LES 20 PRINCIPES
La pédagogie Charlotte Mason est vivante. Sa mise en place sera toujours différente d’une famille à une autre, d’un éducateur à un autre. Il ne s’agit là que de variations pratiques. Les principes sont solides et eux seuls doivent être vos guides.
Par ailleurs, dans la préface du Volume 2, Parents et enfants, Charlotte Mason écrit : « Croyant que l’individualité des parents est une grande richesse pour leurs enfants, et sachant que lorsqu’une idée possède l’esprit, les façons de l’appliquer se suggèrent, j’ai essayé de ne pas alourdir ces pages de nombreuses directions, propositions pratiques et autres béquilles de ce type, susceptibles de nuire aux relations libres des parents et de l’enfant. » Elle a, de ce fait, établi 20 principes énuméré dans le sixième livre de la série « Home Education », afin d’aider les parents et les éducateurs à prendre des décisions pratiques tout en restant dans le cadre de sa pédagogie. Gardez à l’idée que ces 20 principes sont interconnectés et que, par conséquent, l’un ne fonctionne pas sans l’autre.
Nous vous invitons également à écouter les podcasts d’Un festin d’idées sur le sujet des principes :
Les 20 principes de Charlotte Mason et leur analyse
1. « Les enfants sont des personnes dès la naissance. » |
Le premier principe nous semble peut-être « aller de soi » mais à la lumière de l’article écrit par Charlotte Mason pour la Parents’ Review en 1911 où elle développe complètement sa pensée sur ce premier principe fondamental, nous comprenons toute la subtilité de la considération donnée aux enfants dès la naissance : des capacités et des habiletés dont les bébés font preuve dans l’apprentissage de la vie, de l’innocence et l’humilité des petits enfants, du comportement des adultes envers eux, des conditions de la liberté offerte aux enfants mais surtout à « l’homme en devenir », de l’esclavage « aux désirs du hasard » et de la « tyrannie des désirs naturels », de l’importance du « devoir » à travers la « permission » et l’obéissance, mais aussi de la prise de conscience du soi, chez l’enfant et de l’impact de notre regard sur lui : de notre « admiration » … de nombreux sujets d’importance dans notre rôle d’éducateurs et de parents sont abordés ici dans le but d’examiner « la grandeur de l’enfant en tant que personne, la liberté qui lui est due en tant que personne, certaines formes d’oppression qui entravent sa liberté, et la nourriture dont il doit se nourrir – l’Admiration, l’Espoir et l’Amour. » « “L’enfant est une personne“ sera le cœur de notre croisade » (Mason, 1904, p. 10) |
2. « Ils ne naissent ni bons ni mauvais, mais avec le pouvoir de faire le bien ou le mal. » |
Lorsque nous considérons les principes éducatifs de Charlotte Mason, il est important de les replacer dans le contexte de sa société, avec toutes ses idées et ses mœurs particulières. Au début du XXe siècle, la montée du darwinisme et de la théorie de l’évolution par sélection naturelle ont conduit à une plus grande prise en compte du rôle joué par les gènes dans le développement des traits psychologiques et physiques de l’individu. Par conséquent, de nombreux parents et éducateurs se sont mis à penser qu’il ne servait à rien d’essayer d’enseigner à une personne la morale et le bon comportement parce que cela était déjà déterminé par ses gènes. Mason soutient que ce n’est pas le cas et que l’éducation peut grandement contribuer à former une personne à vivre et à penser correctement quel que soit son rang ou sa situation économique. Tous les enfants ont la possibilité d’apprendre ce qui est bon et ce qui est mauvais. De ce fait, Mason dit aux parents et aux éducateurs de ne pas négliger leurs responsabilités en formant le caractère d’un enfant comme il doit être formé. Mason précise ses pensées sur ce principe dans le chapitre 3 de son volume 6. « La perspective est exaltante et la reconnaissance des potentialités de tout enfant devrait entraîner une renaissance éducative qui pourrait envoyer notre vieux monde fatigué se réjouir sur son chemin. » Volume 6, p. 47 |
3. « Les principes d’autorité d’une part, et d’obéissance d’autre part, sont naturels, nécessaires et fondamentaux ; mais… » |
Les idées d’autorité et d’obéissance du 3ème principe de Charlotte Mason peuvent sembler évidentes à certains parents… ou pas du tout ! Dans le chapitre 4 du volume 6, Mason parle longuement de ce qu’est l’autorité à la fois pour le parent et pour l’enfant, à quoi cela ressemble dans les maisons et les salles de classe, et comment obtenir l’obéissance de l’enfant. Elle dit que notre autorité parentale trouve sa source en Dieu. Et en tant que don de Dieu, notre autorité doit être utilisée avec sagesse pour le bien des enfants et pour leur gloire. Mais parce que cela vient de Dieu, ce n’est pas une autorité absolue. Nous avons été mandatés pour remplir le devoir d’élever nos enfants et de les aimer ; et de ce fait, cette autorité n’est pas arbitraire. Cela signifie que notre autorité ne doit pas être exercée sur un coup de tête ou sans raison. Il ne s’agit pas d’un genre d’autorité tyrannique. « L’autorité est cet aspect de l’amour que les parents présentent à leurs enfants ; les parents savent que c’est de l’amour, parce que pour eux, cela signifie l’abnégation continue, la répression de soi, le sacrifice de soi : les enfants le reconnaissent comme de l’amour, car pour eux cela signifie un repos tranquille et la gaieté du cœur. » Volume 3, page 24 Les enfants ont également reçu une autorité par Dieu et elle est la responsabilité qu’ils ont de leur propre apprentissage. Ils en viendront à comprendre que s’ils ne sont pas présents, s’ils ne donnent pas toute leur attention, s’ils ne se font pas enseigner, ils ne sauront pas. L’enfant qui sait qu’il a la liberté de gérer son offre éducative est heureux d’apprendre. Nous avons été créés pour savoir. Nous avons été créés pour Le connaître d’abord, puis pour savoir ce qu’Il a créé. La responsabilité de l’apprentissage incombe à chaque individu pour lui-même et lorsque cette « auto-autorité » est établie, la fête éducative est plus joyeuse. « L’étranger pense que l’autorité fait tyrannie, et que l’obéissance, volontaire ou involontaire, est de la nature de l’esclavage ; mais l’autorité est, au contraire, la condition sans laquelle la liberté n’existe pas et, à moins qu’elle ne soit abusée, elle est tout à fait agréable à ceux sur qui elle s’exerce : nous sommes faits de telle sorte que nous aimons être ordonnés même si l’ordonnance n’est que celle des circonstances. » Volume 6, p. 69 « Ce principe en nous qui nous soumet à l’autorité est la docilité, l’ouverture à l’instruction, et cela aussi est universel. Si un homme dans l’orgueil de son cœur refuse une autre autorité, il se soumettra servilement à son « étoile » ou à son « destin ». Il semblerait que l’exercice de la docilité soit aussi naturel et nécessaire que celui de la raison ou de l’imagination ; et les deux principes d’autorité et de docilité agissent dans toute vie précisément comme ces deux principes élémentaires qui permettent à la terre de maintenir son orbite, l’un l’attirant vers le soleil, l’autre la poussant constamment dans l’espace ; entre les deux, la terre maintient un cours plus ou moins moyen et les jours passent. Les deux mêmes principes s’appliquent à chaque enfant, l’un produisant une vie ordonnée, l’autre provoquant la rébellion, et le point crucial dans l’éducation des enfants est de trouver le moyen qui maintiendra un enfant fidèle à son orbite elliptique. » Volume 6, p. 70 « Tous les travaux scolaires devraient être menés de manière à ce que les enfants soient conscients de la responsabilité d’apprendre; c’est leur affaire de savoir ce qui a été enseigné. Volume 6, p. 74 |
4. « … ces principes sont limités par le respect dû à la personnalité des enfants, à laquelle nous ne devons pas porter atteinte, que ce soit par l’usage direct de la peur ou de l’amour, de la suggestion ou de l’influence, ou en jouant de façon excessive sur leurs désirs naturels. » |
Le développement du caractère de l’enfant est un sujet central étudié par Mason et ce quatrième principe est développé dans le chapitre 5 du volume 6. En gardant à l’esprit que les enfants sont des personnes entières, qu’ils ont leur personnalité, des forces et des faiblesses, et des esprits capables d’une grande compréhension ; qu’ils sont faits à l’image de Dieu et doivent être respectés ; la personnalité des enfants ne doit pas être rabaissée, sous-estimée, contrainte ou manipulée. Pour Mason, la connaissance en elle-même devrait être la motivation. Selon elle, c’est le monde de Dieu et nous sommes ses créatures – nous devrions vouloir le connaître. Alors, nos enfants sont amenés à désirer des connaissances pour eux-mêmes et nous y parvenons en accordant de l’importance au développement de leur caractère. Ce n’était pas le succès mondain qu’elle considérait comme le but de l’éducation, mais la vertu. Mason identifie quatre « désirs naturels » qui ne sont ni bons ni mauvais quand ils ne sont pas surestimés. Mais quand ils sont manipulés, ils détournent l’affection d’un enfant pour la connaissance elle-même. Ces quatre désirs sont : « Notre métier est de découvrir à quel point une personne est un mystère en tant que personne. Toute action vient des idées que nous avons et si nous réfléchissons dûment à la personnalité, nous en viendrons à percevoir que nous ne pouvons pas commettre une plus grande offense que de mutiler ou écraser ou subvertir une partie d’une personne. » volume 6, p.80 « La connaissance est pour nous comme le lait de notre mère, nous grandissons ainsi et dans l’acte de succion nous sommes admirablement satisfaits. » Volume 6, p. 89 |
5. « Par conséquent, nous sommes limités à trois instruments éducatifs : l’atmosphère de l’environnement, la discipline d’habitudes et la présentation d’idées vivantes. C’est ce que signifie la devise du P.N.E.U. : « L’éducation est une atmosphère, une discipline et une vie. » » | Les principes 5 à 8 parlent des trois instruments éducatifs de l’enseignant. |
6. « Lorsque nous disons que L’ÉDUCATION EST UNE ATMOSPHÈRE, nous ne voulons pas dire qu’un enfant doit être isolé dans ce que l’on peut appeler un « environnement enfantin », spécialement adapté et préparé, mais que nous devons tenir compte de la valeur éducative de l’atmosphère naturelle de son foyer, à la fois en ce qui concerne les personnes et les choses, et le laisser vivre librement dans ses propres conditions. Nous abrutissons un enfant en abaissant son monde à un niveau infantile. » |
L’atmosphère de la maison n’est pas principalement concernée par ce à quoi elle ressemble. Cela va au-delà de l’espace physique. Elle est constituée des relations qu’un enfant développe avec les gens et les choses autour de lui. « Nous connaissons tous les conditions naturelles dans lesquelles un enfant doit vivre ; comment il partage les mœurs avec sa mère, se bouscule avec son père, se fait taquiner par ses frères et chouchouter par ses sœurs ; s’enseigne par ses culbutes ; apprend le don de soi par les besoins du bébé, la beauté des meubles en jouant à la bataille et au siège avec un canapé et une table ; apprend la vénération de l’ancien par les visites de son arrière-grand-mère ; comment vivre égaux avec les copains qu’il rassemble autour de lui ; apprend l’intimité avec les animaux de son chien et de son chat ; le plaisir dans les champs où poussent les renoncules et le plus grand plaisir dans les haies de mûres. Et quelle « fusion de classes » tempérée est aussi efficace que l’intimité d’un enfant avec ses supérieurs, et aussi avec le cuisinier et la femme de chambre, le forgeron et le menuisier, avec tous ceux qui se présentent sur son chemin ? Les enfants ont un génie pour cette sorte d’intimité générale, une partie précieuse de leur éducation ; des soins et des conseils sont nécessaires, bien sûr, de crainte que des amis qu’il admire ne le trompent, mais aucun « environnement » composé ne pourrait compenser cet air frais, ce vent sain qui souffle maintenant d’un point, puis d’un autre. » Volume 6, pp. 96-97 Quand la maison est en désordre et que les enfants ont négligé leurs maths pendant une semaine parce qu’ils s’occupaient d’un bébé chèvre malade qui n’arrivait pas à téter sa maman, quand on annule une activité pour s’occuper d’un de nos autres enfants malades ou parce-que grand-père montre ses outils dans le garage ou raconte des histoires… L’atmosphère est comme l’air frais de la vie. «… Aucun élément artificiel ne doit être introduit, pas d’arrosage à l’eau de rose, d’adoucissant avec des coussins. Les enfants doivent affronter la vie telle qu’elle est. » Volume 6, p.97 |
7. « Par L’ÉDUCATION EST UNE DISCIPLINE, nous entendons la discipline des habitudes, formées de façon définitive et réfléchie, qu’il s’agisse d’habitudes de l’esprit ou du corps. Les physiologistes ont démontré que le cerveau s’adapte à nos pensées et c’est ce qui forme les habitudes. » |
Charlotte Mason a beaucoup écrit sur les habitudes. Comme elle l’a souligné, notre désir naturel est de nous faciliter la vie. La tension et la fatigue résultant de l’effort de décision est réel et c’est un fardeau qui peut devenir très lourd à porter. Imaginez devoir prendre la décision tous les matins de sortir du lit, de vous brosser les dents, de prendre vos repas, de vous brosser les cheveux… La plupart des gens, n’ont pas à prendre ces décisions, elles sont la conséquence d’habitudes ne sollicitant pas d’énergie mentale. Que l’on veuille ou non, notre nature va développer des habitudes. La question est de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises ? « L’habitude est inévitable. Si nous ne parvenons pas à faciliter la vie en adoptant des habitudes de pensée juste et bonne, les habitudes de mauvaise pensée et de mauvaise action s’installent d’elles-mêmes. Nous évitons la décision et alors l’indécision entraîne ses propres retards, « les jours sont perdus en se lamentant sur les jours perdus ». Volume 6, p. 101 « Nous savons tous quelque chose de la genèse d’une habitude, et la plupart d’entre nous en reconnaissons la base physique, c’est-à-dire que des pensées ou des actes fréquemment répétés laissent une sorte de registre dans le tissu cérébral qui tend à faire la répétition de telles pensées, au début facile, et enfin automatique. » Volume 3, p. 105 Voici quelques habitudes dont parle Mason qui peuvent être développées par des activités physiques : Concernant les habitudes de l’esprit : Ces habitudes se développent petit à petit au fil des nombreuses années que les enfants sont avec nous, dans le cadre de l’atmosphère de nos maisons. Tout cela peut paraître écrasant mais il existe de nombreux outils de développement personnel que nous pouvons mettre en application pour nous-mêmes d’abord. « « Semez un acte », nous dit-on, « récoltez une habitude ». « Semez une habitude, récoltez un caractère. » Mais il faut faire un pas en arrière, il faut semer l’idée ou la notion qui fait valoir l’acte. Volume 6, p. 102 |
8. « En disant que L’ÉDUCATION EST UNE VIE, nous sous-entendons les besoins de nourriture intellectuelle, morale et physique. L’esprit se nourrit d’idées, et les enfants devraient donc avoir un programme généreux. » |
La vie n’est pas autosuffisante. Elle nécessite une alimentation régulière, ordonnée et adaptée. Ceci est pleinement reconnu pour la vie corporelle et Mason considère que ça l’est aussi pour la vie spirituelle. « Nous savons que la nourriture est au corps ce que le carburant est à la machine à vapeur, sa seule source d’énergie ; une fois que nous nous rendons compte que l’esprit aussi ne fonctionne que lorsqu’il est nourri, l’éducation nous apparaîtra sous un jour nouveau. » (volume 6, p. 104-105) Comme le corps peut se nourrir de substituts de repas et d’aliments sans apports nutritifs, la nourriture mentale peut être peu qualitative. Mason dit : « l’esprit n’est capable de traiter qu’un seul type de nourriture ; il ne vit, grandit et se nourrit d’idées ; la simple information est comme un repas de sciure pour le corps. » (volume 6, p.105) Qu’est-ce qu’une idée ? « Nous savons tous comment une idée « frappe », « saisit », « s’empare », « nous impressionne » et enfin, si elle est assez grande, « nous possède » ; en un mot, se comporte comme une entité. » Il en va donc de notre responsabilité d’exposer nos enfants aux plus nobles idées. Que ce soit dans nos manières ou dans nos mots, dans l’atmosphère de nos maisons, dans leurs livres, dans leurs leçons, dans les relations avec les autres… « …à mesure que l’enfant grandit, on s’apercevra que seules les idées qui ont nourri sa vie sont prises dans son être ; tout le reste est jeté ou est, comme la sciure dans le système, un obstacle et une blessure. » (volume 6, p. 109) « … nous devons entretenir la vie intérieure d’un enfant avec des idées comme nous entretenons son corps avec de la nourriture. Il rejettera probablement les neuf dixièmes des idées que nous proposons, car il n’utilise qu’une petite partie de sa nourriture corporelle, rejetant le reste. C’est un éclectique ; il peut choisir ceci ou cela ; notre métier est de lui fournir l’abondance et la variété voulues et le sien de prendre ce dont il a besoin. » (volume 6, p.109) « … les lectures humaines nombreuses et variées, ainsi que la pensée humaine exprimée dans les formes d’art, ne sont pas un luxe, un morceau à donner aux enfants de temps en temps, mais leur pain de vie même, qu’ils doivent avoir en abondance et à des périodes régulières. » (volume 6, p.111) |
9. « Nous considérons que l’esprit de l’enfant n’est pas un simple sac destiné à contenir des idées ; mais est plutôt, si vous permettez l’image, un organisme spirituel, avec un appétit pour toute connaissance. C’est l’alimentation appropriée pour l’esprit, celle qu’il est capable de prendre, digérer et assimiler comme le corps le fait avec des aliments. » |
Dans son volume 6, Mason lie le principe 9 et le principe 10 sous le même chapitre appelé « Comment nous utilisons l’esprit ». Elle va opérer une démonstration, comme elle sait si bien le faire, « en disposant d’abord les parties sombres afin que nous puissions appréhender pleinement la lumière » (Lynn Bruce, Une huître et un bijou). Herbart (dont l’application éducative dans les écoles devenait très en vogue à l’époque de Charlotte – et l’est toujours aujourd’hui) comme Mason, croyait aux idées et à l’esprit (qu’Herbart appelait âme). Mais ils en avaient une conception complètement différente. Mêmes mots, dictionnaires différents. « Nous aussi, nous croyons aux idées comme régime approprié et unique sur lequel grandit l’esprit des enfants. » (volume 6, p. 117) Alors qu’Herbart a défini l’âme comme un « sac vide » (« Elle n’a à l’origine ni idées, ni sentiments, ni désirs. De plus, il n’y a en elle aucune forme d’intuition et de pensée, aucune loi du vouloir et de l’action, ni aucune sorte de prédisposition si éloignée que ce soit à son égard. La nature simple de l’âme est totalement inconnue et le reste à jamais. » John Adams cité par Mason, vol. 6, p. 113) -, Mason semble plus enclin à penser que l’esprit est une substance vivante à laquelle nous n’avons pas accès : « Nous sommes plus dans l’ignorance de l’esprit que de Mars ! Nous ne pouvons qu’en juger les effets, et ceux-ci semblent indiquer que l’esprit est un « organisme spirituel ». « Par analogie avec le corps, nous concluons que l’esprit a besoin d’une alimentation régulière et suffisante ; et que cette nourriture soit assurée par des idées, nous pouvons recueillir de l’empressement insatiable avec lequel elles sont appropriées, et de la croissance et du développement évidents manifestés sous un tel pabulum. Que les enfants aiment les leçons orales faibles et fastidieuses, les livres d’histoires faibles et fastidieux, ne prouve pas du tout que ce sont des aliments sains ; ils aiment les sucettes mais ne peuvent pas en vivre ; pourtant, certaines écoles tentent sérieusement de répondre aux besoins intellectuels, moraux et religieux des enfants par des « sucreries » appropriées. » !Volume 6, p. 117) |
10. « La doctrine herbartienne met le fardeau de l’éducation – la préparation des connaissances avec des morceaux alléchants, présentés dans l’ordre approprié – sur l’enseignant. Les enfants instruits selon ce principe risquent de recevoir beaucoup d’enseignements avec peu de connaissances ; et l’axiome de l’enseignant est : « Ce qu’un enfant apprend importe moins que la façon dont il l’apprend. » » . |
La philosophie de Herbart appliquée à l’éducation a donné naissance à la formation de « masses d’aperception », une masse qui est suffisamment forte pour cheminer jusqu’à l’âme et la dominer. Concrètement, cela a donné lieu dans l’enseignement à la construction de « séquences pédagogiques », de « unit Study », de corrélations d’éléments censées se combiner eux-mêmes dans l’esprit et y faire leur entrée. Pour exposer ses idées, elle prend à titre d’exemple un « plan de travail avec Robinson Crusoé » donné à des enfants de CP dans une école élémentaire : « Nous avons d’abord neuf leçons de littérature et de langue, les matières étant telles que « Robinson grimpe une colline et découvre qu’il est sur une île ». Ensuite, dix leçons d’objets dont la première est, –– La mer, la seconde, Un navire de coins étrangers, la sixième, Un bateau de sauvetage, la septième, Coquillages, la dixième, Une grotte. On ne voit pas comment ces « objets » doivent être produits. La troisième série propose des leçons de dessin, probablement autant, un bateau, un navire, une rame, une ancre et ainsi de suite. Vient ensuite une série d’activités manuelles, toujours construite sur « Robinson » ; la première, une maquette du bord de mer ; puis des maquettes de l’île de Robinson, de la maison de Robinson et de la poterie de Robinson. Le cours suivant consiste en de la lecture, un nombre infini de leçons, – « des passages de The Child’s Robinson Crusoe et d’un lecteur généraliste sur les sujets abordés dans les leçons d’objets ». Vient ensuite une série de leçons d’écriture, « des compositions simples sur le sujet des leçons. … les enfants ont encadré les phrases que l’enseignante a écrites au tableau et la classe a ensuite copié ». Voici une composition, –– « Robinson passa sa première nuit dans un arbre. Le matin, il avait faim mais il ne vit autour de lui que de l’herbe et des arbres sans fruits. Sur le bord de la mer, il trouva des crustacés qu’il mangeait. » – Comparez cela avec la production volumineuse d’enfants de six ou sept ans travaillant sur le programme du P.U.S. (écoles Mason) sur tout sujet qu’ils connaissent ; avec, en effet, les pages qu’ils dicteront après une seule lecture d’un chapitre de Robinson Crusoé, et non une « édition pour enfants ». Elle poursuit : « Le tout doit être très amusant pour l’enseignant, comme le sont toujours les amplifications ingénieuses auto-produites : que les enfants étaient aussi divertis, on n’en doute pas. La maîtresse était probablement à son meilleur pour obtenir par pure force beaucoup de peu : elle jouait, en fait, un rôle et les enfants étaient amusés comme à un spectacle, au cinéma ou autre ; mais nous pouvons être sûr d’une chose, un dégoût total, un dégoût, de la part des enfants pour toujours, non seulement pour « Robinson Crusoé » mais pour chacun des sujets trimballés pour illustrer ses aventures. » « Les professeurs consciencieux, ingénieux et laborieux qui produisent ces « séries de concentration » sont peu conscients que chacune de ces leçons est un acte de lèse-majesté. Les enfants qui sont capables et avides d’un large éventail de connaissances et d’expression littéraire sont réduits à des inanités ; un ennui de toute une vie se met en place ; toute approche de la connaissance suggère des voies pour l’ennui, et l’esprit des enfants est malade et périt bien avant la fin de leurs jours d’école. » (volume 6, p. 116) « Comme je l’ai dit ailleurs, les idées nécessaires à la subsistance des enfants se trouvent principalement dans les livres de qualité littéraire ; et l’esprit fait pour lui-même le tri, l’arrangement, la sélection, le rejet, le classement, que Herbart laisse à la lutte des idées promiscues qui parviennent à franchir le seuil. » (volume 6, p. 117) Le problème de cette éducation, entre autres, est que les méthodes jettent « tout le fardeau de l’éducation sur l’enseignant », et exaltent sa personnalité « en tant qu’agent principal de l’éducation, qui offre un travail ingénieux, intéressant et plus ou moins créatif à un grand nombre de personnes hautement intelligentes et dévouées, et dont l’espoir passionné est de quitter le monde guère mieux qu’ils ne l’ont trouvé grâce à ces enfants qu’ils ont élevés à un niveau supérieur… « (volume 6, p.118) Par ailleurs, Mason pense que cela arrange beaucoup les comités et directions d’éducation car « non seulement toutes les responsabilités sont déplacées et le soulagement est très grand, mais les leçons sont agréables à regarder et à entendre… » (volume 6, p. 117) « Et les enfants eux-mêmes ? Eux aussi sont amusés et divertis, ils apprécient « le puzzle » et énormément l’enseignant qui se met à leur disposition pour les attirer. Il n’y a pas de défaut dans le fonctionnement pratique de la méthode lors de son exécution. Plus tard, cela suscite la consternation et l’anxiété chez les personnes réfléchies. » (volume 6, p. 118) Car la finalité de l’éducation pour Mason est qu’elle nous serve pour la vie : « La question n’est pas : « Que sait un enfant quand il a terminé sa scolarité ? », mais « combien s’en soucie-t-il ? » et « de combien de choses se soucie-t-il ? » Et même, quelle est la taille de la pièce dans laquelle se trouve ses pieds ? et, par conséquent, à quel point la vie qu’il a devant lui est-elle remplie ? » (volume 3, p. 170-171) Or l’élève devient un être passif qui se repose entièrement sur l’enseignant. « L’enseignant est prêt à utiliser les pouvoirs que sa formation et son expérience lui ont donné travaille trop dur alors que la part du garçon dans la lutte est trop légère. » (volume 6, p. 119) L’enfant n’a pas de discipline mentale qui finit par produire de la concentration et la capacité de travailler seul. « Il est rarement laissé à lui-même le livre entre les mains, obligé de concentrer tout son esprit sur les mots ennuyeux sans personne à portée de main pour lui expliquer ou faciliter son travail de mémoire par des petits trucs de répétition et d’association… » (volume 6, p. 119) La pédagogie de Mason est de former des hommes non seulement capables de gagner leur vie, mais de vivre. Et pour cela elle a une forte croyance dans le pouvoir universitaire, bien plus que dans les formations techniques : « Nous sommes encouragés à affronter avec audace le fait que nous devrions viser une université populaire, une université avec ses milliers de collèges sur tout le territoire, chacun d’eux étant l’École de formation continue (le nom n’est pas invitant) pour un quartier. (…) mais seulement si nous allons travailler avec la certitude que les jeunes étudiants ont soif de connaissances (…), qu’ils lisent avec une attention absolue et qu’après avoir lu, ils savent. Ils accueilleront favorablement la préparation de la prise de parole en public, effort auquel chacun doit se qualifier ces jours-ci, offert par l’acte de narration. » (volume 6, p. 124) |
11. « Nous estimons que l’enfant normal a les pouvoirs d’esprit requis pour gérer toutes les connaissances qui lui sont propres. C’est pourquoi nous devons lui donner un programme complet et généreux, veillant seulement à ce que toutes les connaissances qui lui sont offertes soient vivantes, c’est-à-dire que les faits ne soient pas présentés sans leur contexte. De cette conception vient le principe selon lequel,… » | |
12. « … L’ÉDUCATION EST LA SCIENCE DES RELATIONS ; c’est-à-dire qu’un enfant a des relations naturelles avec un grand nombre de choses et de pensées : nous le formons donc à l’aide d’exercices physiques, de nature, de travaux manuels, de science et d’art, et de nombreux livres vivants, car nous savons que notre responsabilité n’est pas de tout lui apprendre sur tout, mais de l’aider à valider autant que possible « les affinités innées qui modèlent notre nouvelle existence aux choses existantes… » » | |
13. « Lors de l’élaboration d’un PROGRAMME pour un enfant normal, quelle que soit sa classe sociale, nous devons prendre en considération trois points : a) Il a besoin de beaucoup de connaissances, car l’esprit nécessite autant de nourriture que le corps. b) Les connaissances doivent être diverses, car une alimentation mentale monotone ne crée pas d’appétit (soit la curiosité) c) Les connaissances devraient être communiquées dans une langue bien choisie, car son attention est naturellement sollicitée par ce qui est transmis sous forme littéraire. » |
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14. « Etant donné que les connaissances ne sont pas assimilées tant qu’elles ne sont pas reproduites, l’enfant doit « raconter » avec ses propres mots ce qu’il a lu ou entendu : ou écrire une partie de ce qu’il a lu. » | |
15. « Nous insistons sur une seule lecture, car les enfants ont naturellement un grand pouvoir d’attention; mais cette force se dissipe lorsque les passages sont relus, ou également quand l’enfant est questionné, quand on lui fait un résumé, etc. En agissant sur ces points et sur d’autres points du comportement de l’esprit, nous constatons que l’éducabilité des enfants est énormément plus grande qu’on ne le pensait jusqu’à présent, et qu’il dépend très peu des circonstances telles que l’hérédité et l’environnement. L’exactitude de cette affirmation n’est pas non plus limitée aux enfants intelligents ou aux enfants des classes éduquées : des milliers d’enfants dans les écoles élémentaires répondent librement à cette méthode basée sur le comportement de l’esprit. » |
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16. « Il existe deux secrets de l’autogestion morale et intellectuelle qui devraient être offerts aux enfants : nous pouvons les appeler « la voie de la Volonté » et « la voie de la Raison ». » | |
17. « La Voie de la Volonté. – Il faut enseigner aux enfants
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Le rôle du parent et de l’enseignant est de jouer un rôle proactif dans l’éducation morale et intellectuelle des enfants. Et, de ce fait, doit lui fournir les clés de compréhension de cette voie de la volonté. Charlotte Mason nous dit dans le 8ème chapitre de son sixième volume : « Les grandes choses de la vie, la vie elle-même, ne sont pas faciles à définir. La Volonté, nous dit-on, est « la seule faculté pratique de l’homme ». Mais qui définit la volonté ? On nous répète que « la Volonté est l’homme » ; et pourtant la plupart des hommes traversent la vie sans un seul acte de volonté défini. L’habitude, les conventions, les coutumes du monde ont tant fait pour nous que nous nous levons, nous habillons, déjeunons, suivons nos occupations matinales, nos relaxations ultérieures, sans acte de choix. Pour cela, en tout cas, nous connaissons la volonté. Sa fonction est de choisir, de décider, et il ne semble pas y avoir de doute que plus l’effort de décision devient grand, plus la volonté générale s’affaiblit. Des avis nous sont fournis, nous prenons nos principes en second ou en troisième lieu, nos habitudes sont convenables et commodes, que faut-il de plus pour une vie décente et ordonnée ? Mais la seule réalisation possible et nécessaire pour chaque homme est le caractère ; et le caractère est un métal finement travaillé, mis en forme et en beauté par l’action répétée et habituelle de la volonté. Nous qui enseignons devons nous dire clairement que notre but en éducation est moins la conduite que le caractère ; on peut arriver à la conduite, comme nous l’avons vu, par des voies indirectes, mais elle n’a de valeur pour le monde que parce qu’elle a sa source dans le caractère. » (volume 6, pp. 128-129) Pour ce faire, l’éducateur se doit « de donner à chaque enfant un réservoir complet de la bonne pensée du monde dans laquelle puiser. » (p. 130) Et ce réservoir se trouve dans les livres de qualité littéraire : « Dans ses cours d’histoire et dans ses lectures de contes et de poèmes, il rencontre des personnes dont chacune porte son propos avec une forte volonté. Il se moque de ce jeune Phaéton téméraire, mesure Ésaü d’un œil attentif, le trouve plus attirant que Jacob qui gagne pourtant une plus grande approbation ; perçoit qu’Ésaü est volontaire mais que Jacob a une forte volonté, et à travers cet exemple et bien d’autres, reconnaît qu’une volonté forte n’est pas synonyme d’« être bon », ni de détermination à suivre sa propre voie. Il apprend à répartir les personnages qu’il rencontre dans sa lecture de part et d’autre d’une ligne, ceux qui sont volontaires et ceux qui sont gouvernés par la volonté ; et cette ligne ne sépare en aucun cas le mal et le bien. » (volume 6, p.132) Par ailleurs, nous devons habitué l’enfant à se demander ce qu’il en a pensé. Puis l’habituer à se demander : « ce qu’Il en a pensé. » Sous-entendu Dieu. Car il est le seul garant de la morale. « Il est bon que les enfants sachent que si la personne turbulente n’est pas du tout gouvernée par la volonté mais par l’impulsion, le mouvement de ses passions ou de ses désirs, il est cependant possible d’avoir une volonté constante avec des fins indignes ou mauvaises, ou même avoir une volonté ferme vers une bonne fin et des moyens indignes comme boussole vers cette fin. La simple volonté rectifiée, ce que notre Seigneur appelle « l’œil unique », semble être la seule chose nécessaire à une vie droite et serviable. » (volume 6, pp. 132-133) « Le garçon doit apprendre aussi que la volonté est sujette à des sollicitations tout autour, de la convoitise de la chair et de la convoitise de l’œil et de l’orgueil de la vie ; cette volonté n’agit pas seule ; il faut que l’homme tout entier veuille et l’homme veut sagement, avec justice et force, à mesure que tous ses pouvoirs sont en formation et en instruction. Il faut comprendre pour vouloir. » (volume 6, p. 133) Par ailleurs, dans son article intitulé « Opinions et principes » publié dans The Parents’ Review en 1910, Charlotte Mason écrit que la voie de la volonté entend la formation d’opinions propres sans nous laisser à la merci « du vent qui souffle au hasard » : « Le garçon doit apprendre le chemin de la Volonté, doit se rendre compte que le travail de choix est sur lui chaque jour et toute la journée. Il doit savoir que l’ordre de lui-même, la juste coordination de tous ses pouvoirs appartiennent à la Volonté ; que la Volonté n’est ni morale ni immorale ; que la fonction de la volonté est de choisir ; que le choix ne se situe pas entre des choses, des circonstances ou des personnes, mais entre des idées ; qu’un acte de Volonté évolue à partir d’une longue préparation de l’intelligence, des affections et de la conscience ; que ce qui semble être des actes de volonté immédiats n’est en réalité que l’application de principes et d’opinions qui se sont lentement formés ; que les opinions intellectuelles aussi bien que les principes moraux appartiennent à la sphère de la Volonté. Il doit savoir que la Volonté ne s’affirme pas par la lutte mais par un détournement de la pensée, à répéter aussi souvent que l’impulsion errante se renouvelle. Il lui appartient de savoir tout ce qu’il peut sur cette faculté pratique unique de l’homme parce que la tâche qui nous attend à tous est de travailler à notre propre salut à partir des habitudes de base du corps, des habitudes d’esprit lâches, des affections démesurées de jugements moraux avilis et conventionnels ; et la volonté est l’instrument par lequel nous pouvons travailler. » Etant donné que l’effort de décision est important, voilà ce que nous pouvons faire pour aider notre volonté : « Lorsque la volonté surmenée demande du repos, elle peut ne pas se relâcher pour céder, mais peut et doit chercher la récréation, la distraction (…). Un changement d’occupation physique ou mentale est très bien, mais si aucun autre changement ne convient, pensons à une autre chose, aussi insignifiante soit-elle. Une nouvelle cravate, ou notre prochain nouveau chapeau, un livre d’histoire que nous sommes en train de lire, un ami que nous espérons voir, tout fait tant que nous ne nous suggérons pas les pensées que nous devons penser sur le sujet en question. La volonté ne veut pas l’appui d’arguments mais la recréation du repos, du changement, du détournement. En un temps étonnamment court, elle est capable de revenir à la charge et de choisir ce jour-là le chemin du devoir, aussi insipide ou ennuyeux, difficile ou dangereux soit-il. Cette « voie de la volonté » est un secret de pouvoir, le secret de l’autonomie qui nous gouverne, dont les gens devraient être fournis, non seulement pour la facilité dans la pratique juste, ou pour avancer dans la vie religieuse, mais aussi pour leur bien intellectuel. Notre revendication du libre arbitre est une revendication juste; la volonté ne peut être que libre, que son objet soit juste ou faux; c’est une question de choix et il n’y a d’autre choix que le libre choix. Mais nous sommes susceptibles de traduire le libre arbitre en libre pensée. Nous nous permettons de sanctionner l’anarchisme intellectuel et oublions qu’il repose sur la volonté d’ordonner pleinement les pensées de l’esprit autant que les sentiments du cœur ou les convoitises de la chair. Nos pensées ne sont pas les nôtres et nous ne sommes pas libres de penser comme nous le souhaitons. » (volume 6, pp. 136-137) |
18. « La Voie de la Raison. – Nous devons aussi enseigner aux enfants à ne pas « s’appuyer » (avec trop d’assurance) « sur leur sagesse », car la raison a pour fonction de faire une démonstration logique :
Dans le premier cas, la raison est pratiquement un guide infaillible, mais dans le second, elle n’est pas toujours sûre ; car, que cette idée soit bonne ou mauvaise, notre raison la confirmera en utilisant des preuves irréfutables. » |
Les enfants doivent apprendre à ne pas trop s’appuyer sur leur propre raisonnement. « La raison, comme toutes les autres propriétés d’une personne, est sujette à l’habitude et travaille sur le matériau qu’elle a l’habitude de manipuler. » (volume 6, p. 147) Qu’est-ce que cela signifie ? Que lorsque nous voulons quelque chose, notre raisonnement est capable de développer une vingtaine d’arguments en faveur de ce que nous voulons. Et ce que nous pensons être « raisonnable » est en fait soumis à l’influence de notre volonté. « Il verra que la raison fonctionne involontairement ; que tous les beaux pas se succèdent dans son esprit sans aucune activité ni intention de sa part; (…) mais, hélas, s’il choisit d’avoir une idée fausse, il sonne pour ainsi dire la raison, qui renforce sa mauvaise intention par une vingtaine d’arguments prouvant que le mal est juste. » (volume 6, pp. 142-143) « Une juste reconnaissance de la fonction de la raison devrait être une aide énorme pour nous tous dans les jours où l’air est plein d’erreurs, et quand notre modestie personnelle, qui devient le respect d’autrui qui est propre à des natures bien ordonnées, jeunes ou vieilles, nous pousse à accepter des conclusions dûment soutenues par l’opinion publique ou par ceux dont nous apprécions les opinions. » (volume 6, p.143) « Nous sommes donc à la merci du doctrinaire en religion, du démagogue en politique et, osons-le dire, du rêveur en science ; et nous pensons sauver nos âmes en étant au premier rang de l’opinion de l’un ou l’autre. Mais pas si nous avons grandi conscients de la beauté et de l’émerveillement de l’acte de raisonner, ainsi que des limites qui l’accompagnent. » (volume 6, p. 144) « Les enfants doivent savoir que nous ne pouvons prouver aucune des grandes choses de la vie, pas même que nous vivons nous-mêmes ; mais nous devons nous fier à ce que nous savons sans démonstration. Nous savons aussi, et cette autre certitude doit leur être imposée, que la raison, loin d’être infaillible, est extrêmement faillible, persuadable, ouverte à l’influence de ce côté et de cela; mais est tout de même un fidèle serviteur, capable de prouver que toute notion est reçue par la volonté. Une fois que nous sommes convaincus de la faillibilité de notre propre raison, nous sommes capables de détecter les erreurs dans le raisonnement de nos adversaires et ne sommes pas susceptibles d’être emportés par tout vent de doctrine. » (volume 6, p. 150) |
19. « Par conséquent, les enfants devraient apprendre, lorsqu’ils ont atteint la maturité nécessaire pour bénéficier de cet enseignement, que la principale responsabilité qui leur incombe en tant que personnes est l’acceptation ou le rejet des idées. Pour les aider dans ce choix, nous leur donnons des principes de conduite et un large éventail de connaissances qui leur sont adaptées. Ces principes devraient épargner aux enfants certaines des réflexions et des actions irréfléchies qui mènent la plupart d’entre nous à un niveau de vie inférieur à celui dont nous avons besoin. » |
Sachant qu’il ne faut pas faire confiance à la raison en tant qu’autorité finale dans la formation des opinions, l’éducateur doit fournir à l’enfant de bonnes habitudes de comportement et beaucoup de connaissances afin de leur fournir la discipline et l’expérience nécessaires pour y parvenir. Quels sont les moyens ? 1. Enseigner la dialectique (même si ce terme n’est pas employé par Mason, c’est ce que je comprends en la lisant) : Les mathématiques s’établissent sur une logique mais leur apprentissage n’est pas suffisant pour « affronter un monde discutable ». Mason prend comme exemple 10 points de la doctrine marxiste et les examine. A partir du collège, les élèves ont des cours « d’actualité », un excellent terrain de discussion pour apprendre à raisonner : les élèves « doivent être attentifs aux arguments et détecter les erreurs par eux-mêmes. La raison, comme les autres pouvoirs de l’esprit, a besoin de matériel sur lequel travailler, soit embaumé dans l’histoire et la littérature, soit à flot avec la nouvelle d’une grève ou d’un soulèvement. » (volume 6, p. 147) « La fonction de l’éducation n’est pas de donner des compétences techniques mais de développer une personne... » (volume 6, p. 147) 2. Leur enseigner la théologie : « La religion me garantira-t-elle mon bonheur privé et personnel ? À cela, dans l’ensemble, je pense que nous devons répondre, non ; et si nous l’abordons en vue d’un tel bonheur, alors très certainement et absolument non. » (What Religion Is, par Bernard Bosanquet cité par Charlotte Mason, volume 6, p. 149) « Voici une réponse finale et catégorique aux offres quasi religieuses clamées sur les âmes hésitantes. La facilité du corps leur est offerte, le soulagement de l’esprit, la réparation de la perte, voire de la perte finale lorsque ceux qu’ils aiment décèdent. Nous pouvons faire appel à des médiums, converser par des frappes de table, être guéris par la foi, – la foi, c’est-à-dire grâce au pouvoir d’un guérisseur qui nous manipule. Le péché n’est pas pour nous, ni la tristesse pour le péché. Nous pouvons vivre dans une autosatisfaction odieuse et continuelle, éloignée des âmes anxieuses qui luttent autour de nous, parce que, pour l’instant, il n’y a pas de péché, de chagrin, d’angoisse ou de douleur, si nous voulons que ces choses ne soient pas. C’est-à-dire que la religion « me garantirait mon bonheur privé et personnel », me mettrait à l’abri de toute détresse et misère de la vie ; et cette heureuse immunité serait une question au pouvoir de ma propre volonté ; la personne qui compterait dans ma religion, ce serait moi-même. L’office de la religion pour moi dans un tel cas est d’éliminer tout malaise, corporel et spirituel, et de me faire flotter dans un Nirvana d’autosatisfaction non perturbée. Mais nous devons répondre avec le professeur Bosanquet, « absolument NON ». La vraie religion ne fera pas cela pour moi parce que la forme finale de la religion qui fera ces choses est l’idolâtrie, l’adoration de soi, sans intention au-delà de soi. » (volume 6, p. 149) « Eh bien, mais si ce n’est pas ça alors quoi ? Nous estimons que la chose est bonne et grande, mais si elle ne fait simplement rien pour nous, comment cela peut-il être quelque chose pour nous ? A une question sonnant légèrement différente, une réponse très différente serait renvoyée. Nous pourrions demander, par exemple, « est-ce que ma vie vaut plus la peine d’être vécue ? » Et la réponse à cela pourrait être : – « C’est la seule chose qui rend la vie digne d’être vécue. » » (volume 6, p. 150) 3. Leur enseigner les matières logiques (au bon moment) « …peu d’enfants prennent plaisir à la grammaire, en particulier à la grammaire anglaise, qui dépend si peu de l’inflexion. L’arithmétique (…) n’est attrayante que pour un petit pourcentage d’une classe ou d’une école, et, pour le reste, aussi intelligents soient-ils, ses problèmes sont déconcertants jusqu’au bout, même s’ils peuvent prendre plaisir à raisonner les problèmes de la vie en littérature ou en histoire. Peut-être devrions-nous accepter ce vote tacite de la majorité et cesser d’exercer une pression indue (…). En même temps, nous ne pouvons laisser les enfants négliger aucune de ces délicieuses études. Le temps viendra où ils se réjouiront des mots, de la beauté et de la convenance des mots (…). Peut-être devrions-nous reporter l’analyse, par exemple, jusqu’à ce qu’un enfant soit habitué à comprendre le sens des phrases, on devrait les laisser cogiter avec des figures de style avant de tenter une analyse minutieuse des phrases, et devrait réduire au minimum notre nomenclature grammaticale. Le fait est que les enfants ne généralisent pas, ils rassemblent des détails avec une assiduité étonnante, mais gardent leurs impressions fluides ; et nous ne devrions pas les presser de formuler. » (volume 6, p. 151) « Les mathématiques sont délicieuses pour l’esprit de l’homme qui se délecte de la perception de la loi, qui peut même aller deviner une nouvelle loi (…). C’est pourquoi peut-être la tâche des enseignants est-elle d’ouvrir autant de portes que possible en pensant que les mathématiques sont l’une des nombreuses études qui font l’éducation… » (volume 6, p. 152) |
20. « Nous ne devrions permettre aucune séparation entre la vie intellectuelle et la vie spirituelle des enfants, mais devrions leur enseigner que l’Esprit divin a un accès constant à leur esprit et qu’il est leur soutien continu dans tous les intérêts, devoirs et joies de la vie. » |