Note (d’après l’article de Charlotte Mason Poetry par Tessa Keath) : En juin 1915, la Première Guerre mondiale était en cours depuis près d’un an. Charlotte Mason voulait parler de la guerre aux enfants. Avec les dures réalités auxquelles ils étaient confrontés chaque jour, nous aurions pu nous attendre à ce qu’elle ait des paroles réconfortantes. Au lieu de cela, elle a dit aux enfants qu’ils pouvaient avoir autant d’impact que les adultes sur les grandes questions mondiales. En fait, elle a dit que dans le domaine de la prière, ils pouvaient avoir encore plus d’impact que les adultes qui les entouraient. Bien qu’il soit question d’une situation spécifique dans le temps, ses paroles restent vraies et sont applicables aux enfants et aux familles qui doivent faire face aux défis modernes de notre monde d’aujourd’hui.
Note de la traductrice : Ce message est toujours d’actualité, à l’heure des restrictions de la liberté d’instruction, et de mesures toujours changeantes en pleine crise sanitaire.
Par Charlotte Mason, lu par Mlle Parish
The Parents’ Review, 1915, p. 585-588
Mes chers enfants,
C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir à nouveau réunis dans une école visible. J’allais dire réelle au lieu de visible, mais je me suis souvenue à temps que vous êtes une école réelle, liés les uns aux autres par des liens délicieux et un fort esprit de corps.
J’ai entendu l’autre jour que des jeunes filles, qui avaient une gouvernante de la House of Education, allaient faire connaissance avec d’autres jeunes filles qui étaient instruites de la même manière. Une petite personne hautaine a dit : « Une chose est sûre : je ne dirai pas un seul mot sur l’école ou les leçons ! ». Les gouvernantes étaient amusées, car les enfants des deux familles n’avaient pas passé cinq minutes ensemble qu’elles commençaient à discuter avec ardeur de leurs passages préférés, des personnages, des images, des oiseaux, des fleurs, de toutes les mille et une choses qui font des heures d’école un délice.
Et puis, en tant qu’école, vous n’oubliez pas. La semaine dernière, j’ai entendu parler d’un garçon de quinze ans qui s’était distingué en littérature et qui avait obtenu une bourse d’études dans son école publique. Son père lui a demandé quand il avait commencé à s’intéresser aux livres. « Oh, a-t-il répondu, quand j’étais à la P.U.S. ». C’était surprenant et encourageant pour les enfants de la Classe II, car lorsqu’il n’avait que huit ans, il avait fallu l’envoyer dans une école préparatoire qui ne faisait pas partie de la P.U.S., et pourtant il croyait que le travail qu’il y avait fait lui avait permis d’obtenir sa bourse. Je suppose qu’il voulait dire qu’il avait appris à aimer les livres et à prêter une attention parfaite à ce qu’il lisait ou écoutait.
N’allez pas croire qu’en ces jours de Grande Guerre, l’Histoire, les calculs, et les autres choses sont ridicules, que les enfants n’ont aucune importance et que seuls les pères, les oncles et les grands frères comptent. Ceux-ci comptent beaucoup ; ils sont pour le reste d’entre nous un abri dans la tempête, un bouclier dans la bataille, une bouée de sauvetage dans la tempête en mer, une tour de défense pour nous qui sommes faibles et impuissants, et nous ne pourrons jamais penser trop et avec trop de gratitude à nos héros au front !
Mais je sais que vous êtes parfois un peu tristes de ne pas pouvoir faire quoique ce soit pour servir l’Angleterre. Je connais une petite fille qui pensait que, comme elle était petite, elle pouvait courir entre les jambes des soldats allemands et les faire trébucher ; et nous envions tous cette fille dont les « voix » lui ont dit comment elle devait sauver la France. Je crois que si tous les châteaux que vous construisez, en Espagne, apparaissaient soudainement, nous verrions beaucoup de beaux projets pour aider l’Angleterre et mettre fin à la guerre.
Je dois vous dire très sincèrement que deux des plus grandes tâches qui nous attendent sont entre les mains des enfants. Tout d’abord, puisque le peuple anglais de l’avenir ne doit pas être ignorant, orgueilleux et avide d’argent, il incombe aux enfants du présent de lire des livres empreints de sagesse, d’apprendre à avoir des pensées sages, afin qu’ils soient doux, dévoués et dotés de bon sens. Ces choses, vous les réalisez dans votre école. La seconde tâche est plus importante encore, et nous autres, vos aînés, aurons bien raison de vous être reconnaissants si vous l’accomplissez avec constance. Vous devez faire vos prières, des prières tellement remplies d’amour, d’un cœur sage, des prières offertes avec tant de sincérité, que Dieu les entendra certainement et y répondra généreusement et merveilleusement ; de cette façon, un seul enfant peut faire pleuvoir des bénédictions sur la nation entière.
Mais vous direz que vous êtes fous et non sages, alors comment pouvez-vous faire de sages prières ? Notre cher Seigneur a pensé à cela et nous a donné la merveilleuse prière qui demande à Dieu tout ce qu’il est juste de vouloir. Notre part consiste à nous lever une demi-heure plus tôt le matin, à penser à cette prière et à demander au Saint-Esprit de nous aider à le prier.
En disant Notre, nous penserons à nos amis, à tous nos hommes au front, à nos alliés, et à notre ennemi ; à leurs amis et à leurs familles à la maison, aux travailleurs, à notre Roi et à ses ministres, et à nous tous. Et nous dirons : « Notre Père, pose un regard bienveillant et paternel sur nous tous » ; qui es aux cieux, « accorde-nous d’y monter tous, de cœur et d’esprit, et de demeurer continuellement avec Toi ».
Que Ton nom soit sanctifié. « Fais de nos corps le temple du Saint-Esprit et accorde-nous, à tous, de penser à Toi, de faire nos prières, de T’aimer et Te servir aujourd’hui ».
Que ton règne vienne. « Que ton règne vienne, ô Dieu, que ton règne, ô Christ, commence ; Toi qui es notre chef et notre gouverneur, permets que nous fassions tous le bien aujourd’hui. Toi qui réfrènes les esprits des princes et des peuples et qui es merveilleux parmi les rois de la terre, gouverne aujourd’hui nos cœurs à tous, et incline-nous à la justice et à la paix. »
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. On raconte qu’un groupe de nos hommes était encerclé par l’ennemi lors de la terrible retraite de Mons, et que des anges se sont interposés entre eux et l’ennemi, qui s’est enfui de peur. Peut-être l’histoire n’est-elle pas vraie de manière visible, mais je pense que c’est exactement la manière dont les anges accomplissent la volonté de Dieu avec bonté, empressement et esprit de service. Nous pouvons donc prier : « Aide-nous, tous, à faire ta volonté comme le font les anges, que l’on veuille accomplir ta volonté bénie et que la justice et la paix ressortent de cette guerre épouvantable. »
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. « Tu as dit, Seigneur Jésus : “Je suis le pain de vie” ; donne-nous à tous aujourd’hui ce pain, que nos cœurs et nos âmes vivent ; et accorde du pain à manger à tous ceux qui ont faim comme les Belges et les prisonniers de guerre en Allemagne. »
Et pardonne-nous nos offenses. « Pardonne-nous toutes les choses que nous n’avons pas faites et que nous aurions dû faire, et toutes les choses que nous avons faites et que nous n’aurions pas dû faire. »
Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Oui, nous devons pardonner à nos ennemis, et prier pour que Dieu leur pardonne aussi – même à cet ennemi qui a causé la mort de tant de personnes qui nous sont chères.
Et ne nous soumets pas à la tentation. « Sauve-nous aujourd’hui de toutes les mauvaises pensées qui peuvent attaquer et blesser l’âme. »
Mais délivre-nous du mal. « Sauve-nous de tout mal qui pourrait arriver au corps, surtout nos soldats, de la perte d’un membre ou d’un œil ou de toute autre blessure. »
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne – et nous sommes tous sous ton autorité et ta gouvernance ; la puissance – Tu es capable d’accomplir toutes ces choses que nous Te demandons ; et la gloire. Nous Te louons, notre Père, pour toutes les choses belles, bonnes et sages que Tu fais continuellement pour nous tous, pour les siècles des siècles. Amen.
Priez par cette prières, chers enfants, jour après jour, et vous contribuerez à nous maintenir tous dans la paix de Dieu qui surpasse tout entendement, une paix dont nos soldats au front peuvent jouir, même sous les tirs d’artillerie les plus violents.
Si vous trouvez que la prière est trop longue pour un seul jour, divisez-la ; mais pendant que vous priez, ne laissez pas vos pensées s’éloigner de ce que vous priez, ni votre cœur de ce qu’il désire voir s’accomplir, et alors, notre Père céleste, seul, saura ô combien vous faites pour nous aider tous, en ces jours d’angoisse.
Je ne dis pas un mot sur le fait d’aider, comme vous le pouvez, de vos mains ; cela, je suis sûre que vous le ferez. Mais je vous dis de travailler à vos leçons afin de devenir des personnes sages, réfléchies, d’une réelle utilité pour l’Angleterre ; et travaillez dans vos prières, car c’est le plus grand service que quiconque puisse rendre à la nation ; et soyez bons, car il est dit que ce sont les prières des gens bons qui sont les plus utiles.
Avec des pensées affectueuses pour chacun d’entre vous, qu’il soit présent aujourd’hui ou non,
Je suis, toujours votre amie affectueuse,
Charlotte M. Mason
Un message à l’intention des P.U.S., envoyé en premier lieu aux enfants qui ont assisté à la conférence du P.N.E.U.
Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction ©2021 Sarah Eisele. Relecture et révisions Charlotte Roman)