Par Mme. Owen
The Parents’ Review, 1905, p. 61-64

Les enfants sont des êtres humains ; dès le début, ils n’ont pas de nature enfantine distincte ; ils ont la même nature que les adultes – ce sont des personnes – et en tant que tels, ils ont des corps à travers lesquels et par lesquels les personnes agissent. Le corps répond aux impulsions spirituelles, reçoit et communique des impressions et est le moyen par lequel l’être spirituel établit des relations avec le monde matériel. Chacun vient au monde capable de nouer des relations ; certains ont de plus grandes affinités dans un sens que dans d’autres, et tandis qu’un enfant recevra une catégorie d’idées et l’assimilera rapidement, un autre enfant choisira une autre catégorie.

Les idées qui entrent et qui sont activement reçues dans l’esprit laissent des impressions sur la substance cérébrale qui devient ainsi l’enregistreur des idées. Sur cette base repose également le pouvoir de former ces habitudes, dans l’obéissance desquelles nous passons les neuf dixièmes de notre vie. 

Les fonctions d’un être humain en cours d’éducation sont : 

  1. Former de bonnes habitudes. 
  2. Assimiler les idées. 

Les premières habitudes de l’enfant – propreté, ordre, etc., doivent se former pour lui dans l’enfance, mais plus tard, il devra former les siennes. Il le fera selon les idées qu’il a assimilé. Les idées ne peuvent être données à un enfant que s’il les reçoit activement et se les approprie. 

Les devoirs de l’éducateur sont : 

  1. De mettre l’enfant dans un environnement propice à la réception des idées qui peuvent l’aider à établir les relations nécessaires. 
  2. Observer que l’enfant prend de bonnes habitudes. 

Le test à appliquer pour tout ce qui concerne l’enfant est de se poser la question : est-ce le meilleur pour lui ? L’idée est-elle présentée de la meilleure manière afin qu’il soit le plus susceptible de la recevoir ? Cela aide-t-il à la formation de bonnes habitudes ? Et si par ses moyens un enfant peut établir une relation, cette relation sera-t-elle une de celles qui devraient être établies? 

Pour établir des relations, il est absolument nécessaire que l’intérêt soit ressenti, à la fois par le donneur et le receveur de l’idée. Aucune matière ne doit être enseignée sans cet intérêt. Si une matière est enseignée de telle manière qu’elle stimule l’intérêt, si elle est source de plaisir, si elle est étudiée pour l’amour de cette matière, alors l’étudiant acquiert une vraie connaissance et y établit une relation intime pour la vie. Un tel intérêt se fait sentir lorsque l’enfant étudie à partir des  choses*, de la nature et des livres vivants. Tous les enfants aiment les histoires ; et si leurs leçons leur étaient présentées dans de bons livres, pleins de vie et d’intérêt, ils les aimeraient autant que leurs histoires. 

Les cinq relations que les enfants doivent établir sont : leurs relations avec Dieu, de prière, de louange, d’amour et de devoir ; leurs relations morales avec leurs semblables, y compris l’Histoire, la littérature, les devoirs d’un citoyen, etc. ; leurs relations avec la nature et le monde qui les entoure ; leurs relations avec la terre, y compris toutes sortes d’exercices corporels ; leurs relations avec les matériaux, le travail manuel, etc. 

Les relations dynamiques, ou celles liées au mouvement corporel, sont les plus élémentaires, et nous pouvons voir si elles ont été établies par la marche, la parole et les mouvements généraux de l’enfant. Pour permettre aux enfants d’établir ces relations, nous devons les laisser jouer et se défouler, même à des jeux accompagnés de chants ; ils doivent grimper aux arbres, nager, ramer, sauter, monter, danser, etc. ; ils devraient aussi s’exercer physiquement, parfois en musique, parfois non. La gymnastique suédoise est la plus intéressante pour les enfants. Ces exercices permettent également de s’entraîner à la rapidité et à la précision.  Des jeux avec des règles devraient également être organisés, comme le cricket, le hockey, le rounders [sorte de baseball], etc. 

Afin d’établir des relations avec le matériel, les enfants doivent apprendre à être utiles dans les travaux ménagers, en aidant de toutes les manières possibles, au jardin, à l’atelier, en cuisine, etc., ils doivent également apprendre l’artisanat, la couture, le travail du carton sloyd**; et pour les jeunes enfants, découper des images avec précision avec des ciseaux, réaliser divers travaux manuels simples pour la maniabilité générale. 

Tout ceci viendra ensuite avec la Nature. Pour établir cela, trois choses doivent être ressenties par les enfants : la joie de leur travail, l’intérêt pour celui-ci et le désir d’une connaissance exacte. L’enseignante doit avant tout être intéressée elle-même et elle doit avoir soif d’apprendre. Un système doit être suivi, mais l’enseignante doit se rappeler que ce que les enfants veulent apprendre, et non ce qu’elle veut enseigner, est de la plus grande importance. Il existe de nombreuses branches dans le travail de la nature qui devraient être reliées autant que possible. La géographie physique de leur propre quartier, sa flore – non seulement les noms des fleurs mais tout ce qui est trouve autour d’elles, où elles poussent, quand elles fleurissent, comment elles sont fécondées ; classez-les, le groupe des marguerites, le groupe des papillons, sans alourdir l’enfant avec trop de noms latins. Les insectes aussi, les oiseaux, en remarquant ceux qui migrent ; la vie de l’étang ; les créatures sauvages et leurs habitudes. Les animaux domestiques sont aussi utiles s’il est difficile d’atteindre les animaux sauvages. Les enfants devraient recevoir de nombreux « pourquoi », afin qu’ils puissent trouver des réponses, lorsque cela est possible, par eux-mêmes. Pourquoi certaines fleurs ont-elles des couleurs aussi vives et d’autres pas ? Pourquoi certaines fleurs s’ouvrent-elles la nuit ? C’est une grande aide si les enfants peuvent garder des animaux domestiques, au jardin, qu’ils peuvent surveiller et prendre en charge, et dont ils sont tenus responsables. 

Les relations humaines doivent être établies avec des parents, des amis, des voisins, c’est-à-dire toutes les personnes avec lesquelles nous entrons en contact ; nos concitoyens, passés comme présents ; les sociétés, missionnaires, sociales, de tempérance. Nous devrions, dans la mesure du possible, établir des relations avec tous les peuples de tous les pays, tels qu’ils ont vécu dans le passé et vivent dans le présent. 

Il y a certaines sortes de devoirs que chacun doit à ses voisins, certains sentiments que chacun devrait avoir ; amour et service ; l’autorité dans une famille d’un parent et l’obéissance des enfants ; respect et révérence pour tous ; sympathie et pitié pour toute souffrance ; et la responsabilité, à laquelle nul ne peut échapper. 

Il est très important que ces relations humaines s’établissent, car la véritable éducation vise le développement complet de l’être humain ; et le développement ne peut être complet que si ces relations sont établies. 

Si les relations ne sont pas soigneusement établies, les mauvaises conséquences sont multiples : (1) Les intérêts, et donc l’intelligence, sont limités. (2) Les deux affections, l’amour et la justice, qui sont les ressorts de l’action dans la nature humaine, n’ont aucune portée et sont donc minuscules et rabougries. (3) Les enfants perdent la possibilité de recevoir des idées directrices qui peuvent les amener à être de grands travailleurs dans le travail du monde. (4) L’inspiration et le stimuli des autres sont en grande partie perdus. 

Ces relations peuvent être établies de trois manières : par l’enseignement théorique, c’est-à-dire un enseignement moral défini basé sur les dix commandements, et la connaissance de soi en tant qu’être humain. Les connaissances en classe : l’enseignement de l’Histoire, car il traite des personnes et des événements, et non des faits et des dates ; l’enseignement de la littérature en rapport avec l’Histoire, les langues et la géographie ; tous ces sujets doivent être enseignés avec vie et intérêt. L’effort pratique : Les enfants doivent se rappeler qu’ils doivent la courtoisie à tout le monde autour d’eux, le respect aux domestiques et à tous ceux qui sont dans un niveau de vie inférieur ainsi qu’à ceux qui sont dans un niveau de vie supérieur. Ils s’intéresseront aux pauvres et aux faibles si un exemple leur est donné ; leur intérêt peut être encouragé en travaillant pour des hôpitaux pour enfants, en envoyant des fleurs, etc. 

Les relations avec Dieu. L’idée qu’un enfant a de Dieu devrait être : (1) Qu’Il est son Père, toujours proche et prêt à aider. (2) Que Christ est notre roi et que nous devons toujours Lui être fidèles et aimants. (3) Qu’Il est notre Sauveur et le Sauveur du monde. Les enfants doivent reconnaître qu’ils ont un devoir envers Dieu. Ils devraient lire et apprendre à aimer la Bible. 

Note de la traductrice :

* « L’éducation la plus convenable pour des enfants est à travers les choses et les livres.
Exemples de « choses » :
– obstacles naturels pour activité physique, l’escalade, la natation, la marche, etc,
– matériel à travailler et manipuler : le bois, le cuir, l’argile, etc,
– objets naturels en place: les oiseaux, les plantes, les rivières, les roches, etc,
– objets d’art,
– équipement scientifique, 
– etc. » 
C. Mason, School Education, p. 214 

** cf. l’article de Maeva sur le Sloyd, sur son blog Les oiseaux libres : https://maevadanse.com/2020/07/06/lartisanat-ou-le-slojd-dotto-solomon/

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction ©2021 par Charlotte Roman. Relecture et révisions Maeva Dauplay)

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