Note de l’éditeur de Charlotte Mason Poetry, Art Middlekauff : En 1902, George F. Husband quitte Stockton-on-Tees pour aller travailler dans le système scolaire de la ville voisine de Middlesbrough. Il y est nommé directeur d’une école élémentaire. Mais cette école n’est pas une école élémentaire ordinaire. C’est une école « où les enfants viennent des quartiers les plus pauvres et défavorisés, habitués au mal et ne connaissant pas ou n’espérant pas des choses meilleures ». Et là, il travaille dur. Jusqu’à ce qu’il découvre un livre vert à reliure rigide. Il écrit :

« Je n’avais aucune expérience et je n’avais pas encore pénétré dans une école de la P.N.E.U. ni vu aucun travail de la P.N.E.U. autre que le mien. Je ne connaissais que les livres de Charlotte Mason et je sentais au plus profond de moi-même qu’ils étaient vrais […]. »

Il appliqua avec soin les principes et les pratiques qu’il avait tirés des livres de Mason. Il embrassa la philosophie et mit en place les différents programmes. Ce qui se passa ensuite n’est rien moins qu’extraordinaire. Le 2 janvier 1924, lors de la réunion annuelle de la PNEU à Londres, Husband « décrivit la transformation opérée par l’introduction des méthodes de Miss Mason… »Cet article [que nous vous présentons] fut publié dans le magazine The Parents’ Review du mois suivant. Husband y décrit « les méthodes pédagogiques de Charlotte Mason », qu’il mit en œuvre à titre d’ « expérience ». Cette expérience se déroula à l’école pour garçons de Lower East Street, le dernier endroit où l’on s’attendrait à trouver un éveil au contact de la connaissance.

Par G. F. Husband
The Parents’ Review, 1924, pp. 94-102

L’éducation est l’affaire de tous, élèves, enseignants, parents, contribuables, et notre profession est très souvent assaillie par de nouvelles idées. « Les programmes vont et viennent, mais les écoles demeurent en place pour toujours. » Nous n’avons jamais eu de système parfait et nous n’en aurons jamais, car plus nous avançons, plus nous voyons qu’il y a encore du chemin à faire. Qui plus est, « beaucoup d’hommes, beaucoup d’esprits ». Deux personnes aussi compétentes et sérieuses l’une que l’autre peuvent arriver à des conclusions diamétralement opposées sur le même sujet.

Un tailleur coupe un costume, un menuisier façonne une porte. Ils découvrent immédiatement si une nouvelle méthode est efficace ou non. Les enseignants doivent attendre des mois, voire des années, pour tester une nouvelle idée et en connaître les résultats.

Certains enseignants se laissent emporter par chaque petit changement de vent. C’est stupide et cela ne sert pas à grand-chose. D’autres refusent de considérer quoi que ce soit de nouveau. Il s’agit très souvent de la stupidité autosuffisante d’un esprit fermé. Quelle qu’en soit la cause, cette attitude est tout à fait erronée, car il est de notre devoir d’examiner toutes les innovations et de les adopter ou de les adapter en fonction de nos besoins.

D’autre part, il y a ceux qui, après avoir jeté un coup d’œil rapide, portent un jugement très catégorique. C’est malhonnête. Nous ne devrions pas exprimer d’opinions définitives sur des sujets que nous ne connaissons que peu ou pas du tout. Il faut aussi se rappeler que ce que nous disons ou pensons d’un fait ne change rien au fait lui-même : chaque fois que nous portons un jugement sur un grand mouvement, c’est aussi un jugement sur nous-mêmes. Je pense à un professeur qui, après avoir posé quelques questions, a déclaré : « Oh ! je n’adopterai pas la méthode de Miss Mason : elle ne laisse rien à l’enseignant.« 

Cela fait sourire ceux qui connaissent la méthode. Ce que le professeur a dit en réalité, c’est ceci : « Devant ma classe, je suis ‘le grand Je suis’ et Miss Mason ne me détrônera pas. »1

Nos écoles primaires ont fait l’objet de nombreuses critiques ces derniers temps, critiques que je considère comme insensées parce que l’on tente de mesurer quelque chose d’à peine pondérable, et pire encore, on tente de le mesurer à l’aide d’un mauvais étalon. Nous savons tous quelle révolution s’est produite dans le monde de l’école primaire au cours de la dernière décennie et pourtant, des critiques s’élèvent constamment pour tenter de mesurer le produit moderne à la lueur de l’étalon de l’époque victorienne intermédiaire [1850-1870] de leur propre enfance !

Comment pouvons-nous juger de l’efficacité d’une école ? Je reçois de nombreux visiteurs dans mon école depuis que j’ai adopté le programme de la P.N.E.U. et je suis toujours intéressé par leur attitude. Je demande à chacun de mes lecteurs, si vous visitiez une école,

Comment jugeriez-vous l’école ? 

Que rechercheriez-vous ?

Regarderiez-vous si la qualité de l’écriture est aussi bonne que la vôtre ? ou le travail manuel ? ou la couture ? ou le dessin ? ou l’orthographe ? (on me pose toujours des questions sur l’orthographe). Souhaiteriez-vous lire des compositions pour voir si elles sont aussi originales que les vôtres ? 

Comment jugeriez-vous de cette école ?

Les disciplines que j’ai énumérées sont importantes, mais la réussite dans ces matières est relative et dépend de nombreux facteurs. Sans aucunement en minimiser l’importance, je considère que les aspects suivants sont plus importants. Je ne les classe pas par ordre de mérite : ils se chevauchent et sont interdépendants.

Premièrement : les enfants sont-ils LIBRES ? ou l’enseignant est-il une force motrice dominante ? Les enfants travaillent-ils par eux-mêmes ? Nous entendons beaucoup les enseignants parler de « Child Study » (étude par l’enfant). Avez-vous déjà réfléchi à la quantité de “Teacher Study” (étude par l’enseignant) imposée à l’enfant ? Certains enseignants dominent les moindres pensées et actions de leurs élèves. Pour l’enfant, le travail devrait être plus important que l’enseignant, qui devrait être la personne la moins visible de la classe. Je viserais donc, pour les enfants, le travail heureux et enthousiaste, sans contrainte ni peur de la punition. C’est l’objectif de tous les programmes et projets qui attirent l’attention du monde de l’enseignement. Si vous y parvenez, le niveau de réussite sera aussi élevé que possible dans votre école.

Deuxièmement : les enfants sont-ils sous la coupe de l’enseignant ? Dépendent-ils de lui pour obtenir des informations ou apprennent-ils à se débrouiller en puisant dans les trésors d’or qui les entourent ? Car après tout, lorsqu’un enfant quitte l’école, il ne fait que commencer son éducation. Il a des années et des années devant lui pour s’éduquer lui-même. Les grands maîtres du monde ne sont pas des maîtres et des maîtresses d’école. Ce sont les auteurs de livres, les poètes, les dramaturges, les scientifiques, les peintres, les sculpteurs et les musiciens. M. Wood, le président du Conseil de l’éducation, dans une lettre adressée au comité d’exposition de la Semaine de l’éducation de Nottingham, a déclaré : « Rien ne peut rendre visible l’invisibilité ou le véritable travail d’une école, la formation de l’esprit et du caractère. Nous ne pouvons pas placer l’éducation sur une balance pour la vendre ou la donner et nous estimer satisfaits d’en avoir eu pour notre argent, car l’éducation est un bien impondérable… À l’enfant, je dirais : continuez à lire jusqu’à ce que vous puissiez lire avec une telle facilité que les livres qui semblent difficiles à d’autres vous paraissent faciles. Vous serez alors à la frontière de l’éducation et prêt à entamer la quête de toute une vie, celle de vous éduquer vous-même.”

Les enfants apprennent-ils à s’informer eux-mêmes en lisant des livres ? Le font-ils tous les jours, de toutes les manières, dans toutes les matières, ou sont-ils dirigés par l’enseignant ?

Troisièmement, reçoivent-ils des idées vitales sur tous les aspects de la vie, toutes les branches de la connaissance, tous les sujets de pensée ? Une fois sortis de l’école, les enfants commencent-ils à apprécier la bonne littérature, la bonne musique, les bonnes œuvres artistiques ? Commencent-ils à comprendre leurs devoirs de citoyens ? Pourront-ils, avec un peu plus d’expérience, « regarder la vie en face et la voir dans son ensemble » ? Et surtout, auront-ils l’esprit alerte, actif, prêt à saisir et à assimiler l’essentiel de leur travail quotidien ?

Quand une impulsion est donnée dans ces directions dans toute l’école, alors l’école est efficace. Dans une école P.U.S., on y parvient en combinant 

(a) les méthodes de Charlotte Mason 

(b) un programme de travail. 

Examinons-les séparément.

On m’a récemment demandé : « Qui est Charlotte Mason ?” 

Charlotte Mason est décédée au début de l’année dernière à l’âge de 81 ans. À une époque, elle était maîtresse d’école primaire à Worthing. Plus tard, elle fut directrice des méthodes et conférencière en physiologie au Chichester Training College. Si vous n’avez lu aucun de ses livres, je vous recommande vivement School Education, Home Education et une brochure intitulée A Liberal Education for all. Chaque fois que son nom est mentionné, je me sens obligé de réfréner mon enthousiasme, de peur de donner l’impression d’exagérer grossièrement ; mais j’ai le sentiment qu’elle sera un jour considérée comme une figure gigantesque parmi les réformateurs de l’éducation, non seulement de notre époque, mais de tous les temps. 

Elle a constaté que les enfants ont des capacités d’attention et d’observation illimitées, et que nous tuons constamment ces capacités. 

Comment ? 

En leur posant des questions et en répétant.

“L’attention cessera de se manifester si nous l’habituons à la béquille. Nous pensons qu’en parlant beaucoup, nous serons entendus. Nous répétons et nous imposons, nous expliquons et nous illustrons, parce que nous déprécions les enfants et le savoir. Notre erreur fatale est de penser que nous devons nous comporter en showman pour montrer l’univers à l’enfant et qu’il n’y a pas d’autre forme de communion entre lui et l’univers que celle que nous choisissons de mettre en place.”2

Le message que Miss Mason vous adresse est le suivant : « Ayez foi en l’enfant, faites-lui confiance et vous serez surpris par son courage. »  

Elle a découvert beaucoup de choses sur la façon dont l’esprit se comporte. Voici l’une d’entre elles :

L’esprit n’accorde jamais toute son attention à ce qu’il a l’occasion de relire ou d’entendre à nouveau. C’est une ruse de l’esprit, et vous ne pouvez pas la contrôler. Il n’est pas possible d’obliger l’esprit à accorder toute son attention. Supposons que vous souffriez beaucoup, que vous soyez même en train de mourir, et qu’un grand médecin vous dise : « Si vous suivez ces instructions (en montrant une carte), votre douleur disparaîtra et vous vivrez. » Supposons que je prenne la carte et que je dise : « Vous avez une minute pour lire ceci, puis je la détruirai.” Votre esprit porterait immédiatement toute son attention sur ces détails. Et que feriez-vous ensuite ? Vous vous remémoreriez immédiatement ces instructions dans votre esprit. J’imagine vos lèvres bouger.

Eh bien, vous avez là notre méthode en quelques mots :

(1) Forcer l’esprit à accorder toute son attention en ne permettant qu’une seule lecture ou un seul récit. 

(2) Donnez-lui la possibilité de faire ce qu’il veut vraiment – raconter. Si vous ne le faites pas, vous obtiendrez des faits non digérés, une indigestion mentale, et cet ennui et cette aversion pour l’école qui se manifestent si souvent chez les enfants d’environ 14 ans.

Cette narration n’est pas une simple régurgitation de faits. Il faut raconter avant de savoir. C’est un fait psychologique qu’il n’y a

“Pas d’Impression Sans Expression”3

Il est très facile de dire cela : il est si difficile d’en transmettre tout le sens. Bien utilisée, la narration « est un processus créatif magique, comme un sculpteur qui conçoit une frise et la travaille en bas-relief sur son bloc. »

Le « Dis-moi ce que tu as lu » cède vite la place à des tâches concrètes où l’enfant doit généraliser, déduire, juger, visualiser, discriminer, faire travailler son esprit d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas de limite. Je pourrais donner à l’adulte le plus capable ici une tâche qui le ferait réfléchir à partir de la plus simple des comptines. 

Nous devons faire travailler l’enfant avec son esprit. Avant qu’il ne puisse le faire, son esprit doit être nourri. « La connaissance est à l’esprit ce que la nourriture est au corps : sans elle, l’un s’affaiblit et languit, et finit par périr aussi sûrement que l’autre.”4

Comment transmettre la connaissance ? Par l’enseignement oral ? 

“Les leçons orales ne sont souvent que des balivernes et, dans le meilleur des cas, elles sont bien inférieures au traitement ordonné du même sujet par un esprit original dans le bon livre. Y a-t-il quelqu’un ici qui soit assez arrogant pour croire qu’il peut enseigner toutes les matières d’un programme complet avec la même pensée originale et les mêmes connaissances exactes qu’un homme qui a écrit un livre portant sur un sujet auquel il a consacré sa vie ? La masse de connaissances qui stimule une imagination vive et un jugement sain, acquise en un trimestre à partir des livres appropriés, est beaucoup plus grande, beaucoup plus vivante, que si les enfants avaient écouté les paroles de l’enseignant le plus efficace.”

J’ai récemment visité une école dans une ville voisine. Elle était considérée comme la meilleure école de la ville. J’ai écouté un cours donné par le directeur de l’école, qui avait une personnalité tout à fait charmante et qui était un enseignant enthousiaste. C’était le genre de leçon dont j’avais l’habitude de me délecter – questionner les enfants pour les faire entrer dans un labyrinthe de doutes, puis les faire sortir de ce labyrinthe : distribuer les parcelles de connaissance lorsque l’esprit était prêt à les recevoir. Le professeur s’est amusé, les enfants se sont amusés, et de nombreux rires chaleureux ont été entendus.

La leçon a duré près d’une heure : mais un enfant sachant lire aurait pu acquérir bien plus d’informations en moins de deux minutes, avec le bon livre.Le bon livre, notez-le. Il y a les livres et il y a les manuels. « Les manuels sont généralement comprimés et recomprimés à partir d’un ou de plusieurs livres plus importants. Les uns sont arides et inintéressants et énumèrent des détails, les autres sont simples et attrayants. Aucun des deux n’a de valeur éducative »5, et c’est pour cela que nous les évitons au sein de la P.U.S. L’un des principaux avantages de devenir membre de la P.U.S. est que, d’un trimestre à l’autre, nous découvrons les bons livres au bon moment. Un programme est élaboré pour chaque trimestre. À la fin du trimestre, des questions sont posées sur le travail effectué au cours du trimestre. Une série complète des réponses de chaque classe est envoyée à Ambleside. Elles sont notées et critiquées. Elles sont ensuite renvoyées et contribuent à évaluer le travail de tous les élèves. Le programme actuel est le 97e, ce qui signifie que la sélection des livres, l’élaboration des questions et la critique des travaux se poursuivent depuis plus de trente-deux ans – il est donc évident qu’il s’agit d’un programme qui a fait ses preuves.

Examinons le travail que les classes VI et VII viennent d’achever. Les matières étudiées sont les suivantes : 

  • leçons bibliques, 
  • écriture, 
  • dictée, 
  • composition, 
  • grammaire anglaise,
  • littérature, 
  • histoire anglaise, 
  • histoire générale, 
  • citoyenneté, 
  • géographie, 
  • histoire naturelle et botanique,
  • sciences générales, 
  • arithmétique, géométrie, algèbre, 
  • allemand, italien, latin, français, 
  • dessin, 
  • récitation, 
  • lecture, 
  • appréciation de la musique, 
  • chant, 
  • formation physique, 
  • artisanat. 

Je n’ai la place de couvrir qu’une ou deux matières. Chaque matière du programme est traitée avec la même profondeur. 

  • LittératureThe History of English Literature for Boys and Girls [Histoire de la littérature anglaise pour garçons et filles] par H.E. Marshall. Songe d’une nuit d’été de Shakespeare ; Westward Ho ! de Kingsley ; An Anthology of English Lyrics, Don Quixote.

Prenons le premier livre. Je ne crois pas aux livres sur les livres, mais celui-ci constitue une exception flagrante. Il nous fait franchir la « Porte magique » et nous ouvre l’appétit à un point tel que seul un repas copieux tiré des livres originaux peut nous rassasier. Ce trimestre, nous y découvrons des œuvres de Spencer : la Faery Queen, About the First Theatres, Shakespeare, et Jonson. De Raleigh, nous lisons The Revenge et The History of the World ainsi que la New Atlantis de Bacon.

Remarquez l’imbrication avec le programme d’histoire. Dans la mesure du possible, tous les sujets sont liés de cette manière, chacun éclairant l’autre.

  • Histoire de l’Angleterre : A History of England d’Arnold Forster.
  • Histoire générale : « The Story of Mankind [L’histoire de l’humanité] de H. van Loon. The British Museum for Children [Le British Museum pour les enfants], par Frances Epps. Stories from Indian History [Récits de l’histoire de l’Inde]. 

The Story of Mankind se passe d’explications. On voit tout de suite comment ce livre élargit les perspectives, comment il révèle aux enfants qu’une grande partie de ce qu’ils connaissent de l’histoire anglaise n’est qu’une partie des grands mouvements qui ont balayé l’Europe.

Je traduis Le British Museum montré aux enfants par Le musée local montré aux enfants.

  • Citoyenneté : Ourselves, de Charlotte Mason. La Vie d’Aristide, de Plutarque, traduite par North, The Golden Fleece (La Toison d’Or) de L. S. Woods. 

Ourselves – le seul manuel de psychologie pratique pour les enfants. Examinez le chapitre XVI. Quelques causes du mensonge : les mensonges malveillants, les mensonges lâches, la fausseté de la réserve, les mensonges de vantardise, les mensonges de romance, les mensonges au nom de l’amitié. Ces sujets sont abordés de manière simple et directe. Les enfants en débattent en relation avec tous les incidents survenus dans leurs livres ou leur propre expérience.

La tendance au mensonge est vite maîtrisée chez un garçon qui doit se présenter devant une classe qui peut analyser ses motivations froidement et justement.

Plutarque : C’est la plus grande surprise que j’ai eue. Je voudrais rappeler ici qu’avant d’adopter le programme de la P.N.E.U., je n’avais aucune expérience, je n’étais jamais allé dans une école de la P.N.E.U. et je n’avais jamais vu de travail de la P.N.E.U. autre que le mien. Je n’avais lu que les livres de Charlotte Mason et je savais au fond de moi qu’ils étaient vrais : mais quand j’ai vu Plutarque dans le programme, j’ai pensé que c’était un peu irréaliste. Je ne le connaissais que sous la forme d’extraits secs dans les éditions annotées de Shakespeare. C’est l’un des livres que nous lisons aux garçons, et c’est certainement l’un des plus populaires, car il est rempli d’incidents et de détails émouvants pour lesquels les enfants trouvent des parallèles dans leur propre vie.

Je n’ai pas l’intention d’aborder d’autres sujets. Vous verrez dans le programme qu’ils sont traités dans le même esprit de générosité et que nous fournissons « une éducation libérale pour tous ».

J’ai montré le programme de travail à un très vieil ami de plus de soixante-dix ans. C’est un érudit et il connaît les livres. Il a parcouru les programmes d’une école complète, en suivant chaque matière tout au long des années, très méthodiquement et très soigneusement, puis, après plusieurs minutes de rêverie, il a murmuré : « Quel banquet ! Quel banquet ! »

La narration oblige l’enseignant à aller au fond de l’esprit de l’enfant. Combinée à une discussion mutuelle sur un large éventail de sujets, elle engendre la compréhension. La compréhension engendre la confiance et l’amour, et tout besoin de châtiment corporel et de contrainte disparaît progressivement. L’autre jour, une enseignante qui avait auparavant enseigné à l’école a téléphoné. Elle s’est immédiatement exclamée : « Comme tout le monde est heureux ! »

« Vous voulez dire les enfants ?” lui ai-je répondu.

« Oui, dit-elle, et les enseignants !”

Cette remarque ne se voulait pas un compliment sur le travail, mais c’était en réalité l’un des meilleurs que j’aie reçus, car les enfants ne sont heureux que lorsqu’ils progressent. Je n’ai fait aucun commentaire, car je crains tellement les éloges conventionnels que je m’abstiens soigneusement de surenchérir sur la moindre remarque.

Je m’abstiens également de suggérer aux visiteurs dans quelles directions le programme est efficace. On ne peut parler de résultat que lorsqu’il se révèle de lui-même à l’observateur le moins avisé. La directrice de l’enseignement de l’un de nos collèges de formation du Nord a visité mon école l’année dernière. Elle avait auparavant visité une petite école de la P.N.E.U. dans le Gloucestershire. J’ai été particulièrement heureux d’apprendre par la suite – cela n’avait pas été mentionné au moment de la visite – que dans les deux écoles, elle avait trouvé le même esprit généreux et la même fraîcheur chez les enseignants. Dans mon école en particulier, elle avait remarqué que, bien que beaucoup d’enfants soient de type délinquant et criminel, chacun d’entre eux avait confiance en lui et un certain respect de soi. Elle a également décrit notre méthode pour conduire la prière et a déclaré qu’elle n’avait jamais ressenti une atmosphère aussi respectueuse, pas même à l’église.

C’est ce que le programme a fait dans l’une des plus anciennes écoles de Middlesbrough, avec certains de ses enfants les plus pauvres et les plus défavorisés.

Sachant à quel point l’inspecteur est un croquemitaine pour la plupart des enseignants du primaire, je conclurai en citant les remarques de M. H. M. Richards lorsqu’il a présidé la séance du mardi après-midi de la 25e conférence annuelle :

“Nous sommes ici cet après-midi pour entendre l’éminent directeur d’une grande école publique lire un article écrit par quelqu’un qui croyait en l’étude respectueuse des grandes pensées exprimées dans un grand langage, l’esprit même de cette Renaissance dont nos grandes écoles ont tiré leur impulsion et leur inspiration. Il peut sembler étrange que le directeur de Westminster, l’un des chefs de file d’une grande profession, devienne le disciple volontaire de quelqu’un qui n’était pas du tout un enseignant professionnel. La raison en est, je pense, que Miss Mason a vu, avec sa tête et son cœur, certaines des vérités évidentes que nous, professionnels, sommes souvent si lents à voir. La vérité qu’elle a vue est simplement celle-ci : tout ce qui est grand et beau dans la littérature, l’art, la musique et la nature peut attirer non seulement les riches, mais aussi les plus pauvres de nos concitoyens. Cela semble si facile à dire, mais il a fallu beaucoup de courage et de foi pour le faire, et je voudrais, au nom du Conseil de l’Éducation, reconnaître publiquement la dette que nous avons tous envers Miss Mason, qui, par son courage et sa foi, a donné aux écoles les plus pauvres du pays et aux enfants les plus démunis l’occasion de voir, de sentir et de croire en la beauté et en la vérité. Rares sont les personnes qui peuvent laisser une œuvre et un message aussi importants que ceux de Miss Mason. Pour ces personnes, la mort n’a pas d’aiguillon, et la tombe n’est qu’une porte vers de nouvelles réalisations.”

Discours prononcé devant l’association des directeurs d’école de Middlesbrough.

Notes :

1 Possible référence au Dieu de la Bible qui se présente à Moïse comme Celui qui est, le Je suis dans le livre de l’exode, chapitre 3, verset 14. Jésus se donne également ce titre dans Jean 8: 58.
2 Mason, C. Vol. 6, A Philosophy of Education, p. 258
3 Citation de William James (1842 – 1920) : philosophe et psychologue américain. La citation complète est : « Pas de réception sans réaction, pas d’impression sans expression ».
4 Mason, C. Vol. 6, A Philosophy of Education, p. 258
5 Mason, C. Vol. 3, School Education

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction ©2024 Fannie Poulin. Relecture : Sylvie Dugauquier)

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