copyright © Jean-Sébastien Caron Photographe
Note de la traductrice : comme le mois précédent, pour une lecture plus fluide, destinée au plus grand nombre de familles francophones d’aujourd’hui, vous découvrirez ici une version francisée, dans les détails, proverbes et références culturelles, du livre original de The Changing Year de Florence Haines.
Nous espérons que cette promenade printanière vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.
Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp. 26-36
“Puis vint le frais Avril, plein de luxure,
Et dévergondé comme un chevreau dont les cornes viennent de bourgeonner :
Il chevauchait un taureau, le même qui conduisait
Europe à travers les flots de l’Argolique :
Ses cornes étaient toutes ornées de clous d’or,
Et garnies de guirlandes dorées,
Et de toutes les plus belles fleurs et les plus frais bourgeons
Que la terre puisse produire ; et il semblait humide à la vue
Des vagues, dans lesquelles il pataugeait pour le délice de son Amour.”
-Spenser.
Humide, en effet, car les jours d’averse ne sont-ils pas caractéristiques du « temps d’avril, pluie et soleil à la fois », et pourtant “Il n’est si gentil mois d’avril qui n’ait son chapeau de grésil.”
et
“jamais mois d’avril ne fut si beau, qu’il n’y eût de la neige à plein chapeau.”
Pourtant, le temps froid et venteux est également favorable, car
“Un avril froid
La grange se remplira”
et, faisant référence à la corne d’abondance,
“Quand Avril souffle dans sa corne
C’est bon pour le foin et le maïs.”
car
“Mars venteux, avril pluvieux rendent le paysan heureux.”
et
“Le raisin d’avril n’entre pas dans le baril.”
Les Français disent aussi que
“Averil le doux,
Quand il se fâche le pire des tous”
Tandis que pour les Italiens, avril et mai sont les clés de l’année ; et les Espagnols ont aussi ce proverbe, « Je vous donnerai le monde entier si vous me donnez avril et mai. »
A présent, les oiseaux chantent, les plantes poussent, les insectes bourdonnent, les arbres déploient leurs tendres feuilles, les bosquets et les prairies sont garnis de « toutes les plus belles fleurs ou les plus frais bourgeons que la terre puisse produire ».
“Avril, avec sa bêche et son pieu,
Plante une fleur sur chaque colline.”
et
“Cultive le grain et fait pousser les semences,
Fait jaillir la nature sauvage dès maintenant,
Et chante le coucou.”
extrait de l’Histoire de la littérature anglaise d’Hippolyte Taine : philosophe et historien français (chapitre II, les Normans, 1872)
Une légende allemande raconte que le Coucou était autrefois un boulanger qui avait l’habitude de se servir une part dans la pâte et de crier « gukuk, gukuk« , « regarde, regarde », pour détourner l’attention lorsque les pains étaient sortis du four. Pour sa malhonnêteté, il fut changé en oiseau portant des taches blanches, comme de la farine, sur ses plumes et condamné, à jamais, à répéter son cri, d’où son nom allemand de Becker knecht, valet-serviteur. Selon l’auteur et antiquaire John Timbs, « le coucou commence à chanter au début de la saison avec l’intervalle d’une tierce mineure, l’oiseau passe ensuite à une tierce majeure, puis à une quarte, puis à une quinte, après quoi sa voix se brise sans atteindre une sixte mineure… de cet oiseau a été dérivée la gamme mineure… le couplet du coucou étant la tierce mineure chantée vers le bas ». (A Garland for the Year).
Le Coucou gris (Cuculus canorus) est un oiseau assez grand, mesurant un peu plus de trente centimètres de long et dont l’aire de répartition est très étendue. Ses œufs sont petits par rapport à sa taille, et des recherches récentes montrent qu’il en pond un grand nombre, peut-être vingt, en une saison. Ceux-ci sont produits à intervalles réguliers, et on pensait autrefois qu’ils étaient transportés dans le bec de la mère jusqu’au nid des parents nourriciers, un seul œuf étant déposé dans chaque nid. Ce dernier était soigneusement choisi pour correspondre à celui dans lequel l’oiseau lui-même a été élevé. Les précieuses recherches et les films photographiques de M. E. P. Chance ont cependant démontré que dans de nombreux cas, l’œuf est réellement pondu dans le nid, le Coucou y prenant d’abord un œuf déjà présent et le tenant dans son bec pendant qu’il pond le sien. Ensuite, il recule hors du nid, la queue en premier, laissant ainsi l’herbe et le feuillage de devant intactes. Puis, volant vers un arbre éloigné, il ajoute l’insulte à la blessure en dévorant l’œuf volé.
Faire tourner sa monnaie entre ses doigts la première fois que l’on entend le Coucou est une coutume très ancienne, et il est heureux d’avoir à la fois de l’argent et un couteau dans sa poche à cette occasion car alors, on ne manquera ni de richesse ni de divertissement pendant toute l’année. Les jeunes filles demandent à l’oiseau la date de leur mariage, chaque « coucou » représentant une année, et l’heure de la mort est déterminée de la même manière par les personnes plus âgées. Cette dernière coutume remonte environ au XIIIe siècle, car le moine cistercien Césaire (1222) raconte qu’un homme, qui se rendait dans un monastère, entendit un Coucou et s’arrêta pour compter le nombre de ses appels – vingt-deux. « Oh », dit le futur novice, « puisque j’ai encore vingt-deux ans à vivre, pourquoi devrais-je me mortifier dans un monastère pendant tout ce temps ? Je m’en irai vivre gaiement pendant vingt ans, et il sera bien assez temps de me livrer au monastère pour les deux autres.”
Le Rossignol (Erythacus luscinia) revient tranquillement en avril, et ses notes sont d’une exquise fluidité. Ces notes, selon le poète John Milton, « entendues pour la première fois avant le chant superficiel du coucou, annoncent le succès en amour. ».
Le Rossignol est une espèce de petits passereaux qui a longtemps été classée dans la famille des Turdidae (la famille des merles) et donc au même genre que le Merle d’Amérique : les jeunes de ces deux espèces, comme divers membres des Turdidæae, ont la poitrine tachetée de la vraie Grive. Il est désormais inclus dans celle des Muscicapidae (famille des gobe-mouches).
La première des Hirondelles à apparaître est la petite Hirondelle de rivage brune (Hirundo ou Chelidon riparia) qui creuse un tunnel de sept à dix centimètres de long, généralement dans un banc de sable, dans lequel elle place son nid d’herbe et de plumes ; le tunnel est incliné vers le haut pour empêcher l’humidité d’y pénétrer, et il est réutilisé année après année. L’Hirondelle de fenêtre ou domestique (Hirundo ou Chelidon urbica) se distingue facilement de l’Hirondelle rustique (Hirundo ou Chelidon rustica) par la tache blanche sur son dos, ses parties inférieures d’un blanc pur et sa queue carrée, tandis que l’Hirondelle rustique, légèrement plus grande, n’a pas de tache, mais porte une longue queue fourchue et un collier noir au-dessus de sa gorge châtain. Partout, les Hirondelles sont des visiteuses bienvenues, et la plupart des pays européens ont une variante de cette rime :
« Les Rouge-gorges et les Troglodytes
Sont les amis de Dieu tout-puissant ;
Les Merles et les Hirondelles
Sont les savants de Dieu tout-puissant ».
tandis que
« Le Merle et le Rouge-gorge, le Martinet et l’Hirondelle,
Si vous prenez un de leurs œufs, la malchance viendra sûrement. »
Néanmoins, le folklore, sur le Continent, n’est pas flatteur pour les Hirondelles ; elles sont les seules parmi les oiseaux à jacasser et à voler comme d’habitude pendant les heures redoutables de la Crucifixion. Le récit littéraire de la mort de Jésus se déroule dans un cadre marqué par un rythme de trois heures dans l’Évangile selon Marc : Jésus est crucifié à la troisième heure (9 heures du matin), les ténèbres débutent à la sixième heure (à midi) et la mort survient à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi). C’est pourquoi elles ne doivent jamais se reposer, mais chercher leur nourriture dans des lieux déserts et désolés. De plus, une Hirondelle aurait volé la bobine de fil et les ciseaux avec lesquels la Sainte Vierge travaillait, et les a cachés, en niant le vol. C’est pourquoi, l’oiseau porterait, à jamais, la preuve de sa culpabilité, la bobine blanche sur sa poitrine et les ciseaux dans sa queue fourchue.
Le Martinet (Micropus apus) a une apparence très similaire à celle des Hirondelles, bien qu’il soit vraiment apparenté aux Colibris et aux Engoulevents. Il arrive en avril ou en mai, et repart en août. En vol, il est plus rapide que n’importe quel oiseau britannique, d’où son nom anglais de Common-Swift : “swift” pour “rapide”. Pendant qu’il vole, il effectue des virages rapides et soudains, plutôt comme une Chauve-souris que comme un oiseau. Ces caractéristiques, associées à ses ailes en forme de faucille et à son corps sombre, permettent de le distinguer des Hirondelles. Il mesure environ quinze centimètres de long et son chant est un cri aigu et court, alors que celui de l’Hirondelle est un doux gazouillis. Les Martinets ne se posent jamais sur le sol ou sur un arbre, et construisent même leurs nids dans les trous des murs, des falaises, ou sous les pentes de toits des maisons, avec de la paille et des plumes tirées de leurs ailes.
La Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), dont le chant n’a d’égal que celui du Rossignol, et la jolie petite Fauvette grisette (Sylvia rufa), arrivent en avril, cette dernière construisant son nid dans un buisson bas ou parmi les orties. Le Pipit des prés, également connu sous le nom de Pipit des bois ou jaloux (Anthus arboreus) chante joyeusement en s’élevant vers les nuages, et la Mésange à longue queue, la Linotte, le Pinson et le Tarier des prés sont occupés à tisser de l’herbe, des poils, de la mousse, etc. Le Troglodyte fait une structure en forme de dôme dans un talus ou à la racine d’un arbre, le Bouvreuil utilise des brindilles et de fines racines, le Pipit des prés, lui, construit sous une touffe d’herbe. Le Tadorne de Belon (ou Oie-renard) et le Chevalier gambette se trouvent près du rivage, le premier dans un terrier sablonneux, d’où son autre nom de Canard des terriers, le second sous une touffe d’herbe ou un arbuste bas. Le Grèbe huppé et le Grèbe castagneux placent leur nid de feuilles emmêlées presque sur l’eau, et le Râle d’eau le place sur le bord, tandis que le Cygne sauvage est déjà assis sur son « nid parmi les roseaux”. Comme tous les oiseaux aquatiques, les jeunes sont recouverts d’un duvet cotonneux et s’adaptent à leur milieu naturel avec une rapidité surprenante.
On trouve maintenant les chenilles de la Zérène du groseillier ou la Phalène mouchetée (Abraxas grossulariata), les larves reproduisant le fond blanc, tacheté de noir et de jaune, de l’insecte adulte, mais également d’autres chenilles et divers papillons de nuit, y compris l’Orthosie du cerisier, le papillon la Promise, la Noctuelle du pin, la Brèche et la Phalène hérissée, ainsi que l’Aurore et l’Azuré des nerpruns ou l’Argus à bande noire.
À présent, le Sycomore (ou Grand Erable), le Charme, le Peuplier noir et blanc, le Hêtre et le Chêne déploient leurs feuilles. Le Hêtre est couvert de chatons tombants comme de petites boules, le Chêne arbore des glands jaune-vert, le Frêne aussi déploie ses curieuses fleurs sombres, et le Mélèze est magnifique avec ses « plumets rosés ». Les graines seront dispersées au printemps prochain, mais les cônes resteront sur l’arbre pendant plusieurs années. Le Mélèze, contrairement aux autres conifères, perd ses feuilles en automne, mais il est intéressant de noter que les jeunes arbres sont partiellement à feuilles persistantes pendant leurs quatre premières années, ce qui est manifestement une survivance d’un état antérieur. La plupart des Saules, fleurissent en avril. Parmi eux, les Saules Marsault se distinguent par leurs chatons dorés, véritables trésors pour les insectes affamés, notamment les abeilles, qui stockent le miel et utilisent le pollen pour leur pain d’abeille. Comme tous les Saules, ces différentes espèces sont dioïques, ce qui signifie qu’il existe des arbres mâles et des arbres femelles, nécessitant une pollinisation des fleurs femelles par le vent ou les insectes afin que la fécondation puisse se faire. L’arbre femelle porte les chatons argentées pistillés et l’arbre mâle les chatons d’or staminés, portées dans le nord de l’Angleterre le dimanche des Rameaux (le dimanche qui précède le dimanche de Pâques dans le calendrier liturgique chrétien). Les réceptacles des graines s’allongent pour former des capsules qui s’ouvriront, et les graines, chacune enveloppée d’un duvet cotonneux, seront transportées en nuages par le vent.
“A Rome, pour le dimanche des Rameaux,
Ils portent de véritables Branches :
Les cardinaux s’inclinent avec révérence,
Et chantent de vieux Psaumes :
Ailleurs ces Psaumes sont chantés
Au milieu des branches d’Olivier :
Le Houx leur laisse une place.
Parmi les avalanches :
Les climats plus nordiques doivent se contenter
Du triste Saule.”
(Catalogue of the Vegetable Productions of the Presidency of Bombay de G.C.M. Birdwood)
L’if est, et était, un ornement ecclésiastique, ce qui explique très probablement la plantation de cet arbre, ainsi que celle du Saule, dans les cours d’église. Le Saule blanc ou de Huntingdon (Salix alba), aux feuilles duveteuses, et le Saule fragile (Salix fragilis), appelé ainsi parce que ses rameaux se cassent d’un coup sec, sont souvent étêtés ; le Saule brun de Norfolk, ou Saule-amandier (Salix triandra) est fréquemment coupé et traité comme un osier.
Dans les bois, le Sorbier torminal (Pyrus torminalis) est en fleur, à certains endroits on trouve le Poirier Sauvage, ancêtre de notre Poirier cultivée, ainsi que les Groseilliers Sauvages, Noires et Rouges, ancêtres des variétés de nos jardins. En dessous, le sol est couvert de Primevères, de Violettes, d’Anémones des bois et des délicates Clochettes de l’Oseille des bois.
“Le tapis froissé des feuilles sèches et brunes
Ne parvient pas à faire obstacle aux pieds de Jacinthe.”
Robert Bridges
La Jacinthe des bois ou Jacinthe sauvage (Scilla festalis ou nutans) était autrefois connue sous le nom de Campanule, et est ainsi appelée dans le Naturalists’ Calendar de White.
Gilbert White était un naturaliste anglais et un pasteur. En 1751, peu de temps après son ordination, White commença un journal dans lequel il nota les observations faites dans son jardin. Ce récit fut finalement publié sous la forme d’un Calendrier de la Flore et du Jardin en 1765. Nous y lisons que
« Le jour de la Saint-Georges, lorsqu’on porte du bleu.
Les campanules bleues ornent le champ. »
En revanche, la Jacinthe d’Écosse est notre Campanule à feuille ronde actuelle (Campanula rotundifolia). L’origine de l’ancienne coutume consistant à porter un manteau bleu le jour de la Saint-Georges, le 23 avril, nous est inconnue, mais il est fait allusion à cette pratique dans une vieille pièce de théâtre du nom de Ram Alley.
« Je serai chevalier,
Je porterai un manteau bleu le jour de la Saint-Georges.”
Ram Allay est la seule pièce du dramaturge irlandais David Barry, mort trop jeune semble-t-il pour avoir pu écrire autre chose et faire sa renommée.
Le jus épais et visqueux de la Jacinthe Sauvage était autrefois utilisé pour raidir le linge. Le nom a été donné en mémoire du jeune et beau Hyacinthe, tué par le jaloux Zéphyr qui détourna le lourd disque lancé par Apollon sur la tête du malheureux. Après avoir vainement tenté de le ramener à la vie, Apollon fit naître de son sang une belle fleur.
Selon une autre légende que celle de Hiacynthe, la Jacinthe est née du sang d’Ajax, compagnon d’Achille, à la suite des circonstances suivantes : mécontent que l’armure d’Achille revint à sa mort à Ulysse, Ajax voulut attaquer ses alliés. Athéna l’en empêcha : « Elle embruma l’esprit du pauvre Ajax qui se lança à l’assaut… d’un troupeau de moutons. Au matin, revenu à lui, constatant sa méprise, dépité de son comportement ridicule, Ajax ne put survivre à l’affront. Il planta son épée dans le sol et, comme Achille, s’en transperça. C’est de son sang que naquit la Jacinthe. On peut lire, dans la forme des pétales, les lettres A et I, premières lettres d’Ajax. “Ai” signifiant aussi “Hélas” (le J n’existant pas dans l’alphabet grec c’est le I Iota qui le remplace ici).
Notre espèce anglaise étant dépourvue de ces marques, elle est connue sous le nom de Hyacinthus non-scriptus, “non-inscrite”. Une autre espèce du même genre, la Scille du printemps (Scilla Verna), pousse sur les côtes et porte des grappes de fleurs bleues étoilées.
Avec les Jacinthes, nous trouverons probablement l’Orchis mâle (Orchis mascula) : c’est l’Orchis du fou dans le calendrier de White ; de sa racine tubéreuse était extrait le salep si populaire autrefois. La Primevère (Primula acaulis) du latin primus, en allusion à son apparition précoce, donne son propre nom à sa couleur, que le révérend Charles Alexander Johns, dans ses Flowers of the Field, décrit comme « un jaune pâle, ou comme les artistes le soutiennent souvent, un vert délicat ». Notons que ce Charles Alexander Johns était un botaniste et éducateur britannique du XIXe siècle, auteur d’une longue série de livres populaires sur l’histoire naturelle, dont Flowers of the Field.
Edmund Spenser, dans sa première grande œuvre poétique Shepherd’s Calendar, parle de « la primevère verte ». En admiration devant la première œuvre de Virgile, les Eclogues, Spenser a écrit cette série de pastorales au début de sa carrière. Cependant, ses modèles sont habituellement les éclogues (petits poèmes pastoraux ou champêtres) de la Renaissance de Mantuanus.
Au XVe siècle, Geoffrey Chaucer parle de la « primerolle » et John Lydgate de « the froisshe prymerollys« , mais il n’est pas certain qu’il s’agisse de la plante en question, car à une certaine époque, la Pâquerette, et plus tard la Primevère officinale, était la Fiore di prima vera, fleur du début du Printemps, contractée en « primaverola » et francisée en « Primverole« . Plus tard, le dramaturge Ben Jonson parlera de « la goutte de primevère, l’épouse du printemps », et la fleur était d’ailleurs utilisée dans les divinations amoureuses, tandis que la légende parle de Paralisos, le fils de Flora, qui se languissait et mourut lorsqu’il fut séparé d’une nymphe aimée, transformée par sa mère en Primevère. Primrose Hill, à Londres, doit son nom aux fleurs qui y poussaient autrefois.
La légende de Sir Owain dans les récits médiévaux gallois, et qui fut repris dans la légende arthurienne avec le chevalier Yvain, nous parle ici du Paradis des heureux :
“Féérique étaient ses herbes fleuries,
Rose et lilas, de diverses couleurs,
Primevère et Pervenche.”
La Violette de Rivin (Viola riviniana) se distingue de la Violette sauvage des bois (Viola silvestris) non seulement par sa couleur, mais aussi parce que la première possède de nombreuses nervures ramifiées dans la pétale inférieure, alors que la seconde n’en possède que quelques unes parallèles. Le bouton de la Violette des chiens (Viola canina ou ericetorum) est jaune, la Violette des marais (Viola palustris) est commune sur les sols tourbeux, tandis que la Violette hérissée (Viola hirta) pousse sur les sols calcaires, et nous les distingons fort bien par la différence de leurs feuilles.
Les feuilles vertes et délicates de l’Oseille des bois (Oxalis acetosella) sont si sensibles au froid qu’elles se ferment non seulement la nuit mais aussi le jour quand le temps est mauvais. Gerarde les décrit comme étant
“En forme de cœur à triples plis ; et sa racine
Rampant comme du corail perlé”.
L’oseille des bois est également connue sous le nom d’”Alleluia”, car son apparition coïncide avec le retour des chants chrétiens d’Alléluias à Pâques. Avec ces feuilles composées trifoliées en forme de cœurs, il s’agit très probablement du trèfle original cueilli par saint Patrick pour illustrer la doctrine de la Sainte Trinité. Le nom scientifique vient du grec oχύs, acide ; le célèbre sel de citron et le sel d’oseille sont d’ailleurs préparés à partir de cette plante, dont les feuilles contiennent une saveur citronnée, et qui est également très utilisée sur le continent comme salade.
A présent,
« Quand les pâquerettes pourpres et les violettes bleues,
Et la cressonnette d’un blanc argenté,
Et les fleurs de coucou de jaune vêtues,
Peignent les prairies de tons joyeux.”
William Shakespeare, Love’s Labour’s Lost, Act 5, Scene 2. Spring Song.
Cette référence bien connue aux boutons de coucou est la seule de la littérature anglaise, et l’on suppose que les fleurs visées étaient des Primevères officinales ou des Renoncules. Cependant, la Cardamine des prés est aussi largement connue sous le nom de fleur du Coucou. Son autre nom anglais était à l’origine Our Lady’s Smock (tablier), en raison de la ressemblance de ses fleurs de couleur pâle avec du linge étendu pour sécher.
Dans le Yorkshire, on dit que le printemps est arrivé quand on peut poser le pied sur neuf Pâquerettes, “ces fleurs perlées de la terre”, comme le dit Geoffrey Chaucer dans son poème La légende des bonnes femmes. Le nom scientifique, Bellis perennis, vient du latin bellus qui signifie “joli”. La plante était déjà connue à l’époque de Pline ; pour les Italiens, c’est Pratolina, la fleur des prés, ou Fiore di Primavera ; pour les Français, c’est la Marguerite, la perle ; et pour les Allemands Tausendschönchen, les milles beautés. En réalité, il y a une confusion habituelle entre la Pâquerette (Bellis perennis) et la Marguerite (Leucanthemum vulgare) car elles portent le même nom de “Daisy” en anglais. Ici, on dit que les français parlent de la Marguerite comme d’une perle car, l’origine du mot “marguerite” vient du latin “margarita”, lui même dérivé des mots “mare” et “caritas” qui peuvent signifier le “trésor de la mer”, la “marque d’amour de la mer”, et ainsi donc la “perle”.
Sidney Dobell, dans son charmant poème Chanted Calendar, après avoir comparé la Primevère à une jeune fille observant une bataille depuis une tour, et l’Anémone à une personne blessée et ébouriffée “avec des veines violettes de tristesse”, dit ceci des Pâquerettes :
“Comme l’avancée d’un spectacle sous les bannières
Tandis que la foule court sur le chemin,
Avec dix mille fleurs autour d’eux
Ils sont venus en trottinant à travers les champs.
Comme un peuple heureux vient,
Ils sont venus.
Comme un peuple heureux vient,
Quand la guerre s’est retirée,
Avec la danse et le timbale, la flûte et le tambour,
Et tous font la fête.
Puis vint la primevère,
Comme une danseuse à la foire,
Elle étend son petit tapis vert,
Et sur celui-ci, elle danse.
Avec un ruban autour de son front,
Un ruban autour de son front heureux,
Un ruban d’or autour de son front,
Et des rubis dans les cheveux.”
Ces rubis sont les “faveurs des fées” dont parle Puck, le lutin de la comédie de Shakespeare dans Songe d’une nuit d’été : le cadeau de Titania, la reine des fées. Un nom anglais pour la Primevère est “Fairy Cups”, et nous savons tous que “Lorsque les gouttes de pluie commencent à tomber, de petits visages regardent avec nostalgie à travers les brins d’herbe pour trouver une primevère amicale. En un instant, de petites formes en robe de soie grimpent le long des tiges, se précipitant chacune sous la cloche la plus proche. Puis vient une symphonie de douces voix, et celui qui écoute peut entendre, peut-être, une mélodie du pays des fées”. La Primevère officinale (Primula veris) est la Schlüsselblume allemande, la Fleur-clé qui permet d’entrer dans le Palais de la Nature, ou encore Himmelschlüsselchen, la Clé du Ciel. Les anciens herboristes considéraient cette plante comme un remède contre la paralysie et l’appelaient herba paralysis.
Comme la Primevère officinale, la Primevère des bois (Primula elatior) fait partie de la large famille des Primevères. Le lien étroit entre les deux est facilement visible si l’on sépare une de ces Primevères en deux, car les tiges des fleurs naissent toujours d’une tige commune.
L’Arum tacheté (Arum maculatum) appartient à la même famille que l’Arum blanc ou l’Arum calla, et sa spathe vert pâle, la grande bractée en forme de cornet, est reconnaissable entre toutes. À l’intérieur se trouve le spadice, l’inflorescence, en forme de massue, de couleur pourpre ou blanc jaunâtre, entouré au pied par les anthères et les capsules de graines, ces dernières produisant les anneaux de baies écarlates si visibles à l’automne. On ne sait pas si les mouches que l’on trouve si souvent à l’intérieur de la spathe sont emprisonnées uniquement à des fins de fécondation, ce qui, chez l’Arum, est très intéressant et curieux, ou si elles sont utilisées comme nourriture. Les enfants connaissent cette plante sous le nom de “Seigneurs et Dames”, les épis violets étant les Seigneurs, ceux de couleur pâle les Dames. Les feuilles, sont tachetées du sang de Jésus Christ, d’où son nom de “Fleur de la Passion” et de “Gethsémani” : dans les évangiles synoptiques, Gethsémani étant le lieu où Jésus aurait prié avant son arrestation. Ce dernier nom étant également donné à l’Orchis mâle, dont les feuilles sont marquées de la même façon. Bien que l’Arum soit très toxique, car il contient des cristaux en forme d’aiguille qui protègent efficacement ses feuilles du bétail, une sorte de farine était autrefois préparée à partir de la racine.
Il ne nous reste plus qu’à mentionner brièvement les autres fleurs d’avril : la Stellaire holostée (Stella holostea), également connue sous le nom de Fleur de Satin et de Viande Additionnelle ; l’Alliaire officinale (Sisymbrum alliaria) aux fleurs blanches en grappes, aux feuilles en forme de cœur et aux grandes dents, et à la forte odeur d’ail ; la Fraise des bois ou Fraise sauvage (Fragaria vesca), la Renoncule à tête d’or (Ranunculus auricomus), le Lamier jaune ou Ortie jaune (Lamium galeobdolon) appelée aussi Archange et, plus prosaïquement, Museau de belette ; la petite Moscatelline (Adoxa Moschatellina), la Saxifrage à trois doigts ou Saxifrage tridactyle (Saxifraga tridactylites) et La Saxifrage granulée ou Saxifrage à bulbilles (Saxifraga granulata), la Mercuriale vivace ou Chou de chien (Mercurialis perennis), le Jonc des bois (Junicoides silvaticum) et le Jonc velu à larges feuilles (Junicoides pilosum), le Cerfeuil sauvage ou commun (Anthriscus Lepidium hirtum), la Vesce commune (Vicia sativa) et le Géranium Herbe à Robert, le Géranium luisant et le Géranium mou (Geranium robertianum, G. lucidum et G. molle), les différentes Véroniques dont la Véronique officinale (Veronica officinalis) connue sous les noms d’Oeil d’ange, de Véronique bleue, d’Oeil d’oiseau ou de chat, est l’une des plus familières. Le genre, dont il existe dix-neuf espèces britanniques, est facilement reconnaissable au fait que la plus basse des quatre pétales est plus étroite que les trois autres. Comme la Primevère et l’Anémone, la Petite Véronique est une fleur des fées.
Le Céraiste commun (Cerastium triviale) se distingue du Céraiste aggloméré (Cerastium glomeratum) par ses tiges éparses et ses grappes de fleurs aux tiges allongées, le Céraiste aggloméré ayant des tiges dressées et des fleurs à tige courte. Les tiges des fleurs du Myosotis versicolor (Myosotis vericolor) et du Myosotis hérissé (Myosotis collina) s’enroulent en serpentant jusqu’à l’ouverture de la fleur. Ces deux espèces appartiennent au genre Myosotis, la première portant des fleurs jaune pâle qui deviennent ensuite bleues, la seconde, plus petite, des fleurs d’un bleu éclatant. Nous pouvons, à présent, trouver les clochettes cireuses et roses du Myrtillier commun (Vaccinium myrtillus) et les fleurs brun-pourpre de la Camarine noire (Empetrum nigrum) et, dans les champs de maïs, la Queue de souris (Myosurus minimus), cette petite plante est facilement reconnaissable à la ressemblance de son épi vertical de fleurs jaune pâle avec la queue d’une souris. Le Gratteron fleuri (Sherardia arvensis) pousse sur les terrains cultivés, et le Maceron (Symrnium olusatrum) sur les terrains vagues. La Giroflée des murailles (Cheiranthus cheiri) a été naturalisée sur les vieux murs dans le sud de l’Angleterre ; la Scrofulaire printanière (Scrophularia vernalis) est également une plante locale ; de même que le Buis commun (Buxus sempervirens) que l’on trouve sur les collines calcaires et qui est probablement indigène.
Parmi les fleurs peu communes et rares, citons la Cardamine amère (Cardamine amara), la Potentille printanière (Potentilla verna), la Gentiane printanière (Gentiana verna) – sur les roches calcaires humides ; l’Holostée en ombelle (Holosteum umbellatum) – sur les murs anciens, la Pulmonaire à feuilles étroites ou Coucou bleu (Pulmonaira angustifolia) – dans les bois. La pulmonaire officinale (Pulmonaira officinalis) est parfois trouvée comme une échappée des jardins. La Drave des murs pousse sur les collines calcaires, la Saxifrage à feuilles opposées (Saxifraga oppositifolia) sur les rochers, le Groseillier des Alpes (Ribes alpinum), comme les deux autres espèces, dans les forêts, tandis que la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) trouve son habitat dans les prairies humides. La Vesce printanière (Vicia lathyroides) et la Téesdalie à tige nue (Teesdalia nudicaulis), les seules espèces britanniques qui préfèrent une situation sèche, et la Tulipe sauvage (Tulipa sylvestris) se trouve occasionnellement dans les puits de craie, l’Ophrys araignée (Pophrys aranifera) sur un sol calcaire, et la Luzerne polymorphe (Medicago denticulata) sur un sol sableux. La Cardamine bulbifère (Cardamine bulbifera) pousse dans les endroits ombragés, et la Valerianella carinata se trouve parfois sur les berges, mais elle n’est pas indigène.
Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman, Relecture Maeva Dauplay)