Par A.
The Parents’ Review, Vol. 12, N°12, 1901, p. 958-960

La facilité, non pas l’effort, est signe de force. Le dernier mot en science, comme en mécanique, va généralement dans le sens de la simplicité. Il en est de même dans l’expérience de la vie, qui enseigne à avoir de plus en plus de respect pour les choses simples et facilement réalisables. C’est particulièrement le cas des considérations liées à la santé. Des matières élémentaires telles que l’air frais et l’eau pure, la chaleur, les vêtements appropriés et les variations de régime, en viennent progressivement à prendre une position de toute première importance. Dans toute la gamme des remèdes simples, il n’y a probablement pas plus efficace, et plus généralement négligé, que le sujet de cet article. Il est probable qu’aucune prescription ne conduirait davantage à la bonne santé de la femme moyenne de la classe moyenne, que la simple formule « Reposez-vous quand vous êtes fatiguée ». Il serait encore plus précieux s’il était libellé « Reposez-vous avant d’être trop fatiguée », et l’application pratique d’une telle formule indiquerait généralement une sorte de repos au milieu de la journée. Pourtant, il n’y a rien que la femme moyenne trouve aussi difficile. Bien sûr, il y a des milliers de filles et de femmes en pleine forme, qui peuvent monter à cheval, jouer au golf et jouer au tennis du matin au soir, sans signe de fatigue. Elles ne sont jamais fatiguées et n’ont donc pas besoin de ce repos. Mais il y a des dizaines de milliers de femmes, qui ne sont probablement qu’un peu en dessous de la moyenne en terme de vigueur, mais qui passent pourtant la moitié de leur temps à se sentir « fatiguées ou en dessous de la normale », languissantes de corps et d’esprit, épuisées, et peut-être même irritables d’esprit ; et c’est pour celles-ci, qu’un court repos au milieu de la journée, serait une si grande et surprenante bénédiction. Celles qui l’ont essayé savent à quel point sa valeur est inestimable dans la restauration de la tonicité et de la vigueur. Mais quand on prétend le suggérer à ses amies, qui sont visiblement dans un état continuellement excédé, la réponse est presque invariablement : « Me reposer au milieu de la journée ! Oh, je ne peux pas perdre le temps de me reposer », réponse souvent délivrée sur un ton de vertu consciente et supérieure.

Deux questions se posent immédiatement, et bien qu’elles doivent être supprimées dans les relations privées, je peux les poser ici :

Quelle est la nature si inestimable du travail effectué au cours de chaque demi-heure de la journée, pour que l’une d’elles ne puisse pas être mieux dépensée, dans le but de restaurer les forces avec lesquelles ce travail doit être effectué ?

Quelle est la valeur comparative du travail effectué avec un cerveau fatigué et un cerveau frais ?

Si nous nous posons sincèrement ces questions, la réponse honnête sera assez évidente.

La vraie vérité, pour la plupart d’entre nous, est qu’il faut un peu plus de résolution et beaucoup plus de méthode que nous n’en possédons, pour organiser et mener à bien le travail de la journée, tout en garantissant ce temps de repos au milieu de celle-ci, et nous nous empêchons en plus de le faire, sous couvert d’égoïsme. Il serait bon de se rendre compte, une fois pour toutes, que dans le cas des familles et des ménages, rien n’a autant de valeur que l’efficacité générale du chef. De plus, une très légère augmentation de l’efficacité générale conduit plus certainement au confort de chacun, que les efforts constants d’une personne épuisée de satisfaire.

Nous, maîtresses de maison, sommes pour la plupart amenées à penser que tout s’effondrerait si nous cessions de traîner partout et tout le temps, de manière plus ou moins efficace ; mais je rappelle l’exemple d’un général distingué, maintenant en service en Afrique du Sud, qui disait qu’il ordonnait si bien son poste qu’il pouvait le quitter pendant un mois sans que rien n’en souffre. Et j’ose dire que le moment où nous sentons le plus que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les choses se faire seules, est exactement le moment où nous sommes le moins capables de les gérer. Beaucoup de femmes s’effondrent complètement avec un mal de tête à cinq heures, parce qu’elle tenait à ne rien faire de particulier pendant la demi-heure qui l’aurait sauvée à deux heures.

Peu de gens accuseraient Napoléon Ier de perdre du temps ou de manquer d’énergie, et pourtant il passait rarement une journée sans prendre dix minutes de sommeil. Et le pouvoir d’obtenir cette forme absolue de repos, que nous appelons le sommeil, relève bien plus du pouvoir de la volonté et de l’habitude que nous ne sommes disposés à le penser.

S’il est important d’utiliser la pensée pour se reposer; que faut-il de plus pour se l’offrir ! Il est juste de se rappeler que le repos, pendant la journée, n’est possible que grâce à la coopération cordiale du reste de la famille. Une requête récurrente à « juste faire ceci ou cela avant de partir », ou même une longue séance de sport, mettront bientôt un terme à tout cela, et au contraire, insister sur le fait que le reste devrait être accepté comme une règle prompt et strict, en saison et hors saison, est presque aussi mauvais.

On pourrait penser que ces choses sont trop insignifiantes pour être mentionnées, si ce n’était que de nombreux parents dévoués, qui font de grands sacrifices pour une « cure de repos » ou une « pause », ne semblent pas capables d’accomplir le même effort pour organiser facilement et sans ostentation une telle aubaine chez eux. On se réjouit que le « manque de cœur » soit tellement moins courant que le « manque de pensée » pour des raisons morales, mais les conséquences réelles sont tout aussi désastreuses.

Voir l’article connexe sur la « Mother culture ».


Version française de l’article publié par Ambleside Online. (Traduction ©2021 Charlotte Roman. Relecture et révisions Sarah Eisele)

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