Note (d’après l’article de Charlotte Mason Poetry) : Helen Emma Wix a obtenu son diplôme de la House of Education en 1903. En 1915, elle a écrit un article sur l’enseignement des Écritures pour le Parents’ Review. Voici cet article dans son intégralité.
Par H. E. Wix
The Parents‘ Review, 1915, p. 590-595
La méthode d’enseignement des Écritures à la Parents Union School (P.U.S.) est si simple et paraîtra, je pense, si facile, qu’elle pourrait sembler ennuyeuse. Et pourtant, il n’est aucun sujet qui demande autant de préparation au préalable, aucun sujet qui soit aussi difficile à enseigner le moment venu, et, je pense, aucun sujet beaucoup plus difficile à aborder.
Nous avons quatre leçons par semaine – histoire de l’Ancien Testament les lundis et jeudis, et Nouveau Testament les mardis et vendredis – et des livres assignés pour la lecture du dimanche. Chaque leçon dure vingt minutes, et la leçon biblique est toujours la première de la journée. Ce qui est important, car cela permet de donner à l’Écriture un caractère qui lui est propre. Cette leçon se suffit à elle-même, pour ainsi dire, et bien que les enfants doivent naturellement bien se comporter dans toutes leurs leçons, leur comportement lors de la leçon biblique doit être particulièrement bon. Une attitude respectueuse aide l’esprit à l’être aussi, et la plupart des gens conviendront qu’un bon début de journée influe sur le reste du travail de la matinée.
En ce qui concerne les méthodes d’enseignement, comme mon temps est limité, je vais prendre la Classe I, c’est-à-dire les très jeunes enfants, et la Classe III de façon plus détaillée. La Classe I, c’est-à-dire les enfants de 6 à 9 ans, est divisée en deux, Ia et Ib [CP et CE1], a étant la classe la plus jeune. Dans cette classe, nous utilisons les livres du Dr Paterson Smyth, c’est-à-dire que ses livres sont prévus dans le programme à l’usage de l’enseignante pour l’aider à préparer le travail. La leçon elle-même est simple et courte. Quelques questions font le lien entre l’histoire à venir et celle de la dernière leçon, une brève introduction peut être nécessaire, une image ou deux pour aider les enfants à visualiser l’environnement, une carte peut-être, et tout point dans la formulation de l’histoire qui pourrait être assez difficile pour en interrompre le fil est expliqué. Ensuite, les versets de la Bible sont lus aux enfants. La façon dont ils sont lus est très importante : simplement, lentement et clairement, de sorte que les enfants puissent se souvenir non seulement de l’histoire, mais aussi des mots eux-mêmes. Il n’y a pas d’interruption dans la lecture, tout a été préparé à l’avance, et à présent, tout ce que les enfants ont à faire est d’écouter attentivement. La lecture terminée – et nous ne lisons qu’une seule fois – les enfants « narrent autant qu’ils le peuvent avec les mots de la Bible ». Nous utilisons cette forme de narration dans de nombreuses leçons de la P.U.S., et dans aucune avec plus de succès que la leçon biblique. Les mots simples font appel aux esprits enfantins. La narration terminée (et elle est généralement si précise et animée qu’elle surprend l’adulte), vient la partie « discussion » de la leçon. Je ne trouve pas de meilleur terme pour cette partie. Un paragraphe particulièrement vivant ou intéressant de Paterson Smyth sera peut-être lu aux enfants ; ses livres font appel à l’imagination d’une manière vraiment superbe. Ou peut-être lira-t-on un poème ou un hymne en rapport avec la leçon, on montrera une ou deux autres images, ou on utilisera le tableau noir pour un diagramme explicatif. Mais quoi que l’on fasse dans cette partie de la leçon, l’enseignante ne la domine pas, mais après avoir, par exemple, montré l’image, elle laisse les enfants la regarder tranquillement ; ils comprendront très bien si seulement elle ne parle pas et n’explique pas tout le temps. Une idée simple pour inspirer leur quotidien peut terminer la leçon, les enfants la découvrant souvent par eux-mêmes. Les enfants apprennent également par cœur des hymnes et des parties de la Bible, quelques versets étant choisis chaque trimestre parmi les chapitres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi, lorsque les enfants passent en Classe II, c’est-à-dire lorsqu’ils ont environ 9 ans, ils connaissent par cœur une bonne partie de la Bible, ainsi que toutes les histoires des premiers livres de l’Ancien Testament, de l’un des Évangiles et les Actes. Je pense avoir raison de dire que c’est généralement St Matthieu ou St Luc qui est pris.
En Classe II, l’enseignement est à peu près le même, mais les élèves lisent maintenant la Bible eux-mêmes, à voix haute, bien sûr. Ils étudient les choses plus en détails ; les histoires sont maintenant reliées entre elles en un récit plus continu. Leur travail couvre à peu près les premiers livres de l’Ancien Testament jusqu’au règne de Salomon, les trois premiers Évangiles et les Actes. La narration dans les mots de la Bible est, comme auparavant, le fondement de la leçon ; des informations suffisantes provenant de livres, d’images, etc. leur permettent de bien comprendre le contexte de l’histoire. À ce stade, ou même avant, les enfants veulent savoir pourquoi la moralité de l’Ancien Testament est si douteuse. Moïse a tué un homme, et pourtant il est appelé « serviteur de Dieu ». Tuer est particulièrement mal, mais Moïse était un homme bon. Ce sont là des questions auxquelles il faut se préparer à l’avance pour y répondre. Nous pouvons dire aux enfants que Moïse a vécu il y a longtemps, quand le monde était encore jeune et qu’il ne connaissait que peu de choses de Dieu et de sa bonté, et que Dieu n’attend jamais de nous plus que ce que nous pouvons donner. Et qui plus est, que c’est pour nous aider que la Bible nous parle des péchés des grands hommes. Il faut aider les enfants à comprendre, et non pas d’une manière telle qu’il faudra se contredire quand ils seront plus grands, car ce serait les gêner au lieu de les aider.
Ayant atteint l’âge de 12 ans, ils passent en Classe III. Dans cette classe, nous poussons les enfants plus loin ; ils apprennent les rois, la captivité, les prophètes, ainsi que quand les différents livres prophétiques ont été écrits et dans quelles conditions. Et dans le Nouveau Testament, ils lisent l’Évangile de St Jean ainsi que les autres, et ils apprennent les « Actes » des Apôtres et leurs écrits, de sorte qu’ils savent, par exemple, quand et pourquoi l’Épître aux Éphésiens a été écrite, etc.
Une leçon pour la Classe III nécessite beaucoup de préparation à l’avance. Il faut être prêt à répondre à n’importe quelle question, et les enfants de la P.U.S. en posent beaucoup, car ils veulent savoir ; et souvent, malgré tous nos efforts, ils comprennent mieux que l’enseignante. Bien entendu, ils ont désormais atteint l’âge où ils « se demandent pourquoi » à propos de toutes sortes de choses. On dit que c’est « l’âge difficile », mais c’est en fait « l’âge du je me demande ». L’enfant a découvert la « pensée », et combien elle est merveilleuse, aussi dangereuse si elle n’est pas maîtrisée que le char du Soleil lorsque le jeune Phaéton le conduisit. Le travail de l’enseignante consiste donc à les aider à conduire ce char de lumière en toute sécurité pour eux-mêmes et pour les autres ; car à cet âge, la leçon biblique est un formidable entraînement à la discipline de la pensée. Le monde est, après tout, assez bien divisé entre les gens qui pensent et ceux qui ne pensent pas, et notre objectif en tant qu’Union est sans aucun doute de former des hommes et des femmes qui pensent. Nous les encourageons donc à poser des questions, et avec un peu d’aide, ils peuvent souvent y répondre eux-mêmes. Par exemple, supposons que nous venions de lire les paraboles de la découverte de la perle de grand prix et du trésor caché. L’enseignante peut dire qu’elle pense que ces deux paraboles se ressemblent beaucoup, mais qu’elle suppose qu’elles doivent enseigner des leçons différentes, sinon elles ne seraient pas là côte à côte. Les enfants regarderont probablement à nouveau les versets, et certainement, l’un d’entre eux s’exclamera : « Oh, oui, je vois, elles sont très différentes. Le marchand cherchait la perle partout, il était prêt à donner tout ce qu’il possédait pour l’avoir, mais l’autre homme a simplement trouvé le trésor par hasard. » À partir de là, il est facile d’amener les enfants à penser à des personnages de la Bible qui ont trouvé soit la perle, soit le trésor, puis à des personnes dont ils ont entendu parler dans leurs livres d’histoire.
À cet âge, la leçon biblique n’est plus un simple ensemble d’histoires reliées entre elles : c’est l’histoire d’une nation particulière. Les auteurs de cette merveilleuse histoire ont été inspirés par Dieu pour montrer à tous sa main directrice, sa bonté, sa patience extraordinaire envers l’homme indiscipliné, sa justice et sa juste punition du mal. Les enfants voient que l’histoire continue, que nous sommes constamment en train de l’écrire, que même si les livres d’histoire modernes ne sont pas inspirés, nous pouvons toujours reconnaître la main de Dieu si l’on y prête attention, et quand nous ne pouvons pas la voir, nous devons simplement croire. En ce qui concerne l’exactitude verbale de la Bible, il est très facile pour les enfants de comprendre que, les auteurs n’étant que des êtres humains, des erreurs et des inexactitudes étaient inévitables, d’autant plus que beaucoup de choses n’ont probablement été écrites que plusieurs générations après l’événement.
À ce stade, les enfants sont presque assez âgés pour comprendre aussi le grand enseignement du Nouveau Testament, son fil rouge (la vérité de la vie éternelle), la grandeur et la valeur de l’invisible, le caractère invincible de la vie, le peu de valeur des choses terrestres. Il se peut qu’il faille laisser une grande partie de cet enseignement à la Classe IV, mais il n’y a pas de règle absolue ; tout dépend de la partie de l’Écriture choisie pour le trimestre, et bien sûr du tempérament des enfants.
Certaines personnes semblent penser que la leçon biblique est l’occasion rêvée de parler sérieusement aux enfants de leurs fautes. Cela peut être acceptable en de très rares occasions, mais si l’on s’y adonne souvent, les enfants risquent de redouter les leçons et d’être d’accord avec une jeune fille que j’ai connue qui disait : « Je pense que nos leçons bibliques sont plutôt personnelles, n’est-ce pas ? » Cela ne signifie pas que, dans les P.U.S., nous n’aidons pas les enfants à voir le merveilleux enseignement de la Bible appliqué à leur vie quotidienne ; nous le faisons. Mais l’enseignement est objectif ; les enfants sont des personnes, et il n’est pas juste pour quiconque de voir ses fautes discutées devant un autre.
La classe IV travaille beaucoup plus de manière indépendante. La Bible est, bien sûr, la base de leur étude, comme elle doit l’être pour tous. Mais ils ont maintenant des livres à lire, pour les aider en rapport avec la partie de la Bible qu’ils étudient pour leur travail trimestriel. Ces livres sont, pour la plupart, écrits par nos grands penseurs et enseignants ; certains permettront d’accroître les connaissances du lecteur, d’autres sont destinés à la lecture du dimanche, à la réflexion et à la méditation. Laissez-moi vous lire le travail prévu pour la classe IV ce trimestre, et vous verrez ce que je veux dire (lecture du programme).
Écriture. The One Volume Bible Commentary, par T. R. Dummelow (Macmillan, 7/6) ; (a) Isaiah, pages 421-453 avec les notes, en utilisant la Bible ; (b) pages 3-63 de The Saviour of the World, Vol. V (P.N.E.U. Office 2/6), avec le texte de la Bible (voir Index) et les notes de « Dummelow », (c) The Acts, pages 813-832, et The Epistles, I, II et III de St Jean, pages 1053-1062. Pour la lecture du dimanche : (i) Sinai and Palestine de Stanley (Murray, 1/-), pages 125-195, (ii) The Saviour of the World, (iii) Prophets and Kings de Maurice (Macmillan, 2/8) : trois sermons sur Isaiah.
Pendant la leçon en Classe IV, l’enseignante et l’élève lisent, pour ainsi dire, ensemble. Dans les P.U.S., nous ne croyons pas qu’il faille travailler sur nos élèves, ils ont souvent beaucoup plus de sagesse que nous ; mais c’est particulièrement le cas en Classe IV. L’enseignante est certainement plus âgée que son élève, elle a – on peut le supposer – un peu plus d’expérience, et elle a, bien sûr, préparé la leçon à l’avance. Tout cela lui donne un avantage juste et équitable, et elle s’efforce donc d’être guide, conseillère et amie de la jeune fille du mieux qu’elle peut.
J’ai à peine abordé la question difficile de l’exégèse historico-critique [L’exégèse historico-critique de la Bible, ou méthode historico-critique, étudie l’histoire de la réception des Écritures, leur contexte historique, le processus des étapes de leur production et leurs destinataires. (Wikipédia)], et je n’ai pas mentionné la recherche historique. Nous utilisons cette dernière d’une manière simple dès le commencement. Une certaine connaissance des merveilleuses découvertes faites en Égypte et en Mésopotamie est d’une grande aide pour l’enseignement aux jeunes enfants. Le récit assyrien du déluge aide à mettre en évidence la beauté du récit biblique, et ainsi de suite. Nous pouvons utiliser tout ce qui peut aider nos enfants à acquérir une connaissance plus approfondie de la Bible, mais nous ne devons pas utiliser ce qui pourrait constituer une pierre d’achoppement. Après avoir lu, appris et aimé la Bible dès leur plus jeune âge ; après avoir découvert peu à peu que, loin d’être une simple collection d’histoires « charmantes », il s’agit plutôt de l’histoire inspirée d’une nation guidée par Dieu ; et encore que c’est l’histoire de l’autorévélation progressive de Dieu à l’homme ; que c’est vraiment une mine inépuisable de sagesse – tellement plus précieuse que la simple connaissance – ne faudra-t-il pas beaucoup plus que l’esprit critique moderne pour ébranler leur foi ?
J’ai omis tant de choses que je crains de ne vous avoir donné qu’une piètre idée de la manière dont les Écritures sont enseignées dans les P.U.S. Mais malgré tous mes discours, la façon dont Mlle Mason souhaite que nous enseignions peut être exprimée très brièvement. Les enfants lisent la Bible et narrent la Bible. Nous les emmenons à la Source de la fontaine dans l’espoir que, lorsqu’ils ne seront plus sous notre surveillance, ils ne connaîtront jamais la soif après avoir goûté aux eaux de la vie.
Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction ©2021 Sarah Eisele. Relecture et révisions Maeva Dauplay)