Note de Charlotte Mason Poetry : Cette semaine, nous poursuivons notre voyage avec The changing year. Pour plus d’informations sur la façon d’utiliser cette ressource inspirante de Florence Haines, veuillez consulter l’article intitulé « Une promenade en février ». Nous espérons que l’épisode de cette semaine vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.

Image © Jean-Sébastien Caron Photographe

Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp. 92-101

“Puis vint Octobre plein de joyeuse allégresse ;
Car son visage était couvert du moût,
Qu’il foulait dans les cuves à vin,
Et de cette joyeuse boisson, dont le souffle léger
Le rendait si folâtre et si plein de convoitise :
Il chevauchait un Scorpion redoutable,
Celui-là même qui, par le sort injuste de Diane
Tua le grand Orion, et à ses côtés, 
Il avait son soc et sa charrue prêts à l’emploi.”

– Spenser

L’ancien nom anglo-saxon de ce mois était Wyn Monat, ou Mois du Vin, car, comme le dit Verstegan, « bien que, par le passé, ils ne faisaient pas de vin en Allemagne, ils en recevaient, en cette saison, de divers pays voisins ». Un autre nom, mentionné par le Vénérable Bède (moine lettré du VIIe siècle, surnommé le Père de l’histoire anglaise), est Winterfylleth. Selon ses chroniques, il y avait deux saisons dans l’Angleterre anglo-saxonne. L’été comprenait les six mois durant lesquels les jours sont plus longs que les nuits, et l’hiver comprenait les autres, commençant à la pleine lune d’octobre durant ce mois de Winterfylleth (les Anglo-saxons suivaient un calendrier lunaire). Nous ne savons pas vraiment comment ils célébraient ce changement de saison, mais il est probable qu’ils aient eu trois festivals publics d’hiver à la manière des Scandinaves, au début de l’hiver, au solstice puis au début du printemps. 

James Henry Leigh Hunt, écrivain, poète, critique littéraire et essayiste britannique du XIXe siècle, écrivit ceci au sujet du grand poème d’introduction : « Spenser, en faisant défiler ses mois devant la grande nature, s’est inspiré du monde et de ses coutumes en générale pour les décrire ; mais transformez ses cuves à vin d’octobre en presses à cidre et en cuves de brassage, et cela fera aussi bien l’affaire », car « ce mois, en raison de sa température constante, est notamment choisi pour le brassage de la liqueur de malt destinée à être conservée ». Un vieil adage nous dit d’ailleurs : 

« Faîtes sécher votre orge en octobre
ou vous serez toujours sobre, »

puisque sans cela il n’y aura pas de malt pour faire de la bière. Processus qui, à l’époque, n’était pas limité à un métier en particulier, puisque toute bonne ménagère brassait de la bière pour la famille, et la salle de brassage était une partie intégrante de la maison.

En France, il est dit dans certaines régions que “Gelée d’octobre rend le vigneron sobre,” mais que de toutes manières “Quand octobre prend sa fin, dans la cuve est le raisin.” Dans d’autres régions, comme en Normandie, “Octobre n’est jamais passé sans qu’il y ait cidre brassé”.

Les températures ont déjà chuté avec l’arrivée de l’automne, et 

“En octobre, il faut que l’homme vite s’habille quand le mûrier se déshabille.”

De plus,

“En octobre, qui n’a pas de manteau doit en trouver un bientôt.”

Les dictons du mois prédisent aussi la météo de la saison à venir :

“Brumes d’octobre et pluvieux novembre font ensemble un bon décembre.”

mais,

“Octobre ensoleillé, décembre emmitouflé.”
Ils sont également là pour rappeler les travaux des champs car “octobre le vaillant surmène le paysan”,

mais,

“Octobre à moitié pluvieux rend le labour joyeux.”

et 

“En octobre, qui ne fume rien ne récolte rien.”

et d’ailleurs

“Semé à la Saint François,
Ton grain aura du poids.”

Les teintes dominantes d’octobre sont merveilleusement belles, le mélange de rouge, d’or et de brun produisant l’aspect fauve décrit par Richard Jefferies (connu pour sa représentation de la vie rurale anglaise et ses livres d’histoire naturelle) : « Le fauve est indistinct, il hante le soleil et ne peut être fixé, pas plus que vous ne pouvez dire où il commence et où il finit dans le teint d’une brune, … Les duvets blancs, qui restent sur les chardons éclatés parce qu’il n’y a pas de vent pour l’emporter, le reflètent ; le blanc est repoussé par la couleur qu’apportent les rayons du soleil tacheté. Le chaume jaune pâle des meules de blé devient un jaune plus profond ; les larges toits de vieilles tuiles rouges se réchauffent. Comment peut-on appeler cela autrement que du fauve ? – la terre brûlée par le soleil une fois de plus au moment de la récolte. Brunie et brûlée par le soleil – car elle s’assombrit de bruns … Ici et là, une fine couche de feuilles brunes craque sous le pied. L’écorce écaillée de la partie inférieure des troncs d’arbres est brune. Les tiges sèches des rameaux, les branches tombées, les ombres mêmes, ne sont pas noires, mais brunes. Les baies rouges des rosiers sauvages, de l’Eglantier, de l’Aubépine et de la Bryone donnent l’impression d’une teinte fauve, plutôt que de leur existence réelle. » « Tout ce qui est brun, et jaune, et rouge, nous dit-il, est mis en valeur par le soleil d’automne, les sillons bruns fraîchement tracés là où le chaume était hier, l’écorce brune des arbres, les feuilles brunes tombées, les tiges brunes des plantes, les cenelles rouges de l’Aubépine, les mûres rouges non mûres, les baies rouges de la Bryone, les champignons jaune rougeâtre, l’Epervière jaune, le Séneçon jaune, les feuilles jaunes du Noisetier, les Ormes, les taches sur le Tilleul ou le Hêtre ; pas une touche de jaune, de rouge ou de brun que le soleil jaune ne découvre pas. Et tout cela compose l’automne, avec le croassement des corbeaux, l’appel automnal particulier de la paresse et d’une alimentation plus riche, le ciel bleu comme celui de mars entre les grandes masses de nuages secs qui flottent au-dessus, la brume dans les vallées lointaines, le tintement des traçoirs quand la charrue tourne, et le silence des oiseaux des bois. »

Les jeunes Loutres choisissent maintenant leurs sites d’alimentation hivernale, et l’Écureuil est occupé à faire une réserve de noix et de glands, enterrant son petit butin à divers endroits pour de futures visites lors des jours ensoleillés de l’hiver. La Grive mauvis, la Grive litorne, la Bécasse et la Bécassine arrivent ; les Pinsons des arbres, les Grives draines et d’autres oiseaux se rassemblent en bandes pour se nourrir plus facilement, les Étourneaux et les Canards colvert revêtent leur plus beau plumage et les Oies sauvages rejoignent leurs quartiers d’hiver.

La Grive mauvis (Turdus Iliacus), comme la Bécasse et la Bécassine, se déplace la nuit et on peut souvent l’entendre crier avec ses congénères lorsque la bande passe au-dessus d’une ville. C’est l’une des chanteuses les plus douces d’Europe du Nord, elle niche sur le continent, variant de site selon la nature de son environnement, choisissant parfois un arbre ou un buisson bas, alors qu’à d’autres moments le nid est placé sur le sol. La Grive litorne (Turdus pilaris), est la plus répandue des grives nordiques ; elle vit en colonies et construit son nid d’herbes longues et sèches, avec une couche de boue entre les couches internes et externes. On estime que « des myriades de Grives litornes traversent chaque année » la mer du Nord « pour passer l’hiver dans les îles britanniques et en Europe centrale ; et un jour, un vagabond solitaire a même atterri assez loin à l’ouest de l’Islande. »

Le Canard colvert (Anas platyrhynchos) habite tout l’hémisphère nord et est l’ancêtre de nos oiseaux domestiques ; il vole habituellement en groupes de trois à dix, et plus tard en couples ; le Canard chipeau (Anas strepera), plus petit, est également une espèce indigène, les deux sont apparentés au Tadorne de Belon, avec ses jolies couleurs marquées. Le Canard souchet (Spatula clypeata), comme le Canard chipeau, est un visiteur hivernal, qui arrive généralement en septembre et nous quitte en avril ou en mai ; son bec est plus large et plus disgracieux que celui du Canard colvert. Le Fuligule milouin (Fuligula ferina) arrive en octobre, et reste généralement sur la côte, revenant en mars ou avril, bien que certains restent et se reproduisent sur place ; les autres espèces visiteuses sont le Petit Fuligule et le Fuligule morillon. La Macreuse noire (Melanitta nigra) et la Macreuse brune (Melanitta fusca) sont également des visiteuses hivernales.  

L’Oie est un membre de la famille des Canards, et nous comptons six espèces communes, l’Oie cendrée (Anser anser) la plus connue, et probablement l’ancêtre de nos oiseaux domestiques, l’Oie rieuse (Anser albifrons), l’Oie des moissons (Anser segetum), que les Anglais nomment l’Oie des haricots en raison de sa nourriture préférée, l’Oie à bec court avec ses pattes roses (Anser brachyrhynchus), la Bernache cravant (Bernicla brenta) et la Bernache nonnette (Bernicla lencopsis). Toutes ces espèces, hormis la première,  nous rendent visite uniquement l’hiver.

La reproduction de la Bernache nonnette a lieu au mois de mai, dans un nid souvent placé sur une falaise rocheuse. Cet habitat force ses petits à se jeter dans d’impressionnants sauts dans le vide sans même avoir maîtrisé le vol. Parfois elle niche près du Faucon gerfaut qui éloigne les prédateurs terrestres. Le départ en migration a lieu dès le mois de septembre. L’espèce est très grégaire et se rencontre en grandes troupes sur les aires d’hivernage. 

Selon une légende, avant d’être un oiseau, la Bernache naissait des coquilles de moules accrochées aux navires.

« Ainsi, les planches pourries des navires brisés se transforment
en bernaches…
C’était d’abord un arbre vert, puis une coque brisée,
Plus tard un champignon, maintenant une mouette volante. »

Selon un autre point de vue, l’oiseau était le fruit d’un arbre poussant sur le rivage de la mer, ou bien se développait à partir de ce fruit, d’où son surnom de Bernache arboricole. La signification de Bernache est inconnue, mais le Century Dictionary suggère que la forme la plus ancienne du mot en moyen-anglais, bernekkle, « pourrait signifier simplement ‘cou nu’, avec une allusion possible aux grandes taches blanches sur le cou et la tête de l’oiseau. »

L’Oie nous est coutumière depuis notre tendre enfance et même la nuit des temps, avec par exemple le jeu de l’oie, le conte des frères Grimm La petite gardeuse d’oies ou Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, écrit par Selma Lagerlof, sans oublier les oiseaux historiques qui auraient sauvé Rome d’une attaque nocturne des Gaulois, ou encore l’oie qui, selon Pline, était le « compagnon fidèle du philosophe péripatéticien Lacydès ». De plus, l’ancienne pratique de la « chasse à l’oie sauvage » est devenue une expression fréquemment utilisée par les britanniques : “wild-goose chase”, évoquant le fait de courir après quelque chose que nous n’attraperons jamais. La coutume de manger de l’oie le jour de la Saint-Michel en Angleterre, date de l’époque médiévale et Gascoyne, en 1575, écrivit :

« Et quand les tenanciers venaient payer leur quart de loyer, ils apportaient des oies à la Saint-Jean, un plat de poisson au Carême, à Noël, un chapon, à la Saint-Michel, une oie,
Et quelque chose d’autre à la date du Nouvel An, de peur que le bail ne soit perdu. »

Sur le continent, on mange des oies le jour de la Saint-Martin (11 novembre), l’oie est d’ailleurs connue sous le nom d’oiseau de la Saint-Martin. On dit que, après avoir été élu à son évêché, Saint-Martin se cacha, mais fut découvert par une oie, et il est probable que l’oie de la Saint-Michel des Anglais était à l’origine une oie de la Saint-Martin ; d’autres suggestions font référence à la coutume des anciennes offrandes faites à cette saison à Proserpine et à Odin, dans lesquelles l’oie figurait.

Pendant la plus grande partie de l’année, l’Oie cendrée reste près des lacs, des landes ou des marais, et y construit son nid d’herbes et de plumes ; en hiver, les Oies sauvages se regroupent en bandes et se rendent alors sur la côte. Au sujet du vol de ces oiseaux, les Écossais récitent ces vers :

« Oies sauvages, oies sauvages, qui se dirigent vers la mer,
Le temps sera beau ;
Oies sauvages, oies sauvages, qui se dirigent vers cette colline,
Le temps qu’il fait se répandra. »

Lorsqu’elles parcourent une certaine distance, les oies volent à une hauteur considérable en une double ligne, chaque oiseau se trouvant derrière et plutôt à l’extérieur de sa congénère, formant ainsi un angle. Cette formation leur permet de garder l’œil sur le chef unique, un vieux jars en tête de la colonne ; ce chef est remplacé de temps en temps. C’est probablement le cri et la scène de ces volées, qui, blanches sur le ciel gris, présentent dans leurs mouvements une forte ressemblance avec des chiens en fuite, et qui auraient donné naissance à la croyance populaire des Gabriel Hounds dans le nord de l’Angleterre, une meute spectrale censée prédire la mort par ses jappements nocturnes. La légende veut que ce soient les âmes d’enfants non baptisés errant dans les airs jusqu’au jour du jugement.

Le curieux papillon de nuit Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) émerge de son cocon en octobre ; c’est un des plus grands insectes, mesurant souvent une douzaine de centimètres d’envergure, et facilement reconnaissable à la marque en forme de crâne de couleur crème sur son dos. La chenille, que l’on trouve habituellement sur les plants de pommes de terre, parfois aussi sur le Nerprun, est également grande et d’un vert vif, avec des bandes diagonales bleues sur le côté, sa curieuse queue est également caractéristique des chenilles de la famille des Sphinx. Lorsqu’elle est sur le point de se transformer en chrysalide, la chenille s’enterre à 20 ou 25 cm sous terre ; la chenille et le papillon possèdent tous les deux le curieux pouvoir de couiner lorsqu’ils sont effrayés ou irrités, un pouvoir que possède également la chrysalide. La jolie Runique (Agriopis aprilina), que les Anglo-Saxons appellent « Merveille du jour » est un papillon de nuit d’automne, alors que le rare Scarce Merveille du Jour (Moma Orion) apparaît en été. La deuxième couvée, plus prolifique, de la Méticuleuse (Plogophora meticulosa) apparaît en octobre, et les jolies petits Alucitidae aiment entrer dans nos maisons. Les anglais les appellent Many-plumed Moths, les Papillons aux ailes multiples, car leurs ailes antérieures et postérieures sont organisées autour de six nervures rigides, d’où irradient des cellules flexibles formant une structure d’ensemble rappelant des plumes d’oiseaux.

C’est également au cours de ce mois qu’apparaît la dernière génération d’Aphis, que nous appelons communément des pucerons, car les œufs pondus maintenant n’écloront pas avant le printemps. L’Aphis a un cycle de vie très intéressant, car tandis que la plupart passent par le stade ordinaire de larve, de chrysalide et d’insecte parfait, d’autres naissent dans un état presque mature ; les couvées de printemps et d’automne sont composées de mâles et de femelles, et ces derniers passent par le stade larvaire, mais les générations intermédiaires, composées uniquement de femelles, s’en passent presque, car, après avoir changé plusieurs fois de peau, elles deviennent matures et mères à leur tour, de sorte que l’on a dit que « son pouvoir de reproduction est si incroyablement grand », et le taux de sa multiplication est si rapide, qu’on peut trouver parents, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-arrière-petits-enfants vivant et se nourrissant tous ensemble », et si leurs ennemis n’étaient pas si nombreux, le monde serait envahi par les pucerons. Les fourmis aiment se nourrir du jus collant qui s’écoule du corps de ces minuscules créatures. Elles les gardent près de leur nid et  les « traient comme des vaches » en les caressant avec leurs antennes.

A présent,

« Jaune vif, rouge et orange
Les feuilles tombent en masse »

une fine couche de matière liègeuse s’est formée à la base de chacune d’entre elles, ce qui empêche non seulement la sève de circuler comme avant, mais aide la feuille à tomber au contact du vent ou du gel, laissant une légère cicatrice mais pas de blessure. Le nouveau bourgeon, formé au printemps et en été, aide également à détacher la vieille feuille, qui, en tombant tranquillement sur le sol, l’enrichit en se décomposant. Dans les climats tempérés, la chute des feuilles est nécessaire pour la protection de l’arbre, car la quantité d’eau perdue par une plante à travers ses feuilles est très importante, et dans une saison sèche, celles-ci se flétriront rapidement, même au début de l’été, alors que dans un automne humide, elles seront conservées beaucoup plus tard, passant entre-temps par les plus glorieux changements de teinte. Les feuilles des conifères et des plantes qui poussent dans des conditions de sècheresse sont pourvues d’une peau épaisse et de peu de pores, pour réduire l’évaporation de l’humidité, et peuvent donc résister à une chaleur ou un froid prolongé.

Le Tilleul est l’un des premiers arbres à perdre ses feuilles, suivi de près par le Noyer, le Marronnier d’Inde, le Sycomore, le Peuplier et le Bouleau. Les taches sombres sur la feuille du Sycomore qui se fane sont dues à une espèce de champignon. Le Chêne, le Hêtre et le Noisetier conservent leur feuillage, bien qu’il soit brun et mort, pendant une période considérable, surtout les deux premiers. Le Shepherd’s Kalendar nous dit que si, lors de la chute des feuilles en octobre, de nombreuses feuilles se fanent sur la branche et y restent suspendues, cela indique un hiver glacial avec beaucoup de neige. Les Allemands expriment la même croyance : “Si les feuilles sont encore accrochées aux arbres en octobre, cela augure d’un hiver fort », et en Grande-Bretagne, on suppose que si les baies d’Églantier, que l’on appelle le Cynorrhodon, sont abondantes, on peut s’attendre à un dur hiver car ils disent « mony haws, mony snaws” (beaucoup de cynorrhodon, beaucoup de neige).

Maintenant, l’Oseille, l’Euphorbe et le Géranium Herbe à Robert brillent d’une robe cramoisie comme les baies curieuses du Fusain (Euonymous europæus), « le fruit qui, dans nos bois d’automne, ressemble à une fleur », la capsule orange se fendant à maturité et révélant le fruit écarlate ; ces baies sont connues en France sous le nom de « bonnets d’évêque ». Les fruits en forme de damier de l’Alisier torminal (Pyrus torminalis) peuvent être distingués de ceux de l’Alisier blanc (Pyrus aria) par le fait que le premier est tacheté de brun et le second de rouge. La Busserole ou Raisin d’ours (Arctostaphylos Uva-ursi) a des fruits rouges, alors que la rare Busserole des Alpes (Arctostaphylos alpina) portent des fruits noirs ; le nom vient du grec, άρκος (árktos), un ours, et υταφυλἠ (úvula), une grappe de raisin. Les Mûres seront bientôt terminées, et les légendes britanniques associent ce phénomène au diable : en Irlande le diable leur a déjà « mis le pied à l’étrier » à la Saint-Michel, et en Angleterre elles ne sont assurées que jusqu’à la Saint-Martin. Dans l’East Sussex, la date est plus précoce, car ici il « met sa patte » sur elles le 1er octobre, et dans la partie ouest du comté, il « fait sa ronde le 10, et crache sur les mûres, et si quelqu’un les cueille, il ne verra pas l’année se terminer. »

La dernière de nos fleurs sauvages à fleurir ce mois-ci, le Lierre grimpant (Hedera helix), et ses fleurs jaune-verdâtre, riches en nectar, sont très prisées par les insectes qui se raréfient de plus en plus. Les baies noires, qui mûrissent après la disparition des Cynorrhodons constituent une source de nourriture bienvenue pour les Grives, les Pics et d’autres oiseaux. Pendant la grande peste de Londres, on dit que les baies de lierre furent utilisées, en poudre avec du vinaigre, comme sudorifique, avec d’assez bons résultats. Dans la pièce du Conte d’hiver, le berger, la recherche de ses moutons égarés, est descendu au bord de la mer, car « si je les ai quelque part, c’est au bord de la mer, au milieu du lierre » (Acte III, sc. 3). Dans l’original dont Shakespeare a tiré sa pièce, nous lisons que l’homme « descendait vers les falaises de la mer pour voir si, par hasard, les moutons broutaient le lierre marin, dont ils se nourrissent beaucoup ». Les chevaux aussi en mangent, tout comme les vaches et les cerfs.

Le lierre était sacré en Égypte pour Osiris, et en Grèce pour Dionysos ou Bacchus, dont on dit qu’il fut protégé par le lierre de la foudre qui tua sa mère Sémélé ; il est souvent représenté portant une couronne de fleurs de lierre, guirlande qui figure également autour de la tête de ses disciples. Cette couronne, croyait-on, empêchait l’ivresse et, de la même manière, le vin bu dans une coupe de bois de lierre était censé être inoffensif. Le buisson qui, autrefois, était suspendu devant la porte des tavernes et auquel Rosalind fait référence dans l’épilogue de la comédie de William Shakespeare, Comme il vous plaira, était généralement fait de lierre, d’où la citation suivante dans The Glass of Government de George Gascoigne (1575) : « De nos jours, le bon vin n’a pas besoin d’une guirlande ». Insigne du clan écossais Gordon et symbole bien connu de l’amitié, le lierre, en raison de son lien avec les rites païens, était inadmissible dans la décoration des églises, et peut-être aussi, en raison de son association avec les funérailles, était-il considéré comme inapproprié même pour les bâtiments profanes. 

Parmi les champignons d’octobre, on trouve les Pieds-violets (Agaricus personatus) et les Pieds-bleus (Agaricus nudus), le premier poussant sur l’herbe dans les espaces ouverts, le second parmi les feuilles mortes dans les bois. Ici aussi, on peut trouver l’Agaric champêtre dit aussi Rosé des prés. Le Pied-de-mouton (Hydnum repandum), comme les autres de son genre, se trouve également dans les bois en septembre et octobre ; certaines espèces, dont le rare Hydne hérisson (Hydnum erinaceum), poussent sur les troncs d’arbres. La Trémelle gélatineuse (Tremellodon gelatinosum) pousse également sur les arbres, tout comme les différentes espèces de Polypores. Le Polypore versicolore (Polyporus versicolor) est probablement un des plus communs ; il pousse en couches, chaque morceau ayant la forme d’un segment de cercle rugueux, sa surface brun verdâtre foncé est douce comme du velours, et est marquée de lignes brunes ou orange. Le Polypore géant (Polyporus giganteus) est plus grand, également velouté, brun dessus, plus clair dessous ; et le Polypore écailleux (Polyporus squamosus) est encore plus grand.

Le Coprin noir d’encre (Coprinus atramentarius) est appelé ainsi parce qu’après avoir répandu ses spores, ceux-ci se dissolvent rapidement dans un liquide semblable à de l’encre ; en effet, ce liquide, mélangé à de l’eau gommée, produit une encre véritable et permanente. Mais ne nous attardons pas sur ces champignons, et ne nous arrêtons que pour remarquer un autre spécimen, la petite Trompette de la mort (Craterellus cornucopioides) de couleur sombre, parfois surnommée Corne d’abondance. Presque cachée parmi les feuilles mortes, elle pousse sur environ 7 cm de haut, généralement par paire ou plus, l’extrémité fine de la corne se trouvant dans le sol. Les spores sont portées par la surface extérieure, et provoquent l’apparence grisâtre d’une « fleur ». Bien nettoyée et cuite, elle est réputée pour faire un excellent plat.

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman. Relecture : Maeva Dauplay)

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