Note de Charlotte Mason Poetry : Cette semaine, nous poursuivons notre voyage avec The changing year. Pour plus d’informations sur la façon d’utiliser cette ressource inspirante de Florence Haines, veuillez consulter l’épisode intitulé « Une promenade en février« . Nous espérons que l’épisode de cette semaine vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.

Image © Jean-Sébastien Caron Photographe

Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp. 48-59

“Après elle, venait Juin le joyeux, tout
Vêtu de feuilles vertes, comme un acteur ;
Mais en son temps il oeuvre autant qu’il joue,
Comme le prouve bien sa charrue le coutre ; 
Il allait, monté sur un crabe, qui le portait
Gauchement, d’un pas sinueux et lent,
A reculons, comme les haleurs
Dont la force s’exerce à l’envers.”

-Spenser.

Juin, son nom même nous rappelle de longues journées sous un ciel bleu clair, des bois feuillus et des haies, des fleurs parfumées et du foin fraîchement coupé.

« Chut, ah chut, disent les faux.
Chut, et ne faites pas attention, et endormez-vous ;
Chut, disent-elles aux herbes qui se balancent,
Chut, chantent-elles au trèfle des prés ! »

—Andrew Hong (Scythe song)

Seulement, de nos jours, ce n’est plus le doux chuintement rythmique des “faux se balançant toutes ensemble » qui frappe notre oreille, mais le ronronnement joyeux de la moissonneuse peu romantique. L’agriculture, si elle a perdu en pittoresque, a gagné à d’autres égards par l’application pratique de la science moderne.

Nous disons que “Juin larmoyeux, rend le laboureur joyeux,” 

et que “La pluie pendant le mois de Juin,
Donne belle avoine et chétif foin.”

Les Allemands ont ce proverbe : “La pluie d’été fait briller les champs qui la reçoivent” mais les Anglais, eux, rétorquent que “La pluie du milieu de l’été gâche le foin et les céréales.”

Par le Calendrier des bons laboureurs du botaniste et naturaliste britannique Richard Bradley, nous apprenons que :

“Du jour Saint Jean la pluie

Fait la noisette pourrie,”

et “Eau de Saint Jean ôte le vin, et ne donne point de pain.”

On entend maintenant le curieux chant de l’Engoulevent, un ronronnement continu et monocorde semblable au bruit « d’une fine latte fixée à une extrémité et en état de vibration sur l’autre », ce qui lui a valu les surnoms d’oiseau mobylette ou encore « crapaud volant », car certains y trouvent un léger coassement comme celui des crapauds. Son nom lui-même est évocateur, il vient d’engouler et de vent, car il vole le bec grand ouvert, avalant goulûment l’air et les insectes qui s’y trouvent. L’Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europæus) est un oiseau nocturne, insectivore, apparenté aux Martinets, au plumage brun et gris délicatement tacheté de blanc, au bec court, aplati à la base, crochu à la pointe, très fendu et garni de soies robustes sur les côtés . La femelle pond ses œufs tachetés de crème sur un terrain peu fréquenté couvert de fougères, c’est pour cela que les anglais l’appellent parfois Chouette des fougères. Selon Aristote et Pline, cet oiseau aurait l’habitude de têter le lait des chèvres, mais dans un de ses livres, Waterton explique comment cette erreur s’est produite ; le « trayeur de chèvres » visite le troupeau, en rasant le haut des herbes au crépuscule, au moment de la traite, dans le but de gober les mouches qui gênent les animaux et qui semblent en effet « sensibles à leurs bons offices ».

Au terme du mois, le Rossignol, occupé par les soins domestiques, change sa glorieuse mélodie en quelques notes rudes, et le Coucou est à la veille de son départ, car la comptine anglaise nous dit que :

« Le coucou arrive en avril,
Reste le mois de mai,
Nous offre un air à la mi-juin.
Et puis, il s’envole. »

ou, comme nous le dit une autre version,

« En avril, il ouvre son bec ;
En mai, il chante tout le jour ;
En juin, il change de mélodie ;
En juillet, il doit s’envoler ;
En août, il doit partir. »

Les Allemands disent que

“Quand le coucou chante après la Saint-Jean
Il nous apporte un automne humide,”

tandis qu’une croyance commune veut qu’il parte lorsqu’il voit la première botte de foin ; il doit aussi manger trois bons repas de cerises avant de partir. Les jeunes Coucous suivent leurs parents en septembre.

La liste des papillons de juin est longue et comprend la Petite tortue ou Vanesse de l’ortie, l’Argus brun ou Collier-de-corail, l’Argus bleu ou Azuré commun (Lycæna icarus) et l’Azuré bleu céleste ou Bel-Argus (Lysandra bellargus) ainsi que la Thécla de la Ronce. Parmi les papillons de nuit, on trouve l’Écaille tigrée, la plupart des Sphinx, le joli petit Procris de l’oseille, aussi appelé la Turquoise, la Pudibonde, la Sésie du groseillier, le Bombyx du chêne, aux ailes brun foncé bordées d’une large bande jaune, puis de nouveau brun sur le bord, et une petite tache sur chacune des ailes supérieures ; la Citronnelle rouillée ou Phalène de l’alisier, la Livrée des arbres et la Cidarie verdâtre (Larentia viridaria). La Bucéphale (Phalera bucephala) se reconnaît à la tache de couleur chamois à l’extrémité des ailes supérieures ; la Lacertine ou le Lézard (Drepana lacertinaria) et la Faucille (Drepana falcataria) avec leurs ailes supérieures crochues. Le papillon de nuit brun foncé est difficile à distinguer parmi les feuilles mortes sur lesquelles il se repose ; le  Hibou, aussi appelé la Noctuelle fiancée (Triphæna pronuba) se définit par ses ailes inférieures jaunes avec une bande noire ; ce papillon est très attiré par la lumière, et vole dans nos pièces le soir, tout comme l’Écaille tigrée. La petite Brocatelle d’or est également un papillon de juin, tout comme l’Écaille marbrée (Callimorpha dominula), mais l’Écaille hérissonne (Arctia caia), dont la larve est célèbre pour ses longs poils, apparaît en juillet. 

A présent, 

« Les libellules planent et frissonnent au-dessus du bassin hanté par les moucherons. »

Comme l’Éphémère et les Trichoptères, la Libellule passe la plus grande partie de sa vie à l’état de larve ; après dix ou douze mois, au cours desquels elle mue plusieurs fois, elle quitte l’eau et, grimpant sur la terre ferme, sa peau sèche et se fend le long du dos,  l’insecte parfait émerge alors. On a trouvé des traces de libellules fossiles, dont un spécimen avait un corps d’environ 33 centimètres de long et des ailes de plus de 2 centimètres et demi.

Maintenant, la Sauterelle chante au bord du chemin, les Lucanes et la Cétoine dorée ou “Hanneton des roses” sont visibles, comme les Pholcidae, ces petites araignées aux longues jambes. Les Guêpes s’invitent à nos pique-niques, les Moucherons nous embêtent dans les bois et les jardins, et nous savons que

Un essaim d’abeilles en mai
Vaut une charge de foin ;
Un essaim d’abeilles en juin
Vaut une cuillère en argent ;
Un essaim d’abeilles en juillet
Ne vaut pas une mouche.

Ce proverbe d’apiculteurs du milieu du XVIIe siècle, signifie que plus l’année est avancée, moins les abeilles auront le temps de récolter le pollen de fleurs en fleurs.

La curieuse écume blanche si commune sur les brins d’herbe et autres plantes est l’œuvre des larves des Cercopoidea. La famille est vaste et apparentée aux Cigales ; on suppose que la mousse produite par la larve sert à la protéger de la chaleur du soleil. Une espèce est particulièrement commune sur les saules : l’Aphrophore des saules (Aphrophora spumaria), une autre dans les prairies : le Cercope des prés.

La liste des fleurs du mois de juin est encore plus longue que celle du mois de mai, et où que nous choisissions de nous promener, nous trouvons une de nos fleurs favorites : dans les bois, la majestueuse Digitale pourpre et la grande Molène jaune ; au bord d’un étang ou d’un lac, le beau Nénuphar blanc ou jaune, et le Jonc fleuri ; en bordure des ruisseaux, les Salicaires communes et les Épilobes rosés, le Grand plantain d’eau et l’Eupatoire chanvrine ; dans les champs, les Coquelicots écarlates.

« Proclamez le solstice d’été, et marquez à nouveau
Le plein méridien de l’année florale. »

C’est aussi là que l’on trouve la Nielle des blés, l’Œillet d’Inde, la Marguerite commune, et le petit Rhinanthe ou les Célosies, car le proverbe nous dit que « La fleur appelée le petit Rhinanthe jaune, qui fleurit maintenant dans les champs, est un signe du jour de la Saint Pierre » (Saint patron des pêcheurs, qui le célèbrent à la fin du mois de juin). A présent, le Sureau noir déploie ses fleurs couleur crème, la Ronce et le Mûrier sont aussi en fleur, les Roses et le Chèvrefeuille embellissent nos haies, et le bord des routes et les terrains non cultivés sont gais grâce aux Chardons, aux Malvacées, au Géranium des prés, à l’Aigremoine eupatoire, à l’Ononis repens, à la Carotte sauvage, la Barbe-de-bouc ou Reine-des-bois, divers Gaillets, le Thym sauvage, le Laiteron, la Grande Célandine, le Séneçon jacobé, la jolie petite Ciste, la Jasione, et une foule de fleurs de toutes tailles et de toutes les couleurs, sans compter les graminées, dont il existe plus de 130 espèces.

Parmi les plus familières, nous retrouvons l’Agrostis, la Brome, l’Oyat, l’Avoine adorée des enfants ; les diverses herbes à queue de renard et à queue de chat, en particulier la Queue de chat des prés ou la Fléole des prés, le Vulpin des prés, le Dactyle pelotonné, le Pâturin des prés et la Flouve odorante, cette dernière dégageant le doux parfum particulier du foin fraîchement semé ; l’Ammophile et le Nard raide, précieux pour lier le sable sur les rivages venteux ; la curieuse Herbe à coton (Eriophorum) qui pousse sur les terrains marécageux, et l’Ivraie, le Chiendent, et divers Brome et Faux Brome qui poussent sur les terrains vagues.

La Fougère est maintenant à une hauteur très satisfaisante pour tous ceux qui tiennent à ce vieux dicton :

« Quand la fougère est aussi haute qu’une cuillère
Vous pouvez dormir une heure à midi,
Quand la fougère est aussi haute qu’une louche
Dormez aussi longtemps que vous le pouvez. »

Au bord de la mer, nous trouvons la Glaucienne jaune ou Pavot cornu (Glaucium flavum) facilement reconnaissable à ses longues « cornes », les gousses de graines vertes, et à l’aspect pruineux des feuilles, d’où son nom tiré du grec λγαυκδς, argenté. Le Liseron de mer (Volvulus ou Convolvulus soldanella) ouvre ses clochettes roses, presque aussi grandes que les fleurs blanches du Grand Liseron ou Manchette de la Vierge (Volvulus sepium) dans nos haies ; le petit Liseron des champs (Convolvulus arvensis) est également une plante grimpante, alors que les tiges du liseron des mers sont prostrées, généralement plus ou moins enfouies sous le sable. Le nom vient du latin convolvo, qui signifie « j’enlace ».

Mais la gloire du mois de juin est la Rose sauvage, dont il existe au moins treize espèces indigènes, le Rosier des chiens, également appelé Rosier des haies ou Églantier des chiens, le Rosier rouillé à l’odeur de pomme et le Rosier pimprenelle étant les plus caractéristiques. La Rose est universellement reconnue comme la reine des fleurs ; les Perses disaient d’ailleurs que “Lorsque la rose entre dans le jardin, même la violette se prosterne devant elle sur le sol”. Les poètes de tous les âges et de tous les climats ont chanté ses louanges, car la Rose pousse dans tous les coins du globe, à l’exception de l’Australie et de l’Amérique du Sud, et les légendes qui lui sont associées sont trop nombreuses pour être mentionnées ici. Pour les Grecs et les Roumains, c’était une belle jeune fille transformée en fleur ; les Arabes affirment que la première rose a jailli d’une goutte de sueur tombée du front de Mahomet ; les Romains l’appréciaient plus que toutes les autres fleurs ; les roses formaient le chapelet du dieu Hymen et couronnaient le front des mariés, elles étaient également utilisées lors des funérailles. Selon les légendes persanes, cette fleur est la bien-aimée du Rossignol, qui presse sa poitrine contre les épines en chantant, et les Hindous croient que Pagoda Seri, une des épouses du dieu Vishnu, a été trouvée dans le cœur d’une rose. Cultivée par les Égyptiens, et dédiée à Horus, ou Harpocrate, dieu du Silence, la rose blanche est devenue le symbole du secret, tandis qu’en tant qu’emblème de l’Amour, la Rose figure dans diverses légendes de saints et de martyrs ainsi que dans l’art religieux.

« Tu as le lys et la rose
L’amour de la vierge et du martyr », 

comme nous le disent les Litanies de Lorette, qui sont des invocations répétées et psalmodiées de demandes d’intercession adressées à la Vierge Marie, mère de Dieu dans la tradition catholique.

La Syrie aurait tiré son nom de sa célèbre Rose qui nous parvint au Moyen Âge, lors des croisades, quand les chevaliers français se rendirent à Damas et ramenèrent la Rose de Syrie. On attribue au chevalier Robert de Brie le mérite d’avoir rapporté la Rosa damascena à son retour de croisade, vers 1254, dans la ville de Provins.

Fleur également mythique dans le Gulistan : “Le Jardin des Roses”, ce recueil de poèmes et d’histoires écrit par le poète persan Saadi au XIIIe siècle, car « elles y poussaient en si grande profusion qu’il fallait cinq jours à dos de chameau pour parcourir le dédale éclatant ».

Les roses figuraient sur la bannière des anciens Saxons. La fleur a été adoptée en Angleterre par Édouard Ier et apparaît pour la première fois sur leur monnaie dans le Noble d’or à la rose d’Henri VI et sur le Grand Sceau d’Édouard IV. C’est Jean de Gaunt, fils d’Édouard III, qui, lors de son mariage avec Blanche de Lancaster, adopta la rose rouge ; et la blanche, lors de l’accession de Jacques II, devint l’emblème distinctif de la maison Stewart, elle était « la fleur du prince Charlie ». La Rose, selon la tradition nordique, est sous la protection de Lauren, roi des elfes, tandis que les légendes de la plupart des pays s’accordent à dire que la fleur était à l’origine blanche et sans épines. John Milton, dans Le Paradis perdu, parle de « fleurs de toutes les couleurs et de la rose sans épine », ce qui concorde avec la tradition de la religion iranienne de Zoroastre, selon laquelle la rose était sans épine jusqu’à l’entrée d’Ahriman, l’esprit du Mal, dans le monde. Une curieuse légende émanant du Schleswig, région historique à cheval entre le Danemark et l’Allemagne, nous informe qu’après sa chute, Satan tenta de monter au Ciel par les épines du Rosier rouillé, mais Dieu ordonna à l’arbuste de ne plus croître en hauteur mais en largeur alors, Satan, enragé, tourna les pointes des épines vers la terre. La couleur rouge de la fleur est diversement attribuée à un baiser donné par Eve à un bourgeon blanc du Paradis, ou même à la blessure du pied de Vénus par une de ces fleurs… tandis que le Pourpier rose, aussi nommé le Chevalier-d’onze-heures a sa propre légende, dont il existe plusieurs versions.

Parmi les rosiers sauvages, le plus connu est le Rosier des chiens (Rosa canina), dont les fleurs varient du blanc au rouge profond. Le Rosier rampant (Rosa arvensis) a des fleurs blanches avec des sépales violets ; une variété cultivée de cette espèce est considérée comme la Rose d’York originale. Le Rosier pimprenelle (Rosa pimpinellifolia ou spinosissima), avec ses nombreux aiguillons, ses fleurs crème parfois teintées de rouge et ses fruits violet foncé, est l’espèce primaire du rosier écossais jaune de nos jardins. Le Rosier rouillé (Rosa rubiginosa), aux feuilles parfumées à l’odeur de pomme, est l’églantine des poètes, sauf pour Milton, dont l' »églantine tordue » fait référence au Chèvrefeuille. Sa teinte sombre lui donne son nom scientifique latin rubiginosa signifiant “rouillé”. Une tradition allemande veut que Judas se soit pendu à un rosier sauvage, d’où le nom de baies de Judas donné aux Cynorrhodons ; on dit aussi que la couronne d’épines du Christ aurait été fabriquée à partir de cette plante. 

“S’il pleut à la Saint-Médard,
Il pleut quarante jours plus tard.”

La Saint-Médard est fêtée le 8 juin. Ce dicton encore très connu, est parfois suivi de 

« Mais vient le bon saint Barnabé 
Qui peut encore tout raccommoder ». 

La Saint-Barnabé est le 11 juin, soit trois jours plus tard. S’il a plu le 8 juin, nous pouvons donc nous attendre à de la pluie aux alentours du 18 juillet, sauf s’il a fait un temps magnifique le 11 juin.

La fleur de la Saint-Jean est le Millepertuis, bien qu’en raison de la modification du calendrier, elle soit devenue une fleur de juillet, tout comme la Saint Barnabé qui, pour la même raison, ne détient plus la distinction du « jour le plus long et de la nuit la plus courte ». Le Millepertuis (Hypericum perforatum) est souvent appelé Herbe de la Saint-Jean mais il était aussi connu sous le nom de Baume du guerrier, et même d’Herbe de la guerre, « d’une part parce que le jus de cette plante était censé être d’une grande efficacité pour guérir les blessures, et d’autre part à cause des nombreux petits points sur les feuilles, qui donnent l’impression qu’elles ont été transpercées en mille endroits. »

« Le Millepertuis était là, cette herbe de la guerre,
Transpercée de blessures et marquée par de nombreuses cicatrices. »

Ces blessures, disait-on, étaient faites avec une aiguille par le Diable lui-même, et il était considéré comme une plante magique, s’employant pour chasser l’esprit des ténèbres et exorciser les personnes “possédées”, d’où son appellation latine Fuga dæmonum (“fuis le démon”) que l’on retrouve pour l’un de ses nombreux noms vernaculaires, “chasse-démon”.

« La verveine, le trèfle, le millepertuis et l’aneth
Empêchent les sorcières de réaliser leur volonté. »

A l’époque de la chevalerie, ceux qui s’affrontaient devaient faire le serment qu’ils ne portaient pas de Millepertuis ou d’autres herbes magiques sur eux. Dans une vieille ballade, le diable, déguisé en amant, révèle inconsciemment son identité en demandant à la dame

« Si vous souhaitez être mon amour,
Retirez le millepertuis et la verveine. »

Ces fleurs étaient invariablement jetées dans les feux de joie la veille de la Saint-Jean,

« Quand les jeunes hommes entourés de jeunes filles dansent dans les rues,
Avec des guirlandes de millepertuis ou de verveine douce,
Et beaucoup d’autres fleurs magiques et des violettes dans leurs mains,
Alors qu’ils pensent tous sincèrement que quelqu’un se tient là,
Et qu’au milieu des fleurs, voyant la flamme, leurs yeux ne souffrent pas.
Jusqu’à la nuit ils restent à l’écart, puis ils traversent le feu ensemble.
Avec des esprits qui ne cessent de courir, toutes les herbes y sont jetées.
Puis, par de pieuses prières ils commencent solennellement,
Priant Dieu que tous leurs maux y soient consumés,
C’est ainsi qu’ils pensent être libérés de l’agonie pour toute l’année. »

Le révérend C. A. Johns nous dit que « dans l’Antiquité, on attribuait de grandes vertus à la verveine commune, au point qu’elle était considérée comme une plante sacrée et qu’on l’utilisait, dit-on, pour balayer les tables et les autels des dieux. » Pline nous dit que, non seulement la table de fête de Jupiter était époussetée et nettoyée de cette manière, mais que les sols des maisons étaient frottés avec l’herbe pour éloigner les mauvais esprits, et que les entrées et les salles à manger étaient aspergées d’eau dans laquelle on avait trempé de la verveine, pour rendre l’assemblée plus joyeuse ; elle était également utilisée dans les sacrifices, et portée par les ambassadeurs romains. Chez les druides, elle était employée pour la divination et était cueillie avec des rites spéciaux au lever de Sirius, l’étoile de la constellation du Chien, au moment où une offrande de rayons de miel était faite à la Terre pour la dédommager de la perte d’une herbe si précieuse.

Le Polygale commun (Polygala vulgaris) est également une plante semi-sacrée, très utilisée dans les processions des Rogations, d’où son nom de fleur des Rogations. Du latin rogare qui veut dire “demander”, les Rogations sont des processions se déroulant pendant les trois jours précédant l’Ascension. Elles ont pour but de demander à Dieu de bénir les cultures et d’éloigner les maladies contagieuses des hommes et des animaux. Le Polygale constituant d’ailleurs un aliment nutritif pour le bétail.

On ne sait pas exactement quelle espèce de Chardon peut prétendre être l’emblème national de l’Écosse, l’honneur est généralement accordé au Chardon aux ânes ou Onopordon à feuilles d’acanthe (Onopordon acanthium), bien qu’en fait cette espèce particulière ne soit pas originaire d’Écosse, elle porte parfois le nom de Chardon d’Ecosse. On dit que cette plante a été adoptée comme emblème par les Pictes du nord et de l’est de l’Ecosse, qui furent sauvés d’une attaque nocturne menée par les Danois lorsqu’un des ennemis marcha sur un chardon pied nu. Son cri soudain aurait réveillé le camp endormi et l’ennemi aurait été repoussé. La première mention du Chardon en tant qu’emblème national figure dans le poème de Dunbar, The Thrissell and the Rois, écrit à l’occasion du mariage de Jacques IV d’Écosse avec Margaret Tudor, en 1503. La fleur apparaît sur les pièces de monnaie de ce monarque, mais la devise n’apparaît pas avant le règne de Jacques VI. Le plus grand des Chardons est la Cirse des marais, ou Bâton-du-diable (Cnicus palustris), qui pousse de un à trois mètres de haut, avec des fleurs d’un cramoisi profond, et parfois blanches. Tous les Chardons possèdent des graines parachutes qui leur permettent d’utiliser le vent pour se reproduire. Le Chardon penché (Carduus nutans) a des fleurs solitaires tombantes, à l’odeur musquée ; le Chardon terrestre (Cnicus acaulis) est presque sans tige ; la Carline commune (Carlina vulgaris) se reconnaît à la rangée intérieure de longues bractées couvertes de fibres autour de son capitule ; par temps ensoleillé et sec, elles s’étalent comme des pétales, par temps humide, lorsque la fleur est fermée, elles forment un toit sur son coeur. D’une texture ressemblant aux pétales des Immortelles, ces bractées restent souvent sur la plante pendant l’hiver. Son nom vient de Charlemagne, qui aurait utilisé une espèce de ce chardon (Carlina acaulis) comme remède lorsque son armée fut attaquée par la peste. Cette espèce est aussi utilisée comme une girouette rustique. Le Chardon-Marie (Mariana lactea) a des fleurs de couleur rose et des feuilles blanches veinées. La légende nous dit que la Vierge Marie, voyageant d’Égypte en Palestine, aurait donné le sein à l’enfant Jésus près d’un bosquet de chardons. Quelques gouttes de son lait tombèrent sur les feuilles, créant les nervures blanches caractéristiques de cette espèce.

Le Gaillet jaune ou Caille-lait jaune (Galium verum), était à l’origine connu sous le nom de Gaillet de la Vierge, d’après la légende selon laquelle, lors de la nuit glaciale de la naissance de Jésus Christ, on demanda aux plantes laquelle d’entre elles s’offrirait pour faire un lit à la Vierge. Le Gaillet s’est porté volontaire et a été récompensé en portant désormais des fleurs dorées au lieu des fleurs blanches communes à son genre. D’autres espèces bien connues sont le Gaillet croisette (Galium cruciata) aux feuilles à trois nervures, le Gaillet mou (Galium mollugo) dont les fleurs sont blanches, le Gaillet des rochers (Galium saxatile), le Gaillet des marais (Galium palustre) et le Gaillet aquatique ou Gaillet des tourbières (Galium uliginosum). Les racines du Gaillet jaune sont utilisées pour la teinture, et ses fleurs pour cailler le lait, d’où le nom du genre, du grec γάλα, lait.

D’autres plantes autrefois réputées parmi les teinturiers étaient la Réséda jaunâtre (Reseda tuteola) et le Genêt des teinturiers (Genista tinctoria), ce dernier est censée avoir été la Planta Genista originale, dont la famille Plantagenêt a pris le nom. Le Lotier corniculé est appelé ainsi en raison de la forme de ses vaisseaux de graines ; la Reine des prés (Spiræa ulmaria) était à l’origine connue sous le nom de Fausse spirée, ses fleurs étant mélangées à de l’hydromel pour lui donner une saveur semblable à celle du vin ; de la même façon, la Bourrache est toujours l’un des composants de la boisson médiévale le Clairet, bien que le concombre soit généralement employé à sa place. La Renouée bistorte (Polygonum bistorta) est appelée ainsi à cause de sa racine tordue ; les jeunes pousses sont bouillies et consommées ainsi dans le nord de l’Angleterre. La Bistorte appartient à la famille des Persicaria, tout comme les diverses espèces d’oseille qui fleurissent actuellement ; parmi celles-ci, l’Oseille commune (Rumex acetosa) est encore utilisée comme aliment, et l’Oseille des Alpes (Rumex alpinus) était autrefois cultivée. La belle fleur aux sépales jaune pâle incurvés, Trolle des montagnes (Trollius europæus) tire son nom scientifique du troll de la mythologie scandinave. Peu amical ou dangereux pour l’homme, le troll est lié aux milieux naturels hostiles comme les mers, les montagnes et les forêts. Diabolisée par le christianisme, la croyance du troll perdure néanmoins dans le folklore scandinave jusqu’au XIXe siècle, mais il est parfois confondu avec d’autres créatures du Petit peuple, tels que les elfes. 

La Grande Berce (Heracleum sphondylium) est l’une des plus grandes ombellifères et se distingue de la Ciguë, avec laquelle elle est parfois confondue, par l’absence des taches rouge-violet sur la tige qui caractérisent cette dernière ; les feuilles sont également totalement différentes et la tige de la Grande Berce est velue, alors que celle de la Ciguë est lisse. La Carotte sauvage (Daucus carota) peut facilement être reconnue par la tache rouge au milieu de sa grappe de fleurs. La Sanicle d’Europe (Sanicula europæa) fait également partie de la famille des Apiacées. La Vipérine vulgaire ou Serpentine (Echium vulgare), dont la tige est tachetée comme un serpent, était autrefois considéré comme un antidote contre les morsures de serpent, son nom scientifique venant du grec ἑχἰς, “vipère”, tandis que la Buglosse tient également son nom du grec qui signifie langue de bœuf, par rapport à la forme et à la rugosité des feuilles. Mais la véritable langue de bœuf, la Picride fausse-épervière (Picris echioides ou hieracioides) est une plante composite à fleurs jaunes, dont les feuilles sont couvertes de taches blanches en relief, d’où jaillit un aiguillon acéré. 

D’autres fleurs composites jaunes plus difficiles à identifier sont les différentes espèces d’Épervières, Crépides, Liondents, et Porcelle enracinée, qui viennent de s’ouvrir. Les diverses espèces d’Astéracées et de Camomilles sont également difficiles à identifier pour leur utilisation en médecine. La Camomille romaine (Anthemis nobilis) se reconnaît à son odeur aromatique de pomme fraîche, et l’Anthémis puante ou Camomille des chiens (Anthemis cotula) à sa forte odeur. La Matricaire inodore (Matricaria inodora) et la Camomille sauvage (Matricaria chamomilla) fleurissent de juin à octobre. Leurs feuilles très divisées les distinguent immédiatement de la Marguerite commune, dont les fleurs se ressemblent à première vue.

Une autre plante médicinale précieuse est la Digitale pourpre (Digitalis purpurea), que nous appelons Doigt de la Vierge ou Gant de Notre-Dame car son nom scientifique vient du latin digitus, “doigt”, et se réfère à la facilité avec laquelle on peut introduire un doigt dans la corolle. Les Anglais la nomment Foxglove, “gant de renard”, et les Allemands Fingerhut, “dé à coudre”, mais elle est plus souvent soupçonnée d’être l’abri du Petit Peuple des fées qui habiteraient ses cloches tombantes et auraient peint les petites tâches violettes à l’intérieur. La Molène Bouillon-blanc en Europe, que l’on appelle la Grande molène au Canada (Verbascum thapsus) est également connue sous le nom de “Herbe de Saint-Fiacre”, du nom du moine herboriste anachorète irlandais, tandis que ses feuilles laineuses lui ont valu le nom de Flannelle d’Adam chez les britanniques. L’Euphraise officinale ou Casse-lunettes (Euphrasia officinalis) est encore employée dans la préparation des collyres ; c’est cette Euphraise qui fut utilisée par l’archange Michel quand, avant de dévoiler à Adam la vision de l’avenir, il

“lui nettoya avec l’euphraise et la rue,
Le nerf optique, car il avait beaucoup à voir. »

Le Paradis perdu, livre XI.

Désormais,

« La gousse gonfle lentement 
La pêche s’arrondit, et dans la nuit
Le champignon éclate la terre. »

L’Agaric champêtre dit aussi Rosé des prés (Agaricus campestris) se reconnaît à ses lamelles, libres et non attachées à la tige, roses à l’état jeune, devenant pourpre foncé à maturité, son chapeau est de texture blanchâtre et soyeuse qui se détache facilement, l’anneau qui entoure la tige, est un vestige de la peau qui entourait à l’origine les lamelles, et il dégage une agréable odeur de champignon. La tige est courte et épaisse. Les lamelles de l’Agaric des jachères (Agaricus arvensis) sont d’un blanc sale lorsqu’elles sont jeunes et deviennent presque noires en murissant. Le chapeau est beaucoup plus grand que celui du Rosé des prés et il est plutôt lisse ; l’odeur est également plus forte et la saveur moins délicate. Le Tricholome de la Saint Georges (Agaricus gambosus) serait, selon une légende hongroise, un cadeau du saint patron britannique. Les Français l’appellent Mousseron de Saint Georges parce qu’il a l’habitude de pousser parmi la mousse, et l’on pense que le terme de Mushroom en anglais serait une dérivation de ce nom. Les différents champignons des bois et le petit Faux-mousseron, qui crée des “nids de sorcières” au milieu de l’herbe des prairies, apparaissent en juillet. La Morille commune (Morchela esculenta) est une espèce commune qui pousse aussi bien en plaine qu’en montagne, et sur tous types de sols. Il est possible de la retrouver dans de nombreux habitats, en lisière ou sous les feuillus, tels que les frênes, les peupliers, les noisetiers, les bouleaux et même sous les fruitiers dans des vergers. On la reconnaît à son sommet sphérique, de couleur brun clair ou gris fauve, et piqué comme un nid d’abeille. Le pédoncule est blanc et l’ensemble du champignon est creux, avec une agréable odeur d’humus. Tous ces champignons sont comestibles.

Alors que nous rentrons chez nous dans la chaude lumière du crépuscule, la « puissante déclamation, note désaccordée » du Roi caille, ou Râle des genêts, caché au sol, parvient à nos oreilles, et nous nous arrêtons pour jeter un dernier regard sur l’herbe haute de la prairie et ses Marguerites scintillantes, insouciantes, avec le même sentiment qui pousse la petite fille dans The Last Day of Flowers à dire adieu à ses favorites, car

« Chut, ah chut, disent les faux.
Chut, et ne faites pas attention, et endormez-vous ;
Chut, disent-elles aux herbes qui se balancent,
Chut, chantent-elles au trèfle des prés.”

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman. Relecture : Maeva Dauplay)

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