet » disait :
« Car je suis malade et susceptible d’avoir peur ;
Oppressée par le mal, et donc pleine de craintes ;
Une veuve, sans mari, sujette aux craintes ;
Une femme, naturellement née pour avoir peur »
Marjorie Fleming était, à n’en pas douter, une enfant-génie ; mais dans ce livre, nous apprenons par quelles étapes soigneusement graduées un enfant qui n’est pas un génie, qui n’est même pas né de parents cultivés, peut apprendre le bel art de parler parfaitement ; mais ce n’est que le premier pas dans l’acquisition de « l’art des enfants ». L’enfant devrait exprimer de si belles pensées, avec une interprétation si délicate de chaque nuance de sens, qu’il devient pour l’auditeur l’interprète de la pensée de l’auteur. Maintenant, considérez l’appréciation, la sympathie, le pouvoir d’expression que cela implique, et vous admettrez que « l’art des enfants » est, comme Steele l’a dit de la compagnie de sa femme, « une éducation libérale en soi ». On objecte : « Les enfants sont de tels perroquets ! Ils répètent quelque chose exactement comme ils l’ont entendu ; quant à se soucier « d’apprécier » et « d’ interpréter », ils n’en ont pas la moindre idée ! ». Ce qui est vrai dans une récitation comme « My name is Norval » ; mais tout au long de ce volume, l’enfant est amené à trouver lui-même la juste expression de sa pensée ; jamais le pauvre enseignant n’est autorisé à établir un modèle – « dites ceci comme je le dis ». Les idées sont gardées à la portée de l’enfant, et l’expression est la sienne. Il est pris en flagrant délit de ruse, sa méchanceté même est mise à contribution, il trouve une douzaine de façons de dire « je ne peux pas », il est conduit avec ruse jusqu’au point où il doit s’exprimer, et il le fait, à sa grande surprise et à son grand plaisir. Les œuvres proposées ici pour être récitées sont un trésor de nouvelles joies. « Winken, Blinken and Nod », « Miss Lily white’s Party » et « The Two Kittens », encourageraient n’importe quel enfant à réciter. Essayez de lire un seul poème avec les indications et les suggestions de l’auteur, et vous constaterez qu’il y a autant de différence entre le résultat et une lecture à haute voix ordinaire qu’il y en a entre une composition musicale jouée avec et sans les indications du compositeur. J’espère que mes lecteurs apprendront à leurs enfants l’art de la récitation ; dans les temps à venir, bien plus que dans notre temps, il appartiendra à tout homme et à toute femme instruits d’être capables de parler efficacement en public ; et, en apprenant à réciter, vous apprenez à parler.
Mémoriser. – Réciter et apprendre par cœur ne sont pas nécessairement la même chose, et il est bon d’emmagasiner dans la mémoire d’un enfant une bonne dose de poésie, apprise sans effort. Il y a quelques années, j’ai eu la chance de me rendre dans une maison dont la maîtresse avait élaboré sa propre pédagogie, avec laquelle elle élevait une nièce. Elle me présenta une grande feuille de papier sur laquelle étaient inscrits des poèmes, dont certains étaient longs et difficiles : Tintern Abbey, par exemple. Elle me dit que sa nièce pouvait réciter tous les poèmes que j’aimerais entendre, et qu’elle n’avait jamais appris un seul vers par cœur dans sa vie. La petite fille récita effectivement plusieurs des poèmes de la liste, très joliment et sans hésitation ; puis la dame révéla son secret. Elle pensait avoir fait une découverte, et je le pensais aussi. Elle lisait un poème à E. ; puis le lendemain, pendant que la petite fille fabriquait une robe de poupée, elle le lisait à nouveau ; une fois encore le lendemain, pendant qu’elle brossait les cheveux d’E. Elle lisait le poème six fois ou plus, selon sa longueur, à des moments au hasard et inattendus, et finalement E. pouvait réciter le poème qu’elle n’avait pas appris.
J’ai souvent essayé cette façon de faire depuis et je l’ai trouvée efficace. L’enfant ne doit pas essayer de se souvenir ou de répéter le vers, mais, autant que possible, il doit avoir l’esprit ouvert à recevoir une impression intéressante. Une demi-douzaine de répétitions devraient permettre aux enfants de connaître des poèmes tels que « Dolly and Dick », « Do you ask what the birds say ? », « Little lamb, who made thee ? », etc. Les avantages d’une telle méthode d’apprentissage sont que le plaisir de l’enfant n’est pas émoussé par de fastidieuses répétitions strophe par strophe, et qu’il prend l’habitude de créer des images mentales inconsciemment.
Je me souviens avoir discuté de ce sujet avec la regrettée Mlle Anna Swanwick, à propos d’un lien avec Browning dont je ne me souviens pas, mais au cours de la conversation, un incident extrêmement curieux s’est produit. Une dame, une nièce de Mlle Swanwick, a dit qu’après une longue maladie, pendant laquelle elle n’avait pas été autorisée à faire quoi que ce soit, elle a lu « Lycidas » jusqu’au bout, en guise de premier plaisir pour sa convalescence. Elle fut surprise de se retrouver le lendemain à se remémorer de longs passages. Puis elle essaya de réciter le poème entier et découvrit qu’elle pouvait le faire. Ce fut le résultat de cette seule lecture, car elle n’avait pas appris le poème avant sa maladie, ni ne l’avait lu avec une attention particulière. Elle était très heureuse du trésor qu’elle avait découvert par hasard et, pour tester ses capacités, elle a lu l’ensemble du « Paradis perdu », tome après tome, et avec le même résultat : elle pouvait réciter chaque livre l’un après l’autre après une seule lecture ! Elle s’enrichit en acquérant d’autres trésors pendant sa convalescence ; mais lorsque la santé revint, et que son esprit se préoccupa de nombreux intérêts, elle découvrit qu’elle n’avait plus ce pouvoir étonnant. Il est possible que l’esprit désintéressé d’un enfant soit aussi libre et fort pour retenir de belles images revêtues de belles paroles que l’était celui de cette dame pendant sa convalescence. Mais, permettez-moi de le répéter, tout effort de ce genre, même inconscient, entraîne une usure de la substance cérébrale. Laissez l’enfant en jachère jusqu’à l’âge de six ans, puis, que ce soit en ce qui concerne le sujet de la mémorisation, ou d’autres sujets, faites-en seulement un peu, et faites en sorte que les poèmes que l’enfant apprend soient simples et à la portée de sa propre pensée et de son imagination. En même temps, quand il y a tant de poésie noble à la portée d’un enfant, il est dommage qu’on lui permette d’apprendre des sottises !
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8. La lecture pour les enfants plus âgés
Dans l’enseignement de la lecture, comme dans d’autres domaines, c’est le premier pas qui coûte. L’enfant à qui l’on a appris à lire avec soin et délibération jusqu’à ce qu’il maîtrise les mots d’un vocabulaire limité, fait généralement le reste par lui-même. L’attention de ses professeurs devrait être fixée sur deux points : qu’il acquière l’habitude de lire, et qu’il ne tombe pas dans de mauvaises habitudes de lecture.
L’habitude de lire. – Le défaut le plus commun et le plus grand de l’éducation actuelle est que les enfants n’acquièrent pas l’habitude de lire. La connaissance leur est transmise par les leçons et les discussions, mais l’habitude studieuse d’utiliser les livres comme moyen d’intérêt et de plaisir n’est pas acquise. Cette habitude devrait être prise tôt ; dès que l’enfant sait lire, il doit lire pour lui-même, et seul, l’histoire, les légendes, les contes de fées et autres sujets appropriés. Il doit être formé dès le début à penser qu’une lecture de n’importe quelle leçon est suffisante pour lui permettre de raconter ce qu’il a lu, et il prendra ainsi l’habitude de lire lentement, attentivement, intelligemment même lorsqu’il est silencieux, car il lit en étant attentif au sens complet de chaque phrase.
La lecture à haute voix. – Il devrait aussi s’exercer à lire à haute voix, en puisant, en grande partie, dans les livres qu’il utilise pour son travail trimestriel. Ceux-ci devraient comprendre une bonne partie de poésie, pour l’habituer à l’art délicat d’interpréter les nuances de sens, et surtout pour lui faire prendre conscience que les mots sont beaux en eux-mêmes, qu’ils sont source de plaisir et qu’ils sont dignes de notre honneur ; et qu’un beau mot mérite d’être dit magnifiquement, avec une certaine rondeur de ton et une prononciation précise. Les tout jeunes enfants sont ouverts à ce genre d’enseignement, transmis, non pas par une leçon, mais par un mot de temps en temps.
Restriction. – À cet égard, l’enseignant devrait faire attention à ce que les enfants ne copient pas sa façon de lire. Ils imitent assez facilement, en saisissant de façon amusante des astuces d’accentuation et d’action ; mais ce ne sont que des astuces, une imitation de l’intelligence. L’enfant doit exprimer ce qu’il ressent comme étant le sens que l’auteur a voulu donner ; et ce genre de lecture intelligente ne vient que de l’habitude de lire en comprenant ce qui est lu.
Lire aux enfants. – C’est un plaisir pour les personnes plus âgées de lire à haute voix aux enfants, mais cela ne devrait être qu’un plaisir et une indulgence occasionnels, autorisés avant le coucher, par exemple. Nous devons nous souvenir de l’inertie naturelle de l’esprit d’un enfant ; donnez-lui l’habitude qu’on lui fasse la lecture, et il se dérobera régulièrement au travail de lire lui-même ; en effet, nous aimons tous qu’on nous mâche notre nourriture intellectuelle, sinon nous lirions et penserions davantage par nous-mêmes et serions moins désireux d’assister à des conférences.
Les questions sur le sujet. – Quand un enfant lit, il ne faut pas le taquiner avec des questions sur le sens de ce qu’il a lu, sur la signification de tel ou tel mot ; ce qui est ennuyeux pour les personnes âgées l’est tout autant pour les enfants. D’ailleurs, il n’est pas du tout important qu’ils soient capables de donner le sens de chaque mot qu’ils lisent. La connaissance des significations, c’est-à-dire un vocabulaire ample et correct, ne s’acquiert que d’une seule manière, par l’habitude de la lecture. Un enfant comprend inconsciemment la signification d’un nouveau mot dans son contexte, si ce n’est la première fois qu’il le rencontre, la deuxième ou la troisième fois : mais il est à l’affût et découvrira par lui-même le sens de toute expression qu’il ne comprend pas. Les questions directes sur ce qu’un enfant a lu sont toujours une erreur. Laissez-le narrer ce qu’il a lu, ou une partie de ce qu’il a lu. Il aime cette sorte de reproduction, mais abomine chaque question ressemblant à une énigme. S’il doit y avoir des énigmes, c’est à lui de les poser et à l’enseignant de lui fournir la réponse. Les questions qui mènent à un problème secondaire ou à un point de vue personnel sont autorisées parce qu’elles intéressent les enfants – « Qu’auriez-vous fait à sa place ? »
Les livres de leçons. – Un enfant n’a pas commencé son éducation avant d’avoir pris l’habitude de lire seul, avec intérêt et plaisir, des livres tout à fait à la hauteur de son intelligence. Je parle ici de ses livres de leçons, qui ont trop tendance à contenir des bêtises insupportables, probablement parce qu’ils sont écrits par des personnes qui n’ont jamais eu l’occasion de rencontrer un enfant. Tous ceux qui connaissent les enfants savent qu’ils ne disent pas de paroles insignifiantes, qu’ils ne les aiment pas et qu’ils préfèrent ce qui fait appel à leur intelligence. Leurs livres de leçons doivent leur offrir matière à lire, que ce soit à haute voix ou pour eux-mêmes ; ils doivent donc être écrits avec une puissance littéraire. Quant à la teneur de ces livres, rappelons-nous que les enfants peuvent assimiler des idées et des principes, qu’ils soient moraux ou techniques, aussi rapidement et clairement que nous le faisons nous-mêmes (peut-être plus) ; mais les processus détaillés, les listes et les résumés émoussent l’esprit délicat d’un enfant. C’est pourquoi le choix de leurs premiers livres de leçons est d’une grande importance, car il leur appartient de donner aux enfants l’idée que le savoir est extrêmement attrayant et que la lecture est un vrai plaisir. Une fois que l’enfant a pris l’habitude de lire son livre de leçons avec plaisir, son éducation n’est pas achevée, mais elle est assurée ; il continuera par lui-même en dépit des obstacles que l’école met trop souvent sur son chemin.
Les habitudes d’inattention et de négligence. – J’ai déjà parlé de l’importance d’une seule lecture. Si un enfant n’est pas capable de raconter ce qu’il a lu une fois, qu’il ne s’imagine pas qu’il peut, ou qu’il doit, le relire. Un regard de léger regret parce qu’il y a une lacune dans ses connaissances le condamnera. Le pouvoir de lire avec une attention parfaite ne sera pas acquis par l’enfant à qui l’on permet de lézarder sur ses leçons. C’est pourquoi les leçons de lecture doivent être courtes ; dix minutes ou un quart d’heure d’attention soutenue suffisent pour les enfants de l’âge dont nous parlons, et une leçon de cette durée permet à l’enfant de couvrir deux ou trois pages de son livre. La même règle concernant la durée de la leçon s’applique aux enfants à qui l’on lit les leçons parce qu’ils ne sont pas encore capables de lire eux-mêmes.
Une articulation négligée. – Il est important que, lorsqu’ils lisent à haute voix, les enfants fassent un usage approprié des organes vocaux, et, pour cette raison, une leçon de lecture devrait être introduite par deux ou trois exercices de respiration simples, comme, par exemple, une longue inspiration avec les lèvres fermées et une expiration lente avec la bouche ouverte. Si un enfant parle du nez, il est préférable de consulter un médecin ; une opération des végétations adénoïdes peut être nécessaire, ce qui est rarement pénible, et doit être fait lorsque les enfants sont jeunes. Il faut se garder d’une prononciation provinciale et d’une articulation négligée. La pratique des voyelles pures et le respect des mots, qui ne permet pas de les bredouiller à la hâte, devraient guérir ces défauts. D’ailleurs, les tout petits enfants ont l’habitude d’énoncer magnifiquement, parce qu’un grand mot est une nouvelle acquisition dont ils se réjouissent et dont ils tirent le meilleur parti ; nos efforts devraient viser à faire en sorte que les enfants plus âgés aient la même estime pour les mots.
L’habitude de « faire attention aux pauses » vient d’une lecture intelligente. La compréhension du passage par l’enfant l’amènera à lire en respectant la ponctuation.
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9. L’art de la narration
Les enfants sont des narrateurs naturels. – La narration est un art, tout comme la poésie ou la peinture, car elle est là, dans l’esprit de chaque enfant, attendant d’être découverte, et elle n’est pas le résultat d’un processus d’éducation disciplinaire. Un fiatcréatif l’appelle à l’action. « Laissez-le narrer » ; et l’enfant narre, avec aisance, générosité, dans une séquence ordonnée, avec des détails imagés et pertinents, avec un choix juste de mots, sans verbosité ni tautologie, dès qu’il peut parler avec aisance. Ce don étonnant avec lequel les enfants normaux naissent est laissé en jachère dans leur éducation. Bobbie revient à la maison avec un récit héroïque d’un combat auquel il a assisté entre « Duke » et un chien dans la rue. C’est merveilleux ! Il a tout vu, et il raconte tout avec une vigueur splendide, dans la vraie veine épique ; mais notre mépris pour les enfants est tellement enraciné que nous n’y voyons que la naïveté enfantine de Bobbie ! Alors que, si nous avions des yeux pour voir et la grâce pour bâtir, nous verrions ici le plan de base de son éducation.
Jusqu’à ce qu’il ait six ans, laissez Bobbie raconter seulement ce qu’il veut, quand il le veut. On ne doit pas lui demander de raconter quoi que ce soit. Est-ce là le secret des longues discussions étranges que nous observons avec amusement entre des créatures de deux, quatre et cinq mois ? Est-il possible qu’ils narrent alors qu’ils ne parlent pas encore, et que l’autre personne qui ne parle pas non plus comprenne tout ? Ils nous mettent à l’épreuve, pauvres chers aînés, et nous répondons : « Oui », « Vraiment ! » , « Croyez-vous ? » au babillage dont nous ne comprenons pas le sens. Quoi qu’il en soit, nous n’avons aucune certitude quant à ce qui se passe dans la contrée plus ou moins obscure des « moins de deux ans ». Attendez que le petit bonhomme ait des mots et il « racontera » sans fin à qui voudra bien écouter l’histoire, et, de préférence, à ses camarades.
Ce pouvoir devrait être utilisé dans leur éducation. – Prenons les biens que les dieux offrent. Lorsque l’enfant a six ans, pas plus tôt, qu’il narre le conte de fées qu’on lui a lu, épisode par épisode, après une seule écoute de chacun d’eux ; le conte biblique qu’on lui a lu avec les mots de la Bible ; l’histoire bien écrite sur les animaux ; ou un livre qui décrit des pays tel que The World at Home. Le garçon de sept ans aura commencé à lire en autonomie, mais il doit recevoir la plus grande partie de sa nourriture intellectuelle, à l’oreille, certes, mais à travers des livres qu’on lui lit. La géographie, l’histoire ancienne, Robinson Crusoé, Le voyage du Pèlerin, Le livre des merveilles, Heroes of Asgard, et bien d’autres œuvres du même calibre, l’occuperont jusqu’à l’âge de huit ans. Il faut garder à l’esprit qu’il ne doit avoir aucun livre qui ne soit pas un classique pour enfants et que, si le livre est bon, il ne doit pas être dilué par des discussions ou brisé par des questions, mais donné au garçon dans des proportions adéquates comme une viande saine pour son esprit, dans la pleine confiance que l’esprit d’un enfant est capable de gérer sa nourriture appropriée.
L’enfant de huit ou neuf ans est capable d’aborder la matière plus sérieuse de la connaissance ; mais nous nous occupons pour le moment de ce que les enfants de moins de neuf ans peuvent narrer.
La méthode de la leçon. – Dans tous les cas, les lectures devraient être successives et tirées d’un livre bien choisi. Avant de commencer la lecture du jour, l’institutrice doit parler un peu (et faire parler les enfants) de la dernière leçon, et ajouter quelques mots sur ce qui va être lu, afin que les enfants soient animés par l’attente ; mais elle doit se garder d’expliquer et surtout d’anticiper le récit. Ensuite, elle peut lire deux ou trois pages, assez pour comprendre une histoire entière ; après quoi, elle demande aux enfants de narrer, – à tour de rôle, s’ils sont plusieurs. Non seulement ils narrent avec esprit et précision, mais ils parviennent à saisir le style de l’auteur. Il n’est pas sage de les taquiner avec des corrections ; ils peuvent commencer par une chaîne sans fin de « et », mais ils abandonnent bientôt cela, et leurs narrations deviennent assez bonnes dans le style et la composition pour être mises dans un « livre imprimé » !
Ce genre de leçon de narration ne devrait pas prendre plus d’un quart d’heure.
Le livre devrait toujours être profondément intéressant, et lorsque la narration est terminée, il devrait y avoir une petite discussion au cours de laquelle les points moraux sont soulignés, des images sont montrées pour illustrer la leçon, ou des diagrammes sont dessinés au tableau. Dès que les enfants sont capables de lire avec aisance et facilité, ils lisent leur propre leçon, soit à haute voix, soit en silence, en vue de la narration ; mais lorsqu’il est nécessaire de faire des omissions, comme dans les récits de l’Ancien Testament et les Vies de Plutarque, par exemple, il est préférable que l’enseignant lise toujours la leçon qui doit être narrée.
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10. L’écriture
Un accomplissement parfait. – Je ne peux offrir que quelques conseils sur l’enseignement de l’écriture, bien qu’il y ait beaucoup à dire. Tout d’abord, faites en sorte que l’enfant accomplisse parfaitement quelque chose au cours de chaque leçon – un trait, un crochet, une lettre. Que la leçon d’écriture soit courte ; elle ne devrait pas durer plus de cinq ou dix minutes. L’aisance dans l’écriture vient avec la pratique ; mais cela doit être assuré plus tard. En attendant, il faut éviter que l’enfant prenne l’habitude d’un travail négligé, avec des m bosselés, des o anguleux.
La copie. – L’enfant doit s’entraîner à copier avant de commencer à écrire. D’abord, laissez-le copier les lettres capitales les plus simples, avec des lignes droites et des courbes simples. Lorsqu’il peut faire les majuscules avec une certaine fermeté et détermination, il peut passer aux lettres minuscules. Il copiera dans la police que nous appelons « italiques », mais de façon droite plutôt qu’oblique, aussi simplement que possible et en grand.
Les étapes de l’enseignement. – Nous enseignons d’abord le trait, puis le crochet, puis les lettres dont le crochet est un élément : n, m, v, w, r, h, p, y ; puis le o, et les lettres dont la courbe est un élément : a, c, g, e, x, s, q ; puis les lettres avec une boucle et celles qui sont irrégulières : b, l, f, t, etc. Une lettre devrait être parfaitement formée en un jour, et le jour suivant les mêmes formes élémentaires répétées dans une autre lettre, jusqu’à ce qu’elles deviennent familières. En peu de temps, ils peuvent copier trois ou quatre des lettres qu’ils ont apprises et les regrouper en un mot – « man », « aunt ». La leçon doit consister à produire le mot écrit une seule fois sans une seule faute dans aucune lettre. À ce stade, la craie et le tableau noir sont préférables à la plume et au papier, car il est bon que l’enfant puisse effacer et recommencer jusqu’à ce que son propre œil soit satisfait du mot ou de la lettre qu’il a écrit.
Il n’est pas nécessaire de parler des étapes suivantes. Assurez-vous que l’enfant commence par faire des lettres parfaites et qu’il ne soit jamais autorisé à en faire de défectueuses, et le reste, il le fera lui-même ; quant à avoir une « belle écriture », ne le pressez pas ; son « écriture » viendra peu à peu du caractère qu’il a en lui ; mais, en tant qu’enfant, on ne peut pas dire, à proprement parler, qu’il ait du caractère. Présentez-lui uniquement des exemples bien écrits et veillez à ce qu’il imite consciencieusement son modèle : la leçon d’écriture ne consiste pas à copier un grand nombre de lignes, ou à remplir une page d’écriture, mais à faire une seule ligne, copiée aussi exactement que possible. L’enfant devra peut-être faire plusieurs essais avant d’en produire une parfaite.
La taille de l’écriture. – S’il écrit les titres en copperplate (police qu’il vaut mieux éviter), il faut faire preuve de discernement dans le choix de celles-ci. Beaucoup de styles de copperplate sont atroces, et les lettres sont ornées de fioritures qui augmentent le travail de l’élève mais n’améliorent en rien son style. Un mot de plus : ne pressez pas un enfant à écrire petit ; il n’est pas nécessaire qu’il s’entraîne à produire de grandes lettres mais la taille moyenne doit être utilisée jusqu’à ce qu’il trace les lettres avec facilité. Il est beaucoup plus risqué que l’enfant prenne l’habitude de gribouiller en apprenant avec une petite taille d’écriture, et il aura du mal à sortir de cette habitude. Dans ce domaine, comme dans tout le reste, le soin de l’éducateur n’est pas seulement d’enseigner la bonne chose, mais aussi de prévenir la formation de mauvaises habitudes.
Une « Nouvelle Écriture ». – Il y a quelques années, j’ai entendu parler d’une dame qui élaborait, à partir de l’étude de vieux manuscrits italiens, un « système de belle écriture » qui pourrait être enseigné aux enfants. J’ai patiemment attendu, mais non sans une certaine espérance, la production de ce nouveau type de « cahier ». La nécessité d’un tel effort était très grande, car l’écriture typiquement banale enseignée dans les cahiers existants, aussi minutieuse et lisible soit-elle, ne peut qu’avoir un effet plutôt vulgaire tant sur l’auteur que sur le lecteur d’un tel manuscrit. La dame, Mme Robert Bridges, a enfin réussi dans son entreprise fastidieuse et difficile, et ce livre destiné aux enseignants leur permettra d’enseigner à leurs élèves un style d’écriture agréable à acquérir parce qu’il est beau à voir. Il est surprenant de constater la rapidité avec laquelle les jeunes enfants, même ceux déjà habitués à une écriture « laide », adoptent cette « nouvelle écriture ».
Mais le but de Mme Bridges dans A New Handwriting sera mieux compris par quelques passages cités, avec sa permission, de sa préface : « Les dix planches ci-jointes sont destinées principalement à ceux qui enseignent l’écriture : quelques mots, à la fois d’excuse et d’explication, sont nécessaires pour les présenter. J’ai toujours été intéressée par l’écriture, et, après avoir fait connaissance avec le Gothique italianisé du XVIe siècle, j’ai consciemment modifié ma main pour qu’elle se rapproche de ses formes et de son caractère général. L’écriture ayant tendance à plaire, on m’a souvent demandé de faire des alphabets et des copies, et des enseignants professionnels m’ont suppliée de faire imprimer un tel livre pour qu’ils puissent l’utiliser dans leurs écoles. On ne peut jamais tout à fait se satisfaire de la fabrication de modèles que d’autres copieront, mais ces planches correspondent tout à fait à ce que j’avais l’intention de faire, bien que, en raison de mon inexpérience, certaines d’entre elles aient souffert lors de la reproduction…
« L’enfant doit d’abord apprendre à maîtriser sa main et la contraindre à obéir à son œil ; à ce stade précoce, n’importe quelle forme simple fera l’affaire ; on pourrait donc soutenir que les formes sont toujours indifférentes, et que la maîtrise complète de la main peut être atteinte aussi bien en copiant de mauvais modèles que de bons ; mais cela ne peut guère être le cas : le cahier de copie ordinaire, dont le but semble être d’économiser les éléments constitutifs des lettres, ne peut pas entraîner la maincomme le feraient des formes plus variées ; et cette uniformité, à l’exclusion de la beauté, n’offre pas non plus un aussi bon entraînement à l’œil. De plus, je dois dire que la variété et la beauté des formes sont attrayantes, même pour les petits enfants, et que la tentative de créer quelque chose qui les intéresse, les encourage et couronne leurs efforts stupéfiants d’un plaisir que l’on ne peut espérer dans la tâche de copier des formes monotones. Mais je ne saurais dire si un style d’écriture tel que celui qui est montré ici se prête aussi facilement que le modèle plus uniforme au développement d’une écriture cursive rapide et utile ; et il est possible que les dégradations, inévitables dans l’habitude d’une écriture rapide, puissent produire un simple désordre, presque le pire reproche de la calligraphie. Certaines des plus belles écritures anglaises d’aujourd’hui ont une cursive rapide aussi bonne qu’on puisse le souhaiter, et présentent des points de réelle beauté ; mais de telles écritures sont rares, et ce ne sont que celles qui ont, comme nous le disons, du caractère ; ce qui signifie probablement que l’écrivain se serait bien débrouillé dans n’importe quel système : tandis que les écritures moyennes, qui sont le résultat naturel de l’ancien style d’écriture, dégradé par la hâte, semblent devoir leur laideur commune à la police de caractère dont elles sont issues ; et les écrivains, lorsqu’ils ont l’occasion de bien écrire, trouvent qu’ils ne peuvent guère faire mieux, et ne font que prouver que la hâte n’était pas la vraie cause de leur mauvaise écriture. »
Comment faire. – La méthode pour utiliser la Nouvelle Écriture de Mme Bridges, que nous trouvons la plus efficace, consiste à pratiquer chaque forme au tableau noir à partir de la planche, puis à utiliser le crayon, et, plus tard, la plume et l’encre. Au bout d’un certain temps, les enfants pourront transcrire des petits poèmes, et ainsi de suite, dans cette écriture très agréable. Les titres doivent être évités, car les enfants n’utilisent pas les formes du titre dans leur écriture ordinaire. On objecte parfois que cette belle écriture, plutôt élaborée, nuira à la formation d’une « écriture » caractéristique, mais il me semble que le fait d’avoir une belle base d’écriture, au lieu d’une base banale, est un grand avantage.
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11. La transcription
La valeur de la transcription. – Le meilleur moyen pour les enfants de sept ou huit ans d’apprendre à écrire devrait être, non pas l’écriture de lettres ou la dictée, mais la transcription, un travail lent et beau, pour lequel la Nouvelle Écriture de Mme Bridges est à privilégier, bien que certains des caractères les plus ornés puissent être laissés de côté.
La transcription devrait être une introduction à l’orthographe. Les enfants devraient être encouragés à regarder le mot, le prendre en photo, le voir les yeux fermés puis l’écrire de mémoire.
Les enfants devraient transcrire leurs passages préférés. – Si les enfants sont autorisés à choisir pour la transcription leurs vers préférés dans l’un ou l’autre poème, ils développeront un sentiment de fierté et de plaisir à réaliser cet exercice. Cela vaut mieux que d’écrire le poème favori en entier, un exercice qui pourrait lasser les plus jeunes avant d’être terminé. Un livre à eux, composé des vers qu’ils auront choisis, devrait les ravir.
Moyenne écriture – Double ligne. – On devrait d’abord utiliser le papier à double ligne car les enfants ont très envie d’écrire petit, mais une fois qu’ils ont pris cette habitude, il est plus difficile de les corriger. Percevoir la beauté dans leur écriture et dans les lignes qu’ils copient devrait les aider à prendre plaisir dans ce travail. Il ne faut pas consacrer plus de dix minutes ou un quart d’heure aux premières leçons d’écriture. Si elles durent plus longtemps, les enfants se fatiguent et deviennent négligents.
La position pour écrire. – Concernant la position idéale pour écrire, les enfants devraient être assis de façon à ce que la lumière les atteigne par la gauche, et le bureau ou la table devrait être à une hauteur confortable.
Il serait très utile d’apprendre aux enfants, dès le début, à tenir le stylo entre le premier et le deuxième doigts, en le soutenant avec le pouce. Cette position évite la tension inconfortable sur les muscles produite par une mauvaise tenue du stylo, tension qui provoque la crampe de l’écrivain plus tard, lorsqu’il y a beaucoup d’écriture à faire. Le stylo doit être tenu dans une position confortable, plutôt près de la pointe, les doigts et le pouce légèrement pliés, et la main posée sur le papier. L’enfant devrait également pouvoir s’appuyer sur le papier avec la main gauche et écrire dans une position facile, la tête penchée mais le dos droit. Il serait inutile de dire qu’il faut utiliser le plat de la plume si les enfants n’avaient pas un heureux don pour faire des pattes de mouche avec la plume tenue latéralement. Dans toutes les leçons d’écriture, le maître et les enfants devraient utiliser librement le tableau noir, à titre de modèle et de pratique.
Le bureau. – Les meilleurs bureaux que je connaisse sont ceux recommandés par le Dr Roth, des bureaux simples qui peuvent être levés ou abaissés, déplacés vers l’avant ou l’arrière, avec un siège, un dossier, un coussin dorsal et un repose-pieds. Il en existe peut-être d’autres aussi bons, voire meilleurs, sur le marché, mais ceux-ci semblent répondre à tous les besoins.
La table pour les enfants. – Pour les petits enfants, il est bon de faire fabriquer une table de la bonne hauteur par le menuisier, le dessus de la table étant constitué de deux rabats avec charnières. Ces rabats s’ouvrent au milieu, et donnent accès à un espace qui peut être utilisé comme tiroir de rangement, le dessus de la table lui-même faisant office de couvercle. Un tel réceptacle pour les livres des enfants, leur matériel d’écriture, etc., est plus facile à maintenir en ordre par eux-mêmes qu’un tiroir ou une boîte ordinaire.
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12. L’orthographe et la dictée
De tous les exercices malicieux auxquels les enfants consacrent leurs heures d’école, la dictée, telle qu’elle est couramment pratiquée, est peut-être le pire ; et cela, parce que les gens tardent à comprendre que chaque partie du travail d’un enfant repose sur un principe philosophique.
La principale cause d’une mauvaise orthographe. – En général, l’enseignante dicte un passage, phrase par phrase, répétant chaque phrase peut-être trois ou quatre fois, sous le feu des questions des enfants. Chaque ligne comporte des fautes d’orthographe, une, deux, trois peut-être. L’enseignante consciencieuse marque les erreurs avec son crayon, ou les souligne solennellement à l’encre rouge. Les enfants corrigent de diverses manières ; parfois ils échangent leur cahier, et chacun corrige les erreurs d’un autre, en recopiant le mot correctement orthographié à partir du livre ou du tableau. Quelques enseignantes ignorantes font encore copier par les enfants leur propre erreur en même temps que la correction, laquelle est écrite trois ou quatre fois, apprise et épelée à l’enseignante. Cette dernière s’étonne pourtant de constater que, malgré tous ces efforts laborieux, les élèves répètent les mêmes erreurs encore et encore.
La raison d’être de l’orthographe. – Mais le fait est que la capacité à être doué en orthographe dépend du pouvoir de l’œil. Il doit posséder la capacité de « prendre » (au sens photographique) une image détaillée du mot ; et c’est un pouvoir et une habitude qui doivent être cultivés chez les enfants dès le début. Lorsqu’ils ont lu « chat », ils doivent être encouragés à voir le mot les yeux fermés, et la même habitude leur permettra de visualiser « Thermopyles » dans leur esprit. Cette visualisation des mots sur la rétine semble être la seule voie royale pour l’orthographe. Une fois qu’une erreur est commise et corrigée, il subsistera toujours un doute quant à savoir quelle image est la bonne orthographe et quelle est la mauvaise. La plupart d’entre nous sont hantés par le doute quant à savoir si « balance », par exemple, devrait avoir un « l » ou deux ; et ce doute est né d’une correction. Une fois que l’œil voit un mot mal orthographié, cette image reste ; et s’il y a aussi l’image du mot correctement orthographié, nous sommes perplexes quant à savoir quelle image est la bonne. Nous comprenons maintenant pourquoi la dictée, telle qu’elle est couramment enseignée, est la cause d’erreurs orthographiques. Chaque mot mal orthographié est une image dans le cerveau de l’enfant qui ne sera pas effacée par la bonne orthographe. Il appartient donc à l’enseignante de prévenir les fautes d’orthographe et, si une erreur a été commise, de la cacher, pour ainsi dire, afin que l’impression ne se fixe pas.
Les étapes d’une leçon de dictée. – Les leçons de dictée, conduites de la manière suivante, aboutissent généralement à une bonne orthographe. Un enfant de huit ou neuf ans prépare un paragraphe, les enfants plus âgés une page ou deux ou trois. L’enfant se prépare tout seul, en regardant le mot dont il n’est pas sûr, puis en le visualisant les yeux fermés. Avant de commencer, l’enseignante lui demande quels sont les mots qui, selon lui, nécessiteront son attention. Généralement, il le sait, mais l’enseignante peut lui signaler tout mot susceptible d’être un obstacle. L’enfant fait savoir à sa professeure quand il est prêt. L’enseignante demande s’il y a des mots dont il n’est pas sûr. Elle les inscrit, un par un, au tableau, laissant l’enfant regarder jusqu’à ce qu’il ait une image mentale, puis elle efface les mots. Si un enfant doute encore, il devrait venir écrire le mot dont il n’est pas sûr au tableau, l’enseignante veillant à effacer le mot si une mauvaise lettre commence à apparaître, et aidant à nouveau l’enfant à se créer une image mentale. Ensuite, l’enseignante commence la dictée, phrase par phrase, chaque phrase étant répétée une fois. Elle dicte selon la ponctuation, que les enfants sont censés écrire ; mais il ne faut pas leur dire « virgule », « point-virgule », etc. Après le type de préparation que je viens de décrire, qui prend dix minutes ou moins, il y a rarement une erreur d’orthographe. S’il y en a, il vaut la peine que l’enseignante soit sur le qui-vive avec des étiquettes à coller sur le mot erroné, afin que son image soit effacée autant que possible. À la fin de la leçon, l’enfant devrait à nouveau étudier le mot mal écrit dans son livre jusqu’à ce qu’il soit sûr de lui et devrait ensuite l’écrire correctement sur l’étiquette.
Une leçon de ce genre assure la coopération chaleureuse des enfants, qui se sentent impliqués. Elle les prépare également à la deuxième condition d’une bonne orthographe, à savoir : beaucoup de lectures combinées avec l’habitude de visualiser les mots au fur et à mesure qu’ils sont lus.
La dysorthographie est généralement le signe d’une lecture sporadique ; ou, parfois, d’une lecture hâtive sans l’habitude de voir les mots parcourus trop rapidement.
Le travail orthographique doit être maintenu au cours des autres leçons des enfants, sans qu’il soit nécessaire de les taquiner à épeler. Il est bon d’écrire un nom propre difficile, par exemple, au tableau au cours des lectures d’histoire ou de géographie, puis d’effacer le mot lorsque les enfants disent qu’ils peuvent le visualiser. Tout le secret de l’orthographe réside dans l’habitude de visualiser les mots de mémoire, et les enfants doivent être entraînés à visualiser les mots au cours de leur lecture. Ils apprécient cette façon d’apprendre l’orthographe.
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13. La composition
L’essai de George Osborne. – « Le révérend Lawrence Veal, le maître de George, était un homme prodigieux pour son érudition et l’agrément de sa conversation. “Il sait tout, disait Amélia. Il prétend qu’au barreau et dans la politique il n’y a point de place à laquelle George ne puisse prétendre. Regardez ceci.” Ouvrant alors un tiroir, elle présenta au major un travail écrit par George. Voici le texte de ce chef-d’œuvre qui se trouve encore en la possession de la mère de George :
« L’ÉGOÏSME. – De tous les vices qui dégradent la nature humaine, l’égoïsme est le plus odieux et le plus méprisable. Un amour exagéré de soi-même conduit aux crimes les plus monstrueux et occasionne les plus grands malheurs dans les États comme dans les familles. Un homme égoïste appauvrit sa famille et cause souvent sa ruine, tout comme un monarque égoïste cause la ruine de son peuple et le précipite souvent dans la guerre. Exemple : L’égoïsme d’Achille, comme l’a remarqué Homère, causa aux Grecs des maux sans nombre [une phrase en grec s’ensuit, tirée d’Hom., II, A, 2]. L’égoïsme de feu Napoléon Bonaparte plongea l’Europe dans des guerres sans fin, et le fit périr sur une île misérable de l’océan Atlantique, à Sainte-Hélène.
« Nous voyons, par ces exemples, que nous ne devons point consulter notre ambition ou notre intérêt personnel, mais prendre en considération l’intérêt des autres aussi bien que le nôtre.
George S. Osborne.
« Athene House, 24 avril 1827.
« Eh bien ! que dites-vous de ce style et de ces citations grecques à son âge (George avait 10 ans) ? disait la mère en extase. »
Mme George Sedley peut bien être ravie. Beaucoup de mères ne triompheraient-elles pas aujourd’hui d’un tel chef-d’œuvre littéraire ? De quoi Thackeray peut-il rire ? Ou nous donne-t-il, en vérité, cette petite « rédaction » à considérer comme un tour de force ?
Une futilité éducative. – Je pense que ce grand professeur de morale jette ici le gant pour contester une futilité éducative qui est pratiquée, et une erreur éducative qui est acceptée, même au XXe siècle. Cette futilité est l’étalage de la composition des écoliers et des écolières. La fonction propre de l’esprit du jeune érudit est de collecter du matériel pour les généralisations de sa vie adulte. Si l’on demande à un enfant de généraliser, c’est-à-dire d’écrire une dissertation sur un thème abstrait, on lui fait un double tort. On le met face à un mur en lui demandant de faire quelque chose qu’il ne peut pas faire, et c’est décourageant. Mais un préjudice moral encore plus grave lui est causé par le fait que, n’ayant pas de pensée propre à proposer sur le sujet, il rassemble les bribes de pensées banales qui lui tombent sous la main et il présente le tout comme sa « composition », un effort qui met sa conscience à rude épreuve tout en piquant sa vanité. De nos jours, les maîtres n’influencent pas consciemment le travail de leurs élèves comme le faisait ce maître « prodigieusement cultivé et charmant » qui avait en charge l’éducation de George Osborne. Mais, peut-être sans le savoir, donnent-ils les idées que l’écolier rusé va saisir et « coller » dans « la dissertation » qu’il déteste. Parfois, ils font plus. Ils enseignent délibérément aux enfants comment « construire une phrase » et comment « relier des phrases » entre elles.
Des leçons de composition. – Voici une série d’exercices préliminaires (ou plutôt une partie d’une série, qui en compte 40) destinés à aider un enfant à rédiger une dissertation sur « Une ombrelle », tirée d’un livre provenant d’une de nos meilleures maisons d’édition :
« Étape I.
1. Qu’êtes-vous ?
2. D’où vient votre nom ?
3. Qui vous utilise ?
4. Qu’étiez-vous autrefois ?
5. À quoi ressembliez-vous alors ?
6. Où avez-vous été obtenue ou trouvée ?
7. De quelles matières ou matériaux êtes-vous faite ?
8. D’où venez-vous ?
9. Comment êtes-vous constituée ?
10. Avez-vous été faite, cultivée ou assemblée ? »
* * * * * *
« Étape II.
Je suis une ombrelle et je suis utilisée par de nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes.
Je tire mon nom d’un mot qui signifie ombre.
Le manche vient peut-être d’Amérique et est assez lisse, régulier et poli, de sorte que l’anneau métallique puisse glisser facilement le long du manche.
Je suis constituée d’une ossature et d’un tissu tendu. Mon ossature se compose d’un manche d’environ un mètre de long, de fils de fer et d’une bande métallique coulissante. À l’extrémité inférieure du manche se trouve une virole ou un anneau en acier. Cela empêche l’extrémité de s’user lorsque je suis utilisée pour marcher.
« Étape III.
Maintenant, utilisez elle, est, sont, et était, au lieu de je, j’ai, mon et suis. »
* * * * * *
« Exercice.
Maintenant, écrivez votre propre description de l’objet. »
Un tel enseignement est un danger public. – Et ce travail est destiné aux années VI et VII ! C’est-à-dire que ce genre de chose est le dernier effort littéraire exigé des enfants de nos écoles élémentaires !
Les deux volumes (le passage cité se trouve vers la fin du deuxième volume et est donc le niveau le plus avancé) ne doivent pas être considérés comme exceptionnellement mauvais. Il y a quelques années, on a fait l’effroyable découverte que, tant dans les écoles secondaires que dans les écoles primaires, la « composition » était terriblement défectueuse et, par conséquent, mal enseignée. Depuis lors, de nombreux livres, plus ou moins du même acabit que le passage ci-dessus, ont été édités. Les éditeurs distingués n’ont pas compris qu’offrir au public, avec la réputation de leur nom, des ouvrages de ce caractère stérilisant et nuisible, est une offense à la société. Le corps d’un enfant est sacré aux yeux de la loi, mais ses capacités intellectuelles peuvent être anéanties par un tel régime de famine, et rien n’est dit ! Le pire, c’est que les auteurs et les éditeurs agissent selon l’idée fausse que l’effort bien intentionné est toujours excusable, sinon louable. Ils ne se rendent pas compte qu’aucun effort n’est admissible pour l’éducation des enfants sans une conception intelligente, à la fois des enfants et de ce que l’on entend par éducation.
La « composition » vient naturellement. – En fait, les leçons de « composition » devraient suivre le modèle de cette célèbre dissertation sur « Les serpents en Irlande » : « Il n’y en a pas. » Pour les enfants de moins de neuf ans, la question de la composition se résume à celle de la narration, variée par un exercice aussi simple que d’écrire une partie et d’en raconter une autre, ou d’écrire le récit complet d’une promenade qu’ils ont faite, d’une leçon qu’ils ont étudiée, ou d’un sujet simple qu’ils connaissent. Avant l’âge de dix ans, les enfants habitués à utiliser des livres écriront facilement et librement dans un langage bon et vigoureux. Du moins, ils le feront s’ils n’ont pas été gênés par des instructions. Il est bon pour eux de ne même pas apprendre les règles de ponctuation et des majuscules jusqu’à ce qu’ils remarquent comment ces choses se présentent dans leurs livres. Notre tâche consiste à fournir aux enfants du matériel pour leurs leçons et à leur laisser le soin de le manipuler. C’est difficile à croire mais la composition est aussi naturelle que de sauter et de courir pour les enfants à qui l’on a laissé l’usage des livres. Ils devraient d’abord narrer des histoires, et plus tard, ils composeront assez facilement ; mais on ne devrait pas leur enseigner la « composition ».
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14. Les leçons bibliques
Les enfants aiment la Bible.
Nous sommes enclins à croire que les enfants ne peuvent pas s’intéresser à la Bible à moins que ses pages ne soient édulcorées, transformées en l’anglais appauvri que nous préférons leur offrir. Voici une anecdote qui en dit long de l’enfance de Mme Harrison, l’une des deux petites filles Quakers qui nous sont présentées dans Autobiography of Mary Howitt, la plus connue des sœurs. « Un jour, elle se retrouva dans un débarras. C’est là qu’elle aperçut une vieille Bible et, en parcourant ses feuilles jaunes, elle tomba sur des mots qu’elle n’avait pas entendus lors des lectures habituelles du matin, les premiers chapitres de Saint Luc – dont son père refusait la lecture à haute voix – et le dernier chapitre de l’Apocalypse. L’image exquise de la naissance du Grand Enfant dans un chapitre et la beauté de la description de la Nouvelle Jérusalem dans l’autre, furent saisies par la petite fille avide de six ans avec un ravissement que, disait-elle, aucun roman des années suivantes n’a jamais produit. »
Et on parle ici d’une enfant de cinq ans. « Les petits lisent chaque jour avec moi les événements de la semaine sainte. Z. montre un intérêt profond, révérencieux, il est presque excité. »
Nous sommes probablement bien incapables de mesurer la réceptivité religieuse des enfants. Néanmoins, leur aptitude à appréhender les choses profondes de Dieu est un fait que nous sommes appelés à « traiter avec prudence » et à traiter avec révérence. Et cela, parce que, comme personne ne peut le comprendre mieux que le « darwinien », l’attitude de pensée et de sentiment dans laquelle vous placez un enfant est le facteur vital de son éducation.
Ils devraient connaître le texte de la Bible. – Les enfants âgés de six à neuf ans devraient avoir une connaissance considérable du texte de la Bible. À neuf ans, ils devraient avoir lu les parties narratives simples (et appropriées) de l’Ancien Testament et, disons, deux des Évangiles. L’Ancien Testament devrait, pour diverses raisons, être lu aux enfants. Les récits évangéliques pourraient être lus par les enfants directement dès qu’ils sont capables de les lire joliment. C’est une erreur d’utiliser des paraphrases du texte ; la rythmique captivante de la Bible séduit les enfants, et ils conserveront probablement tout au long de leur vie leur première conception des scènes bibliques, et aussi les mots mêmes dans lesquels ces scènes sont dépeintes. C’est une grande richesse. La moitié des discours habiles que nous entendons aujourd’hui, et la moitié du malaise qui les sous-tend, sont dus à une parfaite ignorance du texte biblique. Les points d’attaque sont présentés à l’esprit des hommes, nus et déchiquetés, sans atmosphère, sans perspective, sans proportion ; jusqu’à ce que la Bible en vienne à signifier pour beaucoup, l’épisode de l’ânesse de Balaam ou l’arrêt du soleil sur l’ordre de Josué.
Mais que l’imagination des enfants soit nourrie par les images, que leur esprit soit nourri par les mots de l’histoire qui se déroule progressivement dans les Écritures, et ils en viendront à regarder un large horizon dans lequel les personnes et les événements prennent forme à la place et dans la proportion qui leur sont dues. Ils verront peu à peu que le monde est une scène où la bonté de Dieu se heurte continuellement à l’obstination de l’homme ; que certains hommes héroïques prennent parti pour Dieu ; et que d’autres, insensés et entêtés, s’opposent à Lui. Le feu de l’enthousiasme s’allumera dans leur poitrine, et les enfants, eux aussi, prendront leur parti, sans qu’il soit nécessaire de les exhorter ou de leur parler d’expérience spirituelle.
Une vérité essentielle et accidentelle. – Quant à savoir si tel ou tel récit est un mythe, une parabole ou un événement qui s’est réellement produit, de telles questions n’affectent pas l’esprit sincère d’un enfant, car elles n’ont rien à voir avec le sujet principal. Il est très bien d’apporter aux enfants, dans le cours de leurs lectures bibliques, toutes les lumières nouvelles que les recherches modernes nous apportent ; plus nous pourrons les aider dans cette voie, plus l’enseignement de la Bible deviendra vivant et réel pour eux. Mais cette grâce, en tout cas, les enfants peuvent l’attendre de nous, car ils ne seront pas plus troublés par des questions d’authenticité dans leur lecture de la Bible que dans leur lecture de l’histoire de l’Angleterre. Laissons-les entendre l’histoire du jardin d’Eden, par exemple, telle qu’elle se présente ; de même, nous pourrions leur faire entendre l’histoire de l’homme qui alla pêcher et trouva une belle perle ; et cela, parce que ce qui importe dans les deux histoires, ce sont les vérités essentielles qu’elles incarnent, et non les simples accidents de temps et de lieu. On peut imaginer que la « perle de grand prix » était un sujet de discussion courant à l’époque ; un soi-disant « fait » dont notre Seigneur s’est emparé pour en faire le véhicule d’une vérité essentielle. Si nous voulons bien le croire, l’esprit des enfants est peut-être plus apte que le nôtre à s’approprier et à traiter la vérité. Au bout d’un certain temps, ils percevront et écarteront, si nécessaire, les circonstances accidentelles dont la vérité est revêtue ; mais soyons très prudents quant à notre propre action. Souvenons-nous que ni nous ni les enfants ne pouvons supporter la lumière blanche de la vérité nue ; que si, par exemple, nous parvenons à détruire les vêtements qui couvrent l’histoire de la première chute – l’arbre et son fruit, le serpent tentateur, la femme qui cède – nous n’avons pas d’autres vêtements sous la main pour les vérités fondamentales de la responsabilité, de la tentation, du péché ; et, une fois découvertes, sans vêtement auquel nous pouvons nous accrocher, les vérités elles-mêmes nous échapperont certainement.
Nous n’avons pas besoin de nous donner la peine de distinguer, dans l’enseignement des récits bibliques aux enfants, les vérités essentielles des vérités accidentelles – la vérité qui interprète notre propre vie, et celle qui ne concerne que le temps, le lieu et les circonstances propres au récit. Les enfants eux-mêmes discernent et retiennent l’essentiel, tandis que l’accidentel s’efface de leur mémoire comme de la nôtre. Par conséquent, que l’esprit des jeunes enfants soit bien nourri des beaux récits du début de l’Ancien Testament ainsi que des Évangiles ; mais, afin que ces histoires soient toujours fraîches et agréables pour eux, il faut veiller à ce que l’enseignement biblique ne se dessèche pas dans leur esprit. Les enfants sont plus capables de s’ennuyer que nous-mêmes et plus d’une révolte a été provoquée par l’enseignement excessif de la Bible, à temps et à contretemps, même pendant l’enfance. Nous ne parlons pas ici de la vie religieuse des enfants, mais de leur éducation par les leçons ; et les leçons bibliques devraient les aider à comprendre dès le début que la connaissance de Dieu est la principale connaissance, et donc que les leçons bibliques sont leurs principales leçons.
La méthode des leçons bibliques. – La méthode de ces leçons est très simple. Lisez à haute voix aux enfants quelques versets couvrant si possible un épisode. Lisez avec révérence, avec attention et avec une expression juste. Demandez ensuite aux enfants de raconter ce qu’ils ont écouté, en s’inspirant le plus possible des mots de la Bible. Il est curieux de voir avec quelle facilité ils saisissent le rythme simple et majestueux de la Bible. Ensuite, discutez avec eux de ce récit à la lumière de la recherche et de la critique. Laissez l’enseignement, moral et spirituel, leur parvenir sans grande application personnelle. Je ne connais pas de meilleure aide pour l’enseignement des jeunes enfants que celle que nous offre The Bible for the Young de Canon Paterson Smyth. M. Smyth fait appel à la fois à la critique et à la recherche modernes, de sorte que les enfants qui apprennent dans ses petits manuels ne seront pas surpris d’apprendre plus tard que le monde n’a pas été fait en six jours ; et, en même temps, ils seront tout à fait sûrs que le monde a été fait par Dieu. L’enseignement moral et spirituel de ces manuels est vaste et convaincant. Il est bon, de temps en temps, de lire à haute voix la leçon de M. Smyth sur le sujet, après la narration du passage biblique. Les enfants sont plus prompts à s’approprier les leçons qui ne s’adressent pas directement à eux ; tandis que l’enseignante s’approprie l’enseignement par l’intérêt avec lequel elle lit, par les images et autres illustrations qu’elle montre et par ses remarques de conversation.
Les illustrations. – Les illustrations de The Illustrated New Testament sont, à la fois, respectueuses et réelles, une combinaison inhabituelle, et les enfants les apprécient beaucoup. Il serait bon pour eux de n’avoir à lire que l’Evangile à un penny, mais celui-ci devrait peut-être être protégé (et honoré) par une jolie couverture brodée. Les enfants ne devraient pas avoir la vision d’une Bible en lambeaux. The Holy Gospels with Illustrations from the Old Masters, publié par le S.P.C.K., est admirable. L’étude de tableaux tels que ceux qui sont reproduits ici devrait constituer un élément précieux de l’éducation d’un enfant ; ce n’est pas rien que de se rendre compte à quel point la Nativité et la visite des Rois Mages ont rempli l’imagination des premiers Maîtres, et avec quelle révérence et quel plaisir excessifs ils se sont attardés sur chaque détail de l’histoire sacrée. Ce genre d’impression ne peut pas être obtenue par un traitement ou des illustrations modernes ; et l’enfant qui en bénéficie dès le début aura un substrat de sentiment respectueux sur lequel il pourra appuyer sa foi. Mais il est bon de laisser les images raconter leur propre histoire. Les enfants devraient étudier un sujet tranquillement pendant quelques minutes, puis, une fois l’image enlevée, dire ce qu’ils y ont vu. On s’apercevra qu’ils ne manquent aucun petit détail révérencieux ou suggestif que l’artiste a jugé bon d’inclure.
Les différentes publications du R.T.S. publiées dans la série Bypaths of Bible Knowledge seront très utiles à l’enseignant pour illustrer les recherches modernes ; notamment, Fresh Light from Ancient Monuments du professeur Sayce, et Dwellers on the Nile de Budge.
Les récitations bibliques. – L’apprentissage par cœur de passages de la Bible devrait commencer alors que les enfants sont assez jeunes, six ou sept ans. C’est une chose délicieuse d’avoir stocké dans sa mémoire de beaux passages réconfortants et inspirants. Nous ne pouvons pas dire quand et comment cette sorte de semence peut germer, grandir et porter ses fruits ; mais l’apprentissage de la parabole du Fils prodigue, par exemple, ne doit pas être imposé aux enfants comme un fardeau. Toute la parabole doit leur être lue de manière à en faire ressortir la beauté et la tendresse ; puis, jour après jour, l’enseignant doit réciter un court passage, peut-être deux ou trois versets, en le répétant trois ou quatre fois jusqu’à ce que les enfants pensent le connaître. Ensuite, mais pas avant, laissez-les réciter le passage. Le lendemain, les enfants réciteront ce qu’ils ont déjà appris, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’ils soient capables de dire toute la parabole.
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15. L’arithmétique
La valeur éducative de l’arithmétique. – De toutes ses études précoces, aucune n’est peut-être plus importante pour l’enfant en tant que moyen d’éducation que l’arithmétique. Le fait qu’il doive faire des additions n’a qu’une importance relativement faible, mais l’utilisation des fonctions que l’addition met en jeu constitue une grande partie de l’éducation, à tel point que les partisans des mathématiques et ceux du langage en tant qu’instruments d’éducation se sont, jusqu’à une date récente, partagé le domaine à peu près également.
La valeur pratique de l’arithmétique pour les personnes de toutes les classes sociales va de soi. Mais l’utilisation de l’étude dans la vie pratique est la moindre de ses utilisations. La valeur principale de l’arithmétique, comme celle des mathématiques supérieures, réside dans l’entraînement qu’elle donne aux facultés de raisonnement, et dans les habitudes de perspicacité, de promptitude, de précision et de sincérité intellectuelle qu’elle engendre. Il n’y a pas de matière dans laquelle un bon enseignement ait plus d’effet, comme il n’y en a pas dans laquelle un enseignement négligé ait plus de résultats néfastes. Une multiplication ne donne pas la « bonne réponse », alors le garçon essaie avec une division ; là encore, il échoue, mais une soustraction peut le sortir du bourbier. Il ne voit pas qu’un seul processus, et un seul processus seulement, peut donner le résultat requis. Or, un enfant qui ne sait pas quelle règle appliquer à un problème simple à sa portée, a été mal éduqué dès le départ, même s’il peut produire des ardoises entières de calculs tout à fait corrects en multiplication ou en division longue.
Des problèmes à la portée de l’enfant. – Comment assurer cette perspicacité, cet exercice des pouvoirs de raisonnement ? Engagez l’enfant sur de petits problèmes à sa portée dès le début, plutôt que sur des calculs fixes. La jeune gouvernante se plaît à fixer une noble et « longue division » – 953.783.465 divisé par 873 – qui remplira l’ardoise de l’enfant et l’occupera pendant une bonne demi-heure ; et quand elle est terminée, et que l’enfant est fini aussi, épuisé par ce travail inutile, le calcul n’est finalement pas juste : les deux derniers chiffres du quotient sont faux, et le reste est faux. Mais il ne peut pas recommencer – il ne faut pas le décourager en lui disant que c’est faux ; le verdict est donc « presque juste », un jugement inadmissible en arithmétique. Au lieu de donner cette tâche laborieuse, qui ne laisse aucune place à l’effort intellectuel, et dans laquelle il finit par se perdre par manque d’attention, dites-lui :
« M. Jones a envoyé six cent sept pommes et M. Stevens huit cent dix-neuf pommes à partager entre les vingt-sept garçons de l’école lundi. Combien de pommes ont-ils reçu chacun ? »
Ici, il doit se poser certaines questions. « Combien de pommes au total ? Comment puis-je le savoir ? Ensuite, je dois diviser les pommes en vingt-sept tas pour connaître la part de chaque garçon. » C’est-à-dire que l’enfant perçoit les règles qu’il doit appliquer pour obtenir l’information demandée. Il est intéressé ; le travail se poursuit rapidement ; le calcul est fait en un rien de temps, et il est probablement juste, car l’attention de l’enfant est concentrée sur son travail. Il faut veiller à donner à l’enfant des problèmes qu’il peut travailler, mais qui sont suffisamment difficiles pour lui demander un petit effort mental.
Démontrer. – Le point suivant est de démontrer tout ce qui est démontrable. L’enfant peut apprendre la table de multiplication et faire une soustraction sans en comprendre la raison. Il peut même devenir un bon arithméticien, en appliquant les règles correctement, sans en visualiser le raisonnement ; mais l’arithmétique ne devient une formation mathématique élémentaire que dans la mesure où le pourquoi de chaque processus est clair pour l’enfant. 2 + 2 = 4 est un fait évident, qui n’admet guère de démonstration ; mais 4 x 7 = 28 peut être prouvé.
Il dispose d’un sac de haricots ; il place quatre rangées de sept haricots dans une rangée ; il additionne les rangées ainsi : 7 et 7 font 14, et 7 font 21, et 7 font 28 ; combien de sept en 28 ? 4. Par conséquent, il est donc juste de dire 4 x 7 = 28 ; et l’enfant voit que la multiplication n’est qu’une manière courte de faire l’addition.
Un sac de haricots, de jetons ou de boutons devrait être utilisé dans toutes les premières leçons d’arithmétique, et l’enfant devrait être capable de travailler librement avec ce matériel, et même d’additionner, de soustraire, de multiplier et de diviser mentalement, sans l’aide de boutons ou de haricots, avant qu’on lui demande de « faire des additions » sur son ardoise.
Il peut arranger une table d’addition avec ses haricots de cette façon :
0 0 0 = 3 haricots
0 0 0 0 = 4 haricots
0 0 0 0 0 = 5 haricots
et s’exercer dessus jusqu’à ce qu’il puisse dire, d’abord sans compter, puis sans regarder les haricots, que 2 + 7 = 9, etc.
Il en va de même pour 3, 4, 5, chacun des chiffres : à mesure qu’il apprend chaque ligne de sa table d’addition, il s’exerce sur des objets imaginaires : « 4 pommes et 9 pommes », « 4 noix et 6 noix », etc., et enfin, avec des nombres abstraits : 6 + 5, 6 + 8.
Un tableau de soustraction est élaboré en même temps que le tableau d’addition. Au fur et à mesure qu’il travaille sur chaque ligne d’additions, il parcourt le même chemin, en enlevant seulement un haricot, ou deux haricots, au lieu d’ajouter, jusqu’à ce qu’il soit capable de répondre assez facilement : 7 moins 2 ? 5 moins 2 ? Après avoir travaillé chaque ligne d’addition ou de soustraction, il peut l’inscrire sur son ardoise avec les signes appropriés, s’il a appris à écrire les chiffres. On s’apercevra qu’il faut un effort mental beaucoup plus important de la part de l’enfant pour saisir l’idée de la soustraction que celle de l’addition, et l’enseignante doit progresser lentement – quatre doigts moins un doigt, trois noix moins une noix, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il saisisse la logique.
Lorsque l’enfant peut ajouter et soustraire des nombres assez librement jusqu’à vingt, les tables de multiplication et de division peuvent être travaillées avec des haricots, jusqu’à 6 x 12 ; c’est-à-dire que « deux fois six font 12 » sera déterminé au moyen de deux rangées de haricots, six haricots dans une rangée.
Lorsque l’enfant peut dire facilement, sans même regarder ses haricots, 2 x 8 = 16, 2 x 7 = 14, etc., il prendra 4, 6, 8, 10, 12 haricots et les divisera en groupes de deux : combien de deux dans 10, dans 12, dans 20 ? Et ainsi de suite, avec chaque ligne de la table de multiplication qu’il élabore.
Les problèmes. – Il est maintenant prêt pour des problèmes plus ambitieux : ainsi, « Un garçon a deux fois dix pommes ; combien de tas de 4 pommes peut-il faire ? » Il sera capable de travailler avec des nombres variés, comme 7 + 5 – 3. S’il doit utiliser des haricots pour obtenir sa réponse, laissez-le faire ; mais encouragez-le à travailler avec des haricots imaginaires, comme une étape vers l’utilisation de nombres abstraits. Un enseignement rigoureusement progressif et un effort mental quotidien de la part de l’enfant à ce stade précoce peuvent être le moyen de développer une véritable puissance mathématique, et favoriseront certainement les habitudes de concentration et d’effort mental.
La notation. – Une fois que l’enfant est capable de travailler assez librement avec de petits nombres, il doit faire face à une difficulté sérieuse, dont la maîtrise complète conditionnera son appréciation de l’arithmétique en tant que science ; en d’autres termes, la valeur éducative de toutes les sommes qu’il fera désormais dépendra de la maîtrise de cette difficulté. Il faut lui faire comprendre notre système de notation. Ici, comme au début, il est préférable de commencer par le concret : que l’enfant comprenne l’idée de dix unités dans une dizaine après avoir maîtrisé l’idée plus facilement démontrable que dix pièces de 1 penny font une pièce de 10 pence.
Donnez-lui un tas de pennies, disons cinquante : faites-lui remarquer l’inconvénient de porter une monnaie aussi lourde dans les magasins. On utilise de l’argent plus léger : des shillings. Combien de pennies vaut un shilling ? Combien de shillings, alors, pourrait-il avoir pour ses cinquante pennies ? Il les divise en tas de douze, et découvre qu’il a quatre tas, et deux pennies de plus ; c’est-à-dire que cinquante pennies valent quatre shillings et deux pennies. J’achète dix livres de biscuits à cinq pence la livre ; ils coûtent cinquante pence, mais le commerçant me donne une facture de 4s. 2d. ; montrez à l’enfant comment poser : les pennies, qui valent le moins, à droite ; les shillings, qui valent le plus, à gauche.
Lorsque l’enfant est capable de travailler librement avec des shillings et des pence, et de comprendre que 2 dans la colonne de droite des chiffres sont des pence, 2 dans la colonne de gauche sont des shillings, introduisez-le à la notion de dizaines et d’unités, en vous assurant de travailler très progressivement. Parlez-lui des peuples non civilisés qui ne savent compter que jusqu’à cinq, qui disent « cinq-cinq bêtes dans la forêt », « cinq-cinq poissons dans la rivière », quand ils souhaitent exprimer un nombre immense. Nous pouvons compter si loin que nous pourrions compter toute la journée pendant des années sans arriver à la fin des nombres que nous pouvons nommer ; mais après tout, nous avons très peu de nombres pour compter, et très peu de chiffres pour les exprimer. Nous n’avons que neuf chiffres et un zéro : nous prenons le premier chiffre et le zéro pour exprimer un autre nombre, dix ; mais après cela, nous devons recommencer jusqu’à ce que nous obtenions deux dizaines, puis, encore une fois, jusqu’à ce que nous atteignions trois dizaines, et ainsi de suite. Nous appelons deux dizaines, vingt [twenty], trois dizaines, trente [thirty], parce que « ty » (tig) en anglais signifie dix.
Mais si je vois le chiffre 4, comment savoir si cela signifie quatre dizaines ou quatre unités ? De façon très simple. Les dizaines ont une place qui leur est propre ; si vous voyez le chiffre 6 à la place des dizaines, vous savez que cela signifie soixante. Les dizaines sont toujours placées derrière les unités : lorsque vous voyez deux chiffres côte à côte, ainsi, « 55 », le chiffre de gauche représente autant de dizaines ; soit, dix fois plus que le premier.
Laissez l’enfant travailler avec les dizaines et les unités seulement jusqu’à ce qu’il maîtrise l’idée de la valeur décuplée du chiffre de gauche, et qu’il rie de la folie d’écrire 7 dans cette colonne, sachant que cela deviendrait alors soixante-dix. Il est alors prêt pour le même genre d’exercices avec les centaines, et comprend facilement la nouvelle idée si le principe lui a été clairement expliqué, à savoir que chaque déplacement vers la gauche signifie une multiplication par dix de la valeur d’un nombre. En attendant, ne lui « faites pas faire » de calculs. Qu’il ne travaille jamais avec des chiffres dont la notation lui échappe, et quand il en vient à « mettre des retenues » dans une addition ou une multiplication, qu’il ne dise pas qu’il retient « deux » ou « trois », mais « deux dizaines » ou « trois centaines », selon le cas.
Les poids et les mesures. – Si à ce stade, l’enfant n’a pas compris les bases, il fera toujours ses calculs à vue de nez. Sur le même principe, qu’il apprenne les « poids et les mesures » en mesurant et en pesant ; qu’il ait une balance et des poids, du sable ou du riz, du papier et de la ficelle, et qu’il pèse et fasse des paquets parfaits, des onces, des livres, etc. Les paquets, bien qu’ils ne soient pas arithmétiques, sont éducatifs et permettent d’exercer considérablement le jugement ainsi que le soin, l’habileté et la rapidité. De la même manière, laissez-le travailler avec un bâton long d’un pied et un autre long d’un yard, et dresser lui-même ses tableaux. Qu’il ne se contente pas de mesurer et de peser tout ce qui peut l’être, mais qu’il utilise son jugement sur les questions de mesure et de poids. Combien de yards de long mesure la nappe ? Combien de pieds, en longueur et en largeur, mesure une carte ou une image ? Combien pèse un livre empaqueté à expédier ? La disposition que l’on acquiert ainsi est précieuse dans les affaires de la vie et, ne serait-ce que pour cette raison, elle devrait être cultivée chez l’enfant. En mesurant et en pesant des quantités concrètes, l’écolier est prêt à se faire une première idée de ce qu’est une « fraction », une demi-livre, un quart de mètre, etc.
L’arithmétique est un moyen pour former les habitudes. – L’arithmétique est un moyen précieux de former les enfants à des habitudes de stricte exactitude, mais l’ingéniosité qui fait que cette science exacte tend à favoriser des habitudes d’esprit négligentes, un mépris de la vérité et de l’honnêteté commune, est digne d’admiration ! Sous la direction d’un enseignant incompétent, les enfants copient, soufflent la bonne réponse, s’entraident, trichent, en vue de trouver la bonne réponse. Tout cela suffit à vicier n’importe quel enfant. Et l’habitude de permettre qu’un calcul soit presque juste, deux chiffres faux, etc., est tout aussi défectueuse. Un calcul ne peut être qu’erroné, ou juste – ça ne peut pas être quelque chose entre les deux. Ce qui est fauxdoit rester faux : l’enfant ne doit pas grandir avec l’idée que le mal peut être transformé en bien. L’avenir est devant lui : il peut réussir la prochaine addition, et la sage institutrice se chargera de veiller à ce qu’il y parvienne, et qu’il reparte avec un nouvel espoir. Mais la mauvaise addition doit être laissée de côté. C’est pourquoi ses progrès doivent être soigneusement gradués ; car il n’y a pas de matière dans laquelle l’enseignante ait plus conscience de faire naître de jour en jour de nouvelles forces chez l’enfant. Ne lui offrez pas de béquille : c’est par sa propre force qu’il doit avancer. Donnez-lui des additions courtes, en mots plutôt qu’en chiffres, et excitez son enthousiasme afin qu’il soit concentré, attentionné et rapide dans son travail. Faites en sorte que la leçon d’arithmétique soit un exercice quotidien de réflexion et d’exécution rapide et soignée, et la croissance mentale de l’enfant sera aussi évidente que la germination des semis au printemps.
L’A B C Arithmetic. – Plutôt que de m’étendre sur le sujet de l’enseignement de l’arithmétique élémentaire, je voudrais renvoyer le lecteur au livre de MM. Sonnenschein & Nesbit, ABC Arithmetic.
Les auteurs ont fondé leur méthode sur le passage suivant de la Logique de John Stuart Mill : « Les vérités fondamentales de la science des Nombres reposent toutes sur le témoignage des sens. On les prouve en montrant à nos yeux et à nos doigts qu’un nombre donné d’objets, dix boules, par exemple, peuvent, diversement séparées et arrangées, offrir à nos sens tous les groupes de nombres dont la somme est égale à dix. Toutes les méthodes perfectionnées de l’enseignement de l’arithmétique aux enfants procèdent de la connaissance de ce fait. Lorsqu’on désire aujourd’hui mettre l’esprit de l’enfant de moitié dans l’étude de l’arithmétique, lorsqu’on veut enseigner les nombres et non simplement des chiffres, on procède comme nous venons de le dire, par le témoignage des sens. »
Nous pouvons ici, je pense, tracer la source solitaire de faiblesse d’un manuel d’une excellence surpassable. Il est tout à fait vrai que les vérités fondamentales de la science des nombres reposent toutes sur l’évidence des sens mais, après avoir utilisé ses yeux et ses doigts sur dix boules ou vingt boules, sur dix noix, ou feuilles, ou moutons, ou autre chose encore, l’enfant a formé l’association d’un nombre donné avec des objets, et est capable de concevoir l’association de divers autres nombres avec des objets. En fait, il commence à penser en nombre et non en objets, c’est-à-dire qu’il commence les mathématiques. C’est pourquoi j’ai tendance à penser qu’un système élaboré avec des bâtons, des cubes, etc., au lieu de dizaines, de centaines, de milliers, constitue une erreur en embarrassant l’esprit de l’enfant avec trop d’enseignements, et en faisant en sorte que l’illustration occupe une place plus importante que la chose illustrée.
Les dominos, les haricots, les figures graphiques dessinées sur le tableau noir, etc., sont, en revanche, des aides pour l’enfant lorsqu’il a besoin de concevoir un grand nombre avec le matériel utilisé pour un petit nombre ; mais voir le symbole d’un grand nombre et manipuler ce symbole sont des choses bien différentes.
A cette petite exception près, qui ne gêne en rien l’usage des livres, rien ne peut être plus enthousiasmant que l’analyse attentive des nombres et la belle graduation du travail, « une seule difficulté à la fois étant présentée à l’esprit. » Les exemples et les petits problèmes n’ont pu être inventés que par des écrivains appréciés des enfants. Je conseille au lecteur intéressé par l’enseignement de l’arithmétique de lire l’article de M. Sonnenschein, The Teaching of Arithmetic in Elementary Schools[L’enseignement de l’arithmétique dans les écoles élémentaires], dans l’un des volumes publiés par le Board of Education [Bureau de l’éducation].
La préparation aux mathématiques. – Dans les années 1840 et 1850, on pensait que la perception continuelle des signes extérieurs et visibles (formes et figures géométriques) devait engendrer la grâce intérieure et spirituelle du génie mathématique ou, en tout cas, un penchant pour les mathématiques. Mais les pédagogues de cette époque ont oublié, quand ils ont donné aux enfants des boîtes de « formes » et qu’ils ont collé des cubes, des hexagones, des pentagones et autres dans tous les espaces disponibles des salles de classe, l’immense capacité à s’ennuyer qui nous est commune à tous et qui est beaucoup plus développée chez les enfants que chez les adultes. Les objets ou les personnes qui nous ont ennuyés, semblent occuper une place dégarnie dans l’esprit, et la pensée s’en détourne avec une aversion maladive. Dickens nous en a montré le pathos dans la salle de classe du petit Gradgrind, qui était abondamment pourvue d’objets aux contours inflexibles. Ruskin, plus généreusement, expose l’erreur. Sans aucun doute, les formes géométriques abondent, – les ossatures dont la beauté vivante est le revêtement, dans le contour et le geste, dans la colline et la plante ; et l’ossature est belle et merveilleuse pour l’esprit qui a déjà passé les portes de la géométrie. Cependant il ne faut pas présenter aux enfants l’ossature, mais les formes vivantes qui le recouvrent. D’ailleurs, n’est-ce pas une méthode inverse que de familiariser l’œil de l’enfant avec les motifs réalisés par son compas, ou cousus sur sa carte, dans l’espoir que la forme engendrera l’idée ? Pour le novice, la règle est probablement que l’idée doit engendrer la forme, et toute suggestion d’une idée à partir d’une forme ne vient qu’aux initiés. Je ne pense pas qu’une préparation directe aux mathématiques soit souhaitable. L’enfant, à qui l’on a permis de réfléchir et qui n’a pas été contraint de bachoter, salue avec joie la nouvelle étude quand le moment est venu. La raison pour laquelle les mathématiques sont une grande étude est qu’il existe dans l’esprit normal une affinité et une capacité pour cette étude ; et une trop grande élaboration, que ce soit de l’enseignement ou de la préparation, a, je pense, tendance à prendre le pas sur cet intérêt intellectuel naturel.
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16. La philosophie naturelle
Une base de faits. – En ce qui concerne l’enseignement de la Philosophie Naturelle, je rappellerai seulement au lecteur ce qui a été dit dans un chapitre précédent, à savoir qu’il n’y a pas de partie de l’éducation d’un enfant qui soit plus importante que celle qui consiste à lui permettre de constituer, par sa propre observation, une large base de faits en vue des connaissances scientifiques futures. Il doit vivre des heures chaque jour en plein air et, autant que possible, à la campagne ; il doit regarder, toucher et écouter ; il doit être prompt à noter, consciemment, chaque particularité et chaque habitude chez les bêtes, les oiseaux ou les insectes ; le mode de croissance et de fructification de chaque plante. Il doit avoir l’habitude de demander pourquoi – pourquoi le vent souffle-t-il ? Pourquoi la rivière coule-t-elle ? Pourquoi les foliaires du bourgeon sont-ils collants ? Et ne vous empressez pas de répondre à ses questions à sa place ; laissez-le réfléchir à ses difficultés aussi loin que sa petite expérience le lui permet. Surtout, lorsque vous venez à la rescousse, que ce ne soit pas avec la formule « sèche et raccourcie » d’un petit manuel misérable ; donnez-lui toutes les informations disponibles et vous constaterez que sur de nombreuses questions scientifiques, l’enfant peut être amené d’emblée au niveau de la pensée moderne. Ne l’embarrassez pas avec trop de nomenclatures scientifiques. S’il découvre par lui-même (aidé, peut-être, par une ou deux questions directrices), en comparant une huître et son chat, que certains animaux ont une colonne vertébrale et d’autres non, il est moins important qu’il apprenne les termes vertébrés et invertébrés que de classer les animaux qu’il rencontre en fonction de cette différence.
« Différence entre voir et observer ». – La méthode de ce type d’enseignement est présentée dans Les soirées au Logis, lors de la promenade de Robert et William. Robert s’est ennuyé ; il n’a rien vu, ne s’est pas intéressé à quoi que ce soit, tandis que William est tout excité de discuter d’une centaine de choses qui l’ont intéressé. Comme j’ai déjà essayé de le faire remarquer, obtenir ce genre d’instruction pour lui-même est tout simplement dans la nature d’un enfant : le travail des parents est de lui offrir des opportunités abondantes et variées, et de diriger ses observations, de sorte que, connaissant peu les principes de la classification scientifique, il se fournisse inconsciemment les matériaux de cette classification. Il est inutile de répéter ce qui a déjà été dit à ce sujet ; mais, en effet, l’avenir de l’homme ou de la femme dépend en très grande partie de la réserve de connaissances réelles accumulées, et des habitudes d’observation intelligente acquises par l’enfant. « Pensez-vous, dit M. Herbert Spencer, que ce roc arrondi, strié de déchirures parallèles, évoque autant de poésie dans l’esprit ignorant que dans celui du géologue qui sait qu’un glacier a glissé sur lui il y a un million d’années ? La vérité est que ceux qui n’ont jamais pénétré dans les domaines de la science sont aveugles à la plus grande partie de la poésie qui les entoure. Celui qui n’a pas, dans sa jeunesse, collectionné des insectes et des plantes, ignore l’intérêt que présentent les chemins et les haies. »
Les principes. – Dans ce contexte, je voudrais recommander The Sciences, de M. Holden. L’Amérique arrive en tête avec un manuel scolaire qui me tient à cœur. The Sciences est un titre rébarbatif, mais depuis les Scientific Dialogues de Joyce, je n’ai rien rencontré de semblable qui s’approche aussi bien de l’esprit sensible et intelligent d’un enfant. C’est ce que nous pouvons appeler un livre « de première main ». Bien sûr, toutes les connaissances ont été acquises, mais elles ont été assimilées, et M. Holden écrit librement à partir de la connaissance qu’il a de son sujet et de ses lecteurs. Le livre a été conçu sous la forme de conversations entre enfants – des conversations simples, sans fioritures. Environ trois cents sujets sont traités : les dunes de sable, le verglas, Herculanum, le draguage, les ouragans, les échos, le prisme, le scaphandre, la Voie lactée et, devrais-je dire, tout le reste ? L’incroyable habileté de l’auteur se manifeste dans le fait qu’il n’y a rien de superficiel ni de précipité dans le traitement d’un sujet, mais que chacun d’eux tombe naturellement et facilement sous la rubrique d’un principe qu’il élucide. De nombreuses expériences simples sont incluses, et l’auteur insiste pour qu’elles soient réalisées par les enfants eux-mêmes. J’ose citer un extrait de la préface singulièrement sage, un vade-mecum pour les enseignants :
« L’objet du présent volume est de présenter des chapitres à lire à l’école ou à la maison qui élargiront sensiblement les perspectives des écoliers américains dans le domaine de la science et des applications de la science aux arts et à la vie quotidienne. Il ne s’agit en aucun cas d’un manuel scolaire, bien que les principes fondamentaux qui sous-tendent les sciences traitées y soient énoncés. Son objectif principal est d’aider l’enfant à comprendre le monde matériel qui l’entoure. »
Être compris par les enfants. – « Tous les phénomènes naturels sont ordonnés ; ils sont régis par des lois ; ils ne sont pas magiques. Ils sont compris par quelqu’un ; pourquoi pas par l’enfant lui-même ? Il n’est pas possible d’expliquer tous les détails d’une locomotive à un jeune élève, mais il est parfaitement possible d’en expliquer les principes de telle sorte que cette machine, comme les autres, devienne un simple cas particulier de certaines lois générales bien comprises. L’objectif du livre est d’éveiller l’imagination ; de transmettre des connaissances utiles, d’ouvrir les portes de la sagesse, son but particulier est de stimuler l’observation et de susciter un intérêt vivant et durable pour le monde qui nous entoure.
« Les sciences de l’astronomie, de la physique, de la chimie, de la météorologie et de la physiographie sont traitées aussi complètement et aussi profondément que les conditions le permettent ; et les leçons qu’elles enseignent sont renforcées par des exemples tirés de choses familières et importantes. En astronomie, par exemple, l’accent est mis sur des phénomènes que l’enfant peut observer lui-même, et on lui montre comment s’y prendre. Le lever et le coucher des étoiles, les phases de la Lune, l’utilisation du télescope, sont expliqués en termes simples. Le mystère de ces questions, et d’autres, n’est pas magique, comme le suppose d’abord l’enfant. C’est vers des mystères plus profonds que son attention est ici dirigée. Les phénomènes simples sont traités comme des cas particuliers de lois très générales. Le même procédé est suivi dans l’exposé des autres sciences.
« Les phénomènes familiers, comme ceux de la vapeur, des ombres, de la lumière réfléchie, des instruments de musique, des échos, etc., sont ramenés à leurs causes fondamentales. Chaque fois que cela est souhaitable, des expériences simples sont décrites et entièrement illustrées, et toutes ces expériences peuvent très bien être répétées dans la salle de classe. (…) Cet ouvrage est le résultat de la conviction sincère que l’on peut faire beaucoup pour aider les jeunes enfants à comprendre le monde matériel dans lequel ils vivent, et du désir de participer à un travail qui en vaut la peine. »
Je ne peux m’empêcher de citer également à ce propos un article (Parents’ Review, avril 1904) du Révérend H. H. Moore ayant pour sujet l’expérience d’une éducation rationnelle menée par un pionnier oublié. Ce pionnier était le révérend Richard Dawes, autrefois recteur de la paroisse de Kings Somborne, dans le Hampshire, qui, en 1841, s’est penché sur le problème de l’éducation rationnelle dans un village agricole, dont la population était exceptionnellement ignorante et avilie. Toute l’histoire est d’un grand intérêt, mais notre préoccupation est la question de la philosophie naturelle, la base de l’enseignement dispensé dans cette école.
Enseigner dans une école de village. – M. Dawes explique ainsi son objectif : « J’ai cherché à enseigner ce qui serait profitable et intéressant pour les personnes occupant les fonctions que les enfants étaient susceptibles d’occuper. J’ai voulu leur enseigner ce que l’on peut appeler la philosophie des choses communes de la vie quotidienne. On leur a montré tout ce qu’il y a d’intéressant et d’avantageux à connaître dans les objets naturels qui leur sont familiers ; on leur a expliqué et fait connaître les principes de divers phénomènes naturels, ainsi que les principes et la construction de divers instruments utiles. Un tour pratique était donné à tout enseignement ; les usages et les fruits des connaissances acquises étaient toujours gardés en vue. » Une liste de quelques-unes des matières incluses dans ce genre d’enseignement sera le meilleur commentaire sur le programme de M. Dawes :
« Certaines des propriétés de l’air, en expliquant comment sa pression leur permet de pomper de l’eau, de s’amuser avec des jets et des pistolets à bouchon, d’aspirer de l’eau avec une paille ; en expliquant également les principes et la construction d’un baromètre, de la pompe commune, de la cloche de plongée, d’une paire de soufflets. Que l’air se dilate sous l’effet de la chaleur se démontre en plaçant une vessie à moitié gonflée près du feu, où les plis disparaissent. Pourquoi la fumée de cheminée s’élève parfois facilement dans l’air, et parfois non ; pourquoi y a-t-il un courant d’air dans la cheminée, sous la porte et vers le feu. L’air en tant que véhicule du son, et pourquoi l’éclair d’un tir de pistolet lointain est vu avant que le bruit ne soit entendu ; comment calculer la distance d’un orage ; la différence de vitesse à laquelle différents matériaux conduisent le son. L’eau et ses propriétés, son état solide, fluide et vaporeux ; pourquoi les conduits d’eau sont rompus par le gel ; pourquoi la glace se forme et flotte à la surface des étangs et non au fond ; pourquoi le couvercle de la bouilloire se soulève lorsque l’eau bout sur le feu ; les utilisations de la puissance de la vapeur ; l’évolution progressive de la machine à vapeur, montrée par des modèles et des diagrammes ; comment leurs vêtements sèchent et pourquoi ils ont froids lorsqu’ils sont assis dans des vêtements humides ; pourquoi un lit humide est si dangereux ; pourquoi un corps flotte-t-il dans l’eau et un autre coule-t-il ; les différentes densités de l’eau de mer et de l’eau douce ; pourquoi, en entrant dans l’école par un matin froid, ils voient parfois une quantité d’eau sur la vitre, et pourquoi à l’intérieur et non à l’extérieur ; pourquoi, par un jour de gel, leur souffle est visible sous forme de vapeur ; les substances que l’eau contient en solution, et comment leur eau potable est affectée par le type de sol qu’elle a traversé. La rosée, sa valeur et les conditions nécessaires à sa formation ; placer des portions égales de laine sèche sur du gravier, du verre et de l’herbe et les peser le lendemain matin. La chaleur et ses propriétés ; comment se fait-il que le forgeron puisse fixer si solidement des cerceaux de fer sur les roues des charrettes et des brouettes ; quelles sont les précautions à prendre pour poser les rails des chemins de fer et pour construire des ponts en fer, etc ; quels matériaux sont de bons ou de mauvais conducteurs de chaleur ; pourquoi, à la même température, certains sont plus froids au toucher que d’autres ; pourquoi un verre se brise parfois lorsqu’on y verse de l’eau chaude, et si un verre épais ou mince serait plus susceptible de se fendre ; pourquoi on peut faire bouillir de l’eau dans une bouilloire en papier ou dans une coquille d’œuf sans qu’elle soit brûlée. Les métaux, leurs sources, leurs propriétés et leurs utilisations ; le mode de séparation des minerais. La lumière et ses propriétés, illustrées par des prismes, etc. ; l’adaptation de l’œil ; les causes de l’hypermétropie et de la myopie. Les principes mécaniques des outils les plus couramment utilisés, la bêche, la charrue, la hache, le levier, etc. »
« Certains peuvent s’étonner, en lisant attentivement la liste ci-dessus, que de tels sujets aient pu être enseignés aux enfants d’une école primaire rurale. Mais c’est un fait indéniable qu’ils ont été enseignés à l’école Kings Somborne, et avec tant de succès que les enfants ont été à la fois intéressés et bénéficiaires de l’enseignement. M. Dawes, en réponse à l’objection selon laquelle de tels sujets sont au-dessus de la compréhension des jeunes, a dit : « Le signe distinctif des lois de la Nature est leur extrême simplicité. Il faut sans doute une intelligence d’un ordre élevé pour découvrir ces lois ; cependant, une fois qu’elles ont été élaborées, elles sont à la portée d’un enfant ; en bref, les principes de la philosophie naturelle sont les principes du bon sens, et si on les enseigne d’une manière simple et conforme au bon sens, les enfants les comprendront rapidement et s’y intéresseront avec empressement ; et on constatera qu’avec des élèves de dix à douze ans, on peut faire beaucoup pour former des habitudes d’observation et de recherche. » Un tel fait, je pense, suggère quelques leçons pratiques précieuses pour ceux qui ont la responsabilité de décider des sujets à inclure dans un système éducatif pour enfants. »
En lisant cette remarquable expérience, nous avons le sentiment que nous devons immédiatement nous assurer les services d’un homme aussi accompli que feu Dean Dawes pour enseigner à notre Jack et notre Elsie ; mais c’est déjà quelque chose de réaliser ce que ces jeunes gens devraient savoir, et M. Holden a beaucoup fait pour nous. Certains des chapitres de The Sciences ne sont peut-être pas à la portée des enfants de moins de neuf ans, mais ils seront capables d’en maîtriser une bonne partie. Une chose doit être gardée à l’esprit : rien ne doit être fait sans l’expérimentation nécessaire. D’ailleurs, notre vieil ami, Joyce et ses Scientific Dialogues, s’il est encore disponible, décrit un grand nombre d’expériences faciles et intéressantes que les enfants peuvent réaliser eux-mêmes.
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17. La géographie
La géographie est, à mon avis, une matière de grande valeur éducative ; mais pas parce qu’elle offre les moyens d’une formation scientifique. La géographie présente effectivement des problèmes, particulièrement intéressants, et fournit des matériaux de classification ; mais seule la géographie physique répond à la définition d’une science, et même celle-ci est plutôt un compendium des résultats de plusieurs sciences qu’une science elle-même. Mais la valeur particulière de la géographie réside dans sa capacité à nourrir l’esprit d’idées et à fournir des images à l’imagination. C’est en cela que réside la valeur éducative de la géographie.
Comment est-elle communément enseignée ? – Comment cette matière est-elle communément enseignée ? L’enfant apprend les noms des capitales de l’Europe, ou des fleuves d’Angleterre, ou des montagnes de l’Écosse, dans quelque pauvre manuel, avec la longueur en miles, la hauteur en pieds, et le nombre d’habitants, trouvant les noms sur sa carte ou non, selon que son professeur est plus ou moins à la hauteur de son travail. Pauvre petit bonhomme ! La leçon est un travail difficile pour lui ; mais pour ce qui est de l’éducation – c’est-à-dire le développement de la capacité, la formation de l’esprit – il serait mieux employé à observer la progression d’une mouche sur la vitre d’une fenêtre. Mais, direz-vous, la géographie a une autre utilité que celle strictement éducative ; tout le monde veut le genre d’information que la leçon de géographie devrait offrir. C’est vrai, et il faut le garder à l’esprit dans la salle de classe ; la leçon de géographie de l’enfant devrait fournir exactement le genre d’informations que les adultes veulent posséder. A présent, pensez à quel point nous sommes déraisonnables dans cette affaire ; rien ne nous persuadera de lire un livre de voyage à moins qu’il ne soit intéressant, imagé, avec une touche d’aventure. Même lorsque nous nous déplaçons avec Murray en main, nous sautons les faits et les chiffres secs, et lisons les passages imagés attrayants ; c’est le genre de choses que nous aimons savoir et dont nous nous souvenons facilement. Mais l’enfant n’a le droit à aucune de ces lectures agréables ; s’il vous plaît, ne lui donnez pas de petites phrases illustrées dont il pourrait rêver ; des faits, des noms et des chiffres, voilà le pabulum pour lui !
La géographie devrait être intéressante. – Mais, dites-vous, ce genre de connaissances, bien que ce soit un travail pour l’enfant de les acquérir, est utile dans la vie ultérieure. Pas du tout, et pour cette raison, elles n’ont jamais été réellement reçues par le cerveau, elles ne sont jamais allées plus loin que les nébuleuses flottantes de la simple mémoire verbale dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. La plupart d’entre nous ont besogné en ce qui concerne les leçons de « géographie », mais de quoi nous souvenons-nous ? Juste des bribes agréables que nous avons entendues de la bouche d’amis voyageurs, à propos du Rhin, de Paris ou de Venise, ou des extraits des Voyages du capitaine Cook, ou d’autres récits agréables de voyages et d’aventures. Nous commençons à voir les lignes de conduite que nous devons suivre dans l’enseignement de la géographie : à des fins éducatives, l’enfant doit apprendre la géographie, et de telle manière, que son esprit soit rempli d’idées et son imagination d’images ; à des fins pratiques, il doit apprendre les éléments de géographie dont, compte tenu de la nature de son esprit, il sera capable de se souvenir ; en d’autres termes, il doit apprendre ce qui l’intéresse. L’éducatif et le pratique vont de pair, et la leçon de géographie devient la plus charmante occupation de la journée de l’enfant.
Comment commencer. – Mais comment commencer ? En premier lieu, l’enfant acquiert ses notions rudimentaires de géographie comme il acquiert ses premières notions de sciences naturelles, au cours de ces longues heures à l’extérieur dont nous avons déjà compris l’importance. Un bassin alimenté par une simple coupe dans les champs expliquera la nature d’un lac, transportera l’enfant dans les magnifiques lacs des Alpes, au grand lac africain de Livingstone, dans lequel il était ravi de voir ses enfants « pagayer » – « ses propres enfants “pagayant’’ dans son propre lac. » Dans ce contexte, il y aura beaucoup de discussions agréables à propos des lieux, de la « géographie illustrée », jusqu’à ce que l’enfant connaisse par leur nom et leur nature les grands fleuves et les montagnes, les déserts et les plaines, les villes et les pays du monde. En même temps, il acquiert ses premières notions d’une carte à partir d’un croquis grossier, quelques lignes et points, faits au crayon et au papier ou, mieux encore, avec un bâton dans le sable ou le gravier. « Cette ligne tortueuse est le Rhin ; mais vous devez imaginer les radeaux, l’île avec la tour aux Souris de Bingen, l’île des Sœurs, et le reste. Voici les collines, avec leurs châteaux en ruine – de ce côté-ci, de ce côté-là. Ce point, c’est Cologne, » etc. Surtout, faites en sorte que ces discussions couvrent tous les paysages et les intérêts de la nation que vous connaissez, de sorte que, lorsqu’il regardera la carte de l’Angleterre, il trouvera une vingtaine de noms familiers qui lui évoqueront des paysages – des endroits où « Mère est allée », – les îlots boisés et fleuris de la Tamise ; les douces collines du Sussex, tapissées d’un doux gazon et de campanules qui hochent la tête, où il est agréable de courir et de se rouler ; les landes de York ou du Devon pleines de myrtilles et de bruyères : et donnez-lui toujours un croquis de la route que vous avez empruntée au cours d’un voyage donné.
Et ensuite ? – Donnez-lui ensuite une connaissance intime, avec les détails les plus complets, de n’importe quel pays ou région du monde, de n’importe quelle région ou département de son propre pays. Il n’est pas nécessaire qu’il apprenne à ce stade ce que l’on appelle la « géographie » des pays d’Europe, des continents du monde – de simples séries de noms pour la plupart : il peut les apprendre, mais il est à peu près certain qu’il ne s’en souviendra pas. Permettez-lui plutôt de se sentir chez lui dans n’importe quelle région ; de voir, avec l’œil de l’esprit, les gens à leur travail et à leurs loisirs, les fleurs et les fruits au cours de leurs saisons, les animaux, chacun dans son habitat ; de voir tout cela avec sympathie, et pour cela, qu’il suive les aventures d’un voyageur ; et il en saura plus, il aura plus d’idées que s’il avait appris tous les noms sur toutes les cartes. Le « moyen » de ce genre d’enseignement est très simple et évident ; lisez-lui, petit à petit, en lui expliquant, Tropical World d’Hartwig, le même auteur que Polar World, les voyages missionnaires de David Livingstone, Unbeaten Tracks in Japan de Mme Bishop – en fait, tout livre de voyage intéressant et bien écrit. Il peut être nécessaire de laisser de côté une grande partie du texte, mais chaque anecdote illustrée, chaque élément de description, contribue à l’éducation de l’enfant. Ici, comme ailleurs, la question n’est pas de savoir combien de choses il connaît, mais ce qu’il sait de chaque chose.
Les cartes. – Les cartes doivent être utilisées avec soin dans ce genre de travail, – une esquisse de carte suivant la progression du voyageur, pour être finalement comparée à une carte complète de la région ; et l’enseignant demandera une description exacte de telle ou telle ville, et tel ou tel quartier, marqués sur la carte, afin de tester et de confirmer les connaissances exactes de l’enfant. De cette façon aussi, il acquiert des notions intelligentes de géographie physique ; au cours de ses lectures, il tombe sur la description d’un volcan, d’un glacier, d’un canyon, d’un ouragan ; il entend tout, demande et apprend le comment et le pourquoi de tels phénomènes au moment où cela excite son intérêt. En d’autres termes, il apprend comme ses aînés choisissent d’apprendre pour eux-mêmes, bien qu’ils permettent rarement aux enfants de s’engager dans des voies aussi agréables.
Quelles connaissances générales un enfant de neuf ans devrait-il avoir ? – Supposons qu’entre la sixième et la neuvième année de l’enfant, une demi-douzaine de livres de voyage de référence bien choisis aient été lus avec lui de cette façon, il aura acquis des idées distinctes des profils, des productions et des manières des gens de chaque grande région du monde ; il aura accumulé une réserve de connaissances fiables et précieuses qui dureront toute sa vie ; et de plus, il aura commencé à acquérir le goût des livres et l’habitude de lire. Des livres tels que Voyage in the Sunbeam de Lady Brassey devraient être évités, car ils couvrent trop de connaissances et sont susceptibles d’engendrer une certaine confusion d’idées.
Les connaissances particulières. – Mais nous considérons les leçons comme des « instruments d’éducation » ; et le type de connaissances sur le monde que j’ai indiqué sera plutôt transmis par des lectures pendant « l’Heure des enfants » et à d’autres moments que par le biais des leçons. Je ne connais rien d’aussi excellent que le bon vieux World at Home de Mary et Elizabeth Kirby (pour les leçons) pour les enfants de six à sept ans. En écoutant, ils s’étonnent, admirent, imaginent, et peuvent même « jouer » une centaine de situations. Les premières idées de géographie, les leçons sur les lieux, qui devraient rendre l’enfant attentif à la géographie locale, aux caractéristiques de son propre voisinage, à ses hauteurs et ses creux, à ses terrains plats, à ses ruisseaux et à ses étangs, devraient être acquises, comme nous l’avons vu, à l’extérieur, et devraient le préparer à une certaine généralisation, c’est-à-dire qu’il devrait être capable de découvrir les définitions de rivière, d’île, de lac, etc., et les fabriquer lui-même dans un bac de sable ou les dessiner au tableau.
Les définitions. – Mais les définitions devraient découler de ses expériences. Avant de lui apprendre ce qu’est une rivière, il doit avoir observé un ruisseau et constaté qu’il coule ; et ainsi de suite.
Les enfants simulent facilement les connaissances, et à ce stade, l’enseignant devra veiller à ce que rien de ce que l’enfant reçoit ne soit du verbiage, mais que chaque généralisation soit élaborée en quelque sorte de la manière suivante : l’enfant observe un fait, comme, par exemple, une large étendue de terrain plat ; l’enseignant amplifie. Il lit dans son livre à propos de la Pampa, ou des pays plats du nord-ouest de l’Europe, ou de la Hollande de notre propre côte orientale, et, peu à peu, il est prêt à recevoir l’idée d’une plaine et à la montrer sur son plateau de sable.
Les idées fondamentales. – Dès l’âge de sept ans, ou avant, l’enfant a besoin de nouvelles connaissances. Il a lu des choses sur les pays chauds et les pays froids, il a observé les saisons et le lever et le coucher du soleil, il s’est dit :
« Brille, brille petite étoile
Dans la nuit qui se dévoile »
Il sait quelque chose de l’océan et de la mer, il a observé la marée montante et descendante, il a vu de nombreux croquis de cartes et en a fait lui-même, et il a sans doute remarqué les lignes entrecroisées d’une « vraie » carte ; autrement dit, son esprit est préparé à la connaissance dans diverses directions ; il y a un certain nombre de choses concernant la géographie qu’il veut vraiment savoir.
La forme et les mouvements de la terre sont des idées fondamentales, difficiles à saisir, mais la difficulté est d’une nature qui augmente avec les années. Dans chaque cas, le principe est assez simple, et l’enfant ne se préoccupe pas, comme le font ses aînés, de l’ampleur énorme de l’échelle sur laquelle se déroulent les opérations dans l’espace. Il est probable que l’imagination débordante d’un enfant le place au même niveau que le mathématicien lorsqu’il s’agit de traiter du système planétaire, du comportement et du caractère de la Terre, des causes des saisons, et de bien d’autres choses encore.
La signification d’une carte. – Là encore, la géographie devrait être apprise principalement à partir de cartes. Des lectures illustrées et des exposés familiarisent l’enfant avec le sujet, mais dès que ses leçons de géographie deviennent précises, elles doivent être apprises, en premier lieu, à partir des cartes. C’est un principe important à garder à l’esprit. L’enfant qui ne retire aucune idée en regardant la carte, disons de l’Italie ou de la Russie, n’a aucune connaissance de la géographie, quel que soit le nombre de faits sur les lieux qu’il peut produire. Il doit donc commencer cette étude en apprenant la signification d’une carte et comment l’utiliser. Il doit apprendre à dessiner à l’échelle le plan de sa salle de classe, etc., passer au plan d’un champ, réfléchir à la manière de faire le plan de sa ville, et passer progressivement de l’idée de plan à celle de carte, en commençant toujours par se mettre à la place d’un explorateur qui trouve une terre et la mesure, et qui, au moyen du soleil et des étoiles, est capable de noter exactement où elle se trouve sur la surface de la terre, à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud.
Alors, il comprendra la signification des lignes de latitude et de longitude. Il apprendra comment la mer et la terre, les rivières et les montagnes sont représentées sur une carte ; et ayant appris ses points de direction et l’utilisation de sa boussole, et sachant que les cartes sont toujours faites comme si l’observateur regardait vers le nord, il sera en mesure, très tôt, de dire beaucoup de choses sur la position, la direction, et bien d’autres choses. Les idées fondamentales de la géographie et la signification d’une carte sont des sujets qui se prêtent bien à une introduction attrayante à cette étude. Certaines de ces idées devraient éveiller le charmant intérêt qui s’attache dans l’esprit d’un enfant à ce qui est merveilleux, incompréhensible, tandis que les leçons de carte devraient conduire à des efforts mécaniques tout aussi charmants. Ce n’est que lorsqu’ils sont présentés à l’enfant pour la première fois sous forme de connaissances obsolètes et de conclusions toutes faites que les faits enseignés dans ces leçons lui paraissent secs et repoussants. Il faut s’efforcer de traiter le sujet avec l’intérêt sympathique et la fraîcheur qui attirent les enfants vers une nouvelle étude.
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18. L’histoire
Un réservoir d’idées. – Beaucoup de ce qui a été dit au sujet de l’enseignement de la géographie s’applique également à l’histoire. Voilà une matière qui devrait être pour l’enfant un inépuisable réservoir d’idées, qui devrait enrichir les pièces de sa Belle Maison de mille tableaux, plein de pathos et d’héroïsme, et qui devrait former en lui, insensiblement, les principes par lesquels il jugera plus tard de la conduite des nations, et qui régiront sa propre conduite en tant que membre d’une nation. C’est ce que l’étude de l’histoire devrait apporter à l’enfant ; mais que va-t-il tirer de la pauvre petite chronique de querelles, de batailles et de morts qu’on lui présente en guise de « règne » – d’autant plus repoussante qu’elle est hérissée de dates ? Quant aux dates, cela n’ira jamais ; il peut trouver les dizaines et les unités, mais il s’égarera dans les siècles ; et comment est-il censé placer les bons événements dans le bon règne alors que, pour lui, un roi ne diffère d’un autre qu’en nombre, et une période d’une autre qu’en date ? Mais il se lance dans l’aventure ; il lit dans son petit livre d’histoire plein de choses sympathiques sur tous les règnes de tous les rois, de Guillaume le Conquérant à Guillaume IV, et jusqu’aux jours sombres de la domination britannique. Et quel est le résultat ? Ceci : c’est qu’il n’y a probablement pas de meilleur moyen de fausser le jugement de l’enfant, de le remplir de notions grossières et de préjugés étroits, que de lui faire suivre un tel cours d’histoire anglaise ; et d’autant plus si son petit manuel a un ton moral ou religieux, et qu’il entreprend de souligner la morale aussi bien que d’enregistrer les faits. L’enseignement moral relève, sans aucun doute, de l’histoire ; mais le seul petit volume dont l’enfant se sert n’offre aucune possibilité de discussion juste et raisonnable sur laquelle les décisions morales devraient être fondées, et l’enfant n’est pas assez âgé pour développer une attitude critique qu’une telle décision suppose.
Les « grandes lignes » perfides. – L’erreur fatale est de penser qu’il faut apprendre les « grandes lignes », ou une petite édition de toute l’histoire de l’Angleterre ou de Rome, tout comme il faut couvrir la géographie du monde entier. Laissez-le, au contraire, s’attarder agréablement sur l’histoire d’un seul homme, d’une courte période, jusqu’à ce qu’il pense les pensées de cet homme, qu’il soit à l’aise dans les manières de faire de cette période. Même s’il ne lit et ne pense qu’à la vie d’un seul homme, il se familiarise en réalité avec l’histoire de toute une nation pendant toute une époque. Laissez-le passer une année d’intimité heureuse avec Alfred, « le conteur de vérité », avec le Conquérant, avec Richard et Saladin, ou avec Henry V – le Henry V de Shakespeare – et son armée victorieuse. Permettez-lui de connaître les grands personnages et les gens du peuple, les manières de la cour et de la foule. Permettez-lui d’apprendre ce que les autres nations faisaient pendant que nous, chez nous, faisions ceci et cela. S’il en vient à penser que les gens d’un autre âge étaient plus vrais, plus généreux, plus simples d’esprit que nous, que les gens d’un autre pays étaient, à un moment donné, en tout cas, meilleurs que nous, eh bien, tant mieux pour lui.
Il en va de même pour la plupart des livres d’histoire écrits pour les enfants. – Afin d’enseigner intelligemment l’histoire, il faut écarter, en premier lieu, presque tous les livres d’histoire écrits expressément pour les enfants ; et en second lieu, tous les compendiums, grandes lignes, résumés quelconques. Concernant les résumés, compte tenu du rôle que l’étude de l’histoire est appelée à jouer dans l’éducation de l’enfant, il n’y a pas un mot à dire en leur faveur ; et quant à ce qu’on appelle les livres pour enfants, les enfants de parents instruits sont capables de comprendre l’histoire écrite sous forme littéraire, et ne sont pas attirés par les sornettes des petits livres d’histoire faciles à lire. En sautant judicieusement certains paragraphes et une bonne dose de paraphrase libre, comme le font si bien les mères, on peut faire lire aux enfants les premiers volumes d’une histoire de l’Angleterre bien écrite, illustrée et populaire, par exemple jusqu’aux Tudors. Au cours de cette lecture, il sera nécessaire de leur poser beaucoup de questions et de les interroger ensuite, à la fois pour capter leur attention et pour fixer les faits. C’est le moins que l’on puisse faire ; mais mieux que cela, il faudrait des informations plus complètes, des détails plus imagés sur deux ou trois des premières époques.
L’histoire ancienne d’une nation est mieux adaptée aux enfants. – L’histoire ancienne d’une nation est bien plus adaptée que les périodes ultérieures pour l’instruction des enfants, parce que l’histoire se déroule sur quelques grandes lignes simples. Les qualités des hommes d’état, dans la mesure où elles existent, n’étaient rien d’autre que des efforts d’esprits ingénieux pour faire face aux circonstances. M. Freeman a fourni une histoire anglaise intéressante pour les enfants ; mais n’est-il pas préférable, dans l’ensemble, de les conduire directement à la source, lorsque cela est possible ? Au cours de ces premières années, alors qu’il n’y a pas d’examens, et que les enfants peuvent encore cheminer tranquillement, laissez-les s’imprégner de l’esprit de l’histoire en lisant, au moins, une vieille Chronique écrite par un homme qui a vu et connu ce sur quoi il a écrit, et qui ne l’a pas obtenu de seconde main. Ces vieux livres sont plus faciles et plus agréables à lire que la plupart des ouvrages modernes sur l’histoire, parce que leurs auteurs connaissent peu la « dignité de l’histoire » ; ils murmurent agréablement comme un ruisseau de forêt, vous racontent « tout », vous remuent le cœur avec l’histoire d’un grand événement, vous amusent avec des reconstitutions et des spectacles, vous rendent intimes avec les grands personnages et amicaux avec les humbles. Ils conviennent parfaitement aux enfants dont l’âme avide veut découvrir les personnes vivantes qui se cachent derrière les mots du livre d’histoire, sans se soucier du progrès, des statuts ou de quoi que ce soit d’autre que les personnes pour lesquelles l’histoire n’est, dans l’esprit de l’enfant, qu’une mise en scène pratique. Un enfant qui a été transporté à travers un seul vieux chroniqueur de cette manière a une meilleure base pour toute formation historique que s’il connaissait toutes les dates, tous les noms et tous les faits qui ont jamais été bachotés pour l’examen.
Quelques vieilles chroniques. – La première dans l’ordre chronologique, contenant de nombreuses lectures des plus captivantes, est Ecclesiastical History of the English People de Bède le Vénérable, qui, écrivant sur lui-même dès le septième siècle, dit : « Il m’a toujours été agréable d’apprendre, d’enseigner et d’écrire. » « Il nous a laissés, explique le professeur Morley, une histoire des premières années de l’Angleterre, succincte, et cependant pleine de vie ; professionnelle, et pourtant enfantine dans son ton ; à la fois pratique et spirituelle, simplement juste, et l’œuvre d’un vrai savant, respirant l’amour de Dieu et de l’homme. C’est à Bède seul que nous devons la connaissance d’une grande partie de ce qui est le plus intéressant dans notre histoire ancienne. » Guillaume de Malmesbury (douzième siècle) dit de Bède : « Que presque toute la connaissance des événements passés a été enterrée dans la tombe avec lui » ; et il n’est pas mauvais juge, car dans ses Chronicle of the King of England, il est lui-même considéré comme ayant perfectionné l’art de la chronique. Il est particulièrement précis et vivant sur les événements contemporains – par exemple, l’histoire de l’ennuyeuse guerre civile entre Etienne et Mathilde. Dans le même temps, il y a Asser qui écrivit Life of King Alfred, dont il était l’ami et le compagnon de travail. « Il me semble juste, dit-il, d’expliquer un peu plus en détail ce que j’ai entendu de mon seigneur Alfred. » Il nous raconte comment, « lorsque je suis entré en sa présence au domaine royal, appelé Leonaford, il m’a reçu honorablement, et je suis resté à sa cour environ huit mois, pendant lesquels je lui ai lu les livres qu’il aimait, et ceux qu’il avait à portée de main ; car c’est sa coutume la plus habituelle, tant la nuit que le jour, parmi ses nombreuses autres occupations de l’esprit et du corps, soit de lire lui-même des livres, soit d’écouter pendant que d’autres les lisent. » Lorsqu’il n’était pas présent pour voir de ses propres yeux, comme à la bataille d’Ashdown, Asser s’attache à obtenir le témoignage de témoins oculaires. « Mais Alfred, comme nous l’ont dit ceux qui étaient présents et qui ne mentiraient pas, marcha promptement, avec ses hommes pour leur livrer bataille ; car le roi Ethelred resta longtemps en prière dans sa tente. » Puis il y a les Chronicles of the Crusades, des récits contemporains des croisades de Richard Cœur de Lion, par Richard de Devizes, et Geoffrey de Vinsany, et de la croisade de Saint Louis, par Jean de Joinville.
Il n’est pas nécessaire d’allonger la liste ; une seule de ces vieilles chroniques par an, ou les passages appropriés d’une de ces chroniques, et l’imagination de l’enfant s’enflamme, son esprit fourmille d’idées ; il a entendu la parole de ceux qui ont vu et entendu eux-mêmes ; et la manière simple dont les vieux moines racontent leurs histoires est exactement ce que les enfants préfèrent. Ensuite, vous pouvez mettre n’importe quel résumé ennuyeux entre leurs mains, et ils sauront faire sens de l’histoire par eux-mêmes.
L’âge des mythes. – Chaque nation a son âge héroïque avant que l’histoire authentique ne commence : il y avait des géants dans le pays à cette époque, et l’enfant veut les connaître. Il a tout à fait le droit de se délecter des mythes classiques que nous possédons en tant que nation ; car lui donner comme première introduction historique un peuple de sauvages peinturlurés est un peu brutal ; ce serait rendre sa vision du passé rude et brute comme une peinture chinoise. Alors que faire ? Si nous avons jamais eu une période homérique, n’en avons-nous pas perdu toute trace, nous qui sommes un peuple pratique ? Voici une autre dette que nous devons à ces vieux moines chroniqueurs : les échos d’un passé riche et obscur sont parvenus, d’une façon ou d’une autre, au douzième siècle ; ils sont tombés dans l’oreille d’un prêtre gallois, un certain Geoffrey de Monmouth ; et tandis que Guillaume de Malmesbury écrivait son admirable History of the Kings of England, Geoffrey tissait les traditions du peuple dans History of the British Kings, remontant jusqu’au Roi Brutus, le petit-fils d’Énée. Comment il est parvenu à connaître des rois dont aucun autre historien n’avait entendu parler, est une question à laquelle il répondit avec espièglerie ; il a tout tiré, dit-il, de « ce livre en langue britannique que Walter, Archidiacre d’Oxford, a apporté de Bretagne. » Quoi qu’il en soit, nous lisons ici sur Gorboduc, le Roi Lear, Merlin, Uther Pendragon et, mieux encore, sur le Roi Arthur, l’écrivain rendant « le petit doigt de son Arthur plus robuste que le dos d’Alexandre le Grand ». Voilà, en effet, un trésor dont on devrait faire profiter les enfants dix ans avant qu’ils n’en viennent à lire Les idylles du roi. Il faut cependant faire preuve de prudence en lisant Geoffroy de Monmouth. Ses récits merveilleux sont un vrai plaisir ; mais lorsqu’il quitte le merveilleux et romance librement sur des faits et des personnages historiques, il devient un guide déconcertant. Nombre de ces « chroniques », écrites en latin par les moines, sont disponibles dans un anglais accessible ; la seule précaution à prendre est que la mère en parcoure les pages avant de les lire à haute voix.
Froissart, encore, le plus charmant des chroniqueurs, lui-même « réservé » au sujet de la cour de la reine Philippa de Hainaut, quand il choisit d’être en Angleterre – de qui d’autre l’enfant devrait-il entendre l’histoire des guerres françaises ? Et ainsi de suite, autant que le temps le permet ; le principe étant que, chaque fois que cela est possible, l’enfant devrait obtenir ses premières notions d’une période donnée, non pas de l’historien moderne, du commentateur et du critique, mais des sources originales de l’histoire, les écrits des contemporains. La mère doit cependant faire preuve de discernement dans son choix des premières « Chroniques », car toutes ne sont pas équitablement fiables.
Les Vies de Plutarque. – De même, la lecture des Vies de Plutarque constitue la meilleure préparation à l’étude de l’histoire grecque ou romaine. Alexandre le Grand est plus qu’un nom pour l’enfant qui lit ce genre de chose :
« Un Thessalien, nommé Philonicus, amena un jour à Philippe un cheval nommé Bucéphale, qu’il voulait vendre treize talents. On descendit dans la plaine pour l’essayer ; mais on le trouva difficile, farouche et impossible à manier : il ne souffrait pas que personne le montât ; il ne pouvait supporter la voix d’aucun des écuyers de Philippe et se cabrait contre tous ceux qui voulaient l’approcher. Philippe, mécontent et croyant qu’un cheval si sauvage ne pourrait jamais être dompté, ordonna qu’on l’emmenât. Alexandre, qui était présent, ne put s’empêcher de dire : « Quel cheval ils perdent là par leur inexpérience et leur timidité ! » Philippe, qui l’entendit, ne dit rien d’abord ; mais Alexandre ayant répété plusieurs fois la même chose et témoigné sa peine de ce qu’on renvoyait le cheval, Philippe lui dit enfin :
« Tu blâmes des gens plus âgés que toi, comme si tu étais plus habile qu’eux et que tu fusses plus capable de conduire ce cheval.
– Sans doute, reprit Alexandre, je le conduirais mieux qu’eux.
– Mais si tu n’en viens pas à bout, quelle sera la peine de ta présomption ?
– Je paierai le prix du cheval. », repartit Alexandre.
Cette réponse fit rire tout le monde ; et Philippe convint avec son fils que celui qui perdrait paierait les treize talents. Alexandre s’approche du cheval, prend les rênes et lui tourne la tête en face du soleil, parce qu’il avait apparemment observé qu’il était effarouché par son ombre, qui tombait devant lui et suivait tous ses mouvements. Tant qu’il le vit souffler de colère, il le flatta doucement de la voix et de la main ; ensuite laissant couler son manteau à terre, d’un saut léger il s’élance sur le cheval avec la plus grande facilité. D’abord il lui tint la bride serrée, sans le frapper ni le harceler ; mais quand il vit que sa férocité était diminuée et qu’il ne demandait plus qu’à courir, il baisse la main, lui parle d’une voix plus rude, et, lui appuyant les talons, il le pousse à toute bride. Philippe et toute sa cour, saisis d’une frayeur mortelle, gardaient un profond silence ; mais, quand on le vit tourner bride et ramener le cheval avec autant de joie que d’assurance, tous les spectateurs le couvrirent de leurs applaudissements. Philippe en versa des larmes de joie, et, lorsque Alexandre fut descendu de cheval, il le serra étroitement dans ses bras. « Mon fils, lui dit-il, cherche ailleurs un royaume qui soit digne de toi ; la Macédoine ne peut te suffire. »
Ici encore, dans une traduction inimitable, nous avons le genre de présentation graphique vivante qui rend « l’Histoire » aussi réelle pour l’enfant que les aventures de Robinson Crusoé.
En résumé, il vaut mieux que les enfants en sachent le plus possible, ne serait-ce que sur une courte période, que de connaître les « grandes lignes » de toute l’histoire. En second lieu, les enfants sont tout à fait capables d’assimiler des idées intelligentes dans un langage intelligent, et ne devraient en aucun cas être exclus de ce qui se fait de mieux sur la période qu’ils étudient.
Les livres d’histoire. – Il n’est pas du tout facile de choisir les bons livres d’histoire pour les enfants. Les simples résumés de faits doivent, comme nous l’avons vu, être évités ; et nous devons également veiller à éviter les généralisations. La fonction naturelle de l’esprit, dans les premières années de la vie, est de rassembler les matériaux de la connaissance en vue de ce travail de généralisation qui est propre à l’esprit adulte ; un travail que nous devrions tous accomplir dans une certaine mesure pour nous-mêmes.
En l’état actuel des choses, nos esprits sont si mal équipés que nous acceptons sans broncher les conclusions qui nous sont présentées ; mais nous pouvons, en tout cas, éviter de donner aux enfants des opinions tranchées sur le cours de l’histoire pendant qu’ils sont encore jeunes. Ce qu’ils veulent, ce sont des détails vivants concernant les événements et les personnes sur lesquels l’imagination peut travailler ; et les opinions ont tendance à se former lentement, à mesure que les connaissances augmentent.
M. York Powell a, peut-être plus que d’autres, trouvé le bon enseignement que je vise pour les jeunes enfants. Dans la préface de ses Old Stories from British History, il dit : « L’écrivain a choisi des histoires qu’il pensait amusantes et plaisantes pour ses lecteurs, et leur a donné en même temps une certaine connaissance de la vie et des pensées de leurs ancêtres. À cette fin, il n’a pas écrit uniquement sur les grands personnages – rois, reines et généraux – mais aussi sur les gens ordinaires et les enfants, ainsi que sur les oiseaux et les bêtes » ; et nous avons l’histoire du roi Lear et de Cuculain, du roi Canute et du poète Otter, de Havelock et Ubba, et bien d’autres, toutes des histoires pleines de gloire et de bravoure ; en fait, M. York Powell nous offre un véritable trésor dans ses deux petits volumes – Old Stories et Sketches from British History -, qui conviennent d’autant mieux à notre propos que les enfants peuvent les lire eux-mêmes dès qu’ils savent lire. Ces contes, écrits dans un bon anglais simple, et avec un certain charme de style, se prêtent admirablement à la narration. En effet, il est très intéressant d’entendre des enfants de sept ou huit ans raconter une longue histoire sans oublier aucun détail, en plaçant chaque événement dans le bon ordre. Ces narrations ne sont jamais une reproduction servile de l’original. L’individualité de l’enfant influence ce qu’il apprécie, et l’histoire sort de sa bouche, non pas exactement comme l’auteur la raconte, mais avec l’esprit et le caractère du narrateur. À ce propos, il est très important de laisser les enfants raconter à leur manière, sans les tirer vers le haut ou les aider avec des mots et des expressions du texte. Une narration devrait être originale telle qu’elle vient de l’enfant, c’est-à-dire que son propre esprit doit avoir agi sur la matière qu’il a reçue. Les narrations qui ne sont que de simples exploits de mémoire n’ont aucune valeur. J’ai déjà parlé des sortes de vieilles chroniques dont les enfants devraient se nourrir ; mais elles sont souvent trop diffuses pour offrir une bonne matière à narration, et il est bon d’avoir à cet effet des contes courts tout à fait appropriés.
Je voudrais mentionner deux autres petits volumes qui font le bonheur des enfants, qui nourrissent le sentiment patriotique et établissent une large base de connaissances historiques. Il s’agit de Tales from St Paul’s et Tales from Westminster Abbey de Mme Frewen Lord. C’est une chose belle et agréable d’emmener les enfants qui connaissent ces contes à l’abbaye ou à St Paul, et de les laisser identifier par eux-mêmes les lieux consacrés à leurs héros. Ils savent tant de choses et sont si pleins d’un vif intérêt que leurs aînés se tiennent à côté, instruits et inspirés. Il existe, sans aucun doute, des multitudes de contes et de petits récits historiques pour les enfants, et certains d’entre eux, comme Prisoners of the Tower de Miss Brooke Hunt, sont très bons ; mais que la mère prenne garde : rien ne nécessite plus de tact et d’empathie envers les enfants que la question en apparence simple de choisir leurs livres de leçons, et tout spécialement, peut-être, leurs livres d’histoire. De nombreux enfants de huit ou neuf ans seront tout à fait prêts à lire avec plaisir A History of England, par H.O. Arnold Forster, qui a depuis longtemps gagné ses galons dans le domaine de la littérature pédagogique. Dans ce domaine, comme dans celui des affaires plus immédiates de l’État, M. Arnold Forster a le don de voir un défaut et un remède, une omission et les moyens de la combler. Il a vu que les enfants anglais grandissaient sans aucune connaissance des conditions dans lesquelles ils vivent, et des lois qui les gouvernent ; mais depuis la parution du Citizen Reader et de The Laws of Every-day Life, nous avons changé tout cela. The History of England, ou, comme les enfants l’appellent, l’Histoire, ignorant le fait qu’il existe une autre histoire que celle de l’Angleterre, a jusqu’ici été présentée aux jeunes gens comme « une succession de dates et de faits, ou comme des collections d’histoires romantiques, avec peu de cohérence et moins de résultats sur les fortunes du pays. » M. Arnold Forster dit dans sa préface qu’il « est réticent à présenter son livre sous un titre aussi repoussant que ‘Résumé’ ou ‘Les grandes lignes de l’histoire anglaise’. De tels titres semblent, à première vue, impliquer que l’élément d’intérêt et la romance inséparables de la vie et des actes des individus sont exclus, et qu’un tableau chronologique amplifié a été fait pour faire office d’histoire. Mais lire l’histoire de l’Angleterre sans se rendre compte qu’elle est pleine d’intérêt, étincelante d’épisodes et pleine d’incidents dramatiques, c’est passer à côté de tout le plaisir et de la plupart des enseignements que son étude, si elle est bien menée, peut donner. » L’auteur tient sa promesse implicite, et son travail est, j’ose le dire, « plein d’intérêt, étincelant d’épisodes et plein d’incidents dramatiques » comme c’est possible, compte tenu des limites qui lui sont imposées par le fait qu’il écrit pour des lecteurs non instruits, et qu’il nous donne un aperçu de l’ensemble de l’histoire de l’Angleterre dans un volume agréable, copieusement et judicieusement illustré, de quelque huit cents pages. Voici un exemple clair et révélateur de ce que nous aurions aimé rencontrer au début de nos études d’architecture : « À la page 23, nous avons des images de deux fenêtres. L’une d’elles est ce qu’on appelle une fenêtre en ogive. Tous les arcs qui la composent vont jusqu’à une pointe. Elle a été construite bien avant la période Tudor. L’autre a été construite à l’époque de la reine Elizabeth. Dans ce cas, le montant vertical, ou meneau, de la fenêtre monte directement jusqu’au sommet sans former d’arc. Cette façon de construire une fenêtre est appelée le style perpendiculaire, car les meneaux de la fenêtre sont « perpendiculaires ». Parmi les bâtiments les plus célèbres d’Angleterre construits à l’époque des Tudors et dans le style perpendiculaire, on trouve la chapelle de King’s College, à Cambridge, et Hatfield House, la résidence du marquis de Salisbury, dans le Hertfordshire. » M. Arnold Forster a fait dans ce volume pour les enfants et les illettrés, ce que le professeur Green a fait dans sa Shorter History of the English People pour des étudiants un peu plus avancés, en éveillant beaucoup de gens au fait que l’histoire est un sujet d’étude fascinant. Il s’agit d’une véritable introduction à la véritable histoire. Les portraits sont une caractéristique particulièrement précieuse de l’ouvrage.
Les dates. – Afin de donner un caractère définitif à ce qui pourrait bientôt devenir une connaissance trop vaste de l’histoire, prenez une feuille de papier cartonné et divisez-la en vingt colonnes, en plaçant le premier siècle de l’ère chrétienne au milieu. Les autres colonnes représenteront chacune un siècle avant ou après Jésus-Christ, selon le cas.
Ensuite, l’enfant écrira lui-même, ou copiera, selon ses capacités, les noms des personnes qu’il rencontrera dans l’ordre, dans leur propre siècle. À ce stade, nous n’avons pas à nous préoccuper de dates plus exactes, mais ce simple tableau des siècles proposera un panorama graphique à l’esprit de l’enfant, et il verra les événements dans leur ordre chronologique.
Les illustrations des enfants. – En histoire, les lectures offrent une matière admirable pour la narration, et les enfants aiment raconter ce qu’ils ont lu ou entendu. Ils aiment aussi faire des illustrations. On a demandé à des enfants qui avaient lu Julius Caesar (et aussi, les Vies de Plutarque) de faire une image de leur scène préférée, et les résultats ont montré l’extraordinaire pouvoir de visualisation que possèdent les petites personnes. Bien sûr, ce qu’ils visualisent, ou imaginent clairement, ils le savent ; c’est un atout pour la vie.
Les dessins des enfants en question sont psychologiquement intéressants car ils montrent quels points variés et parfois obscurs attirent l’esprit d’un enfant. De plus, les enfants ont le même plaisir intellectuel que les personnes à l’esprit cultivé à comprendre de nouveaux indices et suggestions. Les dessins, il faut le dire, laissent beaucoup à désirer, mais ils ont ceci de commun avec l’art des peuples primitifs : ils racontent l’histoire de façon directe et vivante. Une petite fille de neuf ans et demi imagine Jules César conquérant la Grande-Bretagne. Il chevauche un char à faux monté sur des faucilles, il est vêtu de bleu, et des morceaux de ciel bleu ici et là donnent la couleur complémentaire. Au loin, un soldat plante l’étendard portant l’aigle romain, noir sur fond rose ! Au premier plan, un combat à mains nues entre un Romain et un Britannique, chacun ayant une épée d’une longueur énorme. D’autres personnages sont également dessinés.
Une autre enfant représente Antoine « faisant son discours après la mort de César ». Cette fille, plus âgée, dépeint l’architecture ; nous regardons à travers une arche, qui donne sur une rue latérale, et, au premier plan, Antoine se tient sur une plate-forme au sommet d’une volée de marches en marbre. L’attitude d’Antoine exprime l’indignation et le mépris. Plus bas, nous voyons une foule de Romains portant la toge, dont l’attitude présente diverses nuances de consternation et de désarroi. Derrière, le serviteur d’Antoine, en uniforme, tient le cheval de son maître ; et sur la plate-forme, derrière Antoine, se trouve César, la pourpre royale jetée sur lui. La principale valeur du dessin, en tant que dessin, est qu’il raconte l’histoire.
Une autre fille dessine Calpurnia suppliant César de ne pas aller au Sénat. César se tient debout, armé et troublé, tandis que Calpurnia tient la main tendue de César dans ses deux mains et elle s’agenouille devant lui, le visage levé en signe de supplication ; sa robe de nuit bleue ample et ses longs cheveux dorés donnent de la couleur au tableau. Cette artiste a quatorze ans, et le dessin est mieux fait.
Un autre artiste présente Brutus et Portia dans le verger avec un « mur orienté sud » de briques rouges, des espaliers et deux personnages dignes qui ne disent pas grand-chose.
Un autre enfant illustre la scène du forum, César assis dans une pourpre royale, Brutus agenouillé devant lui, et Casca debout derrière sa chaise, la main tendue tenant un poignard, disant : « Parlez, mains, pour moi », tandis que César dit : « Brutus ne s’agenouille-t-il pas inutilement ? »
Dans un autre encore, Lucius joue pour Brutus dans la tente. Brutus, armé jusqu’aux dents, assis sur un tabouret, essaie vainement de lire, tandis que Lucius, qui a une jolie silhouette, est assis devant lui et joue de la harpe. Deux sentinelles, elles aussi armées jusqu’aux dents, sont étendues sur le sol et dorment profondément.
Un autre nous présente Claudius déguisé en femme à la fête des femmes – les dames ont des yeux remarquables, et chacune porte une torche enflammée.
Une autre illustration nous montre, avec beaucoup d’esprit, César lisant son histoire aux Gaulois conquis, qui se tiennent en rangs sur la colline et écoutent le grand homme avec une patience exemplaire.
Dans ces illustrations originales (dont plusieurs ont été réalisées par des enfants plus âgés que ceux que nous avons en vue dans le présent volume), nous avons un exemple des diverses images qui se présentent à l’esprit des enfants pendant la lecture d’une grande œuvre ; et un seul aperçu de ce genre dans l’esprit d’un enfant nous convainc de l’importance de soutenir cet esprit avec une alimentation riche. L’imagination ne s’active pas lorsque la substance est trop faible ou trop diluée, et malheureusement c’est celle-ci qui est trop souvent mise entre les mains des enfants.
« Jouer à » l’histoire. – Les enfants ont d’autres moyens d’exprimer les conceptions qui les remplissent lorsqu’ils sont dûment nourris. Ils jouent les leçons d’histoire, se déguisent, font des tableaux vivants, jouent des scènes ; ou ils montent un spectacle, et leurs poupées jouent, tandis qu’ils décrivent la scène et font les dialogues. Il n’y a pas de limite aux modes d’expression que les enfants trouvent lorsqu’ils ont quelque chose à exprimer.
L’erreur que nous commettons est de supposer que l’imagination se nourrit naturellement, ou qu’elle fonctionne avec le régime insipide des livres d’histoires pour enfants. Qu’un enfant ait la nourriture dont il a besoin dans ses livres d’histoire, et dans les œuvres littéraires qui abordent ces périodes historiques, et l’imagination se déchaînera sans aucune aide de notre part ; l’enfant vivra en détail mille scènes dont il n’aura reçu qu’une simple allusion.
Cette traduction est protégée par les droits d’auteur de www.charlottemason.fr
19. La grammaire
La grammaire est difficile à étudier. – De la grammaire, latine et anglaise, je dirai très peu de choses ici. En premier lieu, la grammaire, étant l’étude des mots et non des choses, elle n’est nullement attrayante pour l’enfant, et il ne faut pas l’y précipiter. La grammaire anglaise dépend de la position et de la connexion logique des mots, ce qui est particulièrement difficile à saisir pour lui. À cet égard, la grammaire latine est plus facile ; un changement dans la morphologie d’un mot, dans la forme d’un mot, pour exprimer un cas, correspond à ce qu’un enfant peut voir avec ses yeux, et est par conséquent plus évident pour lui que les idées abstraites du nom et de l’objet comme il y en a en anglais. Par conséquent, s’il n’apprend rien de plus à ce stade précoce que les classes de mots et un verbe ou deux, c’est qu’il ne devrait pas apprendre plus. Cela va seulement l’aider à comprendre qu’un changement de mode ou de cas grammatical a une incidence sur la forme du mot.
La grammaire latine. – En ce qui concerne l’enseignement de la grammaire latine, je pense que je ne peux pas faire mieux que de mentionner un livre pour débutants qui convient parfaitement : First Latin Course de Scott et Jones. Les enfants de huit et neuf ans adoptent très volontiers ces leçons, et c’est une excellente chose que de commencer une étude avec plaisir. On peut toutefois se demander s’il est souhaitable de commencer le latin à un âge aussi jeune.
La grammaire anglaise est une étude logique. – Parce que la grammaire anglaise est une étude logique, et qu’elle traite des phrases et des positions que les mots y occupent, plutôt que des mots et de ce qu’ils sont en eux-mêmes, il est préférable que l’enfant commence par la phrase, et non par les parties du discours ; c’est-à-dire qu’il devrait apprendre quelques notions sur ce qu’on appelle l’analyse des phrases avant d’apprendre à décomposer et analyser chaque mot ; il devrait apprendre à diviser des phrases simples avec, d’un côté, de qui nous parlons et, de l’autre, ce que nous en disons. Par exemple, « Le chat –– est assis sur le foyer », avant de se perdre dans le brouillard de la personne, de la forme du verbe et des parties du discours.
« J’ai donc pris le livre suivant. C’était sur la grammaire. Il disait des choses extraordinaires sur les noms et les verbes, les adverbes et les pronoms, les participes passés et les modes de l’indicatif et du subjonctif. » « Qu’est-ce que c’est que toutes ces choses ? » demanda le roi. « Je ne sais pas, Votre Majesté », et la reine ne savait pas non plus, mais elle a dit que ce serait très bien pour les enfants. « Cela les ferait se tenir tranquilles. »
Il est si important que les enfants ne soient pas déroutés comme l’ont été ce roi et cette reine, que j’ajoute quelques leçons d’introduction à la grammaire, car un seul exemple est souvent plus utile que de nombreux préceptes.
LEÇON I
Les mots mis ensemble de manière à avoir un sens forment ce qu’on appelle une phrase.
« La chaise à l’avoine d’orge est vraiment bonne et cerise » n’est pas une phrase, car elle n’a aucun sens.
« Tom a appris sa leçon » est une phrase.
C’est une phrase parce qu’elle nous dit quelque chose sur Tom.
Chaque phrase parle de quelqu’un ou de quelque chose, et nous dit quelque chose sur ce dont elle parle.
Une phrase comporte donc deux parties :
(1) La chose dont nous parlons ;
(2) Ce que nous en disons.
Dans notre phrase, nous parlons de « Tom ».
Nous disons de lui qu’il « a appris sa leçon ».
La chose dont nous parlons est souvent appelée le SUJET, ce qui signifie simplement ce dont nous parlons.
Les gens disent parfois « le sujet de la conversation était untel ou untel », ce qui est une autre façon de dire « la chose dont nous parlions était cela ou cela ».
À apprendre :
Les mots mis ensemble de manière à avoir un sens forment une phrase.
Une phrase se compose de deux parties : ce dont nous parlons et ce que nous en disons.
Ce dont nous parlons est le SUJET.
Exercices sur la leçon I
1. Remplissez la première partie :
–– a une longue crinière.
— est cassé.
–– ne peut pas faire ses additions.
–– a joué pendant une heure ;
etc.
2. Remplissez la deuxième partie :
Ce pauvre garçon….
Mon frère Tom…
Le pot de fleurs cassé…
Le pain et la confiture…
La boîte à outils de Brown… ;
etc.
3. Proposez six sujets différents à chaque demi-phrase du 1.
4. Faites six phrases différentes avec chaque sujet du 2.
5. Dites quelle partie de la phrase manque et complétez :
A été réparé
Le couteau de Tom
Ce petit chien
S’est coupé le doigt
A mangé trop de fruits
Mon nouveau livre
Les perce-neige de notre jardin, etc., etc.
N.B. : Prenez soin d’appeler la première partie de chaque phrase le sujet. Tracez un trait sous le sujet de chaque phrase dans tous les exercices.
LEÇON II
Nous pouvons faire une phrase avec seulement deux ou trois mots — le nom de la chose dont nous parlons et ce que nous en disons :
John écrit.
Les oiseaux chantent.
Mary coud.
Nous parlons de « John ».
Nous disons de lui qu’il « écrit ».
Nous parlons des « oiseaux ».
Nous disons d’eux qu’ils « chantent ».
Ces mots, écrit, chantent, coud, sont tous issus du même groupe de mots, et les mots de ce groupe sont les mots principaux, pour cette raison – nous ne pouvons pas avoir de sens, et donc ne pouvons pas faire une phrase, sans utiliser au moins un d’entre eux.
On les appelle VERBES, ce qui signifie mots car ils sont les mots fondamentaux parmi tous les autres.
Un verbe dit toujours une ou deux choses sur le sujet. Soit il donne l’état du sujet, comme :
Je suis affamé.
La chaise est cassée.
Les oiseaux sont joyeux;
soit il indique ce que fait le sujet, comme :
Alice écrit.
Le chat miaule.
Il appelle.
À apprendre :
On ne peut pas faire une phrase sans un verbe.
Verbe signifie mot.
Les verbes sont les mots principaux.
Les verbes indiquent l’état du sujet :
Il est somnolent;
ou qu’il fait quelque chose :
Il court.
Exercices sur la leçon II
1. Complétez avec un verbe qui indique un état :
Mary –– somnolente.
Les garçons –– brusques.
Les filles –– calmes.
Il –– le/en premier hier..
Je –– un petit garçon.
Tom et George –– sur la balançoire avant le dîner.
Nous –– occupés demain.
Il –– puni.
etc.
2. Faites trois phrases avec chacun des verbes suivants :
Est, sont, devrait être, était, suis, étaient, serait, sera.
3. Faites six phrases avec des verbes d’état.
4. Complétez avec un verbe qui indique une action :
Les tigres––.
Le garçon avec le poney––.
Mes cousins— ;
etc.
5. Faites vingt phrases sur :
Ce garçon en kilt,
avec des verbes montrant ce qu’il fait.
6. Trouvez les verbes, et dites si c’est un verbe d’état ou d’action :
Le soleil brillant se lève sur la colline.
Nous sommes partis.
Tu es mon cousin.
George va à l’école.
Il a pris son ardoise.
Nous sommes sept.
7. Comptez le nombre de verbes que vous utilisez quand vous parlez pendant les dix prochaines minutes.
8. Écrivez chaque verbe que vous pouvez trouver dans ces exercices et soulignez-les.
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20. Le français
Le français doit être acquis comme l’anglais, non pas comme une grammaire, mais comme un langage vivant. Former l’oreille à distinguer et les lèvres à produire les vocables français est une partie précieuse de l’éducation des sens, qu’on ne saurait entreprendre trop tôt. Encore une fois, toutes les personnes instruites devraient être capables de parler français. Sir Lyon Playfair, s’adressant un jour à une conférence de maîtres de français, déplora avec émotion notre dégénérescence à cet égard, et donna l’exemple de la Grammar School de Perth pour montrer que dans une école écossaise du seizième siècle, les garçons étaient tenus de parler latin pendant les heures de classe, et français à tout autre moment. Il n’y a guère d’autre nation civilisée aussi peu encline à acquérir des langues étrangères que nous, Anglais, à l’heure actuelle ; mais, probablement, la faute en est plutôt à la manière dont nous nous y prenons pour l’étudier qu’à une quelconque incapacité naturelle pour les langues.
En ce qui concerne le français, par exemple, nos difficultés sont de deux ordres : le manque de vocabulaire et une certaine maladresse à produire des sons inconnus. Il est évident que ces deux obstacles doivent être éliminés dès la petite enfance. L’enfant ne devrait jamais voir de mots français imprimés avant d’avoir appris à les dire avec autant de facilité et d’empressement que s’ils étaient anglais. Le désir de donner aux combinaisons de lettres imprimées les sons qu’elles porteraient dans les mots anglais est la véritable cause de notre difficulté nationale à prononcer le français. Encore une fois, le vocabulaire de l’enfant devrait augmenter régulièrement, disons au rythme d’une demi-douzaine de mots par jour. Pensez, cela fait quinze cents mots en un an ! L’enfant qui a acquis ce nombre de mots, et sait comment les utiliser, peut parler français. Bien sûr, sa professeure veillera à ce que, en lui donnant des mots, elle donne aussi des expressions idiomatiques, et qu’à mesure qu’il apprend de nouveaux mots, ils soient associés dans des phrases et utilisés jour après jour. Un cahier dans lequel elle inscrit les nouveaux mots et les nouvelles phrases de l’enfant facilitera la tâche à l’institutrice. Le jeune enfant n’a aucune honte à dire des mots français – il les prononce aussi simplement que s’ils étaient anglais. Mais il est très important qu’il acquière dès le début un accent pur. Il n’est pas souvent recommandé de confier les jeunes enfants anglais à une gouvernante ou à une nourrice française ; mais ne serait-il pas possible à une demi-douzaine de familles, disons, d’engager une dame française qui consacrerait une demi-heure par jour à chaque famille ?
La méthode de M. Gouin. – Un effort sérieux est fait pour aborder l’étude des langues étrangères de façon rationnelle et scientifique. Je n’hésite pas à dire que l’ouvrage de M. François Gouin (L’art d’enseigner et d’étudier les langues) est la tentative la plus importante qui ait été faite jusqu’ici pour faire entrer l’étude des langues dans la sphère de l’éducation pratique. En effet, la grande réforme de nos méthodes d’enseignement des langues vivantes doit son origine à ce remarquable ouvrage. L’idée initiale, selon laquelle nous devons acquérir une nouvelle langue comme un enfant acquiert sa langue maternelle, est tout à fait juste, que la tentative de donner suite à cette idée en analysant une langue en un certain nombre, disons quinze, de « séries » exhaustives, soit correcte ou non. De même, il est incontestable que l’oreille, et non l’œil, est l’organe physique d’appréhension d’une langue, tout comme c’est par la bouche, et non par l’oreille, que nous nous approprions la nourriture. Si le livre de M. Gouin établit ces deux seuls points, il sera une contribution précieuse à la pensée pédagogique. Tout aussi important est son troisième point, à savoir que le verbe est la clé de la phrase, et plus encore, qu’il est le pont vivant entre la pensée et l’acte. Il soutient aussi que l’enfant pense en phrases, et non en mots ; que ses phrases ont une suite logique ; que cette suite est une suite temporelle – l’ordre des opérations dans, par exemple, la croissance d’une plante, ou la mouture du grain dans un moulin ; que, à mesure que l’enfant perçoit les opérations, il a un besoin absolu de les exprimer ; que son oreille sollicite, sa mémoire chérit, sa langue reproduit, les mots qui disent la chose à laquelle il pense. Sans doute la méthode de M. Gouin doit-elle réussir mieux que toute autre à imprégner l’élève (enfant ou homme) de la pensée allemande ou française. Si l’on s’efforce toute la journée d’élaborer une « série » en français, par exemple, on en vient à penser en français, à rêver en français, à parler en français. De plus, on a l’agréable sensation que la voie est enfin tracée pour que tout l’enseignement se fasse dans la langue étudiée. Vous avez la « série sur l’art », la « série sur les abeilles », la « série sur la rivière », les « séries sur les personnages », la « série sur la poésie » et toutes les séries que vous aimez. Vous pensez à la chose dans l’ordre du temps et dans sa séquence naturelle ; vous trouvez les verbes et les noms justes et les épithètes nécessaires, et en quelques phrases étonnantes, très courtes, reliées par « et », vous avez dit tout ce qui est essentiel sur le sujet. Le tout est une surprise constante, comme ce jeu d’enfants qui permet de découvrir la chose la plus extraordinaire et la plus insolite à laquelle on puisse penser au moyen d’une douzaine de questions.
Les « séries ». – Ainsi, une langue apprise selon la méthode de M. Gouin est « une éducation libérale en soi ». On apprend combien peu nombreuses et simples sont, après tout, les conceptions dont l’esprit humain est conscient, et combien peu nombreux et simples, si l’on fait abstraction du simple verbiage, sont les mots nécessaires pour les exprimer.
Vous apprenez réellement à penser dans la nouvelle langue, car vous n’avez que de vagues impressions sur ces actes ou ces faits dans votre langue maternelle.
Vous ordonnez vos pensées dans la nouvelle langue et, ce faisant, les mots qui les expriment sont une possession inaliénable.
Voici un exemple d’une « Série » élémentaire, qui montre comment « la servante allume le feu » :
« La servante prend une boîte d’allumettes, (prend.) Elle ouvre la boîte d’allumettes, (ouvre.) Elle sort une allumette, (sort.) Elle ferme la boîte d’allumettes, (ferme.) Elle frappe l’allumette sur la boite, (frappe.) L’allumette prend feu, (prend feu.) L’allumette fume, (fume.) L’allumette s’enflamme, (s’enflamme.) L’allumette brûle, (brûle.) Et répand une odeur de brûlé dans la cuisine, (répand.) La servante se penche vers le foyer, (se penche.) Tend sa main, (tend.) Met l’allumette sous les copeaux, (met.) Tient l’allumette sous les copeaux, (tient.) Les copeaux prennent feu, (prennent feu.) La servante lâche l’allumette, (lâche.) Se lève à nouveau, (se lève.) La regarde brûler, (regarde.) Et remet la boîte d’allumettes à sa place, (remet.) | « The servant takes a box of matches, (takes.) She opens the match-box, (opens.) She takes out a match, (takes out.) She shuts up the match-box, (shuts up.) She strikes the match on the cover, (strikes.) The match takes fire, (takes fire.) The match smokes, (smokes.) The match flames, (flames.) The match burns, (burns.) And spreads a smell of burning over the kitchen, (spreads.) The servant bends down to the hearth, (bends down.) Puts out her hand, (puts out.) Puts the match under the shavings, (puts.) Holds the match under the shavings, (holds.) The shavings take fire, (take fire.) The servant leaves go of the match, (leave go.) Stands up again, (stands up.) Looks at her fire burning, (looks.) And puts back the box of matches in its place, (puts back.) |
Mais toute tentative de citation donne une idée incertaine et insatisfaisante de cet important travail.
Comment l’enfant apprend-il ? – Quoi que l’on dise des méthodes de M. Gouin, les étapes par lesquelles il y parvient sont indubitablement scientifiques. Il apprend d’un enfant :
« Malheureusement l’enfant est resté jusqu’aujourd’hui une énigme banale que l’on ne se donne pas la peine ni de déchiffrer ni même d’examiner.
« Cependant l’enfant, qui à deux ans ne produit guère que des vagissements, se trouve à trois ans en possession d’une langue complète. Comment s’y prend-il ? Ce miracle admet-il oui ou non une explication ? Est-ce un problème dont on puisse déterminer l’inconnue ? […] L’organe du langage – demandez-le à l’enfant – ce n’est pas l’œil, c’est l’oreille. L’œil est fait pour les couleurs et non pour les sons et les paroles. […] Cette tension permanente et contre nature de l’organe de la vue, cette précipitation forcée de l’acte visuel produisit ce qu’elle devait produire : une maladie. »
Cela fait référence aux travaux herculéens de M. Gouin dans sa tentative d’apprendre l’allemand. Il connaissait la « méthode » de tout le monde, apprenait tout le dictionnaire et s’apercevait à la fin qu’il ne savait pas un mot d’allemand « tel qu’on le parle ».
Il revint en France après dix mois d’absence et découvrit que son petit neveu – qui n’avait que deux ans et demi quand il l’avait laissé, ne sachant pas encore parler – avait réussi dans ce laps de temps ce que son oncle avait, lui, échoué à faire. « Comment ! me dis-je, cet enfant et moi avons étudié ou plutôt travaillé le même temps chacun une langue. Lui, en jouant autour de sa mère, en courant après les fleurs, les papillons et les oiseaux, sans fatigue, sans effort apparent, sans même avoir conscience de son travail, est parvenu à dire tout ce qu’il pense, à exprimer tout ce qu’il voit, à comprendre tout ce qu’il entend ; et quand il a commencé son œuvre, son intelligence n’était encore qu’un « devenir », une lueur, une espérance. – Et moi, versé dans les sciences, versé dans les lettres, versé dans la philosophie, armé d’une volonté puissante, doué d’une mémoire exercée, […] je ne suis arrivé à rien… à rien !
« La linguistique de l’École, m’écriai-je, m’a trompé, m’a dévoyé, m’a égaré. La méthode classique, celle de la grammaire, du dictionnaire et de la traduction est une duperie, rien qu’une duperie. » « Pour surprendre le secret de la nature, il faut observer cet enfant. »
M. Gouin observe l’enfant – l’œuvre en question est le résultat de ses observations.
La méthode d’enseignement peut être variée, en partie parce que ce que préconise M. Gouin exige une parfaite maîtrise de la langue française, et que les professeurs hésitants trouvent une méthode de conversation fondée sur le livre et l’image plus facile à travailler et peut-être tout aussi efficace – plus, pensent certains ; mais, quoi qu’il en soit, c’est à M. Gouin que nous devons l’idée fondamentale.
Il est satisfaisant de trouver des principes, que nous n’avons cessé de recommander vivement, énoncés dans cet ouvrage, fruit d’un travail approfondi. Par exemple : « Et si l’on apprend l’anglais sans le lire, comme le jeune enfant, on n’éprouvera pas plus de peine à le prononcer qu’on n’en a éprouvé à prononcer le français. Cela est de toute évidence. Mais l’orthographe, direz-vous ? L’orthographe ? Vous l’apprendrez comme le jeune Anglais l’apprend, comme vous-mêmes avez appris l’orthographe française dix fois plus bizarre que l’anglaise ; et cela, sans que cette étude nuise à votre prononciation acquise. L’orthographe d’ailleurs est chose réformable, la prononciation presque pas. Sachons choisir entre deux maux. » M. Gouin parle de la possibilité pour un enfant d’apprendre une autre langue – même le chinois auprès d’une nourrice chinoise ; et ses paroles me rappellent un certain exemple extraordinaire de la facilité qu’ont les enfants à apprendre les langues. Ayant l’occasion de parler en public de trois petits enfants, tous âgés de trois ans, appartenant à des familles différentes, où l’un des parents était anglais, l’autre allemand, j’ai raconté que ces trois enfants pouvaient chacun dire tout ce qu’ils avaient à dire, exprimer toute la gamme de leurs idées, avec une facilité et une aisance égales dans les deux langues. À la fin de la réunion, un monsieur s’est avancé et a approuvé mes remarques. Il a dit qu’il avait un fils dont la femme était allemande et qui était maintenant missionnaire à Bagdad. Ils ont un enfant de trois ans et leur enfant parle trois langues avec une aisance parfaite – l’anglais, l’allemand et l’arabe ! Sans doute l’enfant oubliera-t-il deux de ces trois langues, et ce n’est pas un argument pour enseigner les langues étrangères aux bébés, mais cela prouve certainement que l’acquisition d’une langue étrangère ne doit pas présenter de difficultés insurmontables pour aucun d’entre nous.
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21. L’art pictural
L’étude des œuvres. – La formation artistique des enfants doit se faire selon deux axes. L’enfant de six ans doit commencer à la fois à s’exprimer et à apprécier, et son appréciation doit être bien en avance sur son pouvoir d’exprimer ce qu’il voit ou imagine. Il est donc regrettable que l’appréciation des enfants ne s’exerce que sur les lithographies en couleur de leurs livres d’images ou de leur « numéro de Noël ». Mais le lecteur dira : « Un jeune enfant ne peut pas apprécier l’art ; ce ne sont que les couleurs et les sentiments d’une image qui l’atteignent. Une image aux couleurs vives de L’anniversaire de Bobbie, ou de La poupée cassée de Barbara trouvera son chemin directement vers les « intérêts et le cœur » de l’enfant. Par conséquent, la Nature indique le genre d’art qui convient aux enfants ! » Mais, en fait, l’esprit des enfants comme celui de leurs aînés s’adapte à ce qu’on met sur leur chemin ; et si les enfants apprécient le vulgaire et le sentimental dans l’art, c’est parce que c’est le genre d’art auquel ils s’habituent. Un petit garçon d’environ neuf ans reçut (ainsi que ses camarades) des reproductions d’une demi-douzaine de tableaux de Jean-François Millet à étudier pendant un trimestre scolaire. À la fin, les enfants furent invités à décrire le tableau qui leur avait le plus plu. Bien sûr, ils l’ont fait, et ils l’ont bien fait. Voici ce qu’en dit le petit garçon dont je parle : « J’ai préféré le Semeur. Le semeur est en train de semer des graines ; l’image est entièrement sombre, sauf en haut à droite, où l’on voit un homme qui laboure le champ. Pendant qu’il laboure le champ, le semeur sème. Le semeur a un sac dans sa main gauche et il sème avec sa main droite. Il porte des sabots en bois. Il sème à environ six heures du matin. On voit mieux sa tête que ses jambes et son corps, car elle est à contre-jour. »
Une petite fille de sept ans préfère L’Angélus et dit : « L’image représente des gens dans les champs, un homme et une femme. Près de la femme, il y a un panier avec quelque chose dedans ; derrière elle, il y a une brouette. Ils sont en train de prier ; l’homme tient son chapeau à la main. On peut dire que c’est le soir, car la brouette et le panier sont chargés. »
La régularité. – Lorsque les enfants ont commencé des leçons régulières (c’est-à-dire, dès qu’ils ont six ans), ces études de tableaux ne devraient pas être laissées au hasard. Ils devraient prendre un artiste après l’autre, trimestre après trimestre, et étudier tranquillement une demi-douzaine de reproductions de ses œuvres au cours du trimestre.
J’ai cité le résultat sur la mémoire que ces études ont donné ; et c’est le moindre des avantages. Nous ne pouvons pas mesurer l’influence que tel ou tel artiste exerce sur le sens de la beauté de l’enfant, sur son aptitude à voir, comme dans un tableau, les choses courantes de la vie ; il s’enrichit plus que nous ne le pensons d’avoir vraiment regardé ne serait-ce qu’un seul tableau. C’est une erreur de penser que la couleur est absolument nécessaire aux enfants dans leurs études artistiques. Ils trouvent la couleur dans de nombreux endroits et sont satisfaits, pour l’instant, avec les formes et les sentiments dans leurs tableaux. À propos, pour la décoration de la salle de classe, je ne connais rien de mieux que les Fitzroy Pictures, en particulier les Four Seasons, où l’on trouve la beauté, tant dans les lignes que dans les couleurs, et un sentiment poétique. J’aimerais également citer le conseil de Ruskin selon lequel les enfants anglais devraient être élevés avec les livres d’images pour enfants de Jean Richter, le Unser Vater, Sontag et les autres.
Je joins les notes d’une leçon sur une discussion d’œuvres d’art donnée à des enfants de huit et neuf ans, pour montrer comment ce genre de leçon peut être donnée.
DISCUSSION SUR LES ŒUVRES d’ART
Objectifs :
1. Poursuivre l’étude des œuvres de Landseer que les enfants font à l’école.
2. Accroître leur intérêt pour les œuvres de Landseer.
3. Mettre en évidence l’importance de sa connaissance des animaux.
4. Les aider à lire réellement une œuvre.
5. Augmenter leurs capacités d’attention et d’observation.
Étape I – Demandez aux enfants s’ils se souviennent de ce sur quoi portait leur dernière étude d’œuvres d’art et quel artiste était célèbre pour ses peintures d’animaux. Dites-leur que Landseer s’est familiarisé avec les animaux dès son plus jeune âge : il avait des chiens comme animaux de compagnie et, parce qu’il les aimait, il les a étudiés ainsi que leurs habitudes, ce qui lui a permis de les peindre.
Étape II – Donnez-leur le tableau Alexandre et Diogène à regarder, et demandez-leur de trouver eux-mêmes tout ce qu’ils peuvent sur ce tableau, et de réfléchir à l’idée que l’artiste avait en tête, et à l’idée ou aux idées qu’il voulait que son tableau nous transmette.
Étape III – Après trois ou quatre minutes, retirez le tableau et voyez ce que les enfants ont remarqué. Demandez-leur alors ce que les différents chiens leur suggèrent : la force du mastiff représentant Alexandre, la dignité et la prestance des limiers à l’arrière, le regard de sage conseiller sur le visage du setter, le regard plutôt méprisant du terrier à poil dur dans le tonneau. Demandez aux enfants s’ils ont remarqué quelque chose dans l’image qui indique l’heure de la journée : par exemple, les outils jetés à côté du panier de l’ouvrier suggèrent le repas du midi et le soleil éclatant sur les chiens qui projettent une ombre sur le tonneau indiquent qu’il doit être environ midi.
Étape IV – Laissez les élèves lire le titre et raconter les faits qu’ils connaissent sur Alexandre et Diogène ; puis dites-leur qu’Alexandre était un grand conquérant qui vécut de l’an 356 av. JC jusqu’en 323 av. JC, célèbre pour les batailles qu’il remporta contre la Perse, l’Inde et le long de la côte méditerranéenne. Il était très fier, fort et vantard. Diogène était un philosophe cynique. Expliquez le mot cynique à l’aide de la légende d’Alexandre et de Diogène. A partir de là, ils peuvent trouver quel chien représente Alexandre et lequel Diogène.
Étape V – Laissez les enfants dessiner les lignes principales du tableau, en cinq minutes, avec du papier et un crayon.
Les illustrations originales. – J’ai parlé, de temps en temps, d’illustrations originales dessinées par les enfants. Il peut être utile de joindre des notes d’une leçon montrant le type d’aide occasionnelle qu’un enseignant peut apporter dans ce genre de travail ; mais d’une manière générale, il est préférable de laisser les enfants à eux-mêmes.
Objectifs :
1. Aider les enfants à se faire des images mentales claires à partir d’une description et à les reproduire en peinture.
2. Augmenter leur capacité d’imagination.
3. Les aider dans leur conception des formes et des couleurs.
4. Accroître leur intérêt pour l’histoire de Beowulf en leur permettant d’illustrer une scène du livre qu’ils lisent.
5. Faire ressortir leur idée d’une créature inconnue (Grendel).
Etapes :
Étape I – Demander aux enfants ce qu’ils savent du poème Beowulf et du héros lui-même.
Étape II – Leur indiquer tous les points de l’histoire qui pourraient leur manquer, autant que ce qu’ils ont lu (par exemple, jusqu’à la mort de Grendel).
Étape III – Lire la description de la robe à cette époque et le récit de la mort de Grendel (avec trois images possibles).
Étape IV – Demander aux enfants quelles images mentales ils ont faites et relire le passage.
Étape V – Leur permettre de reproduire leur image mentale avec un pinceau et de la peinture.
Étape VI – Leur montrer l’illustration originale de Beowulf par George Morrow dans Heroes of Chivalry and Romance.
Les leçons de dessin. – Mais « pour les leçons de dessin proprement dites, dit le lecteur, je suppose que vous utilisez des ‘blobs’? », c’est-à-dire des éclaboussures de peinture faites avec le plat du pinceau, qui prennent une forme ovale. Je pense que les blobs ont une utilité – ils donnent une certaine liberté dans l’utilisation de la couleur. Autrement, les « blobs » me semblent une sorte d’appareil artistique qu’un enfant acquiert avec beaucoup de travail et qui, par des combinaisons appropriées pour former des fleurs, etc., peut produire des effets dépassant son pouvoir légitime d’artiste, tout en faisant cela sans une once de sentiment pour l’objet naturel qui est l’âme même de l’art. Le pouvoir de création réelle, par une sorte de ruse astucieuse, mutile les délicates sensations de la nature de l’enfant qui lui permettent d’appréhender l’art.
« Laissez l’œil (dit Ruskin) se poser inconsciemment sur une branche rugueuse de forme curieuse lors d’une conversation avec un ami. Et, bien que la conversation soit oubliée, bien que toutes les circonstances qui y sont liées soient aussi complètement perdues pour la mémoire que si elles n’avaient pas existé, l’œil, tout au long de sa vie, prendra un certain plaisir qu’il n’avait pas auparavant devant de telles branches, un plaisir si léger, une sensation si délicate, qu’elle nous laisse complètement inconscients de son pouvoir particulier, mais indestructible par tout raisonnement, une partie désormais de notre constitution. »
C’est ce que nous souhaitons faire pour les enfants en leur apprenant à dessiner : amener l’œil à se poser, non pas inconsciemment, mais consciemment, sur un objet de beauté qui laissera dans leur esprit une image de plaisir pour toute leur vie à venir. Des enfants de six et sept ans dessinent des rameaux bourgeonnants de chêne et de frêne, de hêtre et de mélèze, avec une fidélité si sensible à la couleur, au ton et au geste, que ces petits dessins grossiers sont en eux-mêmes des objets de beauté.
Les enfants ont « l’art » en eux. – Avec l’art, comme avec tant d’autres choses chez un enfant, nous devons croire qu’il est là, ou nous ne le trouverons jamais. Une fois de plus, voici un Ariel délicat qu’il nous appartient de libérer de ses liens. C’est pourquoi nous plaçons une brindille ou une fleur en pleine croissance devant un enfant et le laissons s’en occuper comme il l’entend. Il trouvera sa propre façon de former et de colorer, et notre aide peut très bien se limiter au début à des questions techniques telles que le mélange des couleurs et autres. Pour ne pas entraver la liberté de l’enfant ou empêcher l’épanouissement de l’art qui est en lui, nous devons veiller à ne pas lui offrir d’aide sous forme de lignes directrices, de points et d’autres béquilles de ce genre ; de plus, l’enfant doit travailler avec le matériel le plus facile comme un pinceau ou un fusain, et non avec un crayon à mine de plomb. Les boîtes de couleurs bon marché sont à éviter. Les enfants méritent ce qu’il y a de mieux, et une demi-douzaine de tubes de très bonnes couleurs dureront longtemps et satisferont l’œil des petits artistes.
Le modelage à l’argile. – En parlant de la formation artistique des enfants, il serait peut-être bon de dire un mot du modelage de l’argile. Les petits nids d’oiseaux soignés, les paniers d’œufs, etc., ne sont d’aucune utilité pour le développement de l’art et cessent rapidement d’être amusants. La principale tâche de l’enseignant est de montrer à l’enfant comment préparer son argile de manière à expulser les bulles d’air, et de lui donner l’idée de faire une petite plate-forme pour son travail, afin qu’il ait dès le début un effet artistique. Ensuite, mettez devant lui une pomme, une banane, une noix du Brésil ou autre ; qu’il ne prenne pas un morceau d’argile et le comprime pour lui donner une forme, mais qu’il construise la forme qu’il désire, morceau par morceau. Sa propre perception artistique saisit la trace dans la pomme, le pli dans la chaussure de l’enfant, les petites notes d’expression dans les objets qui brisent l’uniformité et font l’art.
Le piano et le chant. – Je dois conclure, avec le sentiment décevant que des sujets importants pour l’éducation de l’enfant ont été laissés de côté, et qu’aucun sujet n’a été traité de façon adéquate.
Certains sujets d’une valeur éducative particulière, la musique, par exemple, je n’en ai pas parlé, en partie par manque d’espace, et en partie parce que si la mère n’a pas le « ça !» de Sir Joshua Reynold en elle, les conseils d’une personne extérieure ne produiront pas le sentiment d’art qui est la condition du succès dans ce genre d’enseignement. Si possible, que les enfants apprennent dès le début sous la direction d’artistes, amoureux de leur travail : c’est une grave erreur de laisser l’enfant poser les bases de ce qu’il fera plus tard sous la direction de professeurs mécaniques peu qualifiés, qui n’éveillent pas en lui cet enthousiasme qui est la vie de l’art. A propos du chant, je voudrais mentionner les effets éducatifs admirables de la méthode Tonic Sol-fa. Les enfants apprennent grâce à cette méthode, de façon magique, à produire un signe pour un son et un son pour un signe, c’est-à-dire qu’ils peuvent non seulement lire la musique, mais aussi écrire les notes ou faire les signes de la main appropriés pour les notes d’un passage qui leur est chanté. L’oreille et la voix sont simultanément et également cultivées.
La méthode Child Pianist de Mme Curwen est élaborée, avec un soin minutieux, selon les mêmes principes ; c’est-à-dire que la connaissance de la théorie de la musique et l’entraînement de l’oreille de l’enfant suivent le rythme de sa puissance d’exécution, et semblent éliminer la monotonie mortelle de la « pratique ».
Les travaux manuels et les exercices rythmés. – Il n’est pas possible de faire plus que de mentionner deux sujets plus importants – les travaux manuels et les exercices physiques – qui devraient faire partie intégrante de la vie quotidienne d’un enfant. Concernant l’entraînement physique, rien ne vaut la gymnastique suédoise de Ling, dont quelques-uns des premiers exercices sont à la portée des enfants de moins de neuf ans. La danse et les divers exercices musicaux se prêtent à la grâce du mouvement et procurent plus de plaisir, même si la formation scientifique est moindre, aux petites personnes.
Les travaux manuels les mieux adaptés aux enfants de moins de neuf ans me semblent être le cannage de chaises, la cartonnerie, la vannerie, les tapis de Smyrne, les rideaux japonais, la sculpture sur liège, les modèles de broderie sur toile grossière montrant une variété de points, les travaux d’aiguille faciles, le tricot (grosses aiguilles et laine), etc. Les points à prendre en considération dans les travaux manuels des enfants sont les suivants : (a) il ne faut pas les employer à faire des futilités telles que des constructions avec des pois et des bâtonnets, des nattes de papier tressé, et autres choses semblables ; (b) il faut leur apprendre lentement et soigneusement ce qu’ils doivent faire ; (c) il ne faut pas permettre un travail bâclé ; (d) et, par conséquent, le travail des enfants doit rester dans les limites de leurs possibilités.
Puis-je espérer, en concluant cette brève revue des matières propres à l’éducation intellectuelle d’un enfant, que nous en avons dit assez pour montrer la nécessité d’une sérieuse réflexion de la part de la mère avant qu’elle ne permette que des petits livres de leçons soient mis sans discernement entre les mains de ses enfants, ou qu’elle ne fasse confiance à des personnes mal qualifiées pour se lancer dans des méthodes d’enseignement par elles-mêmes ?
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PARTIE VI – La Volonté – La Conscience – La vie Divine chez l’enfant
1. La volonté
Le gouvernement de Mansoul. – Nous devons maintenant aborder un sujet d’une importance immense. Il concerne tous les êtres appelés à mener une vie raisonnable ici-bas et qui espèrent avoir une vie plus épanouie dans l’au-delà. Je veux parler du gouvernement du royaume de Mansoul. Tout enfant qui vit assez longtemps dans le monde est investi, par degrés, de cette haute fonction, et c’est à ses parents de l’instruire de ses devoirs et de l’entraîner à ses tâches. Or, le gouvernement de ce royaume de Mansoul est, comme celui de certains États bien dirigés, assuré par trois Chambres, chaque Chambre ayant ses propres fonctions, exercées non par une multitude de conseillers, mais par un seul ministre.
Le pouvoir exécutif est dévolu à la volonté. – À la périphérie des trois Chambres siège la Volonté. Comme le centurion romain, elle a des soldats sous ses ordres : elle dit à l’un : Va, et il va ; à un autre : Viens, et il vient ; et à un troisième : Fais cela, et il le fait. En d’autres termes, le pouvoir exécutif est dévolu à la volonté. Si la volonté a l’habitude de l’autorité, si elle fait ses demandes sur un ton qui contraint à l’obéissance, le royaume est en accord avec lui-même. Si la volonté est faible, donne des conseils incertains, le pauvre Mansoul est déchiré par le désordre et la rébellion.
Qu’est-ce que la volonté ? – Je ne sais pas ce qu’est la volonté ; il semble que ce soit un fait ultime, n’admettant pas de définition : mais c’est un domaine dans lequel ceux qui sont responsables de l’éducation des enfants commettent des erreurs préjudiciables ; et c’est pourquoi il vaut la peine de considérer quelles sont les fonctions de la volonté et quelles en sont ses limites.
Des personnes peuvent traverser la vie sans acte délibéré de volonté. – En premier lieu, la volonté n’entre pas nécessairement en jeu dans les aspects que nous avons jusqu’ici considéré en ce qui concerne l’enfant. Il peut réfléchir et imaginer ; être animé par le désir du savoir, du pouvoir, de l’honneur ; il peut aimer et respecter ; il peut prendre des habitudes d’attention, d’obéissance, de diligence, de paresse, involontairement – c’est-à-dire, sans jamais en avoir l’intention, sans but, sans vouloir ces choses pour lui-même. Il est tout à fait vrai que certaines personnes vivent toute leur vie sans un seul acte délibéré de volonté : des gens aimables et faciles à vivre, d’une part, protégés par des circonstances favorables ; et des pauvres âmes, de l’autre, que les circonstances n’ont pas sauvées, qui ont dérivé loin de leur port d’attache, et dont les familles ne veulent plus prononcer le nom. De grandes facultés intellectuelles n’impliquent en aucun cas une volonté maîtrisée. Nous avons lu comment Coleridge a dû être pris en charge, parce qu’il avait si peu de pouvoir de volonté. Ses pensées étaient aussi peu soumises à sa propre volonté que ses actions, et les beaux discours que les gens allaient écouter n’étaient rien de moins qu’un flot continu d’idées qui n’étaient reliées entre elles que par des associations ; cependant, son intelligence était si grande, que ses idées coulaient méthodiquement – de leur propre chef, pour ainsi dire.
Le caractère est le résultat d’une conduite régulée par la volonté. – Il n’est pas nécessaire de parler de la dignité et de la force de caractère qu’une volonté affirmée peut conférer. En fait, le caractère est le résultat d’une conduite régulée par la volonté. Nous disons : untel a beaucoup de caractère, un tel autre manque de caractère ; nous pourrions exprimer ce fait de la même façon en disant : untel a une volonté vigoureuse, un tel autre n’a aucune force de volonté. Nous connaissons tous des vies, pleines de dons et de grâces, qui ont été détruites faute de volonté déterminée.
Les trois fonctions de la volonté. – La volonté est le régulateur des passions et des émotions, le directeur des désirs, le maître des appétits. Mais regardez, les passions, les désirs, les appétits sont déjà là, et la volonté ne prend force et vigueur que lorsqu’elle s’exerce dans la répression et la direction de ceux-ci ; car, bien que la volonté paraisse être de nature purement spirituelle, elle se comporte comme n’importe quel membre du corps en cela qu’elle devient vigoureuse et capable à mesure qu’elle est dûment nourrie et convenablement employée.
Une limite de la volonté ignorée par certains romanciers. – Le méchant dans un roman, il est vrai, est, ou plutôt était, une personne intéressante, car il était toujours doté d’une volonté puissante, qui agissait, non pas en contrôlant ses passions violentes, mais en les aidant et en les encourageant : le résultat était un être diabolique hors du commun. Et il n’y a pas lieu de s’en étonner car, selon la loi naturelle, le membre qui ne remplit pas ses propres fonctions est puni d’une perte de pouvoir ; s’il ne cesse pas d’exister, il en semble ainsi ; et la volonté, placée au siège de l’autorité, est dans l’impossibilité de déployer ses forces sur la foule – le désordre serait trop effrayant ; tout comme lorsque les pouvoirs exécutifs d’un État sont saisis par une foule déchaînée, et qu’il y a des fusillades sur les routes et des pendaisons aux gibets, un chaos infini régnant partout.
Les parents commettent cette maladresse métaphysique. – Je voudrais vous parler de cette façon dont la volonté limite ses propres fonctions, car les parents commettent assez souvent cette maladresse métaphysique que nous avons vue chez le romancier. Ils admirent une volonté vigoureuse, et à juste titre. Ils savent que si leur enfant veut laisser une trace sur le monde, ce doit être par la volonté. Ce qui s’ensuit ? Le bébé hurle pour un jouet interdit, et la mère dit : « Il a tellement de volonté ». Le petit garçon de trois ans se tient, hurlant, dans la rue et il ne veut aller nulle part avec sa nourrice, car « il a une volonté si forte ». Il veutdiriger les jeux, veut s’accaparer les jouets de ses sœurs, tout cela à cause de cette « forte volonté ». Maintenant, nous arrivons à une divergence d’opinion : d’une part, les parents décident que, quelle qu’en soit la conséquence, la volonté de l’enfant ne doit pas être brisée, donc tous ses caprices doivent rester incontrôlés ; de l’autre, ils décident que la volonté de l’enfant doit être brisée dès qu’un obstacle se présente et le pauvre petit être est soumis à une ennuyeuse série de punitions et de répression.
L’entêtement indique un manque de volonté. – Mais, pendant tout ce temps, personne ne réalise que c’est le simple manque de volonté qui est le problème de l’enfant. Il est dans un état « d’entêtement » complet – un mot fâcheux que nous utilisons pour décrire l’état dans lequel la volonté n’a aucun pouvoir de contrôle ; l’involonté, s’il existait un tel mot, décrirait cet état plus fidèlement. Or, dans l’esprit de nombreuses personnes, cette confusion entre l’entêtement et le fait d’être dominé par la volonté, conduit à des résultats malencontreux, même lorsque l’obstination n’est pas encouragée et que l’enfant n’est pas indûment réprimé : elle conduit à négliger le développement et l’entraînement de la volonté, cette possession presque divine, dont l’utilisation a un impact sur la valeur de tous les autres dons, qu’il s’agisse de la beauté ou du génie, de la force ou de l’habileté.
Qu’est-ce que l’entêtement ? – S’il n’est pas un exercice de la volonté, qu’est donc l’entêtement ? Simplement ceci : retirez le mors et la bride – c’est-à-dire le contrôle de la volonté – aux appétits, aux désirs, aux émotions et l’enfant, monté sur son dada, qu’il s’agisse de ressentiment, de jalousie, de désir de pouvoir, de désir de propriété, est un autre Mazeppa, emporté par une vitesse fulgurante et une force intense, sans aucun pouvoir pour s’aider lui-même. Appétit, passion, il n’y a pas de limite à leur puissance et à leur persévérance si le frein désigné est supprimé ; et c’est cet élan d’appétit ou de passion, cette détermination apparente pour aller dans une direction et pas dans une autre, qu’on appelle l’entêtement et qu’on confond avec l’exercice de la volonté. Alors que cette détermination n’est qu’apparente ; l’enfant est, en fait, entraîné sans résistance, parce que la force opposée qui devrait équilibrer son caractère n’est ni développée ni entraînée.
La volonté a des fonctions supérieures et inférieures. – La volonté a des fonctions supérieures et inférieures, qu’on pourrait appeler morales et mécaniques. Mais cette volonté qui, faute de pratique, est devenue molle et faible dans l’exercice de ses fonctions supérieures, peut encore être capable d’ordonner des choses comme aller ou venir, s’asseoir ou se tenir debout, parler ou se taire.
La volonté n’est pas une faculté morale.– De nouveau, bien qu’il soit impossible d’atteindre l’excellence morale du caractère sans l’action d’une volonté vigoureuse, la volonté elle-même n’est pas une faculté morale. Un homme peut atteindre une grande force de volonté grâce à des efforts continus dans la répression ou la direction de ses appétits ou désirs, et pourtant être un homme indigne ; c’est-à-dire qu’il peut se montrer discipliné pour des motifs indignes, pour sauver les apparences, pour son propre intérêt, même aux dépens d’un autre.
Une volonté disciplinée est nécessaire au caractère chrétien héroïque. – Une fois de plus, bien qu’une volonté disciplinée ne soit pas une condition nécessaire de la vie chrétienne, elle est nécessaire au développement d’un caractère chrétien héroïque. Un Gordon, un Havelock, une Florence Nightingale, un Saint Paul, ne pouvaient être que des personnes à la volonté vigoureuse. A cet égard, comme à tous les autres, le christianisme atteint les âmes les plus faibles. Il y a au Louvre une merveilleuse « Madeleine » de Guido, avec une bouche qui ne s’est manifestement jamais décidée entre le bien et le mal – le bas de son visage est modelé au gré de l’inclination du moment ; mais regardez les yeux, levés vers un regard non représenté sur le tableau, et la contenance est métamorphosée, le visage tout entier est illuminé avec passion pour le service, l’amour et le don de soi. Tout cela, la grâce divine peut l’accomplir dans les âmes faibles et réticentes, et elles feront alors ce qu’elles peuvent ; mais leur serviabilité est limitée par leur passé. Ce n’est pas le cas de l’enfant de la mère chrétienne, dont le plus grand désir est de le former à la vie chrétienne. Quand il s’éveillera à la conscience, qu’il comprendra qui il est et qui il sert, elle aura déjà fait en sorte qu’il soit prêt pour ce service élevé, toutes ses facultés auront été entraînées tel un soldat dès sa jeunesse. Surtout, il aura une volonté efficace, pour vouloir et agir selon Son bon plaisir.
L’unique faculté pratique de l’homme. – Avant de considérer comment former cette « unique faculté pratique de l’homme », nous devons comprendre comment opère la volonté. Autrement dit, comment elle gère l’organisation de tout ce qui se fait et se pense dans le royaume de Mansoul. « Tu n’arrives pas à te forcer à faire ce que tu veux faire ? » dit Guy, dans L’héritier de Redclyffe, au pauvre Charlie Edmonston, qui n’a jamais pris l’habitude de se forcer à faire quoi que ce soit. Il y a ceux, sans doute, qui ne sont même pas arrivés au stade de souhaiter, mais la plupart d’entre nous désirent bien faire ; ce que nous voulons savoir, c’est comment nous forcer à faire ce que nous désirons. Et voici la ligne de démarcation qui sépare les gens efficaces des gens inefficaces, les grands des petits, les bons des bien intentionnés et respectables ; c’est dans la mesure où un homme a le pouvoir de se contrôler, de se contraindre, qu’il est capable de faire, même en y prenant plaisir ; qu’il peut compter sur lui-même et être sûr de sa propre action dans les situations d’urgence.
Comment opère la volonté. – Maintenant, comment cet autocrate du cœur se comporte-t-il ? Est-ce que le sujet est contraint à l’obéissance avec un sévère « Tu feras », « Tu ne feras pas » ? Pas du tout. Est-ce par une démonstration plausible de raisons, un inventaire de motifs ? Non plus. Puisque M. John Stuart Mill nous a appris que « tout ce que l’homme fait ou peut faire avec la matière » c’est « déplacer une chose vers une autre ou depuis une autre », nous ne devons pas être surpris si de grands résultats moraux sont obtenus par des moyens qui semblent inadéquats ; et un peu d’expérience avec les enfants sera plus efficace que de grands discours sur ce qui est possible avec la volonté. Un bébé tombe, il se fait une grosse bosse et pleure piteusement. La nourrice expérimentée « n’embrasse pas la bosse pour la guérir », ni ne montre de pitié pour le malheur de l’enfant – cela aggraverait les choses ; plus elle a pitié, plus il sanglote. Elle s’empresse de « lui changer les idées », dit-elle ; elle le porte à la fenêtre pour voir les chevaux, lui donne son livre d’images préféré, son jouet favori, et l’enfant s’arrête au milieu d’un sanglot, bien qu’il soit sérieusement blessé. La façon de faire de cette nourrice expérimentée est exactement le rôle que joue la volonté dans la vie d’un homme. C’est par la force de la volonté qu’un homme peut « changer ses pensées », transférer son attention d’un sujet à un autre, et cela, avec une force mentale dont il est clairement conscient. Et ce pouvoir de penser uniquement aux choses auxquelles il a préalablement décidé qu’il est bon de penser suffit à le sauver et à en faire un homme.
La voie de la volonté – les motivations. – Ses pensées errent sur des plaisirs interdits, au détriment de son travail ; il s’arrête et fixe intentionnellement son attention sur les motivations qui ont le plus le pouvoir de le faire travailler, le temps libre et le plaisir qui suivent un travail honnête, le devoir qui le lie à l’accomplissement de sa tâche. Ses pensées suivent le sillon dans lequel il veut qu’elles courent, et le travail n’est plus un effort.
La diversion. – Un léger affront a provoqué un flot de ressentiment : untel n’aurait pas dû le faire, il n’avait pas le droit, c’était mesquin, et ainsi de suite, toutes les choses dures que nous sommes capables de dire dans nos cœurs de quelqu’un qui aurait offensé notre amour propre. Mais l’homme qui est contrôlé par sa propre volonté ne permet pas que cela continue ; il ne se bat pas contre lui-même et ne dit pas : « Ces pensées sont mauvaises. Untel n’est pas tant à blâmer, après tout. » Il n’est pas encore prêt pour cela ; il s’oblige juste à penser à autre chose – le dernier livre qu’il a lu, la prochaine lettre qu’il doit écrire, tout ce qui est suffisamment intéressant pour détourner ses pensées. Quand il se permet de revenir à la cause de l’offense, toute rancœur a disparu, et il est capable de considérer la question avec le sang-froid d’une tierce personne. Et cela est vrai, non seulement pour le ressentiment, mais pour toutes les tentations qui assaillent la chair et l’esprit.
Se changer les idées. – La monotonie de ses devoirs, la lassitude de faire la même chose encore et encore, le remplit de dégoût et de découragement, et il relâche ses efforts ; sauf si c’est un homme qui est contrôlé par sa propre volonté, parce qu’il ne se complait pas dans une insatisfaction inutile ; il est toujours en son pouvoir de se donner quelque chose d’agréable, d’extérieur à lui-même, auquel penser, et il le fait. Pour qui a un « état d’esprit heureux », aucun travail n’est laborieux.
La voie de la volonté devrait être enseignée aux enfants. – Nous savons comment réagir lorsque nous sommes assaillis de pensées, et nous savons que cette voie de la volonté est le secret d’une vie heureuse, alors il vaut la peine de l’enseigner aux enfants. Êtes-vous en colère ? Changez vos pensées. Êtes-vous fatigué d’essayer ? Changez vos pensées. Avez-vous envie de choses que vous ne pouvez pas avoir ? Changez vos pensées ; il y a un pouvoir en vous, votre propre volonté, qui vous permettra de détourner votre attention des pensées qui vous rendent malheureux et fautif, vers des pensées qui vous rendent heureux et vertueux. Et c’est de cette manière extrêmement simple que la volonté fonctionne ; c’est l’unique secret du pouvoir que l’homme fort exerce sur lui-même – il peut s’obliger à penser à ce qu’il choisit, et il ne s’autorise pas à avoir des pensées qui engendrent le mal.
Le pouvoir de la volonté implique le pouvoir de l’attention. – Mais vous comprenez que, bien que la volonté soit toute-puissante dans certaines limites, ces limites restent étroites. Beaucoup de choses doivent précéder et accompagner une volonté vigoureuse si l’on veut qu’elle ait une influence sur notre conduite. Par exemple, l’homme doit avoir acquis l’habitude de l’attention, dont nous avons déjà considéré la grande importance. Il y a des gens à l’esprit papillonnant, qui n’ont pas le pouvoir de penser de façon cohérente pendant cinq minutes sous une pression quelconque, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur. S’ils n’ont jamais été entraînés à appliquer l’ensemble de leurs facultés mentales à un sujet donné, aucune énergie de volonté, à supposer qu’ils en aient, ce qui est impossible, ne pourrait leur faire penser de façon constante à des pensées de leur choix ou à celles de quelqu’un d’autre. Voici comment les parties du tissu intellectuel s’imbriquent : le pouvoir de la volonté implique le pouvoir de l’attention ; et avant que le parent puisse commencer à former la volonté de l’enfant, il doit avoir commencé à former en lui l’habitude de l’attention.
L’habitude peut frustrer la volonté. – Nous avons déjà considéré comment l’habitude peut être facilement utilisée pour faire le mal ou le bien. L’habitude est soit l’alliée, soit l’adversaire, trop souvent celle qui frustre la volonté. Le malheureux ivrogne utilise sa volonté avec la force qui lui reste ; il détourne les yeux de son esprit pour ne pas être pris au piège ; il s’occupe assidûment à d’autres pensées ; mais hélas, ses pensées ne courent que dans le sillon habituel du désir, et l’habitude est trop forte pour sa faible volonté. Nous connaissons tous cette lutte entre l’habitude et la volonté dans des domaines moins vitaux. Qui n’a pas une habitude dilatoire, procrastinatrice, en quelque sorte fastidieuse, qui est en lutte presque quotidienne avec sa volonté ? Mais j’ai déjà dit tellement de choses sur le devoir qu’ont les parents de faciliter le chemin de leurs enfants en leur donnant des habitudes utiles, qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus ici sur le rôle de l’habitude, en tant qu’alliée ou obstacle de la volonté.
L’utilisation raisonnable d’un instrument aussi efficace. – Seul l’homme qui a cultivé sa raison est capable d’être gouverné par une volonté bien dirigée. Si sa compréhension ne montre pas pourquoi il devrait lire chaque jour, pourquoi il devrait s’accrocher à la foi de ses pères, pourquoi il devrait assumer ses devoirs de citoyen, le mouvement de sa volonté sera faible et fluctuant, et il n’y aura pas de résultats. De plus, le pire peut arriver : il peut agir de façon malavisée, même vicieuse, et faire beaucoup de mal à cause de ce qu’il pense être un effort vertueux de volonté. Le parent ne peut remettre le pouvoir de la volonté entre les mains de son enfant que dans la mesure où il l’entraîne à faire un usage raisonnable d’un instrument aussi efficace.
Comment renforcer la volonté. – Nous allons considérer une autre limite de la volonté. En supposant que le parent s’assure que l’enfant est en mesure d’utiliser sa volonté, comment la fortifiera-t-il, afin que l’enfant puisse, petit à petit, l’employer pour contrôler sa propre vie ? Nous avons déjà parlé de l’importance de former l’enfant à l’habitude de l’obéissance. Or, l’obéissance n’a de valeur que dans la mesure où elle aide l’enfant à se contrôler pour faire ce qu’il sait devoir faire. Tout effort d’obéissance qui ne lui donne pas un sentiment de conquête sur ses propres inclinations, contribue à l’asservir, il se révoltera contre la perte de sa liberté en se mettant dans des situations difficiles dès qu’il le pourra. C’est pourquoi de nombreux enfants élevés de manière stricte s’égarent. Mais invitez-le à coopérer, laissez-le avoir l’intention et la détermination de faire ce qui lui est demandé, et alors c’est sa propre volonté qui le contraint, et non la vôtre ; il a commencé le plus grand effort, l’accomplissement le plus élevé de la vie humaine – il se réalise et se contraint lui-même. Expliquez-lui ce qu’il est en train d’accomplir ; laissez-le apprécier un sentiment de triomphe et vos félicitations, chaque fois qu’il ramène ses pensées vers son calcul ennuyeux, chaque fois qu’il finit ce qu’il a commencé, chaque fois qu’il laisse sa déprime derrière lui et sourit malgré son visage troublé.
L’habitude d’autogestion. – Puis, comme on l’a déjà dit, donnez-lui le secret de la volonté ; faites-lui savoir que, par un effort de volonté, il peut orienter ses pensées vers la chose à laquelle il veut penser – ses leçons, ses prières, son travail, et les éloigner des choses auxquelles il ne devrait pas penser. En fait, il peut être un petit garçon si courageux et fort, qu’il peut se forcer à penser à ce qu’il aime. Puis laissez-le faire ses petites expériences : s’il a une fois de bonnes pensées, le reste suivra de lui-même, et il sera sûr de faire ce qu’il faut alors ; s’il se sent contrarié, que des pensées vilaines l’envahissent, la stratégie est de réfléchir sérieusement à autre chose, à quelque chose d’agréable comme, par exemple, son prochain anniversaire ou ce qu’il voudra faire quand il sera un homme. Pas tout cela à la fois, bien sûr ; mais une chose après l’autre, petit à petit, quand l’opportunité se présente. Laissez-le prendre l’habitude de se gérer lui-même, de se contrôler, et il est étonnant de voir à quel point un jeune enfant sait s’auto-contrôler. « Retiens-toi, Tommy » ai-je un jour entendu dire une tante avisée à un garçon de quatre ans, et Tommy s’est retenu, bien qu’il était en train de faire un terrible raffut pour un petit problème.
L’éducation de la volonté est plus importante que celle de l’intellect. – Pendant tout ce temps, la volonté de l’enfant est à la fois entraînée et renforcée ; il apprend comment et quand utiliser sa volonté, et elle devient chaque jour plus vigoureuse et compétente. J’aimerais ajouter une ou deux pensées tirées de Introduction to Mental Philosophy du Dr Morell : « L’éducation de la volonté est vraiment d’une plus grande importance que l’éducation de l’intellect, car elle façonne le destin de l’individu… Inculquer les théories et les doctrines, les lois et les propositions, ne conduira jamais à l’habitude régulière de l’action juste. C’est en faisant, que nous apprenons à faire ; en surmontant, que nous apprenons à vaincre ; et chaque acte juste que nous faisons naître de principes purs, que ce soit par autorité, précepte ou exemple, pèsera plus lourd dans la formation du caractère que toute la théorie du monde. »
Cette traduction est protégée par les droits d’auteur de www.charlottemason.fr
2. La conscience
La conscience est juge et législateur. – Mais la volonté ne gouverne pas à elle seule le royaume de Mansoul. Il est vrai qu’elle exerce le pouvoir exécutif car ce n’est qu’en voulant que nous pouvons. Cependant, il existe une puissance plus grande derrière la volonté qui ne fait qu’exécuter ce que cette puissance lui commande. La conscience occupe la plus haute position dans la Chambre interne. La Conscience est le législateur qui dit : « Tu dois faire ceci » ou « Tu ne dois pas faire cela » sur quoi la volonté transforme ces paroles en actions. Elle est aussi le juge devant qui l’âme coupable est appelée. Et face au verdict de la conscience, il n’y a aucun recours qui vaille.
« Je suis, je devrais, je peux, je ferai. » – « Je suis, je devrais, je peux, je ferai » sont les échelons de l’échelle de Saint-Augustin selon laquelle
« Nous nous élevons sur les degrés
De nos cœurs morts, toujours plus haut. »
« Je suis » – nous avons le pouvoir de nous connaître. « Je devrais » – nous avons en nous un juge moral à qui nous sentons que nous devons rendre des comptes, qui nous signale et exige que nous fassions notre devoir. « Je peux » – nous sommes conscients d’être capables de faire ce que nous devrions faire. « Je ferai » – nous sommes déterminés à exercer ce potentiel, et cette détermination est en soi une étape dans l’accomplissement de ce que nous ferons. Voilà un bel enchainement qui touche à la perfection, et l’on s’étonne que, si merveilleusement constitué pour faire le bien, l’erreur soit même possible à l’homme. Mais ce n’est pas à moi de parler ici des tristes mystères de la tentation et du péché. Cependant, c’est à cause de ces possibilités d’aller vers la ruine et la perte qui résident en chaque être humain que j’insiste auprès des parents sur le devoir de sauver leurs enfants par les moyens mis entre leurs mains. Il n’est peut-être pas exagéré de dire que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des vies perdues sont dues aux parents qui ne se sont pas donnés la peine de délivrer leurs enfants de leur paresse, de leur tendance à la volupté, de leur entêtement et qui n’ont rien fait pour les fortifier avec les habitudes d’une bonne vie.
L’inertie des parents n’est pas compensée par la grâce divine. – Nous vivons dans un monde qui a été racheté, et la grâce infinie et l’aide divine accompagnent tout effort bien dirigé pour élever un enfant. En revanche, je pense qu’il y a peu d’espoir de voir la grâce divine se substituer à toutes les forces qui seraient laissées inutilisées ou utilisées à mauvais escient. Ici-bas, il n’y a pas de miracle auquel s’attendre pour compenser nos négligences. Le corps rachitique, le membre difforme, pour lesquels l’enfant doit remercier ses parents, restent avec lui toute sa vie, quels que soient les dons qu’il a reçus de Dieu. Une faible volonté, de mauvaises habitudes, une conscience non formée, limitent plus d’un homme chrétien toute sa vie, parce que ses parents ont manqué à leur devoir envers lui, et qu’il n’a pas eu assez de force en lui-même pour combler leurs manquements.
La conscience n’est pas un guide infaillible. – En ce qui concerne la conscience, si des parents ont, par exemple, une habitude de laissez-faire, cela causera un grand préjudice à l’enfant. Les parents supposent que leur enfant est né avec une conscience et en sont reconnaissants. Ils espèrent que sa conscience dirige son comportement et, partant de là, ne font rien de leur côté. L’enfant et sa conscience se débrouilleront. Cela suppose que, soit l’enfant naît doté d’une conscience parfaitement éclairée, soit que cette conscience se développe, comme les cheveux et les membres, parallèlement à la croissance de son corps. Dans ce dernier cas de figure, elle ne dépend pas d’une quelconque progression spirituelle qui lui serait propre. En d’autres termes, cela suppose que la conscience est un guide infaillible, illusion à laquelle les gens s’accrochent en dépit du bon sens et des mauvaises actions quotidiennes que commettent des gens en toute conscience. Les caprices d’une conscience non éduquée sont si courants qu’ils ont donné naissance à des proverbes tels que : « Honneur entre les voleurs », « Couler le moucheron et avaler le chameau », qui montrent bien que la conscience peut se fourvoyer. Tandis que des proverbes comme « Le souhait est père de la pensée » ou « Nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir » mettent l’accent sur des exemples encore plus courants d’êtres qui trompent sciemment leur conscience afin de la soumettre.
Un vrai pouvoir. – Alors, si la conscience n’est pas un guide infaillible, si elle ignore des offenses odieuses, et si elle se prononce lourdement sur une simple querelle, en payant la dîme de la menthe, de la rue et de toutes sortes d’herbage, et en négligeant les questions plus graves de la loi, si la conscience est susceptible d’être trompée, persuadée d’appeler le mal, bien et le bien, mal, quand le Désir est celui qui plaide à la barre, à quoi sert ce roseau brisé ? Ce législateur sévère interne n’est-il pas, après tout, qu’une invention du cerveau ? La conscience n’est-elle rien de plus que ce que l’on pense de ses propres actions et de celles des autres ? Au contraire, ces aberrations de la conscience sont peut-être la preuve la plus forte de son existence en tant que pouvoir réel. Comme Adam Smith l’a bien dit : « L’autorité suprême de la conscience est ressentie et tacitement reconnue par le pire, tout autant que par le meilleur, des hommes ; car même ceux qui ont rejeté toute hypocrisie ont du mal à se dissimuler leur propre caractère. »
Ce sens spirituel par lequel nous connaissons le bien et le mal. – Ce qu’est la conscience, quelle part réside dans les émotions, quelle part dans la raison, dans quelle mesure elle est indépendante des deux, sont des questions obscures qu’il n’est pas nécessaire de régler pour des raisons pratiques ; mais ce qui est évident, c’est que la conscience est une partie aussi essentielle de la nature humaine que le sont les affections et la raison, et que la conscience est ce sens spirituel par lequel nous avons la connaissance du bien et du mal. L’enfant de six mois, qui ne peut pas encore parler, montre le fonctionnement de la conscience ; un regard réprobateur lui fait baisser les yeux et cacher son visage. Mais, observez, la mère peut ainsi décider de le mettre dans l’embarras, pour faire une expérience, alors que l’enfant se comporte bien, et la pauvre petite conscience non éduquée se lève tout de même et le condamne sur la parole d’un autre.
De tels faits donnent un aperçu de l’effroyable responsabilité qui incombe aux parents. L’enfant vient au monde avec une faculté morale, un organe délicat qui lui permet de discerner la saveur du bien et du mal, et en même temps de percevoir le plaisir du bien – en lui-même ou chez les autres – et le dégoût et l’horreur du mal. Mais, pauvre petit enfant, il est comme un navigateur qui ne sait pas orienter sa boussole. Il est né pour aimer le bien et haïr le mal, mais il n’a aucune connaissance réelle de ce qui est bien et de ce qui est mal. Il ne se fie pas à ses intuitions mais à la conduite des autres. L’étonnement que Dieu tout-puissant puisse aller jusqu’à laisser entre les mains de parents humains la fabrication même d’un être immortel n’a d’égal que l’étonnement que les parents humains puissent accepter cette confiance divine sans se soucier de sa signification.
La conscience d’un enfant est une capacité non développée plutôt qu’une autorité suprême. – Si l’on considère la conscience de l’enfant comme une capacité non développée plutôt que comme une autorité suprême, la question est de savoir comment ce seigneur de la vie naissant doit être éduqué à ses hautes fonctions qui consistent à façonner la volonté et ordonner la conduite. Car la conscience mal instruite peut faire des erreurs fatales, par exemple un homme peut tuer parmi les fidèles parce que sa conscience le lui demande. Cependant, aucun homme n’a jamais atteint une vie pieuse, juste et sobre sans être dirigé par une bonne conscience – une conscience qui n’a pas seulement la capacité de discerner le bien et le mal, mais qui est entraînée à percevoir les qualités des deux. Beaucoup d’hommes ont un palais fin qui leur permet de savoir apprécier le thé, mais ce n’est que lorsqu’ils ont acquis une expérience dans les qualités des thés que leur bon goût devient précieux pour leurs employeurs et une source de revenus pour eux-mêmes.
La conscience non instruite. – Tout comme pour l’éducation de la volonté, celle de la conscience dépend de ce qui s’est passé auparavant. Le raffinement de la conscience ne peut coexister avec l’ignorance. Le sauvage non instruit a des scrupules que nous ne pouvons pas saisir ; nous ne pouvons comprendre à ce jour comment les horreurs de la mutinerie Indienne sont nées du simple soupçon qu’un mélange de graisse de porcs et de bœufs avait été utilisé pour graisser les cartouches distribuées aux Cipayes. Nous appelons superstitions et préjugés ces scrupules qui dépassent le cadre de nos idées, et nous ne sommes pas disposés à considérer une conduite comme consciencieuse, même lorsqu’elle est inspirée par la conscience non instruite, sauf dans la mesure où elle est raisonnable et juste en soi.
Le processus d’une décision consciencieuse. – Il est donc évident qu’avant que la conscience ne soit en mesure de prononcer son verdict sur une situation donnée, la raison cultivée doit passer en revue le pour et le contre ; le jugement exercé doit les mettre en balance, décidant lequel a le plus de poids. L’attention doit mobiliser toutes les forces de l’esprit sur la question ; l’habitude de faire ce qui est juste doit soutenir nos sentiments, faire en sorte que l’action juste semble plus facile et plus agréable. Entre-temps, le désir se fait entendre, mais la conscience, ce juge impartial dûment informé en pleine audience des mérites de l’affaire, décide ce qui est juste. La volonté exécute le verdict de la conscience ; sur les verdicts de la conscience repose l’homme consciencieux, dont vous pouvez être sûrs à l’avance des actions et des opinions, et alors que devient cette procédure élaborée ? C’est justement l’avantage d’une conscience instruite soutenue par une intelligence entraînée ; le juge siège en permanence, le conseil est toujours présent.
Une conscience bien instruite se trompe rarement. – Voici, certainement, une bonne raison pour une formation globale de l’intelligence de l’enfant ; il veut la plus haute culture que vous puissiez lui donner, appuyée par des habitudes soigneusement formées, afin qu’il ait une conscience toujours en éveil, soutenue par toutes les forces de l’esprit ; et une telle conscience est la fleur même d’une vie noble. La conscience instruite peut prétendre être, sinon infaillible, du moins presque toujours juste. En général, elle n’est pas mature avant que l’homme ne le soit ; les jeunes gens, même raisonnables et sérieux, sont susceptibles de se tromper, essentiellement parce qu’ils fixent trop leur attention sur un devoir, une théorie de la vie, au détriment de beaucoup d’autres choses.
La bonne conscience d’un enfant. – Mais même l’enfant, dont la conscience est en train de se développer, est capable de dire : « Non, je ne peux pas, ce ne serait pas bien » ; « Oui, je le ferai, parce que c’est juste ». Et une fois qu’il est capable de donner l’une ou l’autre de ces réponses aux sollicitations qui l’assaillent, l’enfant peut vivre ; car le reste, le développement, et ce qu’on peut appeler l’ajustement, de la conscience, suivra le rythme de sa croissance intellectuelle. Mais si l’on admet qu’il faut beaucoup de discipline pour obtenir l’efflorescence finale de la bonne conscience, que faut-il faire pour former la conscience elle-même, pour aiguiser le goût spirituel afin que le moindre soupçon de mal soit détecté et rejeté ?
Les enfants jouent avec les questions morales. – Il n’y a aucun aspect de l’éducation qui soit plus beau et délicat que celui-ci, ni aucun dans lequel les adultes soient plus enclins à se tromper. Tout le monde sait comme il est fastidieux de discuter de toute bonne question morale avec les enfants ; comme ils chicanent, proposent cent explications ou esquives ingénieuses, ne parviennent pas à être choqués ou à admirer au bon moment – en fait, ils jouent avec toute la question ; ou, ce qui est encore plus fatiguant, ils sont sévères et vertueux à l’excès et condamnent avec beaucoup de cœur et de bonne volonté. Les parents raisonnables sont souvent affligés par ce manque de conscience chez les enfants ; mais ils ne sont pas vraiment en faute ; la conscience mature exige d’être soutenue par l’intellect mature, et les enfants n’ont ni l’un ni l’autre. De telles discussions doivent être supprimées ; les enfants ne devraient pas être encouragés à donner leur avis sur les questions de bien et de mal, et les petits livres qui encouragent à se prononcer avec autorité sur la conduite ne devraient pas être mis entre leurs mains.
La Bible, principale source d’idées morales. – Il serait judicieux que la retenue de la Bible à ce sujet soit imitée par les auteurs de livres pour enfants, que ce soit des livres de fiction ou d’histoire. L’enfant entend l’histoire de Joseph (adaptée) lue dans la Bible, et cela nécessite rarement des commentaires ou des explications. Il n’a pas besoin qu’on lui dise ce qui est « mal » et ce qui est « bien » ; il n’est pas nécessaire d’insister sur la morale de l’histoire ou alors la Bible aurait été écrite en vain ; les bonnes et mauvaises actions parlent d’elles-même. Que la lecture quotidienne de la Bible – la lecture consécutive, depuis le premier chapitre de la Genèse, avec les omissions nécessaires – soit un plaisir pour l’enfant ; qu’il soit dans la chambre de sa mère, dans les bras de sa mère ; que ce quart d’heure soit un moment de doux loisir et de joie sobre, l’enfant pouvant consacrer tout son intérêt à l’histoire sans considérations morales pour le distraire ; et alors, moins on parle, mieux c’est ; l’histoire sera comprise petit à petit et apportera son propre enseignement, et un peu plus chaque année, à mesure que l’enfant sera capable de comprendre. Une telle histoire sèmera en lui une idée morale qui grandira et fructifiera constamment.
Les histoires fixent l’attention sur la conduite. – La Bible (les passages qui conviennent à un enfant) est le livre suprême ; mais toute image réaliste de la vie, qu’il s’agisse d’un récit de bonnes actions ou d’une vie humaine défaillante et difficile, alimente la conscience grandissante. L’enfant prend l’habitude de fixer son attention sur la conduite ; il évalue d’abord les actions en fonction de leurs conséquences, mais peu à peu, sa conscience acquiert un pouvoir de discrimination, et tel ou tel comportement lui paraît bon ou mauvais, quelles que soient ses conséquences. Cette croissance silencieuse des facultés morales s’opère d’autant plus sûrement que l’on évite la distraction du bavardage sur le sujet ; car mille petits mouvements de vanité, de curiosité et de simple amour de la conversation entrent facilement en jeu, et ils détournent l’attention de l’idée morale qui doit être transmise à la conscience. Encore une fois, il est très important que l’enfant ne soit pas autorisé à critiquer la conduite des gens qui l’entourent. Qu’il ait tort ou raison n’est pas la question ; l’habitude de blâmer est sûre d’émousser sa conscience, de le rendre insensible à l’injonction « Ne jugez point et vous ne serez point jugés ».
L’ignorance de la conscience d’un enfant. – Mais la conduite de l’enfant lui-même : ne peut-on pas lui demander de l’examiner ? Sa conduite, y compris ses paroles, oui ; mais ses motifs, non ; rien ne doit être fait pour induire la mauvaise habitude de l’introspection. De plus, en amenant l’enfant à réfléchir à sa façon d’agir, il faut tenir compte de l’extrême ignorance de la conscience enfantine, un degré d’ignorance qui laisse les adultes perplexes quand ils ont la chance de le découvrir, ce qui n’arrive pas souvent, car les enfants, en dépit de leurs bavardages incessants et de leurs façons amicales et affectueuses, ne se confient pas beaucoup. Ils commettent de graves infractions à la vérité, à la modestie, à l’amour, sans réaliser qu’ils ont fait quelque chose de mal, alors qu’une absurde transgression oppresse leur âme. Les enfants se mordent et se blessent vicieusement, commettent de petits vols, font des choses si choquantes que leurs parents craignent qu’ils aient des natures vraiment mauvaises : ce n’est pas nécessairement le cas ; c’est simplement que la conscience qui n’a pas été formée ne voit pas de limite claire entre le bien et le mal et qu’elle est susceptible d’errer tout aussi bien d’un côté que de l’autre. J’ai vu une fois une enfant de douze ans en pleine détresse parce qu’elle craignait d’avoir commis « le péché impardonnable », ainsi qu’elle le disait (où avait-elle entendu cette expression, personne ne le savait) ; et c’était parce qu’elle disait ses prières sans s’agenouiller dans son lit ! L’ignorance des enfants sur les questions les plus courantes du bien et du mal est vraiment déplorable ; et pourtant, on les traite trop souvent comme s’ils savaient tout, parce qu’« ils ont une conscience », comme si la conscience n’était rien de plus qu’un organe spirituel qui attendait des consignes !
Former la conscience – la bonté. – Que les enfants fassent le mal tout en le sachant est un autre sujet qu’il n’est, hélas, pas besoin de vérifier ; ce sur quoi j’insiste est la nécessité de leur enseigner leur devoir ; et ceci, pas de façon aléatoire, mais régulièrement et progressivement. Disons que la bonté est, par exemple, le sujet de la semaine. La mère a, avec ses enfants, une de ces conversations qu’ils aiment – une courte discussion est préférable – à propos de la bonté. La bonté, c’est l’amour, qui se manifeste par des actes et des paroles, des regards et des manières. Un puits d’amour, fermé et caché dans le cœur d’un petit garçon, n’apporte rien de bon à personne ; l’amour doit jaillir comme une source, couler comme un torrent et alors il y a de la bonté. Ensuite, il y aura de courtes conversations sur les façons d’être bon, avec les frères et sœurs, avec les camarades, avec les parents, avec les amis de la famille, avec les domestiques, avec les gens qui souffrent, avec les créatures muettes, avec les gens que nous ne pouvons pas voir mais auxquels nous pouvons cependant penser – tous ceux qui sont en détresse, les païens. Donnez aux enfants une idée à considérer à la fois, et, à chaque fois, un bel exemple d’amour bienveillant qui allumera dans leurs cœurs le désir d’en faire autant.
Prenez la parabole du Bon Samaritain comme modèle d’instruction morale. Laissez l’histoire et la conversation donner aux enfants l’envie d’en faire autant puis donnez-leur la loi de « Va et fais de même ». Leur ayant présenté la notion de bonté de différentes façons, terminez avec la loi : Soyez bons ou « Soyez bons les uns envers les autres ». Dites-leur que c’est la loi de Dieu pour les enfants et les adultes. Maintenant, la conscience est instruite, les sentiments sont sollicités au service du devoir, et si l’enfant est appelé, c’est pour avoir enfreint la loi de la bonté, une loi qu’il connaît, que sa conscience condamne lorsqu’il l’enfreint. Ne donnez pas aux enfants des exemples d’erreurs dans le but de les dissuader, à cause des tendances regrettables de la nature humaine, mais parlez-leur toujours de belles « Actions Dorées », petites et grandes, qui les stimuleront pour le combat de la vie.
La conscience rendue efficace grâce à la discipline. – Soyez courtois, soyez sincères, soyez reconnaissants, soyez attentionnés, soyez authentiques ; il y a suffisamment de devoirs à considérer pour occuper chaque jour l’attention de la mère et de l’enfant ; et pendant tout ce temps, l’idée du devoir se construit, la conscience est éduquée et se développe. En même temps, la mère fait preuve de la vigilance amicale d’un ange gardien, pas pour surprendre l’enfant en train de trébucher mais pour le guider dans l’accomplissement du devoir qu’elle a déjà rendu beau à ses yeux ; car c’est seulement en faisant que nous apprenons, et c’est ainsi que nous devenons forts. En même temps qu’elle enseigne les valeurs morales à son enfant, elle lui apprend à écouter la voix de la conscience comme il écouterait la voix de Dieu, un « Fais ceci » ou « Ne fais pas cela », qui vient du cœur, qui doit être obéi avec une confiance totale. On conteste le fait que nous rendions infaillible, non pas la conscience divinement implantée, mais cette même conscience rendue efficace grâce à la discipline. Il en est ainsi ; dans tous les domaines de la vie, physique ou spirituelle, l’effort humain semble être la condition du Divin nous fortifiant ; on doit étendre le bras flétri avant qu’il ne reçoive de la force ; et nous avons toutes les raisons de penser que la conscience instruite, si elle est fidèlement suivie, est divinement illuminée.
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3. La vie divine chez l’enfant
L’intime pulsation de la machine. – Il est évident que nous n’avons pas encore atteint
« L’intime pulsation de la machine »
Les habitudes, les sentiments, la raison, la conscience – nous les avons suivis jusque dans les recoins les plus intimes de la vie de l’enfant ; chacun agit sur l’autre, mais qu’est-ce qui agit sur le dernier : qu’est-ce qui agit sur eux tous ?
« C’est, dit un écrivain qui a sondé les questions profondes de Dieu, un Roi que nos esprits réclament à grands cris, pour les guider, les discipliner, les unir les uns aux autres, pour leur donner une victoire sur eux-mêmes, une victoire sur le monde. C’est un Prêtre que nos esprits réclament, pour les élever au-dessus d’eux-mêmes jusqu’à leur Dieu et Père, pour les faire participer à Sa nature, pour qu’ils soient des compagnons de travail dans l’accomplissement de ses objectifs. Le sacrifice du Christ est un témoignage authentique qu’Il est à la fois le Prêtre et le Roi des hommes. »
Les parents ont un certain pouvoir pour introniser le Roi. – La conscience, nous l’avons vu, n’est efficace que si elle est mûe de l’intérieur, de la chambre la plus intime de Mansoul, ce Saint des Saints, dont les secrets ne sont connus que du Grand Prêtre, qui « n’avait pas besoin qu’on lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qui était dans l’homme. » Il est cependant nécessaire que nous rassemblions des miettes de faits et de déductions et que nous mettions en ordre les connaissances que nous possédons ; car les clés même de cette chambre intérieure sont placées entre les mains des parents, et il est en leur pouvoir d’introniser le Roi, d’ordonner le Prêtre, que tout esprit humain réclame à grands cris.
Les fonctions et la vie de l’âme. – Nous tenons pour acquis, dans le discours commun, que toute âme est une « âme vivante », une âme pleinement développée et adulte ; mais le langage de la Bible et celui de l’expérience générale semblent indiquer des conclusions surprenantes. On a dit d’un grand poète – avec quelle justice n’est pas la question ici – que si l’on pouvait supposer qu’un être humain était fait sans âme, il était effectivement une tentative avortée ; car s’il avait la raison, l’imagination, les passions, tous les appétits et les désirs d’un être intelligent, il semblait n’exercer aucune des fonctions de l’âme. Or, quelles sont ces fonctions dont la suspension remet en cause l’existence même de l’âme d’un homme ? Nous devons revenir à l’axiome d’Augustin – « L’âme de l’homme est pour Dieu, comme Dieu est pour l’âme. » L’âme a un seul appétit, pour les choses de Dieu ; elle respire un seul air, le souffle, l’Esprit de Dieu ; elle a un seul désir, pour la connaissance de Dieu ; une seule joie, face à Dieu. « Je veux vivre dans la Lumière d’un Visage qui ne cesse de me sourire » est le langage de l’âme. L’action directe de l’âme nous conduit vers Dieu, avec un mouvement réflexe vers les hommes. Le discours de l’âme est la prière et la louange, la main droite de l’âme est la foi, la lumière de l’âme est l’amour, l’amour de Dieu répandu sur elle. Regardez, ce sont les fonctions, ceci, la vie de l’âme, les seules fonctions, la seule vie qu’elle peut avoir : si elle ne les a pas, elle n’a pas le pouvoir de se détourner et de trouver la « vie de sa main » ailleurs. Comme la conscience, la volonté, la raison, est inefficace tant qu’elle n’est pas nourrie avec la nourriture qui lui convient, exercée dans ses propres fonctions, ainsi en est-il de l’âme ; et sa chambre est terne, avec des portes pleines de toiles d’araignée et des fenêtres obscurcies, jusqu’à ce qu’elle s’éveille à sa vie propre ; pas tout à fait vide, cependant, car là est l’âme naissante ; et l’éveil à la vie a lieu, parfois avec le choc soudain, le miracle gracieux, que nous appelons la conversion ; parfois, quand les parents le veulent, l’âme de l’enfant s’étend avec une croissance douce et tendre et s’ouvre progressivement comme une fleur. Il y a des âmes somnolentes, qui sont encore vivantes ; il y a des âmes faibles, maladives, qui sont encore vivantes ; et il y a des âmes qu’aucun mouvement vers Dieu n’accélère jamais.
Qu’est-ce que la vie de l’âme ? – Cette vie de l’âme, qu’est-ce que c’est ? La vie transmise, comme quand on allume une torche au feu ? Peut-être ; mais c’est quelque chose de plus intime, de plus indicible : « Je suis la Vie » ; « En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes » ; « Demeurez en moi, et je demeurerai en vous ». La vérité est trop ineffable pour être énoncée en d’autres termes que ceux qui nous ont été donnés. Mais cela signifie, au moins, que l’âme vivante ne demeure pas seule là où elle est ; ce lieu devient le temple du Dieu vivant. « Certainement, l’Eternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas ! Que ce lieu est redoutable ! »
Le parent doit présenter l’idée de Dieu à l’âme de l’enfant. – Mais ce saint mystère, cette union et cette communion entre Dieu et l’âme, comment les parents humains peuvent-ils prétendre s’en mêler ? Que peuvent-ils faire ? Comment peuvent-ils la promouvoir ? Et n’y a-t-il pas tous les risques qu’ils posent des mains brusques sur l’arche ? En premier lieu, il n’appartient pas au parent de choisir s’il va ou non tenter d’accélérer et de nourrir cette vie divine en son enfant. C’est son devoir impérieux et son service. S’il néglige ou échoue en cela, je ne sais pas à quel point il importe qu’il ait rempli ses devoirs dans la culture physique, morale et mentale de son enfant, sauf dans la mesure où l’enfant est apte au service divin si la vie divine est éveillée en lui. Mais que peut faire le parent ? Juste ceci, et pas plus : il peut présenter l’idée de Dieu à l’âme de l’enfant. Ici, comme dans tout son univers, le Dieu tout-puissant agit par des moyens apparemment inadéquats. Qui dirait qu’une abeille peut produire des pommiers ? Pourtant, l’abeille s’envole d’un pommier chargée du pollen de ses fleurs : celui-ci se dépose involontairement sur les stigmates des fleurs de l’arbre suivant sur lequel elle arrive. L’abeille s’en va, mais le pollen reste, mais avec toute la longueur du style entre lui et l’ovule immature qui se trouve en-dessous. Peu importe, l’ovule n’a pas le pouvoir d’atteindre le grain de pollen, mais ce dernier envoie un tube mince, à l’intérieur du tube du style ; l’ovule est atteint ; admirez, alors, le fruit, avec sa graine, et, si vous voulez, les futurs pommiers ! Acceptez la parabole : le parent n’est guère meilleur en la matière que l’abeille sans esprit ; c’est à lui de déposer, pour ainsi dire, à la portée de l’âme de l’enfant quelque idée féconde de Dieu ; l’âme immature ne fait aucun effort dans ce sens, mais la Parole vivante descend, touche l’âme, – et il y a la vie ; la croissance et la beauté, la fleur et le fruit.
Nous ne devons pas faire d’efforts maladroits. – Je me permets de vous demander d’examiner, pour une fois, ces mystères divins du même point de vue philosophique que celui que nous avons adopté pour toutes les capacités et fonctions de l’enfant, en partie, parce qu’il est instructif de voir comment les mystères de la vie religieuse apparaissent lorsqu’elle est observée de l’extérieur ; en partie, parce que je souhaite m’élever par étapes successives jusqu’à la fonction suprême du parent dans l’éducation de son enfant. Car ici, la similitude de l’abeille et du pommier échoue. Le parent ne doit pas faire de faux pas, d’efforts inconsidérés : ceci est le plus haut devoir qui lui est imposé et c’est aussi le plus délicat ; et il aura un besoin infini de foi et de prière, de tact et de discrétion, d’humilité, de douceur, d’amour et de jugement sûr, s’il veut présenter son enfant à Dieu, et la pensée de Dieu à l’âme de son enfant.
Dieu présenté aux enfants comme un exacteur et un punisseur. – « Si nous considérons Dieu comme un exacteur et non comme un donateur, a-t-on bien dit, nous deviendrons des exacteurs et non des donateurs. » Pourtant, n’est-ce pas ainsi que Dieu est le plus souvent présenté aux enfants – un Pharaon exigeant son lot de briques, des briques de bonne conduite et de droiture ? Les parents ne présentent-ils pas délibérément Dieu comme un exacteur, pour soutenir la faiblesse de leur propre gouvernement ; et ne profèrent-ils pas librement, de la part de Dieu, des menaces qu’ils ne seraient pas disposés à prononcer de leur propre chef ? Encore une fois, quel enfant n’a pas entendu de sa nourrice cette phrase, prononcée avec beaucoup d’énergie : « Dieu ne t’aime pas, vilain garçon ! Il t’enverra au mauvais endroit ! ». Et ces deux idées de Dieu, en tant qu’exacteur et punisseur, constituent assez souvent toute l’idée que le pauvre enfant se fait de son Père qui est aux cieux. Que peut-il en résulter sinon de l’aversion, le détournement de l’enfant du visage de son Père ? Et si, au contraire, on lui donnait la pensée bien exprimée par les mots « La douceur de Dieu qui pardonne tout » ?
Les parents doivent choisir des idées inspirantes. – Ce ne sont là que deux des nombreuses pensées dissuasives de Dieu communément présentées à l’âme tendre ; et la mère, qui se rend compte que le cœur de son enfant peut être irrévocablement détourné de Dieu par les idées qui l’ont imprégné dans la nurserie, ressentira la nécessité d’une réflexion sérieuse et attentive, et d’une volonté ferme, quant à l’enseignement que recevra son enfant sur ce sujet capital. Elle interdira très probablement que le Nom Divin soit mentionné aux enfants, sauf par leurs parents, expliquant qu’elle le fait parce qu’elle tient énormément à ce que ses enfants n’aient que des pensées justes sur cette grande question. Il est préférable que les enfants reçoivent quelques idées vitales grâce auxquelles leur âme puisse grandir plutôt qu’un grand nombre d’enseignements vagues.
Nous ne devons enseigner que ce que nous connaissons. – Comment sélectionner ces quelques pensées vivifiantes du Dieu infini ? La sélection n’est pas aussi difficile à faire qu’il n’y paraît à première vue. En premier lieu, nous devons enseigner ce que nous savons, ce que nous connaissons par la vie de l’âme, et non par une simple connaissance de l’esprit. Or, dans la vaste masse des doctrines et des préceptes de la religion, nous constaterons qu’il n’y a que quelques vérités vitales que nous avons tellement intégrées dans notre être que nous vivons à travers elles – cette personne-ci, celles-ci ; cette personne-là, celles-là ; certains d’entre nous, pas plus d’une seule. Une ou plusieurs, telles sont les vérités que nous devons enseigner aux enfants, car elles sortiront tout droit de notre cœur avec l’enthousiasme de la conviction qui ne manque pas de porter sa propre idée dans la vie spirituelle d’autrui. Il n’y a pas de source plus féconde de ce qu’on peut aisément appeler l’infidélité infantile que les mots vides de sens que l’on déverse sur les enfants à propos des meilleures choses, avec une solennité artificielle de ton et de manière destinée à compenser le manque de sens vivant des mots. Laissez le parent qui ne sait qu’une chose d’en haut l’enseigner à son enfant ; il lui en viendra d’autres lorsque l’enfant sera prêt à en recevoir d’autres.
Des idées vitales et appropriées. – Il existe en effet des idées de vie spirituelle plus adaptées que d’autres à la vie et aux besoins de l’enfant. Ainsi, le Christ qui donne la joie signifie plus pour lui que le Christ qui console.
Et il y a quelques idées qui sont comme le pain quotidien de l’âme, sans lesquelles la vie et la croissance sont impossibles. Tout autre enseignement peut être différé jusqu’à ce que les besoins de l’enfant l’y amènent ; mais quiconque envoie son enfant dans la vie sans ces idées vitales de la vie spirituelle, l’envoie avec une âme dormante, aussi bien instruit soit-il en théologie.
La connaissance de Dieu est distincte de la moralité. – La connaissance de Dieu est distincte de la moralité, ou de ce que les enfants appellent « être bon », bien que « être bon » découle de cette connaissance. Mais laissez ces éléments venir dans le bon ordre. Ne sermonnez pas l’enfant jusqu’à épuisement sur le fait qu’« être bon » est son devoir envers Dieu, sans lui faire d’abord acquérir un peu de cette connaissance qui le rendra bon.
Nous n’avons plus, dès lors, l’embarras du choix ; ces restrictions excluent tant d’enseignements ordinaires sur les choses divines que la question devient maintenant : Que devons-nous enseigner ? plutôt que : Comment devons-nous choisir ?
Les moments et la manière de l’instruction religieuse. – La mère devra ensuite considérer le moment et la manière de dispenser cet enseignement au sujet des choses de Dieu. Il vaut mieux que ces enseignements soient rares et précieux, que trop fréquents et peu valorisés ; il vaut mieux qu’ils ne le soient pas du tout, plutôt que l’enfant se sente surchargé à la seule vue d’une nourriture spirituelle grossièrement servie. En même temps, il doit être édifié dans la foi, et ses leçons doivent être régulières et progressives ; et ici, tout dépend du tact de la mère. L’enseignement spirituel, comme l’odeur des fleurs, doit dépendre de la direction dans laquelle le vent souffle. De temps en temps, il arrive un moment sacré, ressenti comme sacré par la mère et l’enfant, lorsqu’ils sont ensemble – c’est le moment de prononcer une parole profonde et douce sur Dieu, telle que l’occasion s’y prête. Peu de mots sont nécessaires, aucune exhortation ; juste l’éclair de conviction de l’âme de la mère à l’âme de l’enfant. « Notre Père » est-elle la pensée déposée dans l’âme de l’enfant ? Désormais, il n’y aura peut-être pas plus qu’un regard de sympathie échangé entre la mère et l’enfant, sur plus de mille manifestations de l’amour de « Notre Père », mais l’idée grandit, elle fait partie de la vie spirituelle de l’enfant. C’est tout : pas de routine en ce qui concerne l’enseignement spirituel, la crainte de prononcer beaucoup de mots ce qui serait susceptible d’étouffer le feu de la vie sacrée, beaucoup de retenue dans la façon de laisser passer les opportunités apparentes, et toujours, une intention sincère du cœur et un plan précis pour l’édification de l’enfant dans la foi. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que, pour reprendre les paroles de notre Seigneur, « cette espèce-là ne peut sortir que par la prière. » C’est lorsque la mère reçoit, généreusement, la sagesse d’en haut, qu’elle peut accomplir cette tâche divine.
La lecture de la Bible. – Un mot sur la lecture de la Bible. Je pense que nous commettons une erreur en noyant le texte sous nos commentaires et exemples interminables. Je doute également que le fait de choisir des versets individuels et de les décomposer jusqu’à ce qu’ils cessent d’avoir du sens pour l’enfant, ne soit rien d’autre qu’une entrave à la vie spirituelle. La Parole est pleine de force vitale, capable d’agir par elle-même. Une graine, légère comme le duvet d’un chardon, qui s’insère dans l’âme de l’enfant prend racine vers le bas et porte des fruits vers le haut. Ce qu’on attend de nous, c’est que nous implantions l’amour de la Parole ; que les moments les plus délicieux de la journée de l’enfant soient ceux où sa mère lui lit, avec une douce sympathie et une sainte allégresse dans la voix et les yeux, les belles histoires de la Bible ; et de temps en temps, pendant la lecture, se produira une de ces convictions, passant de l’âme de la mère à l’âme de l’enfant, dans laquelle se trouve la vie de l’Esprit. Laissez l’enfant grandir, afin que,
« Nouvelles pensées de Dieu, nouveaux espoirs du ciel, »
soient une joie pour lui aussi ; les choses à marquer en premier parmi les bénédictions d’une journée. Surtout, ne lisez pas la Bible à l’enfant : ne laissez aucune parole des Écritures être l’occasion de lui reprocher ses défauts. C’est le rôle du Saint-Esprit de convaincre du péché ; et Il est capable d’utiliser la Parole à cette fin, sans risquer d’endurcir le cœur, ce qui résulte trop souvent de nos maladresses.
La matière de cet enseignement des choses divines viendra des convictions propres à chaque mère. Je vais essayer de ne parler que d’une ou deux de ces vérités vitales sur lesquelles la vie spirituelle doit se fonder.
Père et Donneur. – « Notre Père, qui es aux cieux » est peut-être la première idée de Dieu que la mère présentera à son enfant – le Père et le Donneur, de qui vient toute la joie de chaque jour. « Quel heureux anniversaire notre Père a donné à mon petit garçon ! » « Les fleurs reviennent, notre Père a pris soin de la vie des plantes pendant le froid de l’hiver ! » « Écoutez l’alouette ! Je me demande comment notre Père peut mettre autant de joie dans le cœur d’un petit oiseau. » « Merci à Dieu de rendre ma petite fille si heureuse et joyeuse ! ». De cette pensée naît la prière, l’expression libre du cœur de l’enfant, plus souvent en remerciement des petits bonheurs de la journée qu’en désir. Les mots n’ont pas d’importance ; toute forme simple que l’enfant peut comprendre fera l’affaire ; la véritable prière est l’élévation du cœur de l’enfant vers le ciel. De cette pensée, aussi, découle le devoir – la reconnaissance joyeuse de la dette de service et d’obéissance à un parent si gracieux et si bienveillant – non pas Celui qui exige le service à la pointe de l’épée, pour ainsi dire, mais Celui vers lequel Ses enfants accourent pour obéir.
L’essence du christianisme est la loyauté envers une personne. – Le Christ, notre Roi. Voici une pensée qui ouvre les sources de l’amour et de la loyauté, les trésors de la foi et de l’imagination, liés à l’enfant. L’essence même du christianisme est la loyauté personnelle, la loyauté passionnée envers notre Chef vénérable. Nous avons posé d’autres fondements – la régénération, les sacrements, la justification, les œuvres, la foi, la Bible – dont chacun, bien que nécessaire au salut, à sa place et dans sa proportion, peut devenir une religion sur le Christ et sans le Christ. Et maintenant, le temps est venu de trier, et les gens réfléchis refusent de savoir quoi que ce soit sur nos systèmes religieux ; ils écrivent toutes nos croyances orthodoxes comme des choses impossibles à connaître. Peut-être est-ce parce qu’en pensant beaucoup à notre salut, nous avons perdu de vue notre Roi, le fait divin qu’aucune âme humaine à qui il est présenté ne peut ignorer. Dans l’idée du Christ se trouve la vie ; que Sa pensée touche l’âme une seule fois, et elle s’élève, puissance vivante, indépendante de toutes les formulations du cerveau. Sauvons le Christianisme pour nos enfants en les amenant à faire allégeance au Christ, le Roi. Comment ? Comment les vieux Cavaliers ont-ils élevé leurs fils et leurs filles dans une loyauté et une vénération passionnées pour des princes peu dignes ? Leur propre cœur en était plein, leurs lèvres le disaient, leurs actes le proclamaient, le style de leurs vêtements, le ton de leur voix, le port de leur tête – tout cela était une proclamation de dévotion sans limite à leur roi et à sa cause. Cette guerre civile, quoi qu’elle n’ait fait ou pas fait, a laissé une parabole pour le peuple chrétien. Si un prince Stuart pouvait commander un tel degré de loyauté, que dirions-nous du « Chef entre dix mille, le bien aimé » ?
Jésus, notre Sauveur. Voici une pensée à porter tendrement devant l’enfant dans les moments de misère qui suivent une mauvaise action. « Mon pauvre petit garçon, tu as été très vilain aujourd’hui ! Tu ne pouvais pas t’en empêcher ? » « Non, maman », avec des sanglots. « Non, je suppose que non, mais il y a un moyen d’y remédier. » Et alors la mère dit à son enfant que le Seigneur Jésus est notre Sauveur, parce qu’Il nous sauve de nos péchés. La question est de savoir quand l’enfant doit apprendre « l’histoire de la Croix » pour la première fois. On pense qu’il serait très agréable de commencer par Moïse et les prophètes : parcourir l’histoire de l’Ancien Testament, en retraçant le déroulement progressif de l’œuvre et du caractère du Messie ; et puis, quand ils ont bien compris l’attente des Juifs, leur présenter le mystère de la Naissance à Bethléem, l’humiliation de la Croix. Mais peut-être que ce gain en clarté de présentation ne compenserait aucunement le fait que les enfants n’auraient pas grandi avec cette association entre le Calvaire et Bethléem toujours présente à leur esprit. Une chose à ce propos : il n’est pas bon de permettre aux enfants de se familiariser de manière imprudente avec le Nom de Jésus, ou d’utiliser des hymnes dont le ton n’est pas respectueux. « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. »
La demeure du Christ est une idée qui convient particulièrement aux enfants, car leur grande foi ne bute pas sur le mystère, leur imagination bondit volontiers vers la merveille, qui est que le Roi lui-même devrait habiter dans le cœur d’un petit enfant. « Comment savoir qu’Il est là, mère ? » « Quand vous êtes doux, gentil et heureux, c’est parce que le Christ est en vous, –
« Et quand Il vient, Il rend ton visage si clair,
Vos amis sont heureux et disent : ‘Le Roi est là’. »
Je ne tenterai pas d’indiquer davantage les vérités vitales que la mère chrétienne présentera à son enfant ; elle aura de la patience jusqu’à ce qu’elles fleurissent et portent du fruit, et que son âme soit comme un jardin très fructueux que le Seigneur a béni. Mais, une fois de plus, « cette espèce-là ne peut sortir que par la prière. »
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APPENDICE
Questions à l’usage des étudiants.
PARTIE I
QUELQUES CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
1. Montrez que les enfants sont un bien public. Qu’est-ce qui en découle ?
2. Quelles questions Pestalozzi pose-t-il aux mères ?
3. Quel est l’argument de M. Herbert Spencer en faveur de l’étude de l’éducation ?
4. Comment les parents procèdent-ils habituellement ?
5. Quelle est la partie la plus difficile du travail d’un parent ?
I. UNE MÉTHODE D’ÉDUCATION
1. Comparez quatre ou cinq théories plus anciennes avec des notions plus récentes, et peut-être plus solides.
2. Soulignez les différences entre un système et une méthode.
3. Pourquoi un système est-il tentant pour les parents ?
II. LA PLACE DE L’ENFANT
1. Qu’indiquent les paroles de l’Évangile sur les enfants ?
2. Quels sont les trois commandements du code éducatif dans les Évangiles ?
III. SCANDALISER LES ENFANTS
1. Faites la distinction entre « offenser » et « mépriser » les enfants.
2. Que dire des parents dont les enfants n’ont « aucun sens du devoir » ?
3. Retracez les étapes par lesquelles le « non » d’une mère en vient à ne pas être respecté.
4. Pourquoi les parents eux-mêmes doivent-ils être contraints par la loi ?
5. Montrez que les parents peuvent offenser leurs enfants en passant outre les lois de la santé.
6. En ignorant les lois de la vie intellectuelle.
7. De la vie morale.
IV. MÉPRISER LES ENFANTS
1. Montrez que les enfants peuvent être méprisés en fonction du choix de la nourrice.
2. En prenant leurs fautes trop à la légère.
V. EMPÊCHER LES ENFANTS
- De quelles manières les parents peuvent-ils empêcher leurs enfants d’accéder à Dieu ?
VI. LES CONDITIONS D’UNE ACTIVITÉ CÉRÉBRALE SAINE
1. Quelle est la première condition d’une éducation réussie ?
2. Montrez que les efforts quotidiens, intellectuels, moraux et physiques, sont nécessaires aux enfants.
3. Comment l’approvisionnement des organes en sang est-il régulé ?
4. Montrez l’importance du repos après les repas.
5. Quel est le meilleur moment pour les leçons ? Pourquoi ?
6. Sur quel principe faut-il organiser un emploi du temps ?
7. Montrez que l’activité cérébrale est affectée par l’alimentation.
8. Dans quelles conditions la nourriture augmente-t-elle la qualité vitale du sang ?
9. Pourquoi faut-il varier l’alimentation ?
10. Montrez que les enfants dépensent beaucoup d’énergie.
11. Donnez quelques conseils utiles concernant les repas.
12. Pourquoi devrait-on parler pendant les repas ?
13. Donnez quelques règles pour assurer la variété dans les repas.
14. Montrez que l’air est aussi important que la nourriture.
15. Qu’avez-vous à dire sur la promenade quotidienne des enfants ?
16. Qu’entend-on par oxygénation du sang ?
17. Montrez que l’oxygène a ses limites.
18. Quels sont les dangers d’un air non-renouvelé dans un appartement spacieux ?
19. « Je nourris Alice avec du bouillon de boeuf. » Pourquoi ?
20. Qu’en est-il de l’esprit d’Alice ?
21. Quelles sont les joies de la « Lucy » de Wordsworth ?
22. Montrez le danger des pièces non-aérées.
23. Quel principe doit réglementer la ventilation ?
24. Pourquoi l’air nocturne est-il sain ?
25. Pourquoi le corps a-t-il besoin de soleil ?
26. Expliquez le travail d’évacuation de la peau.
27. Pourquoi des personnes meurent-elles à cause des brûlures ?
28. Pourquoi un bain quotidien est-il nécessaire ?
29. Donnez quelques instructions pour habiller les enfants.
VII. « LE RÈGNE DE LA LOI » DANS L’ÉDUCATION
1. Quelle devrait être la méthode de toute éducation ?
2. Pourquoi le bon sens et les bonnes intentions ne suffisent-ils pas ?
3. Comment pouvons-nous faire face au danger que représente pour la religion la vie irréprochable de certaines personnes non religieuses ?
4. Expliquez la moralité supérieure de ces non-croyants.
5. Montrez que toute observation de la loi apporte sa récompense.
6. Montrez que les parents ne doivent pas créer de difficultés cruciales à leurs enfants.
7. Pourquoi les parents devraient-ils étudier les principes de physiologie et de science morale ?
PARTIE II
LA VIE EN PLEIN AIR POUR LES ENFANTS
I. LE TEMPS DE LA PLEINE CROISSANCE
1. Pourquoi la vie en plein air pour les jeunes enfants est-elle particulièrement importante de nos jours ?
2. Quels sont les avantages des repas pris à l’extérieur ?
3. Que pourraient faire les habitants des villes et des banlieues ?
4. Quels sont les cinq ou six points à retenir pour une journée en plein air ?
5. Que faire des livres d’histoires ou des contes en de telles occasions ?
6. Qu’en est-il du « bébé » ?
II. VISITES ET EXCURSIONS
1. Donnez un exemple « d’excursion ».
2. Quels sont les cinq ou six usages pédagogiques que l’on peut faire de « l’excursion » ?
3. Montrez la valeur de l’observation discriminante.
III. « PEINDRE UNE IMAGE »
1. Qu’entend-on par « peindre une image » ?
2. Donnez un exemple.
3. Montrez l’intérêt de cet exercice.
4. Quelle prudence faut-il garder à l’esprit ?
5. Quelle habitude précieuse ce jeu devrait-il former ?
6. Quel est le rôle de la mère dans le jeu ?
7. Quelle est la récompense après avoir pris la peine de voir ?
IV. FLEURS ET ARBRES
1. Qu’est-ce qui se cultive en abondance dans votre quartier que les enfants peuvent connaître ?
2. Que devrait savoir un enfant sur les fleurs sauvages de son quartier ?
3. Comment les enfants devraient-ils aborder l’étude des arbres ?
4. Montrez comment les saisons doivent être suivies dans cette étude.
5. Que dit Leigh Hunt à propos des fleurs ?
6. Quel usage doit-on faire des calendriers et des carnets de notes ?
7. Qu’en est-il de l’enfant qui dit : « Je n’arrête pas de penser » ?
V. LES « CRÉATURES VIVANTES »
1. Comment les citadins peuvent-ils prendre plaisir à trouver des êtres vivants ?
2. De quelles « créatures » les enfants peuvent-ils observer les habitudes ?
3. Quels aspects d’un insecte les enfants doivent-ils observer ?
4. Comment Gilbert White et Audubon ont-ils pris goût à la nature ?
5. Que peuvent faire les enfants des villes pour acquérir des connaissances sur les « créatures vivantes » ?
6. Montrez que la connaissance de la nature est la connaissance la plus importante pour les jeunes enfants.
7. Quels sont les pouvoirs intellectuels formés chez l’enfant naturaliste ?
8. Montrez que le travail dans la nature est particulièrement précieux pour les filles.
VI. La connaissance de la nature par son observation directe et par les livres des naturalistes
1. Les jeunes enfants devraient-ils apprendre les sciences naturelles ?
2. Montrez la valeur des classifications approximatives.
3. Quelle différence avec les classifications tirées des livres ?
4. À quoi servent les livres des naturalistes ?
5. Nommez-en quelques-uns.
6. Pourquoi les mères et les enseignants devraient-ils avoir une certaine connaissance de la nature ?
VII. L’enfant apprend avec tous ses sens
1. Montrez, à partir du comportement d’un bébé, qu’un enfant acquiert des connaissances par le biais de ses sens.
2. Décrivez l’enseignement de la nature.
3. Quel est le danger lié à la pression ?
4. Pourquoi les leçons d’objets sont-elles inefficaces ?
5. Pourquoi l’enfant apprend-il davantage à partir des choses ?
6. Donnez quelques exemples montrant que le sens de la beauté vient du contact précoce avec la nature.
7. Que dit Dickens au sujet du pouvoir d’observation de l’enfant ?
VIII. L’ENFANT DOIT SE FAMILIARISER AVEC LES OBJETS NATURELS
1. Comparez la ville et la campagne pour ce qui est des choses à observer.
2. Comment le fait que chaque objet naturel soit membre d’une série affecte-t-il l’éducation ?
3. « Le pouvoir va passer de plus en plus entre les mains des scientifiques. » – comment cela devrait-il influencer les parents et les enseignants ?
4. De quelle manière l’intimité avec la nature contribue-t-elle au bien-être personnel ?
IX. GÉOGRAPHIE EN EXTÉRIEUR
1. Montrez que de petites choses peuvent suggérer de grandes choses en géographie illustrée.
2. Que faut-il apprendre aux enfants à observer sur la position du Soleil ?
3. Que dire sur « Nuages et pluie, neige et grêle » ?
4. Montrez comment, en comptant ses pas, un enfant peut se faire une idée de la distance.
5. Quelle est la première étape vers la connaissance de la direction ?
6. Comment un enfant doit-il s’entraîner à trouver la direction ?
7. Quel exercice de boussole lui donneriez-vous ?
8. Comment un enfant devrait-il acquérir la notion de limites ?
9. Quand devrait-il commencer à faire des « plans » ?
10. Quelles idées géographiques devrait-il tirer de son propre quartier ?
X. L’ENFANT ET « MÈRE-NATURE »
1. Pourquoi la mère doit-elle s’abstenir de trop parler ?
2. Comment commence-t-on à faire de nouvelles connaissances ?
3. Quelles sont les deux choses permises à la mère ?
XI. JEUX EXTÉRIEURS, ETC.
1. Pourquoi la leçon de français ne doit-elle pas être omise ?
2. Pourquoi les enfants devraient-ils se livrer à des cris et des hurlements à l’extérieur ?
3. Pourquoi les rondes devraient-elles être préservées ?
4. Quelles sont les meilleures façons d’utiliser la corde à sauter et le volant ?
5. Que dire de l’escalade ?
6. Que dire des vêtements en laine ?
XII. PROMENADE PAR MAUVAIS TEMPS
1. Pourquoi les promenades en hiver sont-elles aussi nécessaires que les promenades en été ?
2. Quels plaisirs sont-ils liés au gel et à la neige ?
3. Comment garder les enfants en éveil les jours de grisaille ?
4. Comment l’hiver se prête-t-il à l’observation ?
5. Pourquoi les randonnées par temps de pluie sont-elles salutaires et nécessaires ?
6. Quelle sorte de vêtements sont nécessaires ? Pourquoi ?
7. Quelles sont les précautions à prendre ?
XIII. VIE DE « PEAUX ROUGES »
1. Qu’entendez-vous par « scoutisme » ? Montrez la valeur du scoutisme.
2. Décrivez une « traque des oiseaux ».
3. De quelle manière ces choses participent-elles à l’éducation ?
XIV. LES ENFANTS ONT BESOIN DE L’AIR DE LA CAMPAGNE
1. Comment la proportion essentielle d’oxygène peut-elle être diminuée ?
2. Comment l’excès d’acide carbonique est-il produit ?
3. Pourquoi les enfants, en particulier, ont-ils besoin d’un air non vicié, non appauvri?
4. Montrez que les enfants ont besoin de lumière solaire.
5. Décrivez un idéal physique pour un enfant et montrez l’utilité d’avoir un tel idéal.
PARTIE III
« UNE HABITUDE VAUT DIX NATURES »
I. UNE ÉDUCATION BASÉE SUR LA LOI NATURELLE
1. Montrez qu’un cerveau sain et une vie en plein air sont des conditions de l’éducation.
2. Montrez que l’habitude est l’instrument par lequel les parents travaillent.
II. LES ENFANTS N’ONT AUCUN POUVOIR D’AUTO-DISCIPLINE
1. Montrez que l’éducation est généralement un cul-de-sac.
2. Citez trois grandes forces éducatives.
3. Pourquoi ces forces ne sont-elles pas suffisantes ?
4. Pourquoi les enfants sont-ils incapables d’effort constant ?
5. Pourquoi faut-il épargner aux jeunes enfants, dans une certaine mesure, l’effort de décision ?
III. QU’EST-CE QUE LA « NATURE » ?
1. Que pouvons-nous dire de l’enfant en tant qu’être humain ?
2. Montrez que toutes les personnes naissent avec les mêmes désirs primaires.
3. Et les affections.
4. Nommez les affections qui nous sont communes à tous.
5. Que comprend la notion la plus élémentaire de la nature humaine ?
6. Qu’avez-vous à dire de la force de la nature plus de l’hérédité ?
7. Quelle sorte de différences les conditions physiques peuvent-elles engendrer ?
8. De quoi la nature humaine est-elle la somme ?
9. Pourquoi l’enfant ne doit-il pas être laissé à sa nature humaine ?
10. Quel est le problème pour l’éducateur ?
11. Montrez que la grâce divine s’exerce sur les lignes de l’effort humain.
12. Pourquoi la confiance des parents ne doit-elle pas être passive ?
IV. L’HABITUDE PEUT SUPPLANTER LA « NATURE »
1. Montrez que l’habitude suit les lignes de la nature.
2. Comment l’habitude doit-elle fonctionner pour être un levier ?
3. Montrez qu’une mère crée involontairement les habitudes de ses enfants.
4. Illustrez le fait que l’habitude peut forcer la nature à emprunter de nouvelles voies.
5. À quelle fin les parents et les enseignants doivent-ils établir des lignes d’habitude ?
V. Établir des lignes d’habitude
1. Montrez que les parents initient les habitudes de pensée et de sentiment de leurs enfants par leur propre comportement.
2. La formation des habitudes interfère-t-elle avec le libre-arbitre ?
3. Montrez qu’il est bon que l’habitude gouverne nos pensées.
4. Montrez que l’habitude est puissante même lorsque la volonté décide.
VI. LA PHYSIOLOGIE DE L’HABITUDE
1. Illustrez le fait que les tissus en croissance se forment aux modes d’action qui leur sont demandés.
2. Montrez de manière complète et exacte pourquoi les enfants devraient apprendre la danse, la natation, etc. dès leur plus jeune âge.
3. A quel fait la force des habitudes morales est-elle probablement due ?
4. Montrez le danger des pensées persistantes.
5. Qu’implique pour l’éducateur la régénération continue du tissu cérébral ?
6. Montrez que l’acquisition d’actions réflexes artificielles dans certaines directions tient une grande part dans l’éducation.
7. Quels sont les buts de l’éducation intellectuelle et morale ?
8. Montrez que le caractère est affecté par la modification acquise du tissu cérébral.
9. Montrez qu’il est nécessaire de se méfier des influences extérieures.
VII. FORMER UNE HABITUDE – « FERME LA PORTE DERRIÈRE TOI »
1. Que reste-t-il à essayer lorsque ni le temps, ni la récompense, ni la punition ne sont efficaces pour guérir une mauvaise habitude ?
2. Montrez que l’habitude est un plaisir en soi.
3. Montrez que la sympathie mal placée est un obstacle à la formation des habitudes.
4. Quelles sont les qualités nécessaires chez la mère qui veut former des habitudes chez ses enfants ?
5. Quelles sont les étapes de la formation d’une habitude ?
6. Quel est le stade le plus dangereux ?
VIII. LES « HABITUDES » DE L’ENFANT EN BAS ÂGE
1. Montrez la nécessité de la propreté dans la nurserie.
2. Comment la propreté, l’ordre, etc. éduquent-ils un enfant ?
3. Pourquoi la formation d’un nez sensible est-elle une partie importante de l’éducation ?
4. Pourquoi les nourrices doivent-elles savoir que le bébé est omniprésent ?
5. Montrez que la propreté personnelle doit devenir une habitude précoce.
6. Comment les parents peuvent-ils aborder les sujets de la décence et de la pudeur ?
7. Montrez comment l’habitude de l’obéissance et le sens de l’honneur sont des garde-fous.
8. Quel mode de vie est la meilleure garantie ?
9. Faites quelques suggestions concernant « l’ordre » dans la nurserie.
10. Montrez comment et pourquoi l’enfant de deux ans doit ranger ses jouets.
11. Distinguez la propreté de l’ordre.
12. Quelle est l’importance de la régularité avec un nourrisson ?
13. Montrez que l’irrégularité conduit à la complaisance.
IX. LES EXERCICES PHYSIQUES
1. Montrez l’importance des exercices physiques quotidiens.
2. Quelles qualités morales apparaissent dans les mouvements alertes ?
3. Suggérez un exercice de bonnes manières.
4. Comment former l’oreille et la voix ?
5. Comment cultiver l’habitude de la musique ?
6. Montrez que la mère qui forme des habitudes peut laisser ses enfants tranquilles.
PARTIE IV
QUELQUES HABITUDES D’ESPRIT – QUELQUES HABITUDES MORALES
1. Quel effet peut avoir une connaissance de la science de l’éducation ?
2. Montrez que la formation des habitudes favorise une vie facile.
3. Montrez comment les travaux de la mère sont allégés par le fait que l’éducation aux habitudes devient une habitude.
4. Instaurez quelques habitudes inspirées de l’atmosphère familiale.
I. L’HABITUDE DE L’ATTENTION
1. Pourquoi l’habitude de l’attention est-elle d’une importance capitale ?
2. Expliquez le phénomène des associations d’idées.
3. Donnez des exemples tirés de la littérature de l’habitude de l’attention errante.
4. Où est le mal de l’attention errante ?
5. Comment peut-on cultiver l’habitude de l’attention chez le nourrisson ?
6. Comment cultiver l’attention portée aux leçons ?
7. Quels principes devraient aider l’enseignant à rendre les leçons attrayantes ?
8. Montrez la valeur d’un travail précis dans un temps donné.
9. Sur quel principe un emploi du temps doit-il être établi ?
10. Quelle est la récompense naturelle de l’attention lors des cours ?
11. Que peut-on dire pour et contre l’émulation ?
12. Quel est le risque si l’on emploie l’affection comme motif ?
13. Montrez que l’attrait du savoir est un motif suffisant pour l’étudiant.
14. Qu’est-ce que l’attention ?
15. Comment conduire vers l’autodiscipline de l’attention ?
16. Quel est le secret de la pression excessive ?
17. Comment les parents peuvent-ils être utiles en ce qui concerne les devoirs à la maison des écoliers ?
18. Décrivez un traitement sain à la maison pour les rêveurs.
19. Qu’avez-vous à dire sur la discipline des conséquences ?
20. Montrez que les récompenses et les punitions devraient être des conséquences relatives à la conduite.
21. Distinguez les conséquences naturelles des conséquences éducatives.
II. LES HABITUDES D’APPLICATION, ETC.
1. Comment garantir un effort mental rapide ?
2. Comment le zèle peut-il être stimulé ?
III. L’HABITUDE DE RÉFLÉCHIR ET DE PENSER
1. Racontez l’exemple de réflexion décrit par l’archevêque Thompson.
2. Quelles opérations sont incluses dans la « réflexion » ?
IV. L’HABITUDE D’IMAGINER
1. Quel est le double danger d’un grand nombre d’ouvrages cultivant le sens de l’incongru ?
2. Montrez que les histoires ordinaires ne laissent rien à l’imagination.
3. En quoi les récits imaginaires offrent-ils aux enfants une seconde vie ?
4. Montrez que nous ne pouvons avoir de grandes conceptions que dans la mesure où nous avons de l’imagination.
5. Sur quoi l’imagination se développe-t-elle ?
6. Quelles leçons doivent nourrir l’imagination ?
7. Pourquoi ?
8. Montrez la valeur éducative des bons livres d’histoires.
9. Comment encourageriez-vous l’habitude de penser ?
V. L’HABITUDE DE SE SOUVENIR
1. Faites la distinction entre se souvenir et se rappeler.
2. Décrivez ce que l’on appelle ici une mémoire « fallacieuse ».
3. Que résulte-t-il du fait que la mémoire est un enregistrement dans le cerveau ?
4. Dans quelles conditions cela se réalise-t-il ?
5. Montrez que le souvenir dépend de la loi d’association des idées.
6. Quelle est la condition pour se souvenir d’une leçon ?
7. Dans quelles conditions peut-on dire qu’il n’y a pas de limite à la capacité d’enregistrement du cerveau ?
8. Montrez que les liens d’association sont une condition pour se rappeler. Comment peut-on les former ?
VI. L’HABITUDE D’UNE EXÉCUTION PARFAITE
1. Quelle erreur nationale nous empêche-t-elle de mettre la perfection dans tout ce que nous faisons ?
2. Montrez le danger de l’habitude de produire un travail imparfait.
3. Comment peut-on former un enfant à une exécution parfaite ?
VII. QUELQUES HABITUDES MORALES – L’OBÉISSANCE
1. Quel est le devoir d’un enfant ?
2. Quel est l’état opposé à l’obéissance ?
3. Montrez qu’un parent n’a pas le droit de renoncer à l’obéissance.
4. Quel est le véritable motif de l’obéissance ?
5. Expliquez pourquoi les enfants élevés dans la discipline la plus stricte tournent souvent mal.
6. Pourquoi les parents et les enseignants peuvent-ils escompter l’obéissance ?
7. Comment les enfants sont-ils amenés à « faire ce qu’ils veulent » ?
8. Quel type d’obéissance a une valeur durable pour l’enfant ?
9. Comment former les enfants à la liberté ?
VIII. L’HONNÊTETÉ
1. Quelles sont les causes du mensonge ?
2. Montrez que toutes les sortes de mensonges sont vicieuses.
3. Comment se fait-il qu’une seule sorte soit reprochée aux enfants ?
4. Comment apprendriez-vous à un enfant à être précis dans ses déclarations ?
5. Comment traiteriez-vous l’exagération ?
6. Et les embellissements ridicules ?
7. Montrez que la révérence, la considération, etc. méritent une attention particulière de nos jours.
8. Le tempérament est-il inné chez l’enfant ?
9. Montrez que ce n’est pas le tempérament, mais la tendance qui est innée.
10. Comment les parents doivent-ils corriger cette tendance ?
11. Montrez pleinement l’efficacité de la modification des pensées de l’enfant.
12. Distinguez entre le fait de changer les pensées d’un enfant et celui de lui transmettre la pensée que vous souhaitez qu’il ait.
PARTIE V
LES LEÇONS COMME INSTRUMENTS D’ÉDUCATION
I. LE SUJET ET LA MÉTHODE DES LEÇONS
1. Discutez de l’affirmation suivante : « Nous vivons à l’ère de la pédagogie. »
2. Pourquoi les parents doivent-ils réfléchir au programme d’instruction ?
3. Montrez que la maison est le meilleur endroit où grandir pour les jeunes enfants.
4. Pourquoi la mère doit-elle avoir des idées bien claires ?
5. Quelles sont les trois questions à poser pour la mère ?
6. Montrez que les enfants apprennent pour grandir.
7. Montrez que tout doctorat sur la théorie de la connaissance est inutile pour un enfant en bonne santé.
8. Qu’est-ce qu’une idée ?
9. Montrez qu’une idée se nourrit, grandit et produit.
10. Qu’ont produit Sir Walter Scott et George Stephenson avec leurs idées ?
11. Montrez la valeur des idées dominantes.
12. Pourquoi les leçons doivent-elles fournir des idées ?
13. Avec quelle qualité de connaissances les enfants doivent-ils être nourris ?
14. Quel est le mal de la « connaissance diluée » ?
15. Illustrez la capacité d’un enfant à acquérir des connaissances (Dr Arnold).
16. Quel est le mal des livres de leçons avec de jolies images et un texte facile ?
17. Quels sont les quatre tests qui devraient être appliqués aux leçons des enfants ?
18. Résumez les six points déjà examinés.
II. Le jardin d’enfants comme lieu d’éducation
1. Montrez que la mère est la meilleure des Jardinières.
2. Comment l’enfant peut-il tirer parti de l’éducation dans sa vie quotidienne à la nurserie ?
3. Montrez que la recherche de vraies connaissances peut être entravée par le jardin d’enfants.
4. Montrez qu’un œil juste et une main fidèle peuvent être formés à la maison.
5. A quels égards le jardin d’enfants donne-t-il une idée de la discipline propre à la nurserie ?
6. Quel tempérament doit-on cultiver à la nurserie ?
7. Quelle conclusion générale pouvons-nous tirer des principes et des pratiques du jardin d’enfants ?
III. Réflexion supplémentaire sur le jardin d’enfants
1. Quelle anecdote d’un enfant est-elle citée dans « Enfance, Adolescence, Jeunesse » l’ouvrage de Tolstoï ?
2. Pourquoi des histoires telles que The Story of a Child de Mlle Deland sont-elles précieuses ?
3. Que devons-nous à Froebel ?
4. Comment est la véritable Jardinière ?
5. Commentez la phrase « Les personnes ne poussent pas dans un jardin ».
6. Montrez que nous devons laisser la Nature faire son œuvre dans l’éducation.
7. Donnez des exemples montrant l’intelligence des enfants.
8. Expliquez pourquoi les enfants prennent plaisir dans les jeux du jardin d’enfants.
9. En quoi les enseignants font-ils trop de médiation ?
10. Expliquez le danger du magnétisme personnel chez l’enseignant.
11. Montrez pleinement que le nom « jardin d’enfants » est une fausse analogie.
12. Que peut-on dire des « chants de la mère » de Froebel ?
13. La compagnie d’un grand nombre de ses égaux en âge est-elle la meilleure chose pour un jeune enfant ?
14. Montrez les dangers de supplanter la nature.
15. Quelle est l’importance de l’initiative personnelle ?
16. De quelles manières les parents et les enseignants doivent-ils semer des opportunités ?
17. Les enfants « uniques » profiteraient-ils du jardin d’enfants ?
18. De quelle manière les enfants devraient-ils avoir la possibilité d’organiser leur vie ?
19. Donnez quelques-unes des leçons que nous pouvons tirer de l’autobiographie d’Helen Keller.
20. Quelles sont les conclusions de Mlle Sullivan, l’institutrice d’Helen Keller, en ce qui concerne les systèmes d’éducation ?
21. Expliquez le succès des jardins d’enfants aux États-Unis.
22. Quels changements M. Thistleton Mark observe-t-il ?
23. Donnez quelques-uns des commentaires du Dr Stanley Hall.
IV. LA LECTURE
1. Discutez de la question de l’âge auquel les enfants devraient apprendre à lire.
2. Comment Mme Wesley a-t-elle appris à lire à ses enfants ?
3. Donnez quelques conseils pour enseigner l’alphabet.
4. Comment initieriez-vous un enfant à la création de mots ?
5. Décrivez une leçon de création de mots avec des voyelles longues, etc.
6. Comment les premières leçons de lecture de l’enfant doivent-elles l’aider à bien orthographier un mot ?
7. Décrivez les étapes d’une leçon de lecture sur « Brille, brille, petite étoile ».
8. Pourquoi la prose est-elle, à certains égards, préférable aux vers pour les premières leçons ?
9. Décrivez une deuxième leçon de lecture sur « Brille, brille, petite étoile ».
10. Montrez que des progrès lents et réguliers tendent à une énonciation soignée.
11. Montrez ce qu’un enfant pourrait gagner en travaillant un an de cette façon.
12. Comparez ces progrès réguliers à la manière désinvolte dont les enfants apprennent généralement à lire.
V. LA Première leçon de lecture
(Deux mères se concertent)
VI. La lecture par la vue et le son
1. Pourquoi l’apprentissage de la lecture est-il un travail difficile ?
2. Quels sont les symboles que les enfants doivent apprendre ?
3. Quelle méthode proposons-nous pour l’apprentissage de la lecture ?
4. Les symboles qu’il apprend peuvent-ils être intéressants ?
5. Décrivez les étapes d’une leçon avec « J’aime mon petit chat ».
6. Comment Tommy apprend-il à lire des phrases ?
7. Décrivez la première leçon d’orthographe de Tommy.
8. Comment gérer le fait que des combinaisons identiques aient des sons différents ?
9. Montrez que la leçon de lecture doit permettre une formation morale.
VII. LA Récitation
L’art des enfants
1. Quel est notre objectif en enseignant aux enfants la récitation ?
2. Comment devons-nous procéder ?
3. Que faut-il éviter ?
4. Pourquoi pouvons-nous nous attendre à un succès ?
5. Distinguez la récitation de la mémorisation.
6. Montrez que les enfants ont une capacité naturelle de mémorisation.
7. Comment leur apprendriez-vous à mémoriser un poème ?
VIII. La lecture pour les enfants plus âgés
1. Quels sont les deux points auxquels l’enseignant doit veiller ?
2. Quel est le défaut le plus commun et le plus grand de l’éducation actuelle ?
3. Comment pouvons-nous corriger ce défaut ?
4. Quels sont les points auxquels il faut être attentif lorsque l’enfant lit à haute voix ?
5. Qu’est-ce que l’enseignant doit veiller à éviter ?
6. Que faut-il dire pour et contre la lecture aux enfants ?
7. Faut-il interroger les enfants sur le sens de ce qu’ils lisent ?
8. Pourquoi pas ?
9. Suggérez un meilleur test de leur intelligence.
10. Pourquoi le choix des premiers livres de cours d’un enfant est-il d’une grande importance ?
11. Quelle règle générale devrait nous aider à les choisir ?
12. Comment obtenir l’attention des enfants pendant une leçon de lecture ?
13. Donnez deux ou trois conseils en faveur d’une articulation soignée.
IX. L’art de la narration
1. Prouvez, à partir de votre propre observation, que les enfants narrent par nature.
2. Comment utiliser ce pouvoir dans leur éducation ?
3. Quels sont les points à prendre en compte en ce qui concerne les narrations de l’enfant ?
4. Décrire la méthode d’une leçon.
X. L’écriture
1. Comment éviter l’habitude du travail négligé ?
2. A quel travail de copie doit s’adonner un enfant avant de commencer à écrire ?
3. Quelles sont les étapes à suivre pour enseigner l’écriture ?
4. Que dire des titres en copperplate ?
5. Pourquoi les enfants doivent-ils s’exercer avec une taille d’écriture moyenne ?
6. Quels arguments sont avancés en faveur d’une belle écriture ?
7. Une belle base peut-elle nuire à la formation d’une écriture caractéristique ?
8. Suggérez une façon d’utiliser la Nouvelle Écriture de Mme Bridges.
XI. LA Transcription
1. Montrez la valeur de la transcription avant que les enfants ne fassent des dictées.
2. Que doivent transcrire les enfants ?
3. Comment la transcription aide-t-elle les enfants à avoir une bonne orthographe ?
4. Pourquoi faut-il utiliser une écriture de taille moyenne et une réglure double ligne ?
5. Décrivez la position correcte pour écrire.
6. Comment les enfants doivent-ils tenir leur stylo ?
7. Quelles sont les caractéristiques d’un bon bureau ?
8. Décrivez une table d’école pour les petits enfants.
XII. L’ORTHOGRAPHE ET LA DICTÉE
1. Montrez comment la dictée peut être une cause de mauvaise orthographe.
2. Quelle est la raison d’être de l’orthographe ?
3. Quelles doivent être les étapes d’une leçon de dictée ?
4. Montrez clairement quel principe est en jeu.
5. Quelles sont les deux causes d’une mauvaise orthographe ?
XIII. LA COMPOSITION
1. Montrez que l’étalage des compositions des écoliers et des écolières est une futilité éducative.
2. Et qu’elle cause un préjudice moral aux enfants.
3. Illustrez le genre de leçons à considérer comme un danger public.
4. À quelle condition la composition « vient-elle naturellement » ?
XIV. LES LEÇONS BIBLIQUES
1. Illustrez la réceptivité religieuse des enfants.
2. Quelles connaissances bibliques devraient avoir les enfants de neuf ans ?
3. Que diriez-vous des récits bibliques traduits en anglais moderne ?
4. Montrez pleinement pourquoi il faut familiariser les enfants avec ce texte.
5. Quelle conception doit se dévoiler progressivement à eux ?
6. Distinguez la vérité essentielle de la vérité accidentelle.
7. Dans quel cas peut-on dire que « les vérités elles-mêmes nous échapperont certainement » ?
8. Pourquoi faut-il veiller à ce que l’enseignement biblique ne se dessèche pas dans l’esprit des enfants ?
9. Décrivez la méthode d’une leçon biblique.
10. Quel usage feriez-vous des illustrations ?
11. Que dire sur l’apprentissage par cœur des passages bibliques ?
XV. L’ARITHMÉTIQUE
1. Pourquoi l’arithmétique est-elle importante en tant que moyen d’éducation ?
2. Comment testeriez-vous la connaissance d’un enfant sur les principes ?
3. Pourquoi les longs calculs sont-ils néfastes ?
4. Quel exercice mental un problème doit-il offrir ?
5. Quelle prudence doit-on observer ?
6. Comment l’arithmétique peut-elle devenir une formation élémentaire en mathématiques ?
7. Comment un enfant doit-il démontrer que 4 x 7 = 28 ?
8. Comment utiliser les boutons, les haricots, etc.
9. Montrez comment vous apprendriez à un enfant à élaborer une table d’addition et de soustraction avec chacun des chiffres.
10. Quand introduiriez-vous les tables de multiplication et de division ?
11. Comment enseigneriez-vous la division ?
12. Quelle est la différence entre travailler avec des choses et travailler avec des nombres abstraits ?
13. Comment introduiriez-vous notre système de notation ?
14. Pourquoi ?
15. Montrez en détail comment vous traiteriez les dizaines.
16. Pendant combien de temps un enfant devrait-il travailler uniquement avec les dizaines et les unités ?
17. Qu’est-ce qui devrait suivre ?
18. Quelle règle doit être observée tout au long du travail ?
19. Comment appliqueriez-vous le même principe aux poids et aux mesures ?
20. Quel rôle les paquets doivent-ils jouer à ce stade, et pourquoi ?
21. Montrez comment l’enfant doit travailler avec les mesures en pied et en yard.
22. Comment exerceriez-vous son jugement en matière de mesures et de poids ?
23. Comment l’idée d’une fraction apparaît-elle dans ce travail avec des quantités concrètes ?
24. Quelle devrait être la valeur morale de l’étude de l’arithmétique ?
25. Comment le professeur incompétent inculque-t-il le mépris de la vérité et de l’honnêteté commune dans cette étude ?
26. Comment traiteriez-vous une addition « fausse » ?
27. À quoi devrait ressembler la leçon d’arithmétique quotidienne des enfants ?
28. Discutez de l’ABC Arithmétique.
29. Qu’est-ce qu’on peut dire contre le fait d’habituer les jeunes enfants à percevoir continuellement des formes et des figures géométriques ?
XVI. LA PHILOSOPHIE NATURELLE
1. Montrez que l’enfance est le temps de la collecte des matériaux pour la classification.
2. Que dit M. Herbert Spencer sur la valeur de la recherche scientifique ?
3. Montrez que les enfants sont capables de comprendre des principes.
4. Mentionnez quelques-uns des phénomènes qu’ils pourraient facilement comprendre.
5. A partir des matières enseignées avec succès dans une école de village, dressez une liste de questions auxquelles des enfants intelligents devraient être capables de répondre.
6. « Les principes de la philosophie naturelle sont les principes du bon sens ». Montrez comment cette affirmation devrait être la clé de notre pratique éducative.
XVII. LA GÉOGRAPHIE
1. D’où vient la valeur éducative particulière de la géographie ?
2. Comment la géographie est-elle communément enseignée ?
3. Quel type d’information les enfants et les adultes apprécient-ils en ce qui concerne les lieux ?
4. Pourquoi la géographie apprise à l’école est-elle de peu d’utilité dans la vie ultérieure ?
5. Que devrait apprendre un enfant en géographie ?
6. Comment doit-il acquérir ses notions rudimentaires ?
7. Comment initier les enfants aux cartes ?
8. Pourquoi un enfant devrait-il être « chez lui » dans une région donnée ?
9. Pourquoi est-il bon de suivre les pas d’un voyageur ?
10. Mentionnez quelques livres utiles à cet égard.
11. Comment utiliser les cartes dans ce genre de travail ?
12. Comment un enfant peut-il se faire une première idée d’un glacier, d’un canyon, etc., ?
13. Quel genre de lectures les parents peuvent-ils sélectionner entre la cinquième et la dixième année de l’enfant ?
14. Comment les jeunes enfants doivent-ils recevoir leurs leçons sur les lieux ?
15. Comment doivent-ils arriver à des définitions ?
16. Quelles sont les idées fondamentales qu’un enfant doit recevoir ?
17. Comment l’initier à la signification d’une carte ?
XVIII. L’HISTOIRE
1. Quelles sont les valeurs intellectuelles et morales de l’histoire en tant que matière d’enseignement ?
2. Que faut-il dire des méthodes habituelles d’enseignement de l’histoire de l’Angleterre ?
3. Qu’en est-il si le petit manuel a un ton moral ou religieux ?
4. Quelle est l’erreur fatale en ce qui concerne l’enseignement précoce de l’histoire ?
5. Quelle est la meilleure méthode ?
6. Que doit savoir un enfant de l’époque à laquelle a vécu une personne sur laquelle il lit ?
7. Quel gain moral peut-il tirer d’une telle connaissance intime ?
8. Quelles sortes de livres doivent être évitées ?
9. Quel est le moins que l’on puisse faire pour initier les enfants à l’histoire de l’Angleterre ?
10. Pourquoi l’histoire ancienne d’une nation convient-elle mieux aux enfants que les périodes ultérieures ?
11. Pourquoi les anciennes Chroniques sont-elles une lecture profitable pour eux ?
12. Nommez et commentez quelques-unes des Chroniques sur lesquelles la connaissance de l’histoire devrait reposer.
13. Quel effet la lecture de ces vieilles Chroniques devrait-elle avoir sur un enfant ?
14. Montrez que les enfants devraient connaître quelque chose de l’âge héroïque de leur propre nation.
15. Quel usage peut-on faire de The History of the Kings of Britain de Geoffrey de Monmouth ?
16. De quelle autorité un enfant devrait-il tirer l’histoire des guerres françaises ?
17. Pourquoi les Vies de Plutarque constituent-elles la meilleure préparation à l’étude de l’histoire grecque et romaine ?
18. Donnez deux conseils qui devraient régir l’enseignement de l’histoire.
19. Sur quels principes devrait-on choisir les livres d’histoire pour enfants ?
20. Mentionnez un ou deux livres qui se prêtent à la narration.
21. Commentez les Old Stories from British History de M. Arnold Forster.
22. Comment aideriez-vous les enfants à être clairs en ce qui concerne les dates ?
23. Mentionnez deux ou trois façons de faire travailler l’esprit des enfants si leurs livres d’histoire sont de bonne qualité.
XIX. LA GRAMMAIRE
1. Pourquoi la grammaire est-elle nullement attrayante pour un enfant ?
2. Pourquoi la grammaire anglaise est-elle particulièrement difficile ?
3. Montrez que la grammaire latine est plus facile.
4. Montrez que la grammaire latine apporte une aide à l’apprentissage de la grammaire anglaise.
5. Pourquoi un enfant devrait-il commencer par une phrase entière et non par ses parties ?
6. Rédigez les notes d’une ou deux leçons d’introduction.
XX. LE FRANÇAIS
1. Comment devrait-on apprendre le français ?
2. Montrez que l’apprentissage du français est une éducation des sens.
3. Quelles sont les deux raisons pour lesquelles nous éprouvons des difficultés à parler français ?
4. Montrez que ces entraves doivent être supprimées dès l’enfance.
5. Comment ?
6. Comment pourrait-on traiter la difficulté de l’accent ?
7. Quelle demi-douzaine de principes M. Gouin nous a-t-il fait connaître ?
8. Montrez que la méthode des séries permet à l’enfant de penser dans la nouvelle langue.
9. Retracez intégralement les étapes par lesquelles l’auteur a élaboré sa théorie.
10. Comment traite-t-il la difficulté de l’orthographe ?
11. Illustrez la facilité avec laquelle un enfant apprend une nouvelle langue.
XXI. L’ART PICTURAL, ETC.
1. Quels sont les deux axes sur lesquels doit se faire l’éducation artistique des enfants ?
2. Comment organiser les séances de discussion sur les œuvres d’art ?
3. Quels bénéfices pouvons-nous espérer de ce type d’enseignement ?
4. Discutez de l’utilisation des blobs dans les premières leçons de dessin.
5. Quel devrait être notre objectif dans ces leçons ?
6. Les enfants ont de « l’art » en eux. Comment ce fait devrait-il affecter notre enseignement ?
7. Que devons-nous garder à l’esprit lorsque nous enseignons le modelage de l’argile aux enfants ?
8. Nommez des méthodes d’enseignement du chant et du piano qui sont à recommander.
9. Quels exercices physiques recommandez-vous ?
10. Nommez quelques travaux manuels adaptés aux jeunes enfants.
PARTIE VI
LA VOLONTÉ – LA CONSCIENCE – LA VIE DIVINE CHEZ L’ENFANT
I. LA VOLONTÉ
1. Comment s’exerce le gouvernement de Mansoul ?
2. Montrez que le pouvoir exécutif est dévolu à la volonté.
3. Qu’est-ce que la volonté ?
4. À quels égards les personnes peuvent-elles traverser la vie sans un acte délibéré de volonté ?
5. Montrez que le caractère est le résultat d’une conduite régulée par la volonté.
6. Quelles sont les trois fonctions de la volonté ?
7. Quelle limite de la volonté est ignorée par certains romanciers ?
8. Montrez que les parents tombent dans cette erreur métaphysique.
9. Montrez que l’entêtement indique un manque de volonté.
10. Qu’est-ce que la volonté ?
11. Quelles sont les fonctions supérieures et inférieures de la volonté ?
12. Montrez que la volonté n’agit pas toujours pour le bien.
13. Montrez qu’une volonté disciplinée est nécessaire à un caractère chrétien héroïque.
14. Comment distingueriez-vous les personnes efficaces des personnes non efficaces ?
15. Comment opère la volonté ?
16. Montrez comment la motivation, la diversion, le changement d’idées sont des aides de la volonté.
17. Que doit-on enseigner aux enfants sur la « voie de la volonté » ?
18. Montrez que le pouvoir de la volonté implique le pouvoir de l’attention.
19. Montrez que l’habitude peut frustrer la volonté.
20. Montrez la nécessité d’un usage raisonnable d’un instrument aussi efficace.
21. Par quelle ligne de conduite les parents doivent-ils renforcer la volonté de leurs enfants ?
22. Comment apprendre aux enfants à se gérer eux-mêmes ?
23. Montrez que l’éducation de la volonté est plus importante que celle de l’intellect.
II. LA CONSCIENCE
1. Quelles sont les fonctions de la conscience ?
2. Qu’est-ce qui est sous-entendu dans « je suis, je devrais, je peux, je ferai » ?
3. Quelle erreur commet le parent inerte à l’égard de la grâce divine ?
4. Montrez que la conscience n’est pas un guide infaillible.
5. Comment Adam Smith illustre-t-il le fait que la conscience est un vrai pouvoir ?
6. Que savons-nous de la conscience ?
7. Faites la différence entre une conscience naissante et une conscience entraînée.
8. Montrez que le raffinement de la conscience ne peut coexister avec l’ignorance.
9. Quels sont les processus impliqués dans une décision « consciencieuse » ?
10. Que peut-on dire de la conscience instruite ?
11. Que peut-on attendre de la bonne conscience d’un enfant ?
12. Montrez que les enfants jouent avec les questions morales.
13. Comment transmettriez-vous à un enfant l’une des idées morales contenues dans la Bible ?
14. Montrez l’utilité des histoires dans la formation de la conscience.
15. Montrez l’extrême ignorance de la conscience d’un enfant.
16. Comment formeriez-vous les enfants au devoir de « bonté », par exemple ?
17. Que dire de la conscience rendue effective grâce à la discipline ?
III. LA VIE DIVINE CHEZ L’ENFANT
1. Qu’est-ce que l’ « intime pulsation de la machine » ?
2. Montrez que les parents ont un certain pouvoir pour introniser le Roi.
3. Définissez autant que vous le pouvez les fonctions de l’âme.
4. Quelle est la vie de l’âme ?
5. Montrez par l’illustration de l’abeille et du pommier quel est le rôle du parent dans la vivification de la vie divine chez son enfant.
6. Montrez où la similitude de l’abeille et du pommier échoue.
7. Par quelles deux idées dissuasives Dieu est-il le plus souvent présenté aux enfants ?
8. Quelles précautions une mère doit-elle prendre pour que ses enfants aient de Dieu des idées inspirées ?
9. Quelles considérations devraient nous aider à choisir les pensées vivifiantes appropriées pour les enfants ?
10. Comment choisir des idées appropriées et vitales ?
11. Montrez le danger de confondre « être bon » avec la connaissance de Dieu.
12. Quelles précautions la mère observera-t-elle quant aux moments et à la manière de l’instruction religieuse ?
13. Faites quelques suggestions pour la lecture de la Bible.
14. Comment une mère pourrait-elle donner à son enfant l’idée de Dieu comme Père et Donateur ?
15. Comment les enfants peuvent-ils être élevés dans l’allégeance au Christ ?
16. Comment pourriez-vous faire comprendre aux enfants l’idée de leur Sauveur ?
17. Montrez que la présence du Christ à demeure est une pensée adaptée aux enfants.