LES 20 PRINCIPES

La pédagogie Charlotte Mason est vivante. Sa mise en place sera toujours différente d’une famille à une autre, d’un éducateur à un autre. Il ne s’agit là que de variations pratiques. Les principes sont solides et eux seuls doivent être vos guides.

Par ailleurs, dans la préface du Volume 2, Parents et enfants, Charlotte Mason écrit : « Croyant que l’individualité des parents est une grande richesse pour leurs enfants, et sachant que lorsqu’une idée possède l’esprit, les façons de l’appliquer se suggèrent, j’ai essayé de ne pas alourdir ces pages de nombreuses directions, propositions pratiques et autres béquilles de ce type, susceptibles de nuire aux relations libres des parents et de l’enfant. » Elle a, de ce fait, établi 20 principes énuméré dans son sixième livre sur l’éducation, afin d’aider les parents et les éducateurs à prendre des décisions pratiques tout en restant dans le cadre de sa pédagogie. Gardez à l’idée que ces 20 principes sont interconnectés et que, par conséquent, l’un ne fonctionne pas sans l’autre.

Nous vous invitons également à écouter les podcasts d’Un festin d’idées sur le sujet des principes :

Les 20 principes de Charlotte Mason et leur analyse

De 2022 à 2024, l’équipe de Charlotte Mason France a proposé chaque mois l’étude des 20 principes sur le groupe Facebook et la page Instagram. Ayant considéré que ce travail était d’une grande richesse, nous les partageons également sur le site. 

Principe n°1

Les enfants sont des personnes dès la naissance.

Les enfants sont des personnes dès la naissance… le premier principe du credo de la pédagogie Mason nous semble peut être « aller de soi » mais à la lumière de l’article très complet que nous avons mis à disposition sur le blog de Charlotte Mason France, on comprend toute la subtilité de la considération donnée aux enfants dès la naissance : des capacités et des habiletés dont les bébés font preuve dans l’apprentissage de la Vie, de l’innocence et l’humilité des petits enfants, du comportement des adultes envers eux, des conditions de la liberté offerte aux enfants mais surtout à « l’homme en devenir », de l’esclavage « aux désirs du hasard » et de la « tyrannie des désirs naturels », de l’importance du « devoir » à travers la « permission » et l’obéissance, mais aussi de la prise de conscience du soi, chez l’enfant et de l’impact de notre regard sur lui : de notre « admiration » … de nombreux sujets d’importance dans notre rôle d’éducateurs et de parents sont abordés dans cet article dans le but d’examiner « la grandeur de l’enfant en tant que personne, la liberté qui lui est due en tant que personne, certaines formes d’oppression qui entravent sa liberté, et la nourriture dont il doit se nourrir – l’Admiration, l’Espoir et l’Amour. »

Principe n°2

Les enfants ne naissent ni bons ni mauvais, mais avec le pouvoir de faire le bien ou le mal.

Le principe n° 2 de Charlotte Mason  signifie tout simplement que chacun d’entre nous a un bon penchant et un mauvais penchant. Vous savez, cette histoire de loup blanc et de loup noir que vous connaissez peut-être… Ce principe peut être mal interprété selon notre façon de voir le monde, c’est pourquoi il est important de le replacer dans le contexte de l’époque de Mason, avec toutes ses idées et ses mœurs particulières. A la fin du XIXe siècle, la montée du darwinisme et de la théorie de l’évolution par sélection naturelle ont conduit à une plus grande prise en compte du rôle joué par les gènes dans le développement des traits psychologiques et physiques de l’individu. Par conséquent, de nombreux parents et éducateurs se sont mis à penser qu’il ne servait à rien d’essayer d’enseigner à une personne la morale et le bon comportement parce que cela était déjà déterminé par ses gènes. Mason soutient que ce n’est pas le cas et que l’éducation peut grandement contribuer à former une personne à vivre et à penser correctement quel que soit son rang ou sa situation économique. Tous les enfants ont la possibilité d’apprendre ce qui est bon et ce qui est mauvais. De ce fait, Mason dit aux parents et aux éducateurs de ne pas négliger leurs responsabilités en formant le caractère d’un enfant comme il doit être formé.
Les différents domaines dans lesquels les parents doivent être vigilants sont les suivants : le bien-être du corps, le bien-être de l’esprit, les appétits intellectuels, les affections mal dirigées et le bien-être de l’âme. C’est à ces niveaux que nous pouvons développer les « possibilités de bien » et diminuer les « possibilités de mal » chez nos enfants (et même chez nous !).

Principe n°3

Les principes d’autorité, d’une part, et d’obéissance, d’autre part, sont naturels, nécessaires et fondamentaux ; mais…

Autorité et obéissance ont mauvaise réputation de nos jours et j’aimerais revenir à la définition de ces mots qui, selon moi, ont été galvaudé et ont pris des sens différents aujourd’hui.
Selon le Larousse, l’autorité est le pouvoir de décider ou de commander, d’imposer ses volontés à autrui. C’est aussi le crédit, l’influence, le pouvoir dont jouit quelqu’un (ou un groupe) dans le domaine de la connaissance ou d’une activité, du fait de sa valeur, de son expérience, de sa position dans la société. Nous avons souvent la première signification en tête mais je trouve que la deuxième est un bon complément. En tant que parents, nous avons, de part toutes nos années d’expérience, une masse de connaissances et une certaine philosophie de la vie qui nous donne du crédit auprès de nos enfants (toutes ces questions qu’ils viennent nous poser !) et nous donne donc un certain pouvoir sur eux.
Charlotte Mason est très claire au sujet de l’autorité. Nous sommes tous soumis à une autorité, la plus élevée pour elle (et ceux qui croient en Dieu) étant Dieu et pour les non-croyants, la plus haute autorité pouvant être appelée la Nature. Nous sommes soumis aux lois naturelles telles que la météo, la faim et la soif, notre sécurité physique, ainsi que les lois sociales évidentes telles que « aider son prochain, ne pas voler, ne pas tuer, etc. » Nous sommes aussi soumis à d’autres autorités telles que les lois du pays où nous vivons, ou notre patron (si nous en avons un). Charlotte Mason nous explique que l’autorité fait partie de nos devoirs de parents mais qu’elle ne nous « appartient » pas. Nous sommes simplement un vecteur de l’autorité divine ou naturelle. A ce titre, notre autorité sur nos enfants est justifiée à condition de l’utiliser à bon escient. Et c’est là que Charlotte Mason nous montre la différence : quand nous demandons quelque chose à notre enfant, c’est parce que c’est juste et non pas parce que nous sommes supérieurs à lui. Nous n’avons pas le droit d’utiliser notre autorité de façon arbitraire. Lourde responsabilité ! Qui cependant fait toute la différence avec l’autorité critiquée de ‘tu le fais parce que je suis ton père / ta mère !’.
Toujours selon le Larousse, l’obéissance est l’action ou l’habitude d’obéir, de faire ce qui est commandé. Autorité et obéissance vont main dans la main et ce pour tous, adultes et enfants. Je vous encourage à relire le chapitre 7 de la Partie 4 (soit dans le livre, soit sur le site) sur l’obéissance. Cette phrase m’a notamment donné à méditer : « l’obéissance est le devoir entier de l’homme, l’obéissance à la conscience, à la loi, à la direction divine ». L’obéissance a aussi mauvaise réputation à notre époque mais je crois que c’est parce qu’elle est sous-entendue comme étant aveugle et l’on connait tous les dégâts que cela peut causer. Cette phrase de Charlotte Mason nous rappelle le cadre dans lequel l’obéissance doit s’appliquer ainsi que la raison fondamentale pour laquelle nous demandons à notre enfant d’obéir… nous le formons à ses futurs devoirs.

Principe n°4

… ces principes sont limités par le respect dû à la personnalité des enfants, à laquelle nous ne devons pas porter atteinte, que ce soit par l’usage direct de la peur ou de l’amour, de la suggestion ou de l’influence, ou en jouant de façon excessive sur leurs désirs naturels.

Charlotte Mason développe ce principe dans le chapitre 5 du volume 6 :
« Toute action est le fruit d’idées que nous avons et si nous réfléchissons dûment à la personnalité, nous verrons que nous ne pouvons commettre de plus grande offense que de mutiler ou d’écraser ou de subvertir une partie d’une personne. »
Elle mentionne 5 façons dont les parents peuvent – bien souvent inconsciemment – porter atteinte à la personnalité de leurs enfants. Examinons chacun de plus près.
La peur
Charlotte Mason mentionne deux personnages de David Copperfield de Charles Dickens : Mr Creakle, qui fait régner la terreur dans la salle de classe, et Mr Mudstone, coupable du même vice à la maison.
L’amour
Comment notre amour pour nos enfants, ou l’amour qu’ils ont pour nous, pourrait-il porter atteinte à leur personnalité ? Quand le motif qu’ils ont d’obéir est de faire plaisir à maman ou à l’enseignant, plutôt que parce que c’est juste : « L’intrusion dans l’amour des enfants offre pour motivation : ‘fais ça pour moi’ ; le mal est évité pour ne pas attrister l’enseignant, le bien est accompli pour lui plaire. À cette fin, l’enfant apprend ses leçons, se comporte correctement, fait preuve de bonne volonté, montre toutes sortes de vertus d’écolier, et pourtant, son caractère est miné. »
Nos enfants nous obéissent parfois simplement parce qu’ils nous aiment, mais cela sape leur capacité à développer leur volonté.
La suggestion
La suggestion est plus subtile. Charlotte Mason dit que « la suggestion irréfléchie agit sur l’esprit de l’enfant comme le vent sur la girouette. » À combien plus forte raison la suggestion réfléchie ? L’enfant ne parvient pas à développer les compétences nécessaires pour tenir seul et dépend d’incitations extérieures pour agir.
L’influence
Charlotte Mason distingue l’influence naturelle que nous avons sur les autres, pas tant par nos paroles ou nos actions, mais simplement par qui nous sommes, de l’influence unique, ferme et persistante qui pousse l’enfant à idolâtrer l’enseignant, ce qui prive l’enfant de « toute chance de vivre libre et indépendant. Sa personnalité ne se développe pas et il entre dans le monde tel une plante parasite, s’accrochant toujours au soutien d’un caractère plus fort. »
Les désirs naturels
Mason identifie quelques « désirs naturels » qui ne sont ni bons ni mauvais quand ils ne sont pas surestimés :
  • l’approbation : ce désir naturel de vouloir être apprécié et reconnu. Le problème surgit quand la vanité s’en mêle et que la personne désire l’approbation à tout prix – du vertueux ou de l’indigne, la gloire ou l’infamie, peu importe.
  • l’émulation qui nous pousse à imiter une personne que l’on admire ne pose pas de problème. Mais quand elle crée en nous le désir de surpasser les autres, quand elle crée la compétition. L’enfant apprend alors non pas pour la connaissance en elle-même, mais pour obtenir une meilleure note que l’autre, pour être distingué.
  • l’avarice : l’idée que l’enfant doit avoir une bourse d’étude. « Ce culte délibéré de la cupidité est désastreux ; car il ne fait aucun doute qu’ici et là nous arrivons à un appauvrissement de la personnalité dû à une vie intellectuelle affaiblie ; le garçon n’a pas appris à se réjouir de la connaissance dans ses études et l’homme est superficiel d’esprit et fantasque dans le jugement. »
  • l’ambition : « Le pouvoir est bon dans la mesure où il donne des occasions de servir ; mais il est malicieux chez le garçon ou chez l’homme lorsque le plaisir de gouverner, de gérer, devient un ressort d’action défini. » […] « Il est du ressort de l’enseignant d’offrir des ambitions saines à un garçon, de lui donner envie de maîtriser les connaissances plutôt que de diriger les hommes ; et ici il a un vaste champ sans empiéter sur la réserve d’autrui. »
  • la connaissance : « Il se trouve que le dernier désir à considérer, le désir de connaissance, est communément privé de ses fonctions dans nos écoles. Notre pensée d’éducation est tellement folle que nous croyons que les enfants considèrent la connaissance comme un remède répugnant plutôt que comme une nourriture invitante. D’où notre dépendance aux notes, prix, sports, présentations attrayantes, tout ce que nous pouvons imaginer pour cacher la poudre du médicament. »

Principe n°5

Par conséquent, nous sommes limités à trois instruments éducatifs : l’atmosphère de l’environnement, la discipline d’habitudes et la présentation d’idées vivantes. C’est ce que signifie la devise du P.N.E.U. : « L’éducation est une atmosphère, une discipline et une vie. »

« L’éducation est une atmosphère, une discipline, une vie » telle est la devise de la PNEU !
Selon le dictionnaire, « une devise est une phrase courte ou une expression symbolique décrivant les motivations ou les intentions d’un individu, d’un groupe social, d’une organisation ou d’une institution, qui la choisit pour suggérer un idéal, comme règle de conduite ou pour rappeler un passé glorieux. »
Tout comme la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité », celle de la communauté Mason se compose de trois valeurs fortes que nous développerons les mois prochains au sein des principes 6, 7 et 8 : une atmosphère, une discipline et une vie.

Principe n°6

Lorsque nous disons que l’éducation est une atmosphère, nous ne voulons pas dire qu’un enfant doit être isolé dans ce que l’on peut appeler un « environnement enfantin », spécialement adapté et préparé, mais que nous devons tenir compte de la valeur éducative de l’atmosphère naturelle de son foyer, à la fois en ce qui concerne les personnes et les choses, et le laisser vivre librement dans ses propres conditions. Nous abrutissons un enfant en abaissant son monde à un niveau infantile.

Trois choses ressortent de ce principe :
  • tout d’abord le fait que l’atmosphère n’est pas quelque chose d’artificiel, créé spécialement pour l’enfant. Charlotte Mason recommandait de ne pas mettre nos enfants dans des cages dorées, de ne pas les couper du monde. Voir ses parents tristes, faire face aux conflits, à la mort d’un animal ou d’un proche, à l’adversité, à des choses qui pourraient le rendre anxieux, etc., fait partie de la vie et sont autant d’apprentissages pour l’enfant. Ils ont besoin d’expérimenter le bon comme le mauvais.
  • Ensuite, que nous devons tenir compte de la valeur éducative de l’atmosphère naturelle de notre foyer. L’atmosphère naturelle est comme l’atmosphère de notre Terre, elle nous entoure et nous la respirons. L’atmosphère d’un foyer est donc l’élément naturel dans lequel baigne l’enfant et qui l’inspire.
  • Cette atmosphère concerne les personnes et les choses. En tant que parent, nous sommes responsables de l’environnement dans lequel grandissent nos enfants, aussi bien en terme d’espace et d’objets (à ce sujet, CM était plutôt « minimaliste », tournée vers le beau et l’utile), qu’en terme de valeurs prônées par notre éducation. Nous sommes responsables de ce que nous insufflons dans notre maison – le souffle de vie –, des idées et des pensées qui « flottent dans l’air ».
En considérant l’atmosphère comme un souffle de vie, nous pouvons nous sentir submergé par cette responsabilité (compte tenu de la quantité de respirations réalisées chaque minute), mais finalement, nous pouvons vivre ce principe simplement en nous focalisant en particulier sur les idées que nous véhiculons chez nous – comme l’amour, la gentillesse, l’honnêteté, le respect… Certains jours, il est difficile de ressentir de l’amour et de la gentillesse alors pour vous aider, je vous encourage à vous trouver une petite phrase à laquelle vous raccrocher et à vous répéter, pas seulement dans votre tête mais aussi à voix haute, de façon à ce que tout le monde l’entende. En ce moment, j’aime dire : « Aujourd’hui, seulement de l’amour. »

Principe n°7

Par l’éducation est une discipline, nous entendons la discipline des habitudes, formées de façon définitive et réfléchie, qu’il s’agisse d’habitudes de l’esprit ou du corps. Les physiologistes ont démontré que le cerveau s’adapte à nos pensées et c’est ce qui forme les habitudes.

Le mot discipline a mauvaise presse de nos jours parce que sa signification a évolué et est souvent synonyme de punition. En réalité, Charlotte Mason utilise le mot ‘discipline’ avec la signification de ‘rigueur’ et elle entend par là les habitudes qui régissent notre vie. Nous avons tous des habitudes, bonnes ou mauvaises, qui se sont développées, de façon consciente ou inconsciente. Or ces habitudes ‘mènent’ notre vie pour nous dans le sens où, bien souvent, nous agissons d’une certaine façon sans même nous en rendre compte. Par exemple, chez nous, tout le monde enlève ses chaussures en entrant. Les enfants n’y pensent même pas, ils le font automatiquement.
Charlotte Mason parle énormément des habitudes, notamment dans le volume 1, le sujet occupe les parties 3 et 4. Elle nous explique notamment que la mère qui prend le temps de créer de bonnes habitudes chez ses enfants se rend la vie plus facile. Mais, encore plus important, elle nous explique qu’en formant les habitudes de nos enfants, nous formons leur caractère. « Une habitude vaut dix natures ! » s’exclame-t-elle au chapitre 1 de la partie III (volume 1). Dans le volume 2, elle regrette que les parents laissent souvent la bride sur le cou de leur enfant, l’enfant a des travers mais les parents disent ‘ça s’arrangera en grandissant’. Non, nous dit Charlotte Mason, ‘ça empirera !’. Les habitudes que l’enfant prend maintenant lui serviront ou le desserviront toute sa vie. Les bonnes habitudes sont comme des rails qui nous aident à vivre une vie ‘juste’ avec un minimum d’efforts. Cela ne veut pas dire que nous ne soyons pas maitres de notre vie. Les habitudes ne font pas de nous des marionnettes. Elles nous permettent simplement de réduire le nombre de décisions à prendre chaque jour et ainsi la fatigue mentale et de potentielles erreurs.
Au chapitre 1 de la partie III nous lisons : « la formation des habitudes est l’éducation et l’éducation est la formation des habitudes ». Charlotte Mason nous exhorte à observer notre enfant, à bien le connaitre et ainsi à repérer les habitudes que nous aimerions lui faire prendre. Certaines habitudes sont propres à chaque famille mais un certain nombre d’habitudes sont souhaitables pour chacun d’entre nous.
Je vous invite à relire les parties III et IV du volume 1, consacrées aux habitudes, et à vous interroger :
– Quelles sont les habitudes que vous avez prises dans votre famille ?
– Vous servent-elles ou au contraire vous desservent-elles ?
– Y-a-t-il de nouvelles habitudes que vous aimeriez développer au sein de votre famille ?
Les habitudes peuvent être des habitudes familiales (enlever ses chaussures en entrant) ou propre à un enfant (un de mes enfants traine pour faire ses lacets quand on quitte la maison donc je lui ai demandé de défaire ses lacets en rentrant comme ça, ses chaussures sont ‘prêtes’ à partir !).

Principe n°8

En disant que L’ÉDUCATION EST UNE VIE, nous sous-entendons les besoins de nourriture intellectuelle, morale et physique. L’esprit se nourrit d’idées, et les enfants devraient donc avoir un programme généreux.

Charlotte Mason compare à plusieurs reprises les besoins de l’esprit à ceux du corps : tout comme le corps a besoin d’une nourriture variée et en quantités suffisantes pour grandir en bonne santé, l’esprit à lui aussi besoin de nourriture appropriée pour se développer. Quelle est cette nourriture ? Voici ce qu’elle nous dit : « l’esprit n’est capable de traiter qu’un seul type de nourriture ; il ne vit, grandit et se nourrit d’idées ; la simple information est comme un repas de sciure pour le corps. » (volume 6, p.105)
Imaginez un grand banquet de fête, auquel vous invitez votre enfant. Sur la table se trouve un vrai festin, avec toutes sortes de nourritures – viandes, légumes, féculents, poissons, fruits, noix… Vous ne vous attendez bien sûr pas à ce que votre enfant mange et assimile tout, mais au moins qu’il goûte un peu à tout et prenne ce dont il a besoin. Il en est de même du « festin d’idées » proposé par Charlotte Mason ; mais ici, les plats sont des choses comme l’histoire, les mathématique, l’étude d’art, la citoyenneté, la littérature… L’enfant n’assimilera peut-être pas tout ce que nous lui offrirons, mais il aura goûté à tout et décidera de ce qu’il assimilera, selon ses besoins.
Plus loin, Charlotte Mason explique aussi comment nous devons présenter ces idées aux enfants. Elles doivent être digestes (du pain plutôt que des épis de blé) et attrayantes (qui veut de la bouillie diluée ?). Où trouve-t-on ce duo gagnant ? Dans les livres vivants ! Ceux-ci donnent vie aux idées en les présentant en contexte. Une idée isolée, sans contexte, est en effet difficile à assimiler.
Nous offrons donc à nos enfants des idées sous forme de livres vivants. C’est cela qu’impliquait Charlotte Mason en disant que l’éducation est une vie.

Principe n°9

Nous considérons que l’esprit de l’enfant n’est pas un simple sac destiné à contenir des idées ; mais est plutôt, si vous permettez l’image, un organisme spirituel, avec un appétit pour toute connaissance. C’est l’alimentation appropriée pour l’esprit, celle qu’il est capable de prendre, digérer et assimiler comme le corps le fait avec des aliments.

Ici, Miss Mason compare l’esprit de l’enfant à un organisme spirituel… un organisme ! « Un être vivant organisé » nous dit le dictionnaire… et bien c’est cela en effet, alors que d’autres pédagogues contemporains affirmaient que les enfants pouvaient être comme des sacs ou des vases à remplir… Charlotte affirmait que l’enfant, en tant que petite personne, possède un esprit « parfait mais immature », « avec l’appétit pour toute connaissance ».
Dans ce contexte, ce sont les « idées » (et le mot est juste et bien choisi) qui représentent la nourriture permettant à cet esprit de croitre et de s’élever. Des idées vivantes bien sure, issues du monde environnant mais aussi des savoirs transmis par les autres esprits plus matures (ceux qui ont écrit leurs découvertes dans des livres passionnants par exemple!)
A nous, les éducateurs, Charlotte Mason explique que cette nourriture doit être attrayante et offerte de manière régulière et appropriée, mais surtout que ce doit être une nourriture saine et non des « sucreries ». En effet, le sucre ne permet pas de maintenir l’attention de manière durable et efficace, de maintenir cet appétit naturel pour les apprentissages… alors qu’un festin d’idées soigneusement préparé oui !

Principe n°10

La doctrine herbartienne met le fardeau de l’éducation – la préparation des connaissances avec des morceaux alléchants, présentés dans l’ordre approprié – sur l’enseignant. Les enfants instruits selon ce principe risquent de recevoir beaucoup d’enseignements avec peu de connaissances ; et l’axiome de l’enseignant est : « Ce qu’un enfant apprend importe moins que la façon dont il l’apprend. »

Jusque là nous avons beaucoup parlé de ce qu’est la pédagogie Charlotte Mason, mais aujourd’hui, avec le principe n° 10, nous allons abordé ce QU’ELLE N’EST PAS et comment nous, parents et enseignants, pouvons identifier les philosophies éducatives, peut être alléchantes, mais que nous devrions rejeter ou, en tout cas, ne pas assimiler à la pédagogie de Charlotte Mason.
Commençons d’abord par dire un mot sur Herbart. Herbart est un philosophe et pédagogue allemand dont la pensée éducative vivait ses premières heures de gloire à l’époque de Charlotte Mason. Vous n’avez peut-être pas entendu parlé de lui et pourtant sa théorie éducative a toujours une influence sur la façon d’instruire les enfants dans nos systèmes éducatifs (et même à la maison). En fait, vous avez probablement même déjà appliqué la philosophie éducative de Herbart sans savoir qu’il en était à l’origine.
Il est assez amusant de constater que malgré des conceptions éducatives assez proches, Herbart et Mason arrivent à des méthodes complètement opposées. Pourtant, les deux reconnaissent la force des idées et leur rôle dans l’éducation ; tous les deux considèrent que l’environnement familial est celui qui a le plus d’influence sur l’enfant ; tous les deux disent que le but de l’éducation est la formation du caractère ; et tous les deux sont d’accord sur le fait que l’éducation doit s’appuyer et prendre racine dans la relation avec le Saint Esprit.
Pourtant, Charlotte Mason est complètement opposée à ce que donne la pédagogie de Herbart, et qu’elle nomme des « futilités éducatives ».
En fait, leur divergence vient de la conception même de l’être humain : Charlotte Mason pense qu’un enfant est une personne dès sa naissance avec toutes les capacités d’une personne, soit une appétence, une curiosité pour chaque chose, une volonté d’apprendre, d’aider, de faire partie du monde… tandis qu’Herbart pense qu’un enfant est une tabula rasa, une ardoise vierge, un récipient à remplir. Voilà la principale conséquence : pour Herbart, il incombe à l’enseignant d’écrire sur cette ardoise vierge, de remplir ce vase de bonnes idées, de modeler l’enfant. Il dit : « il n’existe en lui aucune forme d’intuition et de pensée, aucune loi de volonté et d’action, ni aucune sorte de prédisposition. »
Dans le chapitre 23 du volume 2, vous pouvez lire ceci :
« Nous avons aussi en notre possession un test pour les systèmes que nous rencontrons, et nous pouvons ainsi nous prononcer sur leur valeur éducative. Par exemple, il y a quelque temps, le London School Board a organisé une exposition de travaux d’élèves, et un projet en particulier, qui venait de New York et représentait une semaine de travail (sur le modèle « herbartien ») dans une école, a suscité un grand intérêt. Les enfants avaient travaillé pendant une semaine sur « une pomme ». Ils l’avaient modelée avec de l’argile, peinte au pinceau, piquée, représentée avec des baguettes (la forme pentagonale du péricarpe) et brodé les contours de sa forme sur du carton. Les garçons et les filles plus âgés avaient modelé un pommier et fabriqué une petite échelle pour y grimper et cueillir les pommes, une brouette pour transporter les pommes, et bien d’autres choses du même genre. Tout le monde s’est exclamé : « Comme c’est joli, comme c’est ingénieux, quelle bonne idée ! » et est reparti avec l’idée que ceci, enfin, était de l’éducation. »
Dans son volume 6, elle donne un autre exemple avec Robinson Crusoé : « Nous avons d’abord neuf leçons de littérature et de langue telles que « Robinson grimpe une colline et découvre qu’il est sur une île ». Ensuite, dix leçons d’objets dont la mer, le navire, le bateau de sauvetage, les coquillages, une grotte. […] La troisième série de sujets propose des leçons de dessin – un bateau, un navire, une rame, une ancre et ainsi de suite. Vient ensuite une série d’activités manuelles, toujours basée sur « Robinson » : une maquette du bord de mer, des maquettes de l’île de Robinson, de la maison de Robinson et de la poterie de Robinson. Vient ensuite une série de leçons d’écriture avec des compositions simples : les enfants formaient les phrases que le maître écrivait au tableau et que la classe copiait ensuite. Voici une composition : « Robinson passa sa première nuit dans un arbre. Le matin, il avait faim mais il ne vit autour de lui que de l’herbe et des arbres sans fruits. Sur le bord de la mer, il trouva des crustacés qu’il mangea. » Comparez cela avec la production volumineuse d’enfants de six ou sept ans travaillant sur le programme de la P.U.S. sur tout sujet qu’ils connaissent ; avec, en effet, les pages qu’ils dicteront après une seule lecture d’un chapitre de Robinson Crusoé, et non une « édition pour enfants ».
Vous avez deviné l’approche éducative de Herbart j’imagine, en effet c’est bien les « unit studies » ou la pédagogie par thème.
En fait, Charlotte Mason dit ceci (dans son volume 6) : « La psychologie de Herbart est extraordinairement gratifiante et attrayante pour les enseignants qui sont, comme d’autres personnes, désireux de magnifier leur fonction. » Mais « Les professeurs consciencieux, ingénieux et laborieux qui produisent ces « séries » sont peu conscients que chacune de ces leçons est un acte de lèse-majesté. Les enfants qui sont capables et avides d’un large éventail de connaissances et d’expression littéraire sont réduits à des inanités ; un ennui de toute une vie se met en place ; toute approche de la connaissance suggère des voies pour l’ennui, et l’esprit des enfants est malade et périt bien avant la fin de leurs jours d’école. »
Vous l’avez compris, le problème de cette éducation qui pourrait paraître « vivante » car amusante, joyeuse, etc., jette en premier lieu tout le fardeau de l’éducation sur l’enseignant tout en exaltant sa personnalité : le parent ou le professeur a la sensation d’accomplir un travail ingénieux, intéressant et plus ou moins créatif ; lui qui a l’espoir « de quitter le monde mieux qu’il l’a trouvé » et d’avoir participé à élever à un niveau supérieur les enfants. En second lieu, cela peut provoquer ennui et dégoût pour les apprentissages. Bien que les enfants aient été amusés pendant un temps, ils n’auront acquis aucune discipline mentale qui produit la concentration et la capacité de travailler seul.
En dernier lieu, Charlotte Mason explique que si cette façon d’apprendre a beaucoup de succès c’est parce que nous vivons dans un monde qui aime les sytèmes ; les inspecteurs sont soulagés d’obtenir des résultats immédiats, les leçons sont agréables à regarder et à entendre. Mais alors nous perdons de vue que ce qui compte ce « n’est pas de savoir ce qu’un enfant sait lorsqu’il est arrivé à la fin de sa scolarité, mais combien il s’en soucie. »

Principe n°11

Nous estimons que l’enfant normal a les pouvoirs d’esprit requis pour gérer toutes les connaissances qui lui sont propres. C’est pourquoi nous devons lui donner un programme complet et généreux, veillant seulement à ce que toutes les connaissances qui lui sont offertes soient vivantes, c’est-à-dire que les faits ne soient pas présentés sans leur contexte.

Ce 11e principe est le premier d’un trio sur ce que CM appelle « la science des relations » (abordée dans les principes 11, 12 et 13). Cette science des relations est l’idée capitaine qui devrait diriger nos esprits d’éducateurs lorsque nous imaginons le festin d’idées que nous présentons aux enfants (et à nous même je dirais aussi!). Cette idée que tout ce que nous absorbons avec notre esprit sera ensuite mélangé avec notre cerveau afin de créer des connexions complexes et intelligentes, nous menant naturellement vers un esprit plus critique et des capacités de réflexions et d’échanges avec l’autre.

CM nous dit ici trois choses particulièrement importantes : tout d’abord que l’enfant est capable. Dans la continuité de l’affirmation qui dit que l’enfant est une personne à respecter en tant que tel dès sa naissance, la nourriture à proprement parlé, tout comme la nourriture mentale et spirituelle que nous lui offrons, en tant que parents et/ou éducateurs, se doit d’être saine et de qualité mais surtout adaptées à sa personne (et non pas des ressources imaginées et conçues spécialement pour de petites personnes incomplètes !) Parce qu’il est capable d’aborder et d’intégrer toutes ces notions, nous nous devons donc de lui offrir le meilleur (en terme de qualité donc). Ceci sous entend que ce respect de l’enfant passe par une observation fine et attentive de la part de l’adulte, qui sait et qui jauge des possibilités de l’enfant à l’instant où le programme lui ai présenté, afin de ne pas l’insulter d’une part, ni de le soumettre à de trop grandes difficultés d’autre part (les parents d’enfants sensibles ne savent que trop ce que l’un ou l’autre peuvent créer en terme de blocages).

La deuxième chose importante à noter ici, c’est la notion de quantité. CM nous parle d’un programme complet et généreux. Ici encore le mieux peut être l’ennemi du bien et il faut se garder ici de suralimenter les enfants tout comme nous veillons à ne pas trop remplir leurs assiettes afin qu’ils puissent les finir et pourquoi pas, se resservir ! Il y a un équilibre très important à trouver je pense, car CM a souvent dit quelque chose qui m’a toujours marqué et aidé : les enfants doivent avoir beaucoup de temps libre (à l’extérieur!) pour jouer et s’occuper à leurs propres centres d’intérêts. Il y a donc encore une fois une nécessité d’observation bienveillante envers eux, afin de répondre à leurs besoins d’activité ou de non activité lorsque nous préparons des programmes et/ou que nous organisons les journées.

La dernière chose à retenir est bien l’un des piliers de cette philo-pédagogie : les connaissances offertes doivent être VIVANTES, c’est à dire pas de faits sans leur contexte, pas de dates sans leurs histoires, pas de noms complexes sans leurs anecdotes étymologiques, pas de faits scientifiques sans leurs expérimentations dans le vrai monde etc etc etc cette idée ramène d’ailleurs à la notion de générosité qui nous devrait nous guider dans nos propositions éducatives.

Principe n°12

… L’ÉDUCATION EST LA SCIENCE DES RELATIONS ; c’est-à-dire qu’un enfant a des relations naturelles avec un grand nombre de choses et de pensées : nous le formons donc à l’aide d’exercices physiques, de nature, de travaux manuels, de science et d’art, et de nombreux livres vivants, car nous savons que notre responsabilité n’est pas de tout lui apprendre sur tout, mais de l’aider à valider autant que possible « les affinités innées qui modèlent notre nouvelle existence aux choses existantes. »

Vous avez déjà vu votre enfant découvrir ou comprendre quelque chose de totalement nouveau pour lui ? Il a les yeux qui pétillent et un grand sourire éclaire son visage.. Pourquoi ? Bien souvent, parce qu’il a mis cette nouvelle découverte en lien avec quelque chose qu’il connaît. On voit ça dès leur plus jeune – mon fils de 4 ans me dit bien souvent : « Ah ! C’est comme … ! »

Voilà la science des relations. Notre rôle dans l’histoire consiste à nourrir l’enfant en lui présentant un curriculum riche et complet. Nous n’avons pas besoin de « mettre en scène » ces relations en arrangeant le programme d’études. L’enfant mettra lui-même les idées qu’il rencontre bout à bout au moment opportun. Et le fait qu’il fasse lui-même le lien lui permettra de bien mieux l’intégrer que si le travail lui a été prémaché. Comme Charlotte Mason le dit dans ce principe, nous n’avons pas à tout lui apprendre sur tout, mais à lui présenter un festin d’idées grâce aux livres vivants.

Il peut être difficile de ne pas l’aider à faire le lien entre deux leçons… mais laissons-le développer ses relations à son rythme, elles n’en seront que plus profondément ancrées !

Principe n°13

Lors de l’élaboration d’un PROGRAMME pour un enfant normal, quelle que soit sa classe sociale, nous devons prendre en considération trois points :
a) Il a besoin de beaucoup de connaissances, car l’esprit nécessite autant de nourriture que le corps.
b) Les connaissances doivent être diverses, car une alimentation mentale monotone ne crée pas d’appétit (soit la curiosité)
c) Les connaissances devraient être communiquées dans une langue bien choisie, car son attention est naturellement sollicitée par ce qui est transmis sous forme littéraire.
Le principe 13 est très intéressant à étudier lorsque nous nous intéressons aux programmes d’instruction de nos enfants.
Il y a plusieurs éléments que j’aimerais souligner dans ce principe :
  • « un enfant normal, quelle que soit sa classe sociale » : j’aime le fait que Charlotte Mason insiste sur le peu d’importance qu’a la classe sociale dans l’éducation d’un enfant. Nous avons déjà discuté de la pédagogie Mason comme d’une pédagogie élitiste, mais j’aime à dire que c’est une pédagogie élitiste au service du « petit peuple », et plus largement, de « tous les peuples ». Dans ce principe, Mason marque l’universalité de sa méthode éducative.
  • L’enfant « a besoin de beaucoup de connaissances » : et par beaucoup, Charlotte Mason entend différents types de connaissances comme nous mangeons différents types d’aliments. Nous mangeons des fruits, des légumes, de la viande, des œufs, du fromage, etc. L’esprit nécessite tout autant un régime varié et complet. Charlotte Mason décrit trois grandes catégories dans son volume 6 : la connaissance de Dieu (spiritualité), la connaissance de l’homme (histoire, littérature, langage sous toutes ses formes, morale, économie, art) et la connaissance de l’univers (sciences, géographie, mathématiques, travaux manuels et formation du corps).
  • « Les connaissances doivent être diverses… » pour créer l’appétit : c’est une erreur de penser que plus il y a de sujets, plus le travail est difficile. C’est le contraire qui se produit, « car la variété apporte un rafraîchissement ». Insister sur les maths et la grammaire ou ne résumer notre festin qu’à ces deux principaux sujets est une erreur. On imagine que, parce que ces matières nous prennent tant de temps, il nous est impossible d’ajouter autre chose au risque de trop fatiguer nos enfants (ou de devenir chèvre nous-mêmes), or c’est l’inverse qui se produit ! Je ne compte plus le nombre de personnes qui m’ont dit que depuis qu’elles avaient mis en place des leçons courtes et variées, les matinées de travail passaient plus vite et étaient plus agréables, efficaces et productives ! « Ce n’est pas le nombre de matières, mais le temps de travail qui fatigue l’élève. »
  • « Une langue bien choisie » : notre principale responsabilité est de choisir les bons livres qui constitueront l’assiette éducative du festin de connaissances de nos enfants. Charlotte Mason indique ici que la façon dont le texte est écrit a une grande importance car c’est lui qui est vecteur des idées, c’est la forme littéraire qui permet aux connaissances de passer le « goulot étroit » de l’esprit et d’être assimilées. Une autre citation du volume 6 que voilà me parle beaucoup : « La littérature, dans ce qu’elle a de meilleur, est toujours directe et simple, et un enfant normal de six ans écoute avec ravissement les récits de l’Ancien et du Nouveau Testament qui lui sont lus passage après passage, et qu’il narre ensuite. » Je comprends d’autant plus cette citation que nous lisons la Bible avec mes enfants (bien que nous ne nous revendiquions pas d’une religion), et ces dernières semaines je leur lis Le Feuilleton de Tsippora de Murielle Szac qui me laisse parfois un peu perplexe. Il y a quelques jours, j’ai justement pensé « tant de mots pour si peu ». La Bible a une incroyable force : en peu de mots elle nous frappe d’idées, de morale, de réflexions conscientes ou inconscientes. Je crois que c’est la force de tout bon livre bien écrit, il n’y a pas besoin d’en faire « des tonnes » pour être touché. En fait, les livres vivants ne sont pas nécessairement de gros pavés (ils peuvent l’être hein ! La lecture de la Bible prend plusieurs années en la lisant à un rythme de 15 mn chaque jour), mais ils ne se déterminent pas par leur nombre de pages, mais par leur puissance littéraire et leur capacité à nourrir l’esprit.

Principe n°14

Etant donné que les connaissances ne sont pas assimilées tant qu’elles ne sont pas reproduites, l’enfant doit « raconter » avec ses propres mots ce qu’il a lu ou entendu, ou écrire une partie de ce qu’il a lu.
Après avoir abordé les principes précédents qui étaient relativement philosophiques (tel que le principe no 1, « Les enfants sont des personnes dès la naissance. »), vous conviendrez que ce principe (ainsi que le no 15) est très précis et concret !
Dans le volume 1, au chapitre L’Art de la narration (partie V chapitre 9), Charlotte Mason nous explique que la narration est un art inné chez l’enfant, chaque enfant est capable, et prend plaisir, à raconter une sortie, une lecture, quelque chose qu’il a vu, fait, entendu… et souvent avec beaucoup de détails.
Dans le volume 6, à la p. 259 (édition en anglais), Charlotte Mason nous explique que :
« La connaissance n’est acquise que par l’acte de ‘connaître ‘, qui est à la fois encouragé et testé par la narration. Ici, nous voyons en œuvre les forces de l’esprit qui doivent agir en permanence lors de l’éducation : l’attention, l’assimilation, la narration, la rétention et la reproduction. » Volume 6, p. 259
La narration est donc un outil complet qui, non seulement, permet de ‘fixer’ les connaissances dans l’esprit de l’enfant mais également forme toutes ces bonnes habitudes avec lesquelles nous voulons l’équiper : l’attention, l’ordonnancement des idées, le tri des idées (qu’est-ce qui est important), le langage (choix des mots, temps des verbes), la mémoire etc.
On comprend mieux pourquoi la narration est un outil central dans la méthode que Charlotte Mason a développée.
Ce principe m’a rappelé la pyramide d’Edgar Dale (vous la trouverez en détail dans cet article https://la-baguette-math-et-magique.com/la-pyramide-des-apprentissages-dedgar-dale/). Cette pyramide montre que l’on retient environ 10% de ce qu’on a lu mais que si on en parle à quelqu’un, on en retient 50% et que si on explique à quelqu’un, on en retient 90% ! Bien sûr, il est difficile de quantifier exactement et les chiffres varieront selon le type de texte etc. Néanmoins, nous voyons bien la différence de résultat entre apprentissage passif et actif.

Principe n°15

Nous insistons sur une seule lecture, car les enfants ont naturellement un grand pouvoir d’attention; mais cette force se dissipe lorsque les passages sont relus, ou également quand l’enfant est questionné, quand on lui fait un résumé, etc.
En agissant sur ces points et sur d’autres points du comportement de l’esprit, nous constatons que l’éducabilité des enfants est énormément plus grande qu’on ne le pensait jusqu’à présent, et qu’il dépend très peu des circonstances telles que l’hérédité et l’environnement.
L’exactitude de cette affirmation n’est pas non plus limitée aux enfants intelligents ou aux enfants des classes éduquées : des milliers d’enfants dans les écoles élémentaires répondent librement à cette méthode basée sur le comportement de l’esprit.
Charlotte Mason prend ici le sujet de la narration que produisent les enfants à la suite d’une unique lecture à haute voix, pour illustrer un sujet plus large : le comportement de l’esprit dans l’apprentissage et plus particulièrement la mémorisation et la capacité d’attention.
De votre coté, en tant qu’éducateurs et éducatrices, avez-vous remarqué, vous aussi, le process engagé dans l’esprit des enfants lorsque vous leur lisez une seule fois un texte et qu’ils vous le racontent? A l’inverse, avez-vous remarqué avec quelle rapidité leur attention et l’intérêt qu’ils portent au sujet se délitent dès que vous répétez, rabachez, paraphrasez quelque chose qui leur a déjà été transmis (conte, livre vivant ou même une nouvelle notion de maths) ?

Principe n°16

Il existe deux secrets de l’autogestion morale et intellectuelle qui qui devraient être offerts aux enfants : nous pouvons les appeler « la Voie de la volonté » et « la Voie de la raison »
Ce principe sert d’introduction aux trois principes suivants, et les deux « voies » proposées par Charlotte Mason seront développés dans les principes 17 et 18. Les idées qui y sont développées peuvent porter initialement à confusion, en raison de ce que l’on a tendance à penser par rapport à la volonté et la raison. Par exemple, on a tendance à dire de certains enfants qu’ils ont une forte volonté, ou un fort caractère. Mais vous verrez que pour Charlotte Mason, avoir une forte volonté n’a rien à voir avec être obstiné.

Principe n°17

La Voie de la Volonté. – Il faut enseigner aux enfants

  1. À faire la distinction entre « je veux » et « je ferai ».
  2. Que la voie de la volonté, pour être efficace, doit se détourner des pensées qui tendent vers ce que nous désirons, mais que nous ne devrions pas faire.
  3. Que la meilleure façon de détourner nos pensées est de penser ou de faire quelque chose de très différent, divertissant ou intéressant.
  4. Qu’après ce moment de repos, la volonté reprendra son travail avec une vigueur nouvelle. (La diversion est une aide à la volonté dont la fonction est de nous soulager, pendant un moment, de l’effort de la volonté, afin que nous puissions « vouloir » à nouveau avec une force renouvelée. L’utilisation de la suggestion comme aide à la volonté est déconseillée car elle tend à saper et à stéréotyper le caractère. Il semblerait que la spontanéité soit une condition du développement et que la nature humaine ait autant besoin de la discipline de l’échec que de celle du succès.)

Le rôle du parent et de l’enseignant est de jouer un rôle proactif dans l’éducation morale et intellectuelle des enfants. Et, de ce fait, doit lui fournir les clés de compréhension de cette voie de la volonté. Charlotte Mason nous dit dans le 8ème chapitre de son sixième volume :

« Les grandes choses de la vie, la vie elle-même, ne sont pas faciles à définir. La Volonté, nous dit-on, est « la seule faculté pratique de l’homme ». Mais qui définit la volonté ? On nous répète que « la Volonté est l’homme » ; et pourtant la plupart des hommes traversent la vie sans un seul acte de volonté défini. L’habitude, les conventions, les coutumes du monde ont tant fait pour nous que nous nous levons, nous habillons, déjeunons, suivons nos occupations matinales, nos relaxations ultérieures, sans acte de choix. Pour cela, en tout cas, nous connaissons la volonté. Sa fonction est de choisir, de décider, et il ne semble pas y avoir de doute que plus l’effort de décision devient grand, plus la volonté générale s’affaiblit. Des avis nous sont fournis, nous prenons nos principes en second ou en troisième lieu, nos habitudes sont convenables et commodes, que faut-il de plus pour une vie décente et ordonnée ? Mais la seule réalisation possible et nécessaire pour chaque homme est le caractère ; et le caractère est un métal finement travaillé, mis en forme et en beauté par l’action répétée et habituelle de la volonté. Nous qui enseignons devons nous dire clairement que notre but en éducation est moins la conduite que le caractère ; on peut arriver à la conduite, comme nous l’avons vu, par des voies indirectes, mais elle n’a de valeur pour le monde que parce qu’elle a sa source dans le caractère. » (volume 6, pp. 128-129)

Pour ce faire, l’éducateur se doit « de donner à chaque enfant un réservoir complet de la bonne pensée du monde dans laquelle puiser. » (p. 130)

Et ce réservoir se trouve dans les livres de qualité littéraire : « Dans ses cours d’histoire et dans ses lectures de contes et de poèmes, il rencontre des personnes dont chacune porte son propos avec une forte volonté. Il se moque de ce jeune Phaéton téméraire, mesure Ésaü d’un œil attentif, le trouve plus attirant que Jacob qui gagne pourtant une plus grande approbation ; perçoit qu’Ésaü est volontaire mais que Jacob a une forte volonté, et à travers cet exemple et bien d’autres, reconnaît qu’une volonté forte n’est pas synonyme d’« être bon », ni de détermination à suivre sa propre voie. Il apprend à répartir les personnages qu’il rencontre dans sa lecture de part et d’autre d’une ligne, ceux qui sont volontaires et ceux qui sont gouvernés par la volonté ; et cette ligne ne sépare en aucun cas le mal et le bien. » (volume 6, p.132)

Par ailleurs, nous devons habitué l’enfant à se demander ce qu’il en a pensé. Puis l’habituer à se demander : « ce qu’Il en a pensé. » Sous-entendu Dieu. Car il est le seul garant de la morale.

« Il est bon que les enfants sachent que si la personne turbulente n’est pas du tout gouvernée par la volonté mais par l’impulsion, le mouvement de ses passions ou de ses désirs, il est cependant possible d’avoir une volonté constante avec des fins indignes ou mauvaises, ou même avoir une volonté ferme vers une bonne fin et des moyens indignes comme boussole vers cette fin. La simple volonté rectifiée, ce que notre Seigneur appelle « l’œil unique », semble être la seule chose nécessaire à une vie droite et serviable. » (volume 6, pp. 132-133)

« Le garçon doit apprendre aussi que la volonté est sujette à des sollicitations tout autour, de la convoitise de la chair et de la convoitise de l’œil et de l’orgueil de la vie ; cette volonté n’agit pas seule ; il faut que l’homme tout entier veuille et l’homme veut sagement, avec justice et force, à mesure que tous ses pouvoirs sont en formation et en instruction. Il faut comprendre pour vouloir. » (volume 6, p. 133)

Par ailleurs, dans son article intitulé « Opinions et principes » publié dans The Parents’ Review en 1910, Charlotte Mason écrit que la voie de la volonté entend la formation d’opinions propres sans nous laisser à la merci « du vent qui souffle au hasard » :

« Le garçon doit apprendre le chemin de la Volonté, doit se rendre compte que le travail de choix est sur lui chaque jour et toute la journée. Il doit savoir que l’ordre de lui-même, la juste coordination de tous ses pouvoirs appartiennent à la Volonté ; que la Volonté n’est ni morale ni immorale ; que la fonction de la volonté est de choisir ; que le choix ne se situe pas entre des choses, des circonstances ou des personnes, mais entre des idées ; qu’un acte de Volonté évolue à partir d’une longue préparation de l’intelligence, des affections et de la conscience ; que ce qui semble être des actes de volonté immédiats n’est en réalité que l’application de principes et d’opinions qui se sont lentement formés ; que les opinions intellectuelles aussi bien que les principes moraux appartiennent à la sphère de la Volonté. Il doit savoir que la Volonté ne s’affirme pas par la lutte mais par un détournement de la pensée, à répéter aussi souvent que l’impulsion errante se renouvelle. Il lui appartient de savoir tout ce qu’il peut sur cette faculté pratique unique de l’homme parce que la tâche qui nous attend à tous est de travailler à notre propre salut à partir des habitudes de base du corps, des habitudes d’esprit lâches, des affections démesurées de jugements moraux avilis et conventionnels ; et la volonté est l’instrument par lequel nous pouvons travailler. »

Etant donné que l’effort de décision est important, voilà ce que nous pouvons faire pour aider notre volonté : « Lorsque la volonté surmenée demande du repos, elle peut ne pas se relâcher pour céder, mais peut et doit chercher la récréation, la distraction (…). Un changement d’occupation physique ou mentale est très bien, mais si aucun autre changement ne convient, pensons à une autre chose, aussi insignifiante soit-elle. Une nouvelle cravate, ou notre prochain nouveau chapeau, un livre d’histoire que nous sommes en train de lire, un ami que nous espérons voir, tout fait tant que nous ne nous suggérons pas les pensées que nous devons penser sur le sujet en question. La volonté ne veut pas l’appui d’arguments mais la recréation du repos, du changement, du détournement. En un temps étonnamment court, elle est capable de revenir à la charge et de choisir ce jour-là le chemin du devoir, aussi insipide ou ennuyeux, difficile ou dangereux soit-il. Cette « voie de la volonté  » est un secret de pouvoir, le secret de l’autonomie qui nous gouverne, dont les gens devraient être fournis, non seulement pour la facilité dans la pratique juste, ou pour avancer dans la vie religieuse, mais aussi pour leur bien intellectuel. Notre revendication du libre arbitre est une revendication juste; la volonté ne peut être que libre, que son objet soit juste ou faux; c’est une question de choix et il n’y a d’autre choix que le libre choix. Mais nous sommes susceptibles de traduire le libre arbitre en libre pensée. Nous nous permettons de sanctionner l’anarchisme intellectuel et oublions qu’il repose sur la volonté d’ordonner pleinement les pensées de l’esprit autant que les sentiments du cœur ou les convoitises de la chair. Nos pensées ne sont pas les nôtres et nous ne sommes pas libres de penser comme nous le souhaitons. » (volume 6, pp. 136-137)

Principe n°18

La Voie de la Raison. – Nous devons aussi enseigner aux enfants à ne pas « s’appuyer » (avec trop d’assurance) « sur leur sagesse », car la raison a pour fonction de faire une démonstration logique : 

  1. de la vérité mathématique ;
  2. d’une idée initiale, acceptée par la volonté.

Dans le premier cas, la raison est pratiquement un guide infaillible, mais dans le second, elle n’est pas toujours sûre ; car, que cette idée soit bonne ou mauvaise, notre raison la confirmera en utilisant des preuves irréfutables.

Les enfants doivent apprendre à ne pas trop s’appuyer sur leur propre raisonnement. « La raison, comme toutes les autres propriétés d’une personne, est sujette à l’habitude et travaille sur le matériau qu’elle a l’habitude de manipuler. » (volume 6, p. 147)

Qu’est-ce que cela signifie ? Que lorsque nous voulons quelque chose, notre raisonnement est capable de développer une vingtaine d’arguments en faveur de ce que nous voulons. Et ce que nous pensons être « raisonnable » est en fait soumis à l’influence de notre volonté.

« Il verra que la raison fonctionne involontairement ; que tous les beaux pas se succèdent dans son esprit sans aucune activité ni intention de sa part; (…) mais, hélas, s’il choisit d’avoir une idée fausse, il sonne pour ainsi dire la raison, qui renforce sa mauvaise intention par une vingtaine d’arguments prouvant que le mal est juste. » (volume 6, pp. 142-143)

« Une juste reconnaissance de la fonction de la raison devrait être une aide énorme pour nous tous dans les jours où l’air est plein d’erreurs, et quand notre modestie personnelle, qui devient le respect d’autrui qui est propre à des natures bien ordonnées, jeunes ou vieilles, nous pousse à accepter des conclusions dûment soutenues par l’opinion publique ou par ceux dont nous apprécions les opinions. » (volume 6, p.143)

« Nous sommes donc à la merci du doctrinaire en religion, du démagogue en politique et, osons-le dire, du rêveur en science ; et nous pensons sauver nos âmes en étant au premier rang de l’opinion de l’un ou l’autre. Mais pas si nous avons grandi conscients de la beauté et de l’émerveillement de l’acte de raisonner, ainsi que des limites qui l’accompagnent. » (volume 6, p. 144)

« Les enfants doivent savoir que nous ne pouvons prouver aucune des grandes choses de la vie, pas même que nous vivons nous-mêmes ; mais nous devons nous fier à ce que nous savons sans démonstration. Nous savons aussi, et cette autre certitude doit leur être imposée, que la raison, loin d’être infaillible, est extrêmement faillible, persuadable, ouverte à l’influence de ce côté et de cela; mais est tout de même un fidèle serviteur, capable de prouver que toute notion est reçue par la volonté. Une fois que nous sommes convaincus de la faillibilité de notre propre raison, nous sommes capables de détecter les erreurs dans le raisonnement de nos adversaires et ne sommes pas susceptibles d’être emportés par tout vent de doctrine. » (volume 6, p. 150)

Principe n°19

Par conséquent, les enfants devraient apprendre, lorsqu’ils ont atteint la maturité nécessaire pour bénéficier de cet enseignement, que la principale responsabilité qui leur incombe en tant que personnes est l’acceptation ou le rejet des idées. Pour les aider dans ce choix, nous leur donnons des principes de conduite et un large éventail de connaissances qui leur sont adaptées. Ces principes devraient épargner aux enfants certaines des réflexions et des actions irréfléchies qui mènent la plupart d’entre nous à un niveau de vie inférieur à celui dont nous avons besoin.

Sachant qu’il ne faut pas faire confiance à la raison en tant qu’autorité finale dans la formation des opinions, l’éducateur doit fournir à l’enfant de bonnes habitudes de comportement et beaucoup de connaissances afin de leur fournir la discipline et l’expérience nécessaires pour y parvenir.

Quels sont les moyens ?

1. Enseigner la dialectique (même si ce terme n’est pas employé par Mason, c’est ce que je comprends en la lisant) :
« Nous devons être capables de répondre aux arguments en l’air, non pas tant par des contre-raisons mais en exposant les erreurs de tels arguments et en prouvant de notre côté la position opposée. » (volume 6, p. 144)

Les mathématiques s’établissent sur une logique mais leur apprentissage n’est pas suffisant pour « affronter un monde discutable ».

Mason prend comme exemple 10 points de la doctrine marxiste et les examine. A partir du collège, les élèves ont des cours « d’actualité », un excellent terrain de discussion pour apprendre à raisonner : les élèves « doivent être attentifs aux arguments et détecter les erreurs par eux-mêmes. La raison, comme les autres pouvoirs de l’esprit, a besoin de matériel sur lequel travailler, soit embaumé dans l’histoire et la littérature, soit à flot avec la nouvelle d’une grève ou d’un soulèvement. » (volume 6, p. 147)

« La fonction de l’éducation n’est pas de donner des compétences techniques mais de développer une personne... » (volume 6, p. 147)

2. Leur enseigner la théologie :
« Si nous voulons que les enfants se tiennent à l’écart de toutes les clameurs religieuses dans l’air, nous devons les aider à comprendre ce qu’est la religion. »

« La religion me garantira-t-elle mon bonheur privé et personnel ? À cela, dans l’ensemble, je pense que nous devons répondre, non ; et si nous l’abordons en vue d’un tel bonheur, alors très certainement et absolument non. » (What Religion Is, par Bernard Bosanquet cité par Charlotte Mason, volume 6, p. 149)

« Voici une réponse finale et catégorique aux offres quasi religieuses clamées sur les âmes hésitantes. La facilité du corps leur est offerte, le soulagement de l’esprit, la réparation de la perte, voire de la perte finale lorsque ceux qu’ils aiment décèdent. Nous pouvons faire appel à des médiums, converser par des frappes de table, être guéris par la foi, – la foi, c’est-à-dire grâce au pouvoir d’un guérisseur qui nous manipule. Le péché n’est pas pour nous, ni la tristesse pour le péché. Nous pouvons vivre dans une autosatisfaction odieuse et continuelle, éloignée des âmes anxieuses qui luttent autour de nous, parce que, pour l’instant, il n’y a pas de péché, de chagrin, d’angoisse ou de douleur, si nous voulons que ces choses ne soient pas. C’est-à-dire que la religion « me garantirait mon bonheur privé et personnel », me mettrait à l’abri de toute détresse et misère de la vie ; et cette heureuse immunité serait une question au pouvoir de ma propre volonté ; la personne qui compterait dans ma religion, ce serait moi-même. L’office de la religion pour moi dans un tel cas est d’éliminer tout malaise, corporel et spirituel, et de me faire flotter dans un Nirvana d’autosatisfaction non perturbée. Mais nous devons répondre avec le professeur Bosanquet, « absolument NON ». La vraie religion ne fera pas cela pour moi parce que la forme finale de la religion qui fera ces choses est l’idolâtrie, l’adoration de soi, sans intention au-delà de soi. » (volume 6, p. 149)

« Eh bien, mais si ce n’est pas ça alors quoi ? Nous estimons que la chose est bonne et grande, mais si elle ne fait simplement rien pour nous, comment cela peut-il être quelque chose pour nous ? A une question sonnant légèrement différente, une réponse très différente serait renvoyée. Nous pourrions demander, par exemple, « est-ce que ma vie vaut plus la peine d’être vécue ? » Et la réponse à cela pourrait être : – « C’est la seule chose qui rend la vie digne d’être vécue. » » (volume 6, p. 150)

3. Leur enseigner les matières logiques (au bon moment)

« …peu d’enfants prennent plaisir à la grammaire, en particulier à la grammaire anglaise, qui dépend si peu de l’inflexion. L’arithmétique (…) n’est attrayante que pour un petit pourcentage d’une classe ou d’une école, et, pour le reste, aussi intelligents soient-ils, ses problèmes sont déconcertants jusqu’au bout, même s’ils peuvent prendre plaisir à raisonner les problèmes de la vie en littérature ou en histoire. Peut-être devrions-nous accepter ce vote tacite de la majorité et cesser d’exercer une pression indue (…). En même temps, nous ne pouvons laisser les enfants négliger aucune de ces délicieuses études. Le temps viendra où ils se réjouiront des mots, de la beauté et de la convenance des mots (…). Peut-être devrions-nous reporter l’analyse, par exemple, jusqu’à ce qu’un enfant soit habitué à comprendre le sens des phrases, on devrait les laisser cogiter avec des figures de style avant de tenter une analyse minutieuse des phrases, et devrait réduire au minimum notre nomenclature grammaticale. Le fait est que les enfants ne généralisent pas, ils rassemblent des détails avec une assiduité étonnante, mais gardent leurs impressions fluides ; et nous ne devrions pas les presser de formuler. » (volume 6, p. 151)

« Les mathématiques sont délicieuses pour l’esprit de l’homme qui se délecte de la perception de la loi, qui peut même aller deviner une nouvelle loi (…). C’est pourquoi peut-être la tâche des enseignants est-elle d’ouvrir autant de portes que possible en pensant que les mathématiques sont l’une des nombreuses études qui font l’éducation… » (volume 6, p. 152)

Principe n°20

Nous ne devrions permettre aucune séparation entre la vie intellectuelle et la vie spirituelle des enfants, mais devrions leur enseigner que l’Esprit divin a un accès constant à leur esprit et qu’il est leur soutien continu dans tous les intérêts, devoirs et joies de la vie.