Par G. M. Bernau
The Parents’ Review, 1928, pp. 224-235

La question de la perspective historique et la possibilité de la présenter à leurs élèves est très présente à l’esprit des enseignants en ce moment, et l’enseignement de l’histoire universelle, étayé par diverses frises chronologiques, est étudié par les autorités éducatives en général. Le P.N.E.U. a toujours préconisé l’enseignement de l’histoire universelle et la Parents’ Union School a, depuis trente-sept ans, inscrit à son programme l’histoire étrangère et ancienne ainsi que l’histoire de l’Angleterre. Quelques phrases tirées de l’ouvrage An Essay towards a Philosophy of Education, de Miss C. M. Mason, résument les raisons pour lesquelles elle préconisait cette vaste étude de l’histoire :

« J’ai déjà parlé de l’histoire comme d’une partie essentielle de l’éducation et j’ai cité le conseil de Montaigne selon lequel l’enseignant « pratiquera, par le moyen des histoires, ces grandes âmes des meilleurs siècles. ». Pour nous, en particulier, qui vivons à l’une des grandes époques de l’histoire, il est nécessaire de savoir, au moins en partie, ce qui s’est passé avant nous afin de comprendre clairement ce qui se passe aujourd’hui.

* * * * * *

« L’étude de l’histoire ancienne… nous l’abordons par le biais d’un ouvrage chronologique sur le British Museum (aujourd’hui épuisé, écrit pour les élèves du P.U.S. par feu Mme W. Epps, qui avait le don délicieux de comprendre le progrès des époques tel qu’il est représenté dans notre grand dépôt national)… Miss G. M. Bernau a ajouté à la valeur de ces études en produisant un Livre des siècles dans lequel les enfants dessinent des objets d’usage domestique, d’art, etc. liés au siècle qu’ils étudient. Cette petite étude du British Museum nous paraît très précieuse ; que les enfants aient ou non l’occasion de visiter le musée lui-même, ils ont l’espoir de le faire et, en outre, leur esprit est éveillé aux trésors des musées locaux.

* * * * * *

« C’est une grande chose que de posséder une page d’histoire en arrière-plan de ses pensées. Il se peut que nous ne soyons pas capables de nous rappeler telle ou telle circonstance, mais ‘l’imagination est échauffée’ ; nous savons qu’il y a beaucoup à dire des deux côtés de chaque question et nous évitons ainsi d’émettre des opinions rudimentaires et de commettre des actions irréfléchies. Le présent s’enrichit pour nous de la richesse de tout ce qui l’a précédé.

« Le défaut le plus grave des programmes scolaires est peut-être de ne pas donner une introduction complète, intelligente et intéressante, à l’histoire. Il est fatal de laisser de côté ou même de commencer par l’histoire de notre propre pays. Nous ne pouvons pas vivre avec lucidité si nous ne savons pas que les autres peuples sont comme nous avec une différence, que leur histoire est comme la nôtre, avec une différence, qu’eux aussi ont été représentés par leurs poètes et leurs artistes, qu’eux aussi ont leur littérature et leur vie nationale. Nous nous étions endormis et notre réveil est assez terrible. Le peuple que nous n’avons pas éduqué se lève sur nous dans son ignorance et ‘la populace’,

« Comme si le monde n’en était qu’à commencer aujourd’hui, 
L’antiquité est mise en oubli, la coutume est méconnue, 
Elles par qui sont ratifiés et soutenus tous les titres. Ils crient : Choisissons nous-mêmes ! » Hamlet. [Traduction par François Guizot.]

Que le ciel leur vienne en aide, car ils ont le choix en effet, et ils ne savent pas grand-chose de ces deux éléments qui ratifient et soutiennent chaque parole et chaque action actuelles, l’Antiquité et la Coutume ! Il n’est jamais trop tard pour réparer, mais nous devons offrir sans délai, à chaque enfant de ce pays, un régime d’Histoire si libéral et si généreux qu’il puisse donner du poids à ses décisions, de la considération à ses actions et de la stabilité à sa conduite ; cette stabilité, dont le manque nous a plongé dans une mer de troubles. »

Le Livre des siècles de chaque enfant doit témoigner « d’une alimentation libérale et généreuse en Histoire ». À partir de dix ans, les enfants du P.U.S. réalisent ces livres, « en y mettant des illustrations de toute l’histoire étudiée pendant le trimestre (Bible, Histoire de l’Angleterre, Histoire de France, Histoire générale) ». Leurs livres témoignent également d’une étude spéciale dans les musées chaque trimestre. Les enfants doivent être libres d’inscrire sur leurs pages les événements et les dessins qui les ont intéressés dans leurs lectures générales de l’Histoire (ce « réservoir inépuisable d’idées ») et de la littérature. Au fil du temps, les pages se remplissent et l’on découvre des faits historiques fascinants qui éclairent l’histoire contemporaine et consécutive de chaque siècle. Les enfants s’habituent à considérer leurs Livres des siècles comme des compagnons de lecture. Ils utilisent les ressources locales des musées, ils trouvent des informations dans les journaux, apportent des coupures et des illustrations qui portent sur la période qu’ils sont en train d’étudier. Les découvertes actuelles sont suivies avec intérêt et notées dans la page du vingtième siècle ou du siècle correspondant. Ainsi, l’Histoire, dans un Livre des siècles, est une chose vivante au présent, au passé et au futur. Chaque livre est une œuvre individuelle d’intelligence et, très souvent, d’art.

Bien que le Livre des siècles, en tant que tel, ne fasse partie du programme du P.U.S. que depuis 1915, sa forme antérieure de Livre de notes de musée remonte à 1906. La regrettée Mme Epps préconisait dans son British Museum for Children la tenue d’un carnet, dont chaque page représentait un siècle, et dans lequel on pouvait dessiner des croquis d’objets observés dans les musées et écrire des notes sur les principaux événements.

Le Livre des siècles doit être entièrement rédigé selon les indications suivantes avant toute illustration. Cela permettra d’éviter les erreurs qui pourraient survenir en laissant trop ou pas assez de pages. Le livre se compose de quarante-huit feuilles blanches, soit quatre-vingt-seize pages, pour le dessin, et d’un nombre correspondant de pages lignées.

Nous devons commencer par le début du livre et intituler la première page lignée « Périodes préhistoriques ». Sous ce titre, il convient d’écrire une liste des quatre périodes – Paléolithique ou Vieille pierre, Néolithique ou Pierre nouvelle, Bronze et Fer – en expliquant ce que l’on entend par chacune. Comme la durée des périodes préhistoriques varie selon les pays, il a été jugé préférable de les regrouper au début du livre, même si certains peuples, comme ceux des îles du Pacifique, sont encore à l’âge de pierre. Au verso de la page lignée, écrivez « Âge paléolithique » et inscrivez-y toutes les notes appropriées décrivant cette période qui peuvent être glanées dans le Guide to the Stone Age, publié par le British Museum.

Voilà pour les pages lignées de notes descriptives. Tournons maintenant notre attention vers les pages vierges destinées aux illustrations. Sur la première page, inscrivez les mots « Dépôts de rivière ». On peut y dessiner le beau spécimen d’un instrument en silex trouvé avec des os d’éléphant à Gray’s Inn Lane, à Londres, à la fin du XVIIe siècle, découverte qui a été à l’origine de l’étude des vestiges préhistoriques. Sur la page de dessin suivante, écrivez « Les grottes » (voir les illustrations ci-dessous), et mettez ici des illustrations de harpons, outils, aiguilles, etc. Sur la page suivante, écrivez « Déchets de cuisine » et dessinez ici les coquilles d’huîtres, les couteaux, etc. que l’on trouve dans les énormes tas de déchets accumulés sur les sites des premières tribus. Sur la page suivante, mettez « Travail du silex », avec les lampes de craie, les pioches des mineurs et les sections d’une mine de craie. À la page suivante, « Art paléolithique » dont les illustrations sont nombreuses, par exemple, le galet gravé d’un cerf, un poignard dont le manche est sculpté en forme de mammouth. Sur la page suivante, « Age Néolithique », montrant les outils plus élaborés et polis de l’Âge de Pierre postérieur. La page suivante est consacrée à l’Âge de Bronze, avec des illustrations d’outils en bronze, etc. et la section d’un « tumulus rond ».

Nous devons maintenant nous tourner vers les dix dernières pages blanches à la fin du livre. Elles doivent être réservées à de petites cartes des pays mentionnés dans la partie principale du livre, comme la côte nord-ouest de l’Europe au Paléolithique, l’Égypte, Babylone et l’Assyrie, y compris la Syrie et la Perse, la Grèce et l’Asie mineure avec la côte nord de l’Afrique, un plan d’Athènes, l’Empire romain, un plan de Rome, la Grande-Bretagne romaine, un plan de la Londres romaine, une carte illustrant la conquête de la Grande-Bretagne par les Anglais*, l’Angleterre anglo-saxonne, et ainsi de suite, pour finir par des cartes de l’Europe, avant et après la Grande Guerre. Sur les pages lignées en regard des cartes, on pourrait écrire une petite description de l’histoire telle qu’elle est illustrée par les cartes, ou une mention des siècles dans lesquels on trouve des références à ces pays. Le choix des cartes à inclure incombe au propriétaire de chaque livre. Il ne s’agit là que de suggestions.

Passons ensuite à la douzième page lignée à partir de la fin. Entre les deux lignes du haut, écrivez en grand « 20ème siècle ap. J.-C. » ; à partir de là, travaillez à rebours, en écrivant en haut de chaque page lignée respectivement, « 19ème siècle ap. J.-C. », « 18ème siècle ap. J.-C. », etc. Continuez ensuite du « 1er siècle av. J.-C. » au « 54ème siècle av. J.-C. ». Il ne nous reste plus que cinq pages, et comme il y a si peu de dates connues aussi loin dans l’histoire du monde, il n’y a pas de mal à regrouper dix siècles sur chaque page, c’est-à-dire que celle qui suit le 54ème serait le « 64ème au 55ème siècle av. J.-C. », puis le « 74ème au 65ème », le « 84ème au 75ème », le « 94ème au 85ème », le « 104ème au 95ème ». Je sais qu’il y a eu des découvertes d’objets remontant jusqu’au 100ème siècle avant J.-C., donc cela couvrira cette période et laissera une marge pour des découvertes peut-être encore à faire sur une période encore plus lointaine. Nous avons maintenant – sauf les quelques dernières pages mentionnées – pour chaque siècle, une page lignée sur laquelle les faits doivent être inscrits selon la date, et une page blanche pour les illustrations de ce siècle. Comme il y a vingt-trois lignes sur chaque page et que deux sont occupées par le titre, il faut tracer une ligne sur la onzième ligne à partir du bas de la page pour séparer la moitié supérieure de la moitié inférieure, de sorte qu’il ne reste que vingt lignes pour les dates. Ainsi, un événement qui s’est produit au cours de la troisième année d’un siècle après J.-C. sera placé au milieu de la première ligne ; un événement qui s’est produit au cours de la quarante-deuxième année sera placé sur la neuvième ligne vers le bas, à la deuxième place, et ainsi de suite (voir la page spécimen du 16ème siècle après J.-C.).

Il faut se rappeler que si, dans les siècles de l’ère chrétienne, les chiffres les plus anciens sont en haut de la page (par exemple, dans le 1er siècle après J.-C., les deux lignes du haut représentent les années 1 à 10 de l’ère chrétienne), dans ceux de l’ère avant J.-C., c’est l’inverse, et les chiffres les plus anciens sont en bas de la page (par exemple, pour le 1er siècle avant J.-C., les deux lignes du bas représentent les années 10 à 1 avant J.-C.). Il faut également veiller à placer les dates correctement, par exemple, la Magna Carta* devrait être placée à la fin de la troisième ligne du 13ème siècle après J.-C. Si on ne le signale pas, les enfants commettent souvent l’erreur de la placer au 12ème siècle.

Il y a environ cinq doubles pages blanches dans le Livre des siècles le plus récent. Elles peuvent être utilisées pour des dessins des anciens dieux dans la première partie du livre, et de l’architecture de l’époque dans la dernière partie, ou pour des collections de dessins que le propriétaire souhaiterait réaliser.

L’encre de Chine (résistante à l’eau) doit toujours être utilisée pour les dessins, et les illustrations colorées occasionnelles sont très efficaces. Il est permis de coller de bonnes gravures ou des photographies lorsque le sujet est trop difficile pour être dessiné, mais cela ne doit être fait qu’occasionnellement, car cela risque de rendre le livre trop épais. Comme le livre devrait durer toute la vie, les enfants devraient laisser les sujets les plus difficiles jusqu’à ce qu’ils soient assez âgés pour leur rendre justice. Naturellement, une page est un espace très réduit pour illustrer l’ensemble d’un siècle, et pourtant c’est une erreur de laisser deux pages pour certains siècles, comme je l’ai vu faire dans certains livres, car cela élimine le but du livre ; par conséquent, chacune devrait choisir les événements qu’elle considère comme les plus caractéristiques, en prévoyant la disposition de la page, autant que possible, avant de dessiner. De cette façon, il n’y aura pas deux livres identiques, et il est très intéressant de les comparer. On a constaté qu’il était bon pour chacun de suivre un thème d’illustration tout au long du livre, par exemple, l’un illustrera des bateaux, un autre des armes, un autre des instruments de musique, des costumes ou des ornements de différentes époques, en plus des illustrations habituelles des divers événements de chaque siècle.

Comme peu de garçons sont capables de continuer un Livre des siècles après avoir quitté l’école, je leur suggère de tenir plutôt un Livre des périodes, en assignant une page à la période Égyptienne, Assyrienne, Grecque, Romaine, Grande-Bretagne Ancienne, Anglo-Saxonne, Normande, etc.

Je me demande souvent s’il ne serait pas judicieux de tenir un Livre des siècles familial quand la plupart des enfants sont en pension, en laissant chacun ajouter sa contribution avec ses initiales et la date pendant qu’ils sont à la maison pour les vacances. J’ai tenu un Livre de l’école auquel chaque enfant, qui a son propre Livre des siècles, ajoute sa contribution pendant son dernier trimestre.

Le Livre des siècles est une grande joie pour son propriétaire, et même en cette époque de grande activité, il est possible de trouver un peu de temps, même court, pour ajouter une illustration de temps en temps. Les enfants prennent toujours un grand plaisir à lire leurs livres. Il n’est pas nécessaire d’être un artiste pour avoir un livre intéressant, mais le soin et la précision sont essentiels. Les calques ne doivent pas être autorisés, car les livres perdent alors leur touche personnelle. Les musées seront revêtus d’un nouvel intérêt pour les gardiens de ces livres. Ils pourront reconnaître des objets qui sont déjà de vieux amis familiers grâce à leurs Livres des siècles.

Les reproductions ci-jointes sont tirées de trois Livres des siècles différents. La première – celle de la page de la partie préhistorique intitulée « Les grottes » – a été exécutée par une élève du P.U.S. qui tient un livre depuis 1920, lorsqu’elle avait dix ans.

La seconde – celle du « 6ème siècle avant J.-C. » et les notes qui l’accompagnent – provient d’un livre d’un ancien élève d’Ambleside.

Et la troisième, celle du « 16ème siècle ap. J.-C. », est tirée du livre d’un élève du P.U.S. qui a maintenant dix ans, illustrant la période de l’histoire de l’Angleterre étudiée au trimestre dernier (Programme 109).

Les livres suivants sont recommandés pour les illustrations, bien que je sois sûre que le lecteur en trouvera beaucoup d’autres sur les étagères avec des illustrations appropriées :

  • Tous les guides officiels du British Museum
  • Outline of History de H. G. Wells.
  • Early European History, The Birth of History de Webster
  • The Dawn of History (tous publiés par Harrap).
  • Piers Plowman Histories, Junior Book IV
  • Illustrated Helps to the Study of the Bible
  • History of the Early World de Breasted
  • Pictorial History de H. W. Donald, et The « Suggestions » Historical Illustrations, Sets A, B, C, D. (publiés par Charles & Son, Paternoster Square).
  • A History of Everyday Things in England par M. et C. H. B. Quennell.

Notes de la traductrice (*)

Les Anglais : « English » dans le texte original. Désigne les Angles qui, avec les Saxons et les Jutes, ont envahi la Grande-Bretagne après le retrait des légions romaines en 410 après J.-C.

Magna Carta : traduit par « Grande Charte d’Angleterre » ou « Grande Charte », désigne plusieurs versions d’une charte arrachée pour la première fois par le baronnage anglais au roi Jean sans Terre le 15 juin 1215 après une courte guerre civile qui culmine le 17 mai par la prise de Londres. Les barons, excédés par les demandes militaires et financières du roi et par les échecs répétés en France, en particulier à Bouvines et à La Roche-aux-Moines, y imposent, dans un esprit de retour à l’ordre ancien, leurs exigences, dont la libération d’otages retenus par le roi, le respect de certaines règles de droit propres à la noblesse, la reconnaissance des franchises ecclésiastiques et bourgeoises, le contrôle de la politique fiscale par un Grand Conseil. (Source : WIkipedia)


Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction ©2021 Sylvie Dugauquier. Relecture et révisions Maeva Dauplay)

Ecouter le podcast