Note de Charlotte Mason France : Voici notre premier « article invité ». Manon Soavi instruit son fils ; elle n’a elle-même jamais été à l’école. Elle est devenue pianiste classique et concertiste, et se consacre pleinement à la pratique de l’Aïkido. Elle témoigne de son parcours dans « Hors Cadre. Apprendre – Travailler » son livre né d’une interview écrite en 2019 pour le blog Les Echos de la Lisière et édité par l’association « La Lanterne ».
Dans son article publié aujourd’hui, elle raconte comment elle a connecté l’étude de la pièce « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare avec le film d’animation du même nom de Jiří Trnka (que l’on peut visionner sur la chaîne Youtube de Charlotte Mason France) et l’étude de compositeurs. Des connexions naturelles en lien avec les connaissances de Manon, car dans le credo éducatif de Charlotte Mason, il y évidemment « la vie ». Merci à Manon de nous avoir partagé un bout de sa vie, c’est très inspirant !
Quand j’ai commencé à m’intéresser à la pédagogie de Charlotte Mason une chose m’a frappée : la ressemblance, sur un certain nombre de point, avec ce que j’avais vécu dans mon enfance. Je ne suis pas allée à l’école et mon éducation s’est faite beaucoup autour des livres, des discussions avec mes parents et d’une ambiance propice à mettre en relation les choses et les idées. Les mots de Charlotte Mason, dans ses livres et les articles autour de sa pédagogie, ont mis en perspective ma propre éducation. Évidement une expérience vécue, d’autant plus dans l’enfance n’est pas facilement conceptualisée, mise à distance comme avec un regard extérieur. C’est pourquoi j’ai réalisé plus clairement l’importance de ces relations et comment les articuler en lisant Charlotte Mason. Elle m’a donné une direction plus théorisée se mettant en relation avec une sensation déjà vécue.
Quand j’ai commencé à réfléchir à la façon dont elle proposait de lire les pièces de théâtre de Shakespeare, ma culture musicale m’a poussé à aborder notre étude du théâtre en cherchant à trouver des relations entre les pièces et d’autres œuvres. J’ai finalement choisi de commencer par Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare.
Nous avons donc lu l’histoire en version « conte » ; la version de Mary Lamb est privilégiée par Charlotte Mason mais j’avais déjà une version éditée chez Fernand Nathan : Récits tirés du théâtre de Shakespeare par S. Clot ; j’ai donc utilisé celle-ci. De plus, dans la version de Lamb, la pièce est encore plus synthétisée puisqu’il n’y a pas les artisans qui répètent une pièce, élément comique qui débouche sur la transformation d’un des personnages en âne. J’ai donc préféré la version de chez Nathan.
Puis, j’ai cherché à compléter l’approche de l’œuvre et j’ai retrouvé un film d’animation tchèque, absolument magnifique Sen noci svatojánské (le Songe d’une nuit d’été) réalisé en 1959 par Jiří Trnka, un créateur de génie, dont l’œuvre est maintenant presque introuvable.
J’ai aussi choisi de mettre en lumière quelques adaptations du thème du Songe d’une nuit d’été chez les musiciens classiques. Durant mes études de musique j’ai été amenée à analyser un certain nombre d’œuvres notamment l’ouverture sur ce thème de Félix Mendelssohn. C’est pourquoi nous avons écouté cette œuvre, que Mendelssohn a écrite à 17 ans, en portant attention aux thèmes correspondant aux différents personnages et en écoutant comment Mendelssohn a mis en musique cette histoire grâce à l’orchestration. Je vous partage ci-dessous un petit tableau sur l’orchestration de cette ouverture, ce qui, je l’espère, peut vous permettre de faire découvrir cette œuvre.
En complément, comme notre compositeur du trimestre était Claude Debussy, nous avons particulièrement écouter le prélude pour piano, Puck, inspiré du même Songe de Shakespeare. On y entend aussi, bien que dans un style très différent, l’esprit malicieux Puck et le cors d’Obéron.
Une autre piste que j’ai envie de vous partager pour continuer une éducation musicale, en complément de l’écoute d’un compositeur par trimestre : les Concerts pour la jeunesse de Léonard Bernstein. Ces concerts pédagogiques étaient rediffusés sur Arte quand j’étais enfant mais c’est un programme qui fût diffusé sur la CBS de 1958 à 1972. Comprenant 52 concerts d’une heure écrits et animés par Léonard Bernstein lui même, un grand compositeur, musicien et grand pédagogue. Si vous regardez quelques extraits sur Youtube, on perçoit la façon très simple et vivante dont il raconte la musique et ces concepts. Je pense que sa passion et sa culture étaient incroyable et se transmettent. Malheureusement les DVD sont assez coûteux, certaines bibliothèques les ont, à Paris du moins. Mais je crois que ça serait un bon support, que je vais explorer dès que j’aurai mis la main dessus !
F.Mendelsssohn Ouverture opus 21, Le songe d’une nuit d’été
Timing indicatif prit sur la version de concert du Sinfonia Rotterdam dirigé par Conrad van Alphen. Disponible sur Youtube.
La forme générale de l’ouverture est celle en trois parties des premiers mouvement de symphonie : A -B-A’
Index thématique
Temps | Thèmes | Détail de l’orchestration |
Ouverture avec un thème choral, une sorte de décor : la nuit et son silence. | L’orchestre est totalement dépouillé juste avec les bois en pianissimo (flûtes, puis clarinettes, puis bassons et hautbois). Puis tuilage avec les violons dans les aiguës. | |
00:29:00 | Thème « de la nuit », le bruissement de la forêt. Des elfes apparaissent progressivement. | Les violons en staccato (sons détachés) pianissimo. L’orchestre est dépourvu de son grave à ce moment, ce qui donne un accent très léger. Les violons altos viennent comme peupler cette nuit par des pizzicato (cordes pincées avec les doigts au lieu d’être frottées par l’archet) un peu comme des elfes marchant délicatement. |
01:18:00 | Thème « du jour » | Contrastes élevés avec l’orchestre brusquement au complet, fortissimo et de grands élans. |
02:56:00 | Thème des amoureux | Les cordes jouent une mélodie romantique, entrecoupée par les vents qui avec un motif de fanfare rythmique ont l’air de se moquer des amoureux. Comme des elfes qui les observeraient et ricaneraient. |
03:19:00 | Thème des artisans et de l’âne | Des basses répétitives et dessus des violons qui jouent une musique ayant un rythme de danse villageoise. Les grands sauts aiguë-grave fait par les violons évoquent le Hi-Han d’un âne. |
03:45:00 | Motif de chasse | Cors évoquant la chasse (Obéron). |
04:10:00 | Fin de l’exposition et début du développement | Le songe est structuré en trois parties, comme le premier mouvement des symphonies classiques et romantiques. Le développement continu et développe les idées et motifs exposés durant l’exposition. Il va les modifier, les superposer, etc. |
06:41:00 | Réexposition | La réexposition est presque identique à l’exposition du début, mais va bifurquer vers le final. Quelques différences dans l’orchestration aussi. |
11:28:00 | Fin | La fin se caractérise par une « disparition » c’est a dire que Mendelssohn va procéder par élimination des familles d’instruments provoquant ainsi comme une disparition progressive, jusqu’à revenir aux bois (flûtes, hautbois) du début, pianissimo, comme si la nuit retrouvait son calme et son « vide » |
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