Note de Charlotte Mason France : En 1910, le Manuel général de l’instruction primaire publie quelques mots sur Charlotte Mason et son Union des parents ; ceci témoigne du rayonnement de cette pédagogie jusque dans la sphère éducative française.

Texte publié le 30 avril 1910 dans le Manuel général de l’instruction primaire

En Angleterre.

Comment apprendre à penser aux enfants.

On leur fournit trop souvent des jugements tout faits, dit Miss Ch. Mason à l’Union nationale pédagogique des parents ; on intervient ainsi dans le développement de leur pensée indépendante. L’enfant s’aperçoit vite qu’il y a une mode pour penser, il la suit et s’évite ainsi la peine de réfléchir ; il devient plutôt un type qu’une personne.

Miss Mason propose de renoncer en partie à exposer longuement des leçons ; elle recommande plutôt de donner à l’enfant des premières classes de très bons livres et de le laisser réfléchir le plus possible en face des choses elles-mêmes. Les très bons livres le feront entrer en contact avec la pensée vivante des grands écrivains et, dit-elle, la pensée engendre la pensée. 

Union nationale pour la lecture à la maison.

Cette société s’est réunie le 30 novembre dernier, dans la grande salle de l’Institut technique de Westminster.

Un des orateurs constate que l’œuvre réussit très bien à Londres, que le Bureau d’éducation attache beaucoup d’importance à ce que les enfants puissent avoir des livres à lire en leur particulier après qu’ils ont quitté l’école.

Un autre dit que, par ce temps de mauvaise littérature, nul n’échappe au devoir de procurer de bons livres aux élèves des écoles. Les enfants ont besoin d’être dirigés dans leurs lectures et ils aiment mieux l’être par un camarade que par un maître. L’Union y pourvoit.

Un autre affirme que l’éducation, à la bien considérer, ne doit pas tant préparer les élèves à travailler qu’à bien employer leurs loisirs. Ses élèves forment des sociétés littéraires qui s’occupent à lire des pièces de Shakespeare dans lesquelles tous ont un rôle à jouer.

Un autre professeur remarque qu’il est si facile de se procurer de bons livres qu’on ne les apprécie plus et il lui paraît nécessaire d’engager les enfants à acquérir une petite bibliothèque par leurs propres moyens, car on ne peut faire naitre le goût littéraire que si chaque enfant fait quelque effort individuel qui l’attache à la littérature. Peu d’enfants sont capables de lire un livre deux fois et cependant lire un livre deux ou trois fois est la marque que l’on prend goût à la littérature.

D’autre part, l’Union, en se fondant, prévoyait que les livres prêtés seraient lus à la maison. Mais comment lire dans des maisons bruyantes et mal tenues comme trop d’enfants en habitent ? II reste beaucoup à faire, entre autres à installer des salles pour enfants dans les bibliothèques et dans les écoles du soir où ils puissent lire seuls.

Une dame professeur dit qu’aucune école n’a vraiment accompli sa tâche si elle n’a pas donné aux enfants le moyen et la volonté de lire un grand écrivain.

Un autre raconte ce qu’il fait dans sa classe du soir : on lit une pièce de Shakespeare, chacun prenant un rôle. Probablement cette pièce n’a jamais été plus massacrée, mais, malgré tout, elle procure à tous une réelle jouissance. Il lit aussi Dickens avec grand succès et les contes de Shakespeare, de Ch. Lamb.

Tous les mois, on passe une demi-heure à lire une revue et le maître encourage ses élèves à s’abonner individuellement à la bibliothèque locale. 

Il semble que cette Union nationale pour la lecture à la maison fasse acquérir ainsi une précieuse habitude aux enfants.

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Découverte de l’article et transcription : Olivia Fidji.