Note de Charlotte Mason Poetry : Cette semaine, nous poursuivons notre voyage avec The changing year. Pour plus d’informations sur la façon d’utiliser cette ressource inspirante de Florence Haines, veuillez consulter l’article intitulé « Une promenade en février » . Nous espérons que l’épisode de cette semaine vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.

Image © Jean-Sébastien Caron Photographe

Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp. 82-91

« A côté de lui, Septembre marchait d’un pas rapide ;
Il était pourtant lourdement chargé par le poids
Des richesses de la moisson, dont il fit sa hotte,
Et il s’enrichissait de la générosité du sol :
Dans sa main, comme on le fait pour le produit de la moisson,
Il tenait une serpe, et dans l’autre main
Une paire de poids, avec lesquels il distribuait les fruits
Plus ou moins, et en cas de doute,
Il donnait à chacun, de manière égale, ce que la justice avait dûment déterminé. »

Spenser.

Septembre est le mois des matins et des soirs de rosée, des fruits qui mûrissent et des feuilles qui changent, de la Lune des moissons et de la joie du festival Harvest Home, la fête des moissons : la dernière gerbe coupée marquant l’aboutissement et la réussite des travaux aux champs, on pensait que l’esprit du grain avait été “décapité” quand cette dernière gerbe était coupée. On la tranformait en poupée de grain que l’on gardait jusqu’à l’année suivante, pour l’enterrer dans un sillon, le fameux lundi du labour (en janvier), marquant ainsi le début de la nouvelle année agricole. Au pays de Galles, on mélangeait les grains de cette gerbe avec ceux destinés à être semés “afin de leur apprendre à pousser”*.

Nos ancêtres saxons appelaient septembre Gerst-monat (le mois de l’orge) car, selon l’historien Richard Verstegan, « l’orge, qui était communément cultivée à cette époque, était autrefois appelée gerst, le nom d’orge, barley en anglais, lui ayant été donné à cause de la boisson qu’on en faisait, appelée beere, et qui s’est transformé avec le temps en beerlegh puis berlegh et enfin barley« , nous laissant tout de même la racine étymologique de cette boisson servie partout en Europe, la bière. Septembre était également connu sous le nom de Halege ou Heilige, c’est-à-dire le mois sacré, « parce que nos ancêtres, tant qu’ils étaient païens, célébraient en ce mois-ci la fête du diable ».

En Russie, la Saint-Gilles (1er septembre) est considérée comme la fin de l’été, et en Grèce, l’Eglise othodoxe fête le Nouvel An : la culmination de l’année et l’aboutissement de chaque année viennent avec la moisson, et les semailles d’automne étaient considérées comme le début d’un nouveau cycle. Les agriculteurs grecs emportent leurs graines à l’église pour qu’elles soient bénies avant les semailles d’automne et les gens font des guirlandes de verdure et de fruits pour représenter l’abondance pour l’année à venir.

Un petit peu plus tard mais non loin de là, à Rome, lors de l’équinoxe, on dit que la Saint-Mathieu (21 septembre) fait ses adieux à l’été, et que Saint-Maurice (22 septembre) ferme la porte après lui, et à Milan, vous ne verrez plus guère de beaux jours après la Saint-Mathieu. Les proverbes anglais nous disent que « Saint Matthieu apporte le froid, la pluie et la rosée », et nous invitent à ne pas oublier les autres :

« A la Saint-Mathieu
Acquérez de nouveaux chandeliers. »

L’Eglise a consacré l’équinoxe d’automne à la Saint-Matthieu, le saint patron des collecteurs d’impôts et des banquiers, et l’a fixée au 21 septembre. Dans le Midlands d’Angleterre, le jour de la Saint-Matthieu est vu comme le premier des trois jours venteux, appelés aussi “les jours venteux de la moisson de l’orge”. Voici l’un des nombreux dictons anglais traditionnellement associés à ce jour-là :

St. Matthee, shut up the bee ;
Saint-Matheille, enferme l’abeille ;

St. Mattho, take thy hopper and sow ;
Saint-Mathème, prends ta trémie et sème ;

St. Mathy, all the year goes by ;
Saint-Mathé, toute l’année est passée ;

St. Matthie, sends sap into the tree.
Saint-Mathève, envoie dans l’arbre la sève.

Il indique qu’il est temps de refermer les ruches et de procéder aux semailles d’automne.

Les Allemands ont aussi leur propre rime,

“Tel est le jour de Saint-Gilles,
Le mois tout entier le sera-t-il.”

Et une prophétie similaire est liée au 8, le jour de la Nativité de la Sainte Vierge, car « Le temps du jour de la naissance de Marie annoncera celui qu’il fera pendant quatre semaines », tandis que The Shepherd’s Kalendar, le premier ouvrage poétique majeur d’Edmund Spenser, nous affirme que « Si le jour de la Saint-Michel est beau, le soleil brillera beaucoup en hiver, bien que le vent vif et piquant du nord-est régnera longtemps ». Les Français disent d’ailleurs que « Quand le vent est au nord le jour de la Saint-Michel, 

Le mois d’Octobre est sec, » et que

“Pluie de Saint Michel
Soit devant ou derrière elle ne demeure au ciel.”

La phase de la Lune le jour de la Saint-Michel détermine, dit-on, le nombre de crues qui suivront, le nombre de jours où la lune est pleine lors de cette fête correspond donc aux crues qui suivront.

« Maintenant, les oiseaux de passage attendent leurs vents,
Et font un dernier adieu à chaque bosquet. »

Le Merle à plastron est aperçu avant son départ pour l’Afrique, les dernières Hirondelles disparaîtront au début du mois d’octobre. Parmi celles qui sont encore là, beaucoup se dirigent vers le sud et, en prenant la place de celles qui sont déjà parties, semblent maintenir leur effectif pendant un certain temps. Le Merle noir et la Grive se font à nouveau entendre, la Chouette rayée hulule, l’Epervier appelle, tandis que

« à travers les chaumes de blé
on entend de fréquents coups de feu »

alors que les Perdrix effrayées s’envolent à toute vitesse.

Le Merle à plastron (Turdus torquatus) appartient à la famille des Turdidae comme les Grives, et il ressemble à un grand Merle avec une large bande blanche sur le devant de la gorge, le plumage est brun noirâtre, les ailes sont brunes avec des bordures blanchâtres. La Chouette des bois ou Chouette hulotte (Strix aluco), est commune et répandue sur toute l’Europe. Ses repaires préférés sont les troncs creux des chênes et des hêtres, mais on la trouve également dans les tours et les bâtiments en ruine et son cri clair retentit matin et soir.

Tous nos gibiers à plumes – Faisans, Bécasses, Bécassines, Perdrix et Gélinottes – ont un plumage brun tacheté, très difficile à distinguer de leur environnement. Le long bec de la Bécasse et de la Bécassine est extrêmement sensible et s’enfonce dans le sol mou à la recherche de larves, de vers, etc. On sait qu’une Bécassine apprivoisée mange près de deux fois son propre poids en vers en seulement douze heures de temps. Trois espèces de bécassines visitent la France et ses pays voisins, ainsi que la Grande-Bretagne : la Bécassine des marais (Scolopax gallinago), la Bécassine sourde (Scolopax gallinula) et la Bécassine double (Scolopax major). La première est abondante dans les marais et les landes, elle migre en automne et revient se reproduire au printemps, tandis que celles que l’on trouve en Angleterre pendant les mois d’hiver sont des visiteurs venus de Scandinavie. La Bécassine sourde, un visiteur hivernal commun, est plus petite que les autres, ne mesurant que 20 cm, alors que la Bécassine des marais mesure plus de 25 cm, et la Bécassine double 3 cm de plus. Ces oiseaux migrent la nuit, lorsqu’ils se nourrissent principalement, et volent rarement le jour, à moins d’être dérangés. Elles se lèvent alors brusquement et s’envolent avec une grande rapidité et un curieux vol en zigzag qui en fait une cible difficile pour les chasseurs. La Bécasse des bois (Seolopaxrusticola) se lève avec un « ronronnement » des ailes plus fort que sa voisine, elle vole moins rapidement et s’élance moins, mais comme elle, c’est un animal plutôt nocturne, et tandis que la Bécassine habite les terrains marécageux ouverts, la Bécasse des bois, comme son nom l’indique, préfère les bois et les plantations. Le drainage des tourbières entraîne une baisse de la population des Bécassines, d’où l’importance de leur protection, dont elles font l’objet ces dernières années.

​​De même, la Perdrix, qui se nourrit à la fois d’insectes et de céréales, a vu son nombre augmenter avec l’extension des cultures, et est maintenant le plus commun des gibiers à plumes. D’un point de vue gastronomique, il a été dit que

« Si la bécasse avait les ailes de la perdrix
Ce serait le plus bel oiseau qui ait jamais chanté.
Si la perdrix avait la cuisse de la bécasse
Ce serait le meilleur oiseau qui ait jamais volé. »

La Perdrix commune ou grise (Perdix cinerea) est présente en Europe, en Asie occidentale et centrale, ainsi qu’en Afrique. Comme la plupart des gibiers à plumes, son nid n’est guère plus qu’un creux dans le sol, et contient entre douze et vingt œufs, les poussins pouvant s’enfuir dès leur éclosion. La Perdrix rouge (Perdix ou Caccabus rufa) est originaire du sud-ouest de l’Europe et aurait été introduite pour la première fois en Angleterre sous le règne de Charles II. Selon Carlyle, la Révolution française de 1789 (avec son abolition des lois sur le gibier) a provoqué « l’émigration des seigneurs français, et l’émigration du gibier français ». La Perdrix rouge, que les Anglais nomment la Perdrix française, habite les terres argileuses lourdes et les landes, elle est plus robuste et plus grande que ses homologues, qu’elle a largement supplanté dans le Norfolk et le Suffolk, et à qui elle a enseigné l’art de courir, bien que d’autres affirment que ce développement, plutôt récent, serait le résultat de l’introduction de la moissonneuse et du semoir. A l’époque des chaumes désordonnées et des navets à croissance irrégulière, la course était impossible et la Perdrix attendait que son ennemi s’approche avant de prendre son envol, maintenant elle peut courir le long des sillons en suivant les conseils supposés de l’oiseau français.

“Ah non! camarade sportif, mon frère de la chasse,
Si vous voulez bien me suivre, je vais vous faire part de certaines choses.
Qui vous prouveront combien la Perdrix est – comment dites-vous ? –
Celle qui fuit le chasseur loin sur ses ailes.
C’est tellement plus grisant de courir au milieu des cultures,
Course du plus costaud sur ses jambes ! A présent je vais vous expliquer pourquoi,
Les Français disent toujours ‘Je tire quand elle s’arrête’.
Alors que les Anglais disent toujours, ‘Je tire quand elle s’envole’, »

Preuve que la course, du point de vue de la Perdrix rouge, déconcerte les chasseurs des deux côtés de la Manche. Le Faisan de Colchide (Phasianus colchicus) et la Gélinotte sont étroitement liés à la Perdrix, le premier étant appelé du nom scientifique du genre, Phasianus, lui-même dérivé de la rivière Phasis, en Colchide, des rives de laquelle l’oiseau a été introduit en Europe dans les temps anciens, selon les Argonautes. La date de sa naturalisation en Grande-Bretagne est inconnue, mais en 1199, le roi Jean accorda une permission à un certain William Brewer, « pour chasser le lièvre, le renard, le chat et le loup dans tout le Devonshire, et pour chasser librement le lièvre, le faisan et la perdrix sur toutes ses terres ». Parmi les Tétras, nous avons le Grand Tétras, ou Grand coq de bruyère (Tetrao urogallus), le Tétras lyre (Tetrao tertix), le Lagopède alpin (Lagopus mutus) avec son plumage gris et blanc, et le Lagopède d’Écosse (Lagopus hyperhoreus) au plumage plus roux. Les trois premiers sont originaires d’Écosse, le dernier est propre aux îles britanniques et ne se trouve qu’en Écosse, dans le nord de l’Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande, il est supposé être une forme insulaire du Lagopède des saules que l’on observe sur le continent. La couleur du Lagopède d’Écosse varie du noir – la forme la moins commune – au marron roux en passant par un plumage tacheté de blanc ; il est probable que, comme ses alliés continentaux et d’autres espèces du même genre, il ait originellement adopté le blanc pour l’hiver, mais qu’il ait abandonné cette habitude qui n’était plus nécessaire pour le protéger.

Une deuxième couvée du papillon la Piéride de la moutarde apparaît ce mois-ci, et les papillons de nuit Orgyia antiqua, ou l’Étoilée, ainsi que le Double oméga, ou Diloba à tête bleue, sortent de leurs cocons. Le petit papillon brun l’Étoilée (Orgyia antiqua) est largement répandu et aime voler au soleil ; la femelle est étrangement dépourvue d’ailes et est de couleur plus pâle, mais elle ne s’éloigne jamais de sa chrysalide, sur laquelle elle dépose habituellement ses œufs, qui éclosent l’été suivant. Le Double oméga (Diloba cæruleocephala) est également commun, mais il vole la nuit ; il peut être facilement identifié par les deux 8 dessinés sur chaque aile. On peut maintenant trouver les larves des papillons de nuit suivants : l’Euproctis similis ou Cul-doré, la Ratissée, l’Acronicta tridens ou Poignard sombre, l’Angerona prunaria et sa belle couleur rousse, la Noctuelle de la Patience et la Noctuelle porphyre sur leurs plantes nourricières respectives.

Une caractéristique remarquable de la vie des insectes ce mois-ci est l’abondance de toiles tissées par les jeunes araignées qui se lancent ainsi littéralement dans le monde. En grimpant sur une élévation – un brin d’herbe ou une motte de terre – près de leur lieu de naissance, les petites créatures produisent quelques courts fils qu’elles fixent fermement, puis, en les saisissant, elles tirent un long fil fin, qui, soufflant de-ci de-là et s’emmêlant avec le reste, forme un radeau qui, soulevé par le vent, est transporté vers un endroit frais, où la petite fileuse passera l’hiver. Après un matin de rosée, ces minuscules fils, parés de gouttes nacrées, sont visibles sur l’herbe et les buissons ; en Allemagne, on les appelle « Sommer fäden », les fils d’été.

L’Euphraise, le Séneçon jacobée, la Camomille, le Chrysanthème des moissons ou Marguerite dorée, l’Anthémis fétide, l’Achillée millefeuille, la Linaria, le Polygonum, la Renouée faux liseron (Polygonum convolvulus), la Pensée sauvage, la Centaurée, la Fumeterre officinale, les Chardons, la Centaurée noire, la Campanule à feuilles rondes et le Compagnon rouge ou Silène dioïque, égayent encore les champs et les haies, mais notre liste de fleurs se réduit de plus en plus, seuls l’Adonis, le Crocus, le Safran, la Colchique d’automne, l’Aster et l’Arbousier peuvent être considérés comme des fleurs de septembre.

L’Adonis d’automne (Adonis autumnalis) n’est pas indigène, mais a probablement été introduite parmi les céréales ; Gerarde dit d’ailleurs à son sujet que : « La fleur rouge de l’Adonis pousse à l’état sauvage dans les régions occidentales de l’Angleterre, au sein de leur plantations comme le fait le Cannabis ;  j’en ai apporté les graines, et je les ai semées dans mon jardin pour la beauté de la fleur ». Le botaniste écossais Philip Miller, dans The Gardeners’ Dictionary, nous apprend qu’un grand nombre de ces fleurs étaient apportées chaque année à Londres et vendues sous le nom de Red Morocco. Elle reçu ensuite son nom d’Adonis de la légende de l’amant d’Aphrodite qui porte ce même nom : lorsque le malheureux jeune homme fut tué par un sanglier, cette fleur, qui poussait à l’endroit où il tomba, fut cramoisie par son sang. C’est ainsi qu’en France, elle est connue sous le nom de « Goutte de Sang”.

Le Crocus à fleurs nues ou Crocus d’automne (Crocus nudiflorus) et le Crocus à safran (Crocus sativa) produisent leurs fleurs en automne et leurs feuilles au printemps suivant ; le premier se trouve principalement dans les prairies et les pâturages, et le second est intéressant car il fournit le safran préparé à partir de ses stigmates séchés, si apprécié autrefois, et toujours employé dans la cuisine et en médecine. Saffron Walden, qui est situé en Angleterre, dans l’Essex, tire son nom de cette fleur, qui y était largement cultivée, après avoir été introduite, dit-on, de l’Est, en 1339. Elle a été employée comme teinture par diverses nations, dont les Grecs anciens, qui l’utilisaient surtout pour les vêtements des personnalités royales, tout comme le faisaient les Irlandais.

Selon Giraldus Cambrensis (juriste et historien ecclésiastique gallois, fin lettré latin du XIIᵉ siècle et compagnon du roi Henri II Plantagenêt), le safran avec du lait constituait la nourriture du pays des fées. On en trouve une autre référence dans la tragicomédie de William Shakespeare, le Conte d’Hiver, car le personnage du berger « doit utiliser du safran pour colorer les gâteaux » (Acte IV, sc. 2). Le sachet de safran était aussi très apprécié pour son effet sur la gaieté, si bien que chez les anciens, on disait, lorsqu’un homme était joyeux, qu’il avait dormi sur un sachet de safran.

Le Colchique d’automne (Colchicum autumnale), bien que ressemblant beaucoup aux espèces précédentes, est, comme ses six étamines l’indiquent, un membre de la famille des Liliacées. Il est remarquable pour la protection de ses graines ; comme le Crocus à fleurs nues et le Crocus safrané, les fleurs apparaissent en automne et les feuilles au printemps, le réservoir de graines se trouve à la base du long tube du périanthe, à une profondeur de près de 15 à 20 cm sous terre, où il reste pendant l’hiver à l’abri du gel. Puis, avec le retour du printemps, il est porté en hauteur par une tige ascendante, et les graines qui mûrissent vers le milieu de l’été, se dispersent de la manière habituelle. Certaines années, le Colchique d’automne se multiplie énormément dans certaines prairies naturelles humides. On suppose que cela est provoqué par des hivers plus doux et l’extensification des prairies. La teneur en colchicine de ces plantes peut provoquer des intoxications du bétail, on l’appelle d’ailleurs “tue-chien” ce qui nous averti de sa toxicité.

L’autrice-compositrice et écrivaine française, Francine Cockenpot a écrit une chanson en son honneur, apprise par de nombreux petits enfants, elle est désormais célèbre dans tout le monde francophone.

« La feuille d’automne emportée par le vent
En rondes monotones tombe en tourbillonnant
Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été. »

A présent,

« La Marguerite de la Saint-Michel parmi les mauvaises herbes mortes
Fleurit pour les actes valeureux de Saint-Michel . »

On trouve toujours cette Marguerite de la Saint-Michel, aussi nommée Aster amelle, près de la mer et elle est également très commune dans les marais salants, d’où son autre nom de l’Etoilée. La dernière de nos fleurs de septembre, la fleur de l’Arbustus ou Arbousier, est un genre de plantes à fleurs de la famille des Ericaceae, originaire des régions tempérées chaudes de la Méditerranée, de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord.. Les fruits formés une année mûrissent l’année suivante, de sorte que ses clochettes cireuses d’un blanc verdâtre et ses boules écarlates s’accrochent ensemble. Et maintenant, 

« Laisse tomber le gland mûr dans les fougères
La pomme tendre dans l’herbe,
Les joues gitanes de la nature brûlent
Lorsque les doigts de l’automne les effleurent,
Il enjambe la lande pourpre,
Des bleuets entourant sa tête rougie par le soleil,
Libère l’aveline brune de sa gaine,
En foulant le sol de la forêt. »

Automn, Songs of the People, Alan Brodrick

Et non seulement les Glands et les Avelines, ou Noisettes, mais également les fruits du Noyer, du Châtaignier, de l’If et du Houx sont en train de mûrir rapidement, le fruit carmin du Sorbier ressemble quelque peu aux grappes teintées de cramoisi portées par la Viorne obier, autrefois aussi appelée Bois à quenouille, la Ronce est chargée de baies noires et violettes, le Houblon est prêt à être cueilli, les Cynorrhodons et les baies écarlates de la Bryonia égayent nos haies, avec le rouge plus foncé de l’Aubépine, le fruit noire violacé du Prunelier, et les grappes sombres du Sureau. Au bord de la route, à ras du sol, brillent les baies toxiques mais magnifiques de l’Arum tacheté ; le fruit noir et solitaire de la Belladone (Atropa Belladonna) est mûr, et sur les landes et les montagnes, nous trouvons des Airelles, des Myrtilles et des Genévriers, dont le fruit met deux ans à mûrir. Les Fougères laissent échapper leurs spores, et les Champignons de formes et de couleurs variées abondent dans nos bois et sur les espaces ouverts.

Le règne des Fungi, dans le monde anglophone, est bien divisé grâce au langage-même, qui distingue les Mushrooms : les champignons comestibles et savoureux, et les Toadstools : ceux qui sont vénéneux et toxiques ou tout simplement non comestibles. D’un point de vue scientifique, il n’y a pas de différence entre un Toadstool et un Mushroom. Il n’existe aucun moyen scientifiquement accepté de les distinguer, et les uns ne représentent pas un groupe distinct des autres. Ce n’est pas comme la différence entre un crapaud et une grenouille, ou un chat et un chien, qui sont des catégories taxonomiques distinctes d’animaux. Comme beaucoup de mots anglais, l’origine exacte du terme Toadstool est difficile à cerner, et la langue est en constante évolution. Mais on pense que les gens ont commencé à utiliser le terme entre 1400 et 1600 après J.C. À peu près à la même époque, le mot Mushroom était également en pleine mutation. Les gens se référaient aux champignons comestibles avec divers mots comme mushrom, mushrum, mousheroms, mussherons, musserouns et muscherons. Le mot toadstool est très probablement une référence aux contes de fées et aux contes folkloriques qui parlent de crapauds, toad en anglais, qui s’asseyaient sur des champignons. Dans les temps anciens, les gens pensaient que les crapauds étaient porteurs de maladies. Alors tout naturellement, les champignons sur lesquels ils s’asseyaient devenaient toxiques. C’est sûrement une manière pour les gens d’expliquer le caractère apparemment aléatoire de la comestibilité ou de la toxicité de certains champignons, à une époque antérieure à l’existence de la science telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Il existe plusieurs milliers de variétés de champignons, mais la plupart peuvent être divisés en deux classes, les Agarics et les Bolets ; les premiers, dont fait partie le fameux Champignon de Paris, ont des plaques ou des branchies sur la face inférieure du chapeau. Les Bolets n’ont pas de branchies, mais une surface plane en dessous ponctuée d’innombrables trous comme des piqûres d’épingle ; ce sont les ouvertures de fins tubes serrés les uns contre les autres, qui contiennent les spores, qui, chez les Agarics, sont portées par les branchies. En plus de ces deux groupes principaux, nous avons la familles des Basidiomycètes avec  les délicieuses Girolles et les Pieds-de-mouton à la couleur saumonée, les Vesses-de-loup qui éclatent en « fumée” lorsqu’on marche dessus, ceux du genre Clavaria qui ressemblent à de petites anémones de mer colorées, ceux du genre Peziza qui forment de jolies coupes de fées ou d’elfes, que l’on trouve sur le bois en décomposition ou les crottins, et bien d’autres encore.

Beaucoup de Bolets sont comestibles et l’un d’entre eux, le Cèpe de Bordeaux (Boletus edulis) est très consommé, vendu frais, en bocaux ou séché. La famille des Bolétacées est très vaste, notamment le genre Boletus qui compte, outre les 4 espèces de bolets « nobles » (les cèpes), beaucoup de bolets tout à fait appréciables en cuisine. Si les cèpes sont réputés comme les plus raffinés, il n’en demeure pas moins que les bolets sont souvent très recherchés pour leur goût et leur texture si subtiles. Parmi les plus connus des bolets, citons les plus savoureux : le Bolet bai (Xerocomus badius), le Bolet orangé (Leccinum aurantiacum), le Bolet appendiculé (Boletus appendiculatus), le Bolet à pied rouge (Boletus erythropus) – le Bolet de Quélet (Boletus queletii), le Bolet orangé des chênes (Leccinum quercinum). Par contre, un autre genre, Rubroboletus, regroupe les gros Bolets à pores rouges, orangés et jaunes. Tous sont toxiques, à commencer par le bien connu Bolet de satan, (Rubroboletus satanas).

Depuis toujours, on associe le bleuissement des Bolets à leur toxicité, pourtant il n’en est rien, et de nombreux Bolets bleuissants méritent d’être redécouverts et consommés. Inversement certains Bolets à chair immuable sont immangeables, indigestes ou toxiques selon les quantités et les sensibilités individuelles.

En ce qui concerne la Girolle ou Chanterelle commune, (Cantharellus cibarius), que l’on trouve dans les bois, un vieil écrivain nommé Battarra, a dit qu’une préparation adéquate pouvait arrêter les douleurs de la mort (peut être parce qu’elle a des propriétés qui facilitent le transit intestinal), alors que la Fausse Chanterelle (Cantharellus aurantiacus), qui  pousse en plein air, n’est pas comestible.

Le groupe des champignons Lactaires possèdent des canaux laticifères à l’origine du latex ou lait des Lactarius, et parmi eux, il y a plusieurs espèces comestibles, dont le Lactaire douceâtre (Lactarius subdulcis) et le Lactaire délicieux (Lactarius deliciosus), qui est le meilleur culinairement parlant. Il pousse sous les sapins, et son jus orange devient vert lorsque la plante est cassée ou coupée. Le Lactaire roux (Lactarius rufus) a une coupe rouge-brun, et le Lactaire muqueux (Lactarius blennius) une coupe glutineuse d’un vert terne ; mais aucun des deux n’est bon en cuisine. L’Amanite tue-mouches (Amanita muscaria), un champignon vénéneux qui pousse dans les bois, est d’une beauté singulière avec son chapeau écarlate parsemé d’amas pâles et ses branchies ivoires. Il contient un jus narcotique puissant très utilisé dans la fabrication de papier tue-mouches, d’où son nom. Le Satyre puant ou Phallus impudique (Phallus impudicus) pousse également dans les bois et on le reconnaît à son odeur fétide et sa forme évocatrice. À ses premiers stades, il ressemble à un œuf blanc et mou ; puis la « coquille » se brise et une tige spongieuse, portant une sorte de casque recouvert d’une masse gluante vert foncé contenant des spores, pousse si rapidement qu’en deux ou trois heures, elle mesure 12 à 15 cm de long. L’ensemble du champignon, et en particulier la matière visqueuse, dégage une odeur horrible, très attirante pour les mouches, en particulier les Mouches bleues de la viande, qui dévorent avidement la substance, disséminant ainsi les spores. Le Phallus de chien (Mutinus caninus) est similaire mais plus petit, et n’a pas de chapeau, le mucus collant couvrant simplement le sommet de la tige, son odeur est faible et moins désagréable.

L’Hébélome radicant (Agaricus radicatus) possède une tige torsadée polie qui se termine sous terre en une pointe effilée. Le Psilocybe lancéolé, ou Psilocybe Fer de lance, pousse dans les champs et les espaces ouverts, sa couleur est brun pâle ou couleur chair, et lorsque le chapeau se développe, il se fend fréquemment sur le bord. En apparence, il ressemble au Marasme des Oréades, ou Faux Mousseron avec sa tige fine (Marasmius oreades) celui que nous appelons Champignon des fées ou Bouton de guêtres et qui régale nos papilles en omelettes ou en tartes.

La plupart des champignons se nourrissent de matières végétales mortes et en décomposition, mais certains attaquent les plantes vivantes, généralement par le biais d’une blessure, comme lorsqu’une branche d’un arbre est cassée. L’Armillaire couleur de miel (Agaricus melleus) est l’un d’entre eux, et constitue une cause importante de maladie du bois ; il se développe en groupes à la base des arbres ou des souches, ses fibrilles pénétrant dans le bois et absorbant la nourriture de son hôte. Une espèce encore plus commune est l’Hypholome en touffe (Agaricus fasicularis) avec des capuchons de couleur soufre et des branchies d’un gris verdâtre avec des spores brun-violet. La Mucidule visqueuse (Oudemansiella mucida) est généralement de couleur blanc ivoire, presque translucide, elle est comestible et on en extrait un antibiotique : la mucidine. Sans être toxique, de saveur douce, elle n’a toutefois aucun intérêt culinaire. ; on la trouve en touffes ou en petits groupes sur les troncs de hêtres vivants ou morts. La Fistuline hépatique, aussi couramment nommée la Langue de bœuf (Fistulina hepatica) est également comestible à condition de la consommer jeune ; les spécimens âgés devenant coriaces et ligneux. Parmi les diverses espèces du groupe des champignons en forme d’huîtres, Mordecai Cubitt Cooke*, dans son ouvrage spécialisé sur les champignons, recommande la Pleurote de l’orme (Agaricus ulmarius) comme étant le meilleur champignon à vocation culinaire.

La Coulemelle appartient à la famille des Lépiotacées, et elle change de nom selon les régions, les patois et les traditions : filleul dans le Périgord et le Limousin, Saint Michel dans la Loire et le Forez, couamelle dans le Berry, nez de chat à cause du mamelon brunâtre qui est sur le dessus du chapeau, parasol, lépiote élevée, baguette de tambour ou bonhomme lorsqu’elle n’est pas encore ouverte… Il s’agit d’un champignon très commun et très populaire en France. La plupart de ces champignons parasols apparaissent à la fin de l’été ou au début de l’automne, de même que diverses Russules (dont font partie les Lactaires abordés plus tôt) très communs dans les sous-bois, ainsi que les Amanites. Les Pieds-de-mouton sont appelés Hedgehog Mushrooms en anglais, les Champignons Hérisson, en raison des épines que l’on trouve sous le chapeau, épines qui remplacent les branchies des Agarics et les tubes des Bolets.

La Vesse-de-loup géante (Lycoperdon giganteum) était autrefois séchée et utilisée pour panser les blessures. On la brûlait également pour endormir les abeilles avant de récolter leur miel, et on dit qu’elle était utilisée comme amadou à l’époque du silex et de l’acier. Gerarde nous dit que « dans diverses parties de l’Angleterre, où les gens habitent loin de leurs voisins, ils les transportent enflammées comme des torches, ce qui dure longtemps ».

« Les vieilles Vesse-de-loup nous aideront à tromper
Les délicates abeilles de leur mets succulent ;
Tandis que d’autres se tourneront vers nous pour nous éclairer
Et effrayer de notre vallon la morne nuit. »

extrait de British Edible Fungi, How to Distinguish and How, 
de Mordecai Cubitt Cooke.

Lorsqu’elle est jeune et comestible, la Vesse-de-loup géante est blanche à l’intérieur et à l’extérieur, mais au fur et à mesure que la saison avance, l’intérieur devient jaune et finalement olive – c’est une masse de fils mélangés à de minuscules spores – et une ouverture apparaît au sommet par laquelle ces derniers s’échappent en un nuage de poussière lorsque la balle est comprimée. Cette espèce atteint parfois 30 cm de diamètre, et l’une d’entre elles, mentionnée dans The Gardeners’ Chronicle du 20 septembre 1884, mesurait 1,65 m de circonférence.

Le Scléroderme vulgaire (Scleroderma vulgare) ressemble à une boule de terre, mais son intérieur est gris bleuté et aucun orifice ne se forme au sommet ; les spores sont libérées par la décomposition de la couche externe. L’Etoile de terre (Geaster seriscus) est un champignon à l’étrange allure, entre fleur et étoile. Aussi nommée Géastre à trois couches, elle protège ses spores dans une sphère entourée d’enveloppes et c’est une espèce apparentée au Scléroderme ; chez elle, il y a deux couches dont l’intérieure renferme les spores et l’extérieure se divise en sept ou huit segments, qui se retournent vers l’arrière et forment les pointes de l’étoile. Parmi les différentes espèces de Clavaria, connues, en anglais, sous le nom de Fairy Club Fungi, Champignons du club des fées, et que l’on trouve ce mois-ci, plusieurs poussent parmi les feuilles mortes, mais la majorité parmi l’herbe des pelouses ou des parcs. À l’exception de la Clavaire en pilon (Clavaria pistillaris) qui peut atteindre une quinzaine de centimètres de long, ces champignons sont de petite taille, généralement 5 ou 6 cm de long et pas plus épais qu’une aiguille à tricoter. Lun des plus communs est la Clavaire fastigiata (Clavaria fastigiata) jaune d’or, la Clavaire de Zollinger (Clavaria amethystina) d’une belle couleur violette, et la Clavaire chou-fleur (Clavaria botrytes), avec sa tige épaisse se divisant vers le haut en de nombreuses branches rouges rouille, ressemble un peu à un chou-fleur.

*Les champignons, de Mordecai Cubitt Cooke, à lire ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29340m/f3.item

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman. Relecture : Maeva Dauplay)

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