Note de Charlotte Mason Poetry : Cette semaine, nous poursuivons notre voyage avec The changing year. Pour plus d’informations sur la façon d’utiliser cette ressource inspirante de Florence Haines, veuillez consulter l’épisode intitulé « Une promenade en février« . Nous espérons que l’épisode de cette semaine vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.

Image © Jean-Sébastien Caron Photographe

Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp.37-47

« Puis venait Mai la jolie, la plus belle des jouvencelles,
Vêtue des délicats atours, orgueil de la saison,
Et jetant des fleurs tout autour d’elle ;
Elle allait, montée sur les épaules des deux Frères,
Fils jumeaux de Léda, qui, de chaque côté,
La soutenaient, comme leur reine respectée : 
Seigneur ! Toutes les créatures en l’apercevant riaient,
Et sautaient et dansaient, comme envoûtées !
Et Cupidon lui-même, tout en vert, autour d’elle s’agitait! »

-Spenser.

Cupidon, oh oui certainement, car n’avons-nous pas une grande autorité pour prouver que le printemps est le « seul temps des belles alliances », que « les doux amants aiment le printemps », et « que la fantaisie du jeune homme se tourne gentiment vers des pensées d’amour » ? Quelle meilleure occasion pour une parade amoureuse champêtre que les anciennes festivités du premier jour de mai : la mise en place du mât de mai, ces troncs que l’on plantait au milieu du village, paré de rubans, prêt pour la danse ; le couronnement de la reine de mai, cette jeune fille élue pour présider les festivités ; et la jolie coutume anglaise de « Bringing in the May« , “apporter le Mai”, cérémonie qui atteint son apogée au Moyen-Âge et à laquelle les plus nobles du pays prenaient part. L’écrivain Geoffrey Chaucer nous dit d’ailleurs que 

« Tout le monde sort de la cour, ceux de la haute et de la basse société,
pour célébrer les fleurs fraîches, les rameaux et les fleurs blanches ;
Et notamment (surtout) l’aubépine qui attire à la fois pages et palefrenier. »

Les villes dépensaient des sommes considérables pour les célébrations publiques. Les villageois allaient dans les bois et dans les champs pour cueillir des brassées de fleurs et de verdure utilisées comme décoration.

Le premier mai est célébré dans les villages de toute l’Europe, notamment sous le nom de Beltane : le feu du dieu celte Bel, ou selon d’autres sources le feu de la chance. De là viendraient les feux de joie du premier mai qui flambaient au sommet des collines, on pensait que sauter par-dessus les flammes offrait protection, bénédiction et fertilité. En Irlande, on faisait passer les vaches à travers les cendres pour éviter qu’elles attirent l’attention des fées. 

Le « Bringing in the May », pratiqué depuis des siècles en Angleterre, symbolise non seulement l’accueil du mois de mai mais aussi la belle Aubépine blanche, souvent appelée la fleur de mai. Celle-ci était récoltée la veille de mai et servait à décorer les portes de toutes les maisons du village. Depuis l’Antiquité, l’Aubépine est considérée comme un arbre d’amour, et dans la Grèce antique, les filles portaient des couronnes d’Aubépine aux mariages. Néanmoins, comme les autres arbres des fées, cette plante portait malheur si on en apportait chez soi, sauf le premier mai, où le tabou était levé : 

“Fleurs d’aubépine et de sureau
Rempliront de mal la maison.”

L’antique « jeu du feuillu » se rattache à la tradition des « quêtes de mai » répandues dans toute l’Europe. Au village, les enfants se groupaient en cortège et allaient chanter de maison en maison pour obtenir des œufs, de la farine, du sucre, quelque argent aussi. Ils étaient couronnés de fleurs en l’honneur du renouveau et transportaient avec eux une sorte de hutte de branchages qu’ils appelaient la « bête ». Souvent le cortège était conduit par une petite « épouse de mai » ou « reine de mai » accompagnée d’un petit roi. Mais la joie de la saison est toujours présente, et selon les mots d’un vieux ménestrel, « les champs et les plantes reverdissent, et tout ce qui vit retrouve sa vertu, sa beauté et sa force, les collines et les vallées résonnent des doux chants des oiseaux, et les cœurs de tous les gens, pour la beauté du temps et de la saison, se lèvent et se réjouissent ». 

John Milton nous prévient, dans son poème Poème de mai, que « Mai fleuri qui, de son sein verdoyant,  sème le jaune coucou et la pâle primevère », est un mois traître. La plupart des nations s’accordent d’ailleurs sur le conseil raisonnable, bien que familier, « au mois d’avril, n’enlève pas un fil, au mois de mai, fais ce qu’il te plait, et encore je ne sais ».

Les anciens proverbes nous informent : 

« Quand l’aubépine entre en fleur,
Crains toujours quelque fraîcheur. »

mais

“Lune rousse passée 
Ne crains plus la gelée”

Et si “La rosée de mai fait tout beau ou tout laid”

“S’il vente nord quand les blés sont en fleurs
riches seront les pauvres laboureurs”.

C’est maintenant qu’arrivent le Râle des genêts, la Caille et le Gobe-mouche gris : le premier, appelé aussi Roi caille (Crex pratensis) est un oiseau brunâtre, un peu plus petit que la Perdrix, dont le cri curieux, qui ressemble au grincement d’une porte sur ses gonds, se fait entendre de jour comme de nuit. L’oiseau lui-même est rarement aperçu, car il vit parmi les hautes herbes, dans lesquelles il construit son nid, et au milieu desquelles il peut courir à une vitesse très rapide ; lorsqu’il est chassé de ses repaires par la fauche du foin, il se retire dans les champs de maïs. Le Gobe-mouche gris (Muscicapa grisola), au contraire, préfère vivre en plein air, où il peut plus facilement saisir les insectes dont il se nourrit et où il attend, assis sur une branche ou une barrière, pour s’élancer soudainement à l’approche de sa proie. Cet oiseau est si rapide et adroit qu’on a vu un couple se rendre à son nid avec de la nourriture pour ses petits 537 fois en une journée. Le Gobe-mouche noir (Muscicapa atricapilla) est moins commun et est plutôt un oiseau des bois. Le nom du genre vient du latin musca, une mouche, capere, prendre.

Les premières couvées de Grives et de Merles ont déjà quitté leurs nids, les jeunes Rouge-gorges s’apprêtent à suivre leur exemple, les jeunes tachetés de la Mouette rieuse et les bébés Vanneaux ou Pluviers apparaissent, ainsi que « la Fauvette grisette et toutes les Hirondelles », ces dernières faisant leur nid sous les combles des maisons ou des dépendances, tandis que l’Hirondelle de cheminée préfère parfois une cheminée ou une poutre de grange ; les nids sont construits en boue et garnis de plumes, l’Hirondelle de fenêtre y mélangeant de l’herbe tendre, tandis que l’Hirondelle rustique renforce la boue avec des morceaux de paille. Chaque espèce retourne dans son ancien nid et deux couvées sont élevées pendant la saison. D’autres bâtisseurs actifs sont le Faisan, dont le nid est un amas primitif de feuilles et d’herbes, le Tarier des près, la Fauvette des marais, le Verdier, le Pouillot fitis, la Fauvette à tête noire et le Bruant jaune.

Les chenilles, d’espèces trop nombreuses pour être détaillées, se nourrissent de feuilles et d’herbes, tandis que les papillons de jour et de nuit se divertissent dans l’air calme. Il est facile de faire la distinction entre les deux si l’on se rappelle que le papillon de jour, lorsqu’il se repose, referme ses ailes sur son dos, perpendiculairement à son corps, tandis que le papillon de nuit les déploie ou les plie longitudinalement. Ces ailes fermées fournissent un exemple frappant de la théorie de la coloration protectrice ; les nuances de brun mélangées sur la surface inférieure des ailes de l’écaille de tortue ou du paon du jour, par exemple, se fondent parfaitement avec leur environnement, et le vert tacheté sur la surface inférieure de l’Aurore, reposant sur une fleur ombellifère, correspond si exactement à la coloration de la plante qu’il est difficile de distinguer les deux. De même, les teintes des ailes repliées d’un papillon de nuit se fondent parfaitement dans les gris et les jaunes des troncs d’arbres et, dans le cas d’insectes tels que le papillon tigré, le Carmin Goutte-de-sang ou bien le Catocala rouge ou jaune, cachent complètement les couleurs brillantes de la paire inférieure. De même, les antennes d’un papillon de jour sont plus larges à l’extrémité (en forme de massue), tandis que celles d’un papillon de nuit sont ouvertes à l’extrémité et, dans le cas des plus grands papillons de nuit, les antennes sont souvent plumées ou en forme de peigne. La chenille d’un papillon de jour se transforme en une chrysalide suspendue aux côtés rigides, teintée de l’éclat métallique qui lui donne son nom, du grec χρυσός, krysos “or”, tandis que celle d’un papillon de nuit devient une chrysalide ronde, fréquemment enfermée dans un cocon ; bien que certaines chenilles, comme celle du papillon de nuit Sphinx-Tête de mort, s’enterrent dans le sol lorsqu’elles approchent de l’état de chrysalide, et d’autres, comme celle de la Phalène mouchetée, s’attachent simplement par quelques fils à une feuille ou à un feuillage.

Parmi les papillons remarquables du mois, on peut citer le Machaon, le plus grand des papillons britanniques, et l’Argus frêle (Lycœna minima) le plus petit, avec une envergure de moins deux centimètres d’une pointe de l’aile à l’autre, le Vulcain, avec une large bande rouge et des taches blanches, la Piéride du choux et celle de la rave (Pieris brassicæ et Pieris rapæ), le Point-de-Hongrie et l’Hespérie de la mauve, la Mélitée du plantain et le Damier Athalie, ainsi que le Tircis (Pararge Ægeria), également appelé Argus des bois en raison des taches ressemblant à des yeux qui entourent le bord de ses anneaux inférieur, et qui fait référence au personnage mythologique grec aux cents yeux. Parmi les papillons de nuit, on trouve le Petit Paon de nuit, avec ses magnifiques taches en forme d’yeux qui lui ont donné son nom scientifique Saturnia pavonia, du latin pavo, paon, le Grand Sphinx de la vigne et le Sphinx géminé, le Carmin goutte-de-sang et la Phalène du Bouleau (Amphidasys betularia). Les papillons de nuit de la famille des Sphinx, sont appelés ainsi en raison de leur vol puissant et rapide, le Sphinx demi-paon (Smerinthus ocellatus) est facilement reconnaissable par les taches sur l’aile inférieure, le Grand Sphinx de la vigne est appelé l’Éléphant, par les anglais, à cause d’une curieuse ressemblance de la partie avant du corps de sa larve avec la trompe d’un éléphant.

Le célèbre Hanneton, que les anglais appellent aussi la Punaise de mai, appartient à la famille des Scarabaeidae et au genre des Melolonta, dont les pattes sont spécialement adaptées pour creuser ; le Bousier (Geotrupes stercorarius), aux ailes brillantes, fait également partie de cet ordre, tout comme le Scarabée sacré d’Egypte, que l’on nomme aussi le Bousier sacré. Les œufs du Hanneton commun (Melolontha vulgaris) sont pondus dans un sol meuble, le ver vit sous terre pendant trois ans, se nourrissant des racines des herbes et d’autres plantes, il est si dévastateur que des prairies entières sont ruinées de cette façon. En hiver, les larves hibernent et, au cours de leur troisième année, elles entrent à l’état de nymphe ; le coléoptère est complètement formé quelques mois avant son apparition, car il reste sous terre jusqu’au printemps, lorsqu’il commence à faire de nouveaux ravages, cette fois dans les arbres, dont il dévore voracement les feuilles pendant les quelques semaines qui lui restent à vivre.

Les coccinelles sont appelées familièrement « les bêtes à bon Dieu ». Ce surnom français est tiré d’une légende remontant au Xe siècle. Condamné à mort pour un meurtre commis à Paris, un homme, qui clamait son innocence, dû son salut à la présence du petit insecte. En effet, le jour de son exécution publique, le condamné devait avoir la tête tranchée. Mais une coccinelle se posa sur son cou. Le bourreau tenta à plusieurs reprises de l’enlever mais celle-ci s’obstinait à se poser au même endroit. Le roi, Robert II le Pieux, y vit une intervention divine et décida de gracier l’homme. Quelques jours plus tard, le vrai meurtrier fût retrouvé. L’histoire se répandit très vite et devint légende. La coccinelle fût considérée comme un porte-bonheur qu’il ne fallait pas écraser. 

C’est en son honneur que les petits enfants français apprennent tous cette jolie comptine:

Coccinelle, demoiselle
Bête à Bon Dieu
Coccinelle, demoiselle
Vole jusqu’au cieux
Petit point rouge
Elle bouge
Petit point blanc
Elle attend
Petit point noir
Coccinelle, au revoir

En Angleterre, le nom original de la coccinelle est « Our Lady’s Bug« , “l’insecte de Notre-Dame” en référence à la Sainte Vierge Marie. Il semble qu’au Moyen Âge, une invasion de petits insectes (probablement des pucerons) ait attaqué les cultures, menaçant l’Europe de famine. Le peuple eut alors recours à la Sainte Vierge, en lui demandant de les sauver de ce fléau. En réponse à leur prière, un nuage de petits insectes rouges orangés à points noirs est arrivé et a rapidement mangé tous les parasites incriminés. La population reconnaissante leur a donné ce nom de “Insectes de Notre-Dame”. Les variations de ce nom en anglais, en Europe ou outre-Atlantique, incluent “Ladybug”, “Ladybird” et même “Ladybeetle”. Dans une comparaison de plus de quarante langues, y compris différents dialectes, ce petit coléoptère reçoit une grande variété de noms. Ceux qui font référence à Notre-Dame arrivent en tête, les noms faisant référence à Dieu venant en deuxième position, comme “la Vaca de Dios” ,“La petite vache de Dieu” chez les espagnols par exemple.

Ce petit insecte porte bonheur dans de nombreux pays d’Europe comme dans sa version prussienne qui peut être traduite par 

« Oiseau de mai, vole, 
Ton père est à la guerre, 
Ta mère est en Poméranie, 
La Poméranie est brûlée, 
Oiseau de mai, vole ». 

Voir une coccinelle porte chance, et plus on en voit, plus la chance est grande. Si elle rampe sur les mains d’une jeune fille, c’est qu’elle les mesure pour ses gants de mariage.

« Monseigneur, monseigneur Barnabé,
Dites-moi quand aura lieu mon mariage,
Si c’est demain,
Ouvrez vos ailes et envolez-vous. »

De leur côté, les Anglais et les Allemands ont presque la même version avec une chanson assez similaire au sujet d’une maison en feu :

Maikäferchen, Maikäferchen, fliege weg! Coccinelle, coccinelle, vole au loin,

Dein Häusgen brennt, Ta maison brûle,

Dein Mütterchen flennt, Ta mère pleure,

Dein Vater sitzt auf der Schwelle, Ton père est assis sur le seuil,

Flieg in Himmel aus der Hölle. Vole de l’enfer au paradis !

L’espèce la plus grande est la Coccinelle à ocelles (Anatis ocellata), dont les ailes rouges portent des taches noires cerclées de jaune ; contrairement à la plupart des coccinelles, qui se nourrissent de pucerons, elle se nourrit de végétaux. La Petite Coccinelle à vingt-quatre points (Subcoccinella 24-punctata) mesure environ 30 millimètres de long, son épais duvet rouge est tacheté de divers points et taches noirs, rarement manquants. La Coccinelle à dix points (Coccinella 10-punctata) est un peu plus grande que la Coccinelle à vingt-quatre points, mais mesure moins de 45 millimètres de long. Le nombre de points varie, tout comme la couleur, mais l’insecte est reconnaissable à ses pattes jaunes. La Coccinelle à sept points (Coccinella 7-punctata) a des pattes noires, trois taches noires sur chaque aile et une à la base, à cheval sur les deux ailes ; la Coccinelle à treize points, avec un dos jaune ou orange, mais elle n’est pas souvent observée.

La Mouche de mai (Ephemera), comme le Hanneton, passe la majeure partie de sa vie à l’état larvaire, car il peut s’écouler deux ou trois ans avant que la larve ne devienne une chrysalide, émergeant, non pas comme un insecte parfait, mais encore encombrée d’une robe fragile. C’est le subimago, ce stade intermédiaire entre l’état nymphal et l’état adulte, propre aux insectes éphéméroptères. C’est un insecte mobile, incomplet et sexuellement immature, bien qu’évoquant assez fortement la forme adulte définitive, l’imago. A ce stade, la créature se repose sur une tige ou un tronc d’arbre pendant un certain temps, puis, se débarrassant de sa dernière enveloppe, émerge sous la forme d’un insecte parfait, avec des ailes voilées et trois brins délicats en guise de queue. Sa vie est maintenant courte, car après un jour ou deux de joyeuses danses aériennes, elle laisse tomber ses œufs dans l’eau dans laquelle elle a vécu si longtemps comme larve, puis elle meurt. Son apparition sur les tiges au-dessus de l’eau est un signe important pour les pêcheurs car elle représente la nourriture préférée de certains poissons comme le saumon.

La Mouche de mai est d’une lignée ancienne, ses ancêtres remontant à la période dévonienne.

Le vieil adage

« Les vents de mars et les averses d’avril
donnent naissance aux fleurs de mai »

est tout à fait justifié, car les différentes variétés de fleurs sont si nombreuses qu’il est impossible d’en nommer plus d’une, et la plus importante d’entre elles est l’Aubépine, la fleur de mai par excellence, bien que la Cardamine des prés prenne parfois ce nom, tout comme le Muguet que l’on appelle le Muguet de Mai, et est d’ailleurs le Maiblume des Allemands et le May Lily des Anglais. L’Aubépine épineuse (Cratœgus oxyacantha) a toujours occupé une place si importante parmi les diverses fleurs utilisées pour « faire venir le mois de mai » que, par une transition naturelle, le nom du mois a été attribué à cette plante. 

Bien que le poème de Robert Herrick, Corinna’s going a Maying, soit si bien connu, on ne peut s’empêcher d’en citer cette description :

« Alors que chaque champ devient une rue, chaque rue un parc,
Verdoyant et bordé d’arbres ; voyez comment
La dévotion fournit un rameau à chaque maison
Ou bien une branche : chaque porche, chaque porte, avant que cela ne devienne
Une arche, un sanctuaire est
Constituée d’aubépine blanche soigneusement entrelacée. »

Dans ce poème, Geoffrey Chaucer écrit : 

“Parmi les nombreuses fleurs que le mois de Mai proclament,
Ornant les prairies de parures de fête,
Luttant pour voir quelle, en splendeur, surpassera l’autre,
Observe la belle floraison de l’aubépine
Qui, magnifiquement vêtue de sa blanche tunique,
Des délices de Mai comble nos yeux folâtres.”

La poétesse Elizabeth Barrett Browning nous en fait également l’observation,

“Haies vives, trépidantes
D’oiseaux, de moucherons, de grands papillons blancs,
On dirait que l’aubépine s’est faite vivante
Et qu’elle s’avance en palpitant dans le vent.”

Ce rameau d’Aubépine au-dessus de la porte ou de la fenêtre était considéré comme une protection contre les sorcières, mais, d’un autre côté, il ne faut pas déterrer un buisson d’Aubépine, car, comme la Fougère, ils sont sous la protection spéciale des fées ; les arbres vieux et solitaires sont leurs lieux de rendez-vous préférés.

“S’il y a un homme assez audacieux
Pour en déterrer une par mégarde,
Il trouvera les épines plantées
Dans son lit la nuit. »

extrait de The Fairies de William Allingham

En Orient, l’Aubépine est un emblème de l’espoir, les Grecs utilisaient son bois pour les torches nuptiales et les mariées athéniennes la portaient en guirlande. La plante a également des implications sacrées, car la couronne d’épines de Jésus Christ aurait été tissée à partir d’elle, comme le relate Jean de Mandeville dans son Livre des merveilles du monde écrit d’après son prétendu voyage en Orient au XIVe siècle.

“Alors notre Seigneur fut conduit dans un jardin et là, les Juifs le méprisèrent, et lui firent une couronne de branches d’aubépine, qui poussait dans ce même jardin, et ils la posèrent sur sa tête.”

C’est pour cette raison que les Français l’appellent L’épine noble et les Allemands Christdorn. Selon une tradition française, l’arbre gémit et soupire la veille du Vendredi saint, celui qui marque le jour de la crucifixion de Jésus. L’épine de Glastonbury (variété præcox), qui fleurit vers Noël et à nouveau au printemps, a aussi une histoire particulière ; l’arbre original aurait été détruit par les Puritains. 

Le nom d’Aubépine vient du latin alba spina qui signifie “épine blanche”, et son nom scientifique Crataegus porte la racine grecque κρατος “kratos” signifiant “force”, en allusion à la dureté de son bois.

D’autres arbres et arbustes en fleurs de ce mois-ci sont le Marronnier d’Inde, le Sycomore, le Charme, le Pommier et le Cerisier sauvage, le Sorbier ou le Sorbier des oiseleurs, le Sapin ou le Pin sylvestre, le Fusain, le Houx, le Rosier de Gueldre et l’Epine-vinette, tandis que le Chêne et le Frêne s’empressent de déployer leurs feuilles, surveillées avec impatience par ceux qui soutiennent que

« Si le chêne est sorti avant le frêne
Alors la terre sera éclaboussée ;
Si le frêne sort avant le chêne
Alors la terre sera trempée ».

La coutume de porter un rameau de chêne lors du « Jour de la pomme du chêne« , le 29 mai, date anniversaire de la restauration de la Maison Stuart au pouvoir en 1660, était répandue dans toute l’Angleterre. 

Le pommier (Pyrus Malus) et le Cerisier sauvage sont les ancêtres de nos fruits cultivés, le “sieder » des anciens Bretons était probablement une forme de cidre, et le « pomatum » original était préparé à partir de pommes, d’où nous suggérons les noms pommade et pomatum issus du latin pomum, une pomme. Le cerisier Morella est un descendant du Merisier ou Cerisier des oiseaux (Prunus avium), les variétés sucrées ont été obtenues à partir du Griottier (Prunus cerasus), qui se distingue par sa taille plus petite et ses feuilles lisses, celles du Merisier étant duveteuses sur la surface inférieure. Le cerisier à grappes (Prunus padus) possède des fleurs en grappes suspendues et il est moins commun. Les fleurs jaune-verdâtre de l’Erable sycomore (Acer pseudoplatanus) sont également pendantes, celles de l’Erable champêtre (Acer campestre) sont dressées. Le nom de Sycomore a été donné par erreur à cet arbre en raison de son identification avec le Figuier Sycomore ; mais c’est le Platane d’Écosse, bien que le véritable Platane, qui fleurit également ce mois-ci, soit le Platane d’Orient, si familier aux citadins, dont le fruit rond a valu à l’arbre les noms américains de Buttonwood et Buttonball tree, l’arbre boutonné.

Dans les haies, nous trouvons la Clématite sauvage au parfum suave, la Clématite de Virginie ou la Joie des voyageurs, comme l’appelle Gerarde, la seule espèce britannique ; également connue sous le nom de Barbe du vieil homme, en raison de ses graines à touffes blanches ; le Tamier commun (Tamus communis) à feuilles en forme de cœur et la Bryone dioïque (Bryonia dioica) avec ses feuilles à cinq lobes ; diverses Vesces et Gesses, l’Hippocrépide chevelue (Hippocrepis comosa) aux fleurs jaunes et aux gousses ressemblant à un chapelet de fers à cheval mis bout à bout ; la Gesse de Nissole (Lathyrus nissolia) aux feuilles semblables à celles de l’herbe, sans vrilles, et aux fleurs rouge foncé, est peu commune, la Vesce hirsute (Vicia hirsuta) a des fleurs bleu pâle, tandis que la Vesce amère (Vicia orobus), aux fleurs blanches violacées, pousse dans les bois rocheux. C’est également dans les bois que l’on trouve le Muguet, exquis, dont la décoction des fleurs, selon Gerarde, est « bonne contre la goutte et réconforte le cœur ». Le Sceau de Salomon est probablement appelé ainsi en raison de la ressemblance de ses grappes de fleurs blanc verdâtre avec un ancien paquet de sceaux, mais une autre explication est qu’il a pris son nom en raison de son efficacité pour « ressouder, sceller ou réparer » les os cassés, etc. et Gerarde nous dit que « la racine du Sceau de Salomon pressée pendant qu’elle est verte puis appliquée en onguent, fait disparaître en une nuit, ou deux au plus, toute contusion, tache noire ou bleue due à une chute… ». Les jolies fleurs bleues du Bugle rampant (Ajuga reptans) contrastent avec les fleurs de la Lysimaque des bois (Lysimachia nemorum) ; la Germandrée scorodoine ou Sauge des bois (Teucrium scorodonia) est facilement reconnaissable à ses feuilles ridées, semblables à celles de la Sauge, et à son parfum puissant. L’Ail des ours, également appelé Ail sauvage ou Ail des bois (Allium ursinum) est également reconnaissable entre tous, malgré la forte ressemblance de ses feuilles avec celles du Muguet. C’est le plus commun des alliums, dont il existe dix espèces, la plupart portant des fleurs rouges ou roses. L’Euphorbe des bois propre (Euphorbia amygdaloides), comme d’autres de son genre – cinq espèces fleurissent ce mois-ci – se reconnaît aux verticilles de bractées vert doré réunies en un chapeau rond. Le Gaillet odorant (Asperula odorata), avec ses minuscules fleurs ressemblant à de petites fleurs de Jasmin et ses verticilles de feuilles pointues, il a été appelée ainsi parce que, lorsqu’il est séché, il dégage une agréable odeur de foin fraîchement coupé. L’illustratrice botanique et ornithologique anglaise, Anne Pratt nous dit que « les feuilles conservent leur odeur pendant des années, et si elles sont posées sur des vêtements, elles sont un excellent moyen de protection contre les mites ». De vieux documents trouvés dans les livres des églises de Londres montrent que ces fleurs étaient autrefois suspendues en guirlandes aux murs de ces églises ». La Parisette à quatre feuilles (Paris quadrifolia) est également appelée nœud d’amour véritable en raison du verticille de quatre feuilles égales qui lui donne son nom scientifique de Paris quadrifolia. La plante est reconnaissable entre toutes, tout comme les Neottias, un orchis dont les deux larges feuilles fortement nervurées sont opposées l’une à l’autre. L’Orchis bouffon fleurit ce mois-ci, ainsi que l’Ophrys mouche, plus rare, ainsi que plusieurs autres variétés.

Les prairies sont gaies grâce au Bouton d’or, le « Bouton d’or, est la dot des petits enfants” comme le dit Robert Browning dans son poème Réflexions d’un étranger. Les sépales recourbés de la Renoncule bulbeuse (Ranunculus bulbosus) la distinguent de la Renoncule âcre (Ranunculus acris) au calice étalé, et de la Renoncule rampante (Ranunculus repens) si gênante dans les jardins. 

Le Trèfle se nomme ainsi en référence à ses trois feuilles fendues, qui étaient autrefois très réputées comme charme contre la sorcellerie ou d’autres maux.

« Malheur, malheur à celui qui rencontre le chevalier vert,
Si ce n’est sur son bras en cuir,
Il est à l’abri des sorts, comme le brave St. Clair,
Le charme du Trèfle saint. »

Extrait de Ferns of Great Britain de Anne Pratt

Le Trèfle blanc est utilisé comme le Shamrock, le trèfle irlandais, dans certaines régions d’Irlande, ce symbole qui reprend les connotations magiques et légendaires héritées de la tradition celte, bien que la feuille d’Oxalis petite oseille (Oxalis acetosella) soit la plante la plus généralement portée le jour de la Saint-Patrick. La Lychnide ou œillet des prés, porte le nom latin Flos-cuculi qui signifie Fleur de coucou, car c’est cette plante, et non la Cardamine des prés, qui était la Fleur de coucou de nos ancêtres, et la plante à laquelle Shakespeare fait référence dans le Roi Lear, Acte IV, sc. 4.

« Bardanes, ciguës, orties, fleurs de coucou. »

Sur le bord de la route poussent la Tormentille, l’Achillée millefeuille, la Pensée sauvage ou Pensée tricolore, le Mouron des champs, la Fumeterre, le Compagnon rouge ou Silène dioïque, la Piloselle, le Conopode dénudé, le Cerfeuil sauvage, l’Éleusine des Indes ou Pied-de-poule, la Tourette glabre ou Tourelle, divers Cressons, ainsi que le Grand Plantain et le Plantain lancéolé, le premier se distinguant du second par ses feuilles plus larges et ses anthères violettes, celles du plantain lancéolé (Plantago lanceolata) étant blanches. L’Alchémille commune ou Pied-de-lion (Alchemilla vulgaris) est abondante sur les sols humides, et la petite Alchémille des champs (Alchemilla arvensis) sur les sols secs. Sur les terrains vagues

« Comme un lingot bourgeonnant, l’Ajonc épineux
est épais d’une floraison parfumée appréciée des abeilles ».

et le Genêt à balais ajoute son quota de gaieté. Cette plante (Cytisus scoparius) a donné son nom à l’outil domestique fabriqué à l’origine à partir de ses rameaux, mais il ne faut pas la cueillir ce mois-ci car la vieille superstition anglaise nous dit bien que « Prenez un balai au mois de mai, tous vos amis vous éloignerez ».

La Lathrée écailleuse ou Clandestine écailleuse (lathræa squamaria) peut être trouvée parmi les feuilles mortes et sur les racines des arbres ; sur les sols humides pousse le Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata), la Grassette commune (Pinguicula vulgaris) avec sa fleur violette et sa rosette de feuilles vert pâle à l’aspect huileux. Dans les ruisseaux et les eaux stagnantes, on trouve la Renoncule aquatique et le Cresson de fontaine ; sur les berges et les rives, on trouve l’Iris jaune ou iris des marais, la Consoude officinale (Symphytum officinale), la Benoîte des ruisseaux, la Véronique des ruisseaux parfois appelée Salade de chouette et le Myosotis, avec sa tradition romantique de l’amant galant, quand les fleurs bleues jusqu’au bord de l’eau sont de retour.

“Il jeta les fleurs bleues sur la rive
Avant de sombrer dans les remous de la marée ;
Et « Dame, je pars, ton fidèle chevalier,
Ne m’oublie pas », clame-t-il.
La dame prit, ce serment d’adieu
Et, comme le disent les légendes,
La fleur est un signe qui éveille la pensée
Aux amis qui sont loin. »

(extrait de The langage of Flowers d’Henrietta Dumont)

Au bord de la mer, nous trouvons le Chou commun (Brassica oleracea), ancêtre de toutes les variétés de nos jardins, les différentes espèces de Cochléaires ou Herbes aux cuillères, si précieuses autrefois pour les marins privés de légumes frais, et le joli petit œillet marin (Armeria maritima), parfois appelé Chou-fleur de mer, bien que son autre ancien nom, Oreillers des dames, convienne mieux à son bouquet de fleurs roses.

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman. Relecture : Maeva Dauplay)

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