Note de Charlotte Mason Poetry : Cette semaine, nous poursuivons notre voyage avec The changing year. Pour plus d’informations sur la façon d’utiliser cette ressource inspirante de Florence Haines, veuillez consulter l’article intitulé « Une promenade en février ». Nous espérons que l’épisode de cette semaine vous donnera des idées intéressantes pour des études spéciales, ainsi qu’une incitation à sortir vous-même pour explorer la nature en cette période unique de l’année.

Image © Jean-Sébastien Caron Photographe

Par Florence M. Haines
La nature au fil de l’année, pp. 102-111

« Le mois suivant était Novembre ; il était gros et gras
Comme s’il avait été nourri au saindoux, et c’est bien ce qu’il semblait ;
Car il avait engraissé des porcs ces derniers temps,
Son front était couvert de sueur,
Malgré le froid mordant de la saison ;
Il prenait un grand plaisir à planter des arbres ;
Et chevauchait là où il n’était pas aisé de se rendre ;
Car un redoutable centaure s’y trouvait,
La progéniture de Saturne et de la nymphe Naïs, le grand Chiron. »

Spenser.

Novembre – mois de brouillard et de tempêtes, de pluie et de végétation qui agonise, mais aussi de journées douces et ensoleillées ; et l’été de la Saint-Martin, vers le milieu du mois, rend encore plus agréable une promenade à la campagne. Verstegan nous dit que novembre était le Wintmonat, c’est-à-dire le “mois du vent » (wind-moneth), ce qui nous indique que nos ancêtres avaient fait connaissance, en cette saison de l’année, avec le souffle de Borée ; comme le prouve l’ancienne coutume des marins de se réfugier chez eux et de renoncer à la navigation (malgré la petitesse des voyages qu’ils faisaient alors) jusqu’à ce que le souffle de mars les invite à reprendre la mer. Un autre nom moins plaisant est Blot-monath (mois du sang), du saxon blotan, tuer ou tacher de sang, parce qu’à cette époque beaucoup de bétail était abattu pour la consommation d’hiver et pour les sacrifices. Effectivement, le baron de bœuf de Noël1 serait un vestige des sacrifices druidiques lors de la coupe du gui.

Le mois de novembre de Spenser, après avoir engraissé les porcs avec les feuilles de hêtre et les glands tombés au sol, prend « un grand plaisir » à planter, car les cultures sont maintenant semées, et, la sève étant à l’état de dormance, les arbres sont transplantés afin qu’ils aient le temps de s’enraciner correctement avant les gelées d’hiver, comme le conseille un vieux dicton : « Plantez les arbres à la marée de la Toussaint et ordonnez-leur de prospérer, plantez-les après la Chandeleur et demandez-leur de pousser ». Les manuscrits de la collection du marquis de Lansdowne nous indique qu’une « vieille coutume anglaise consistait à fournir un gâteau de graines pour récompenser les laboureurs après la saison des semailles du blé, ce qui se faisait généralement la nuit de la Toussaint, » tandis que le poète et agriculteur anglais Thomas Tusser écrivit ceci :

« Femme, dans le courant de la semaine, si le temps reste clair,
Nous mettrons fin aux semailles de blé pour l’année ;
Souviens-toi donc, même si je ne le fais pas,
Le gâteau de graines, les pâtés, le pot de fromentée2. »

La fourrure de la Belette a maintenant une teinte plus claire et, dans les comtés plus septentrionaux, l’Hermine revêt son manteau blanc. Les animaux en hibernation se glissent dans leurs quartiers d’hiver, les jeunes Écureuils se retirent avec leurs parents dans le nid douillet, astucieusement protégé de la pluie et solidement fixé dans la fourche d’un arbre, tandis que le Hérisson se roule en boule dans son nid de mousse et de feuilles, et que le joli petit Loir se recroqueville ; les vieux sont déjà endormis et les jeunes suivent maintenant leur exemple. Le nid d’hiver est de forme sphérique, fait de brindilles, de feuilles, de mousse et d’herbe, et contient une réserve de nourriture pour l’hiver ; le terrier du Mulot est également bien équipé pour les jours plus chauds et plus animés, lorsque même la Chauve-souris commune se lance à la recherche de moucherons. La Grande Chauve-souris Noctule (Nyctalus lasiopterus), la plus grande d’Europe, et la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri) se retirent tôt et dorment depuis longtemps dans une crevasse abritée, la tête en bas, suspendues par leurs griffes fortes et fines, mais la Pipistrelle (Pipistrellus pipistrellus) s’est isolée depuis octobre et réapparaîtra vers le milieu du mois de mars. En effet, si certaines chauves-souris hibernent à l’abri de cavités choisies, d’autres effectuent de petites migrations vers des lieux plus tempérés comme la côte Atlantique. La Pipistrelle est la plus petite de nos chauves-souris, mesurant moins de quatre centimètres, sans compter la queue, avec une envergure d’aile d’une vingtaine de centimètres, alors que la Grande chauve-souris mesure environ sept centimètres et l’envergure de ses ailes est de presque trente-cinq centimètres. La Sérotine (Eptesicus serotinus) est présente dans les plaines ; on la trouve dans les agglomérations avec parcs, jardins, prairies, dans les combles des maisons ; on l’observe généralement seule et son vol est lent et décrit de grands cercles.

Les Alouettes, les Linottes, les Mésanges et divers Bruants se sont constitués en bandes. Le Bruant des neiges (Plectrophenax nivalis) n’est qu’un visiteur hivernal en France comme en Angleterre, mais il se reproduit dans le nord de l’Écosse. C’est un petit oiseau dodu et, au Groenland, de grandes quantités sont tuées et séchées pour l’hiver. Le Faucon pèlerin peut être vu en train de chasser pour se nourrir ainsi que, de temps en temps,le Hibou des marais et le Hibou moyen-duc, appelés en anglais « Short-eared and Long-eared Owls” en raison des aigrettes faites de plumes au-dessus de l’oreille, aigrettes que le Hibou moyen-duc porte dressées, tandis que celles du Hibou des marais sont peu visibles, remplacées par une petite zone huppée. Le Hibou des marais (Asio accipitrinus) affectionne les landes et les champs ouverts alors que le Hibou moyen-duc (Asio otus), plus petit, préfère les endroits boisés. La Chouette effraie que l’on nomme aussi l’Effraie des clochers ou la Dame blanche (Tyto alba) est l’une des plus communes des chouettes au côté de la Chouette hulotte que l’on appelle parfois Chat-huant à cause de son cri et qui se différencie notamment de la Dame blanche par sa couleur brune et sa taille plus massive. Jusqu’à tout récemment, elle n’était qu’une visiteuse occasionnelle sur nos côtes, mais ces dernières années, elle a considérablement augmenté. Le cri du Hibou des marais ressemble à un miaulement enroué et celui de l’Effraie possède des sons plus discordants : tantôt aiguës et clairs, tantôt de l’ordre du feulement. 

Dans Hamlet, Ophélie dit que “la chouette a été jadis la fille d’un boulanger”. Shakespeare fait ici allusion à la vieille légende selon laquelle une fée prit l’apparence d’une vieille femme vêtue de guenilles et entra dans l’échoppe d’un boulanger pour demander qu’on lui fasse l’aumône d’un peu de pâte à pain. Après s’être fait prier, la fille du boulanger, qui était pingre, finit par lui en offrir à contre cœur un minuscule morceau. La vieille femme la supplia alors de lui permettre d’enfourner son petit morceau de pâte dans le four, à côté des belles miches prêtes à cuire. La fille du boulanger accepta. Mais lorsqu’elle ouvrit le four à la fin de la cuisson, elle s’aperçut avec surprise que le morceau de la vieille avait si bien levé qu’il formait à présent la plus grosse miche de la fournée. Jugeant ce pain bien trop beau pour le donner à une mendiante, elle lui offrit en échange un morceau de pâte encore plus petit que le premier et proposa de le cuire avec la deuxième fournée… Mais en ouvrant le four, qu’elle ne fut pas sa stupeur de voir qu’il formait à présent une miche encore plus rebondie que la première ! Une fois encore, la fille du boulanger refusa de donner à la vieille le pain qui lui revenait. A la place, elle lui tendit un morceau de pâte à peine plus grand que la moitié de l’ongle du pouce, qu’elle proposa de faire dorer avec sa troisième fournée. Cette fois, le morceau de pâte gonfla tellement qu’il forma un pain énorme, encore plus gros que les deux pains précédents. La fille du boulanger se mit alors à dévisager la mendiante avec effroi. Rejetant alors ses haillons, la fée apparut dans toute sa splendeur et lui dit : “Il est temps que le monde soit débarrassé de ton avarice ! A présent, tu pourras gémir autant qu’il te plaira. ‘Hou, hou, hou !’ sera à jamais ta complainte !” Sur ces mots, elle toucha la fille du boulanger de sa baguette et la changea en chouette avant de s’évanouir dans la nuit.

L’Alouette chante pour la dernière fois, on entend parfois une Grive, mais le véritable chanteur de novembre est le Rouge-gorge, le « doux messager du calme déclin » de John Keble, (ecclésiastique britannique, poète et théologien) qui

« plaintivement, dans des frissons interrompus,
chante le chant funèbre de l’année qui s’en va. »

Souvent, le chanteur est l’un des plus jeunes oiseaux qui, après leur deuxième mue, revêtent les plumes écarlates des adultes et commencent à répéter leurs chants.

À présent, la Grenouille s’enfouit dans la boue au fond de l’étang, les reines des Guêpes, des Abeilles et des Fourmis sont endormies, et les Limaces et Escargots se retirent dans les fissures du sol. L’Épirrite diluée (que les Anglais nomment le papillon de novembre) et la Phalène brumeuse, (appelée le papillon d’hiver par les Anglais), sortent de leurs cocons. La première (Epirrita dilutata) est une espèce des bois, et on peut la voir se reposer sur la surface inférieure des feuilles, elle mesure environ quatre centimètres d’une aile à l’autre ; la seconde (Cheimatobia brumata) est plus petite et d’une couleur brun pâle, les ailes supérieures plus foncées que les inférieures, la femelle a des ailes rudimentaires ; les larves de ce papillon apparaissent en mai et sont les plus destructrices dans les vergers.

En ce moment,

« Les petits matins ont un aspect étrange,
Le jour se lève dans une brume grise et dense
Qui ne se dissipe pas. Les champs sont blancs,
Et la faible lueur du soleil levant
Éclaire le paysage terne. Au-delà du champ
Les arbres sont massés comme des bancs de brouillard, dans la haie,
Dans une atmosphère fantomatique. Avec ses boucliers d’argent,
Le Tussilage orne la rive. La parcelle du jardin
Montre chaque plante délimitée par le blanc le plus pur,
Et le sombre Ajonc, dans le pâle rayon du matin,
Scintille comme s’il était recouvert de cristaux. »

Les bords des feuilles sont gelés et la sève ne circule pas aussi librement, d’où la bordure de givre blanc qui transforme chaque brin d’herbe en une lance de fée, et qui se dépose avec une beauté étincelante sur les ronces mourantes.

Les fruits de l’Aulne sont maintenant mûrs et, après la chute des graines, les cônes vides restent sur les branches pendant tout l’hiver, tout comme ceux du Mélèze, le dernier de nos arbres forestiers à perdre ses feuilles et le seul des conifères à le faire, car ses cousins Sapins conservent leur robe vert foncé. Les galles des Chênes de forme parfaitement ronde, et les bédégars des Eglantiers constituant des amas “chevelus” et la galle des feuilles de Hêtre en forme de pépin d’orange se distinguent nettement ; tous trois sont l’œuvre de diverses « mouches à galle » ou de « guêpes à galle” : les Cynipidae qui appartiennent à la famille des hyménoptères et qui, au printemps dernier, ont perforé l’écorce et déposé un ou plusieurs œufs en dessous. Ce phénomène est encore mal connu mais l’on sait qu’en réponse à un stimulus produit par l’organisme induisant la galle, un phénomène de dédifférenciation des cellules végétales a lieu, suivi d’une modification du développement du tissu végétal.

La piqûre induit notamment des modifications hormonales qui seraient à l’origine du développement des galles. De plus, il existe une relation dans l’évolution des larves à l’intérieur de ces galles, en fonction de leurs besoins en nourriture et en terme de protection.

Les fleurs de novembre sont rares et dispersées, mais le Séneçon, le Compagnon rouge ou Silène dioïque, l’Achillée millefeuille, la Pâquerette et la Linaire défient encore le froid, avec de temps en temps la grande Camomille, le Lamier pourpre, la Scabieuse, la Chicorée sauvage ou la Renouée persicaire. Parfois, nous trouverons aussi les fleurs jaune vif de l’Ajonc, car même au cœur de l’hiver, cet arbuste joyeux fleurit.

“Un signe pour la terre hivernale que la beauté est toujours vivante” et cette caractéristique a donné lieu à un dicton paysan : « Quand l’ajonc n’est pas en fleur, le baiser n’est plus de mise ». Il existe trois espèces répandues : l’Ajonc d’Europe (Ulex europæus), qui fleurit de février à juin et de nouveau en août ou septembre, il est le plus commun et le plus grand des trois, atteignant dans les endroits abrités une hauteur de trois mètres cinquante. L’Ajonc de Le Gall (Ulex Gallii) petit arbrisseau épineux, d’environ cinquante centimètres de haut, à feuilles persistantes, croît dans les milieux maritimes des côtes de l’Atlantique de l’Écosse à l’Espagne et fleurit d’août à novembre. L’Ajonc nain (Ulex nanus ou minor) fleurit de juillet à septembre et se distingue de l’Ajonc d’Europe par sa tige plus courte et ses épines droites et faibles, alors que celles de l’Ajonc d’Europe sont courbées et fortes ; chez ce dernier, les pétales sont en général plus longs que la quille de la fleur, mais chez le nain, c’est l’inverse ; il y a aussi une différence dans la couleur des fleurs, qui sont plus pâles chez l’Ajonc nain que chez le grand. L’Ajonc est clairement une plante de la zone tempérée, elle ne s’épanouit ni dans les pays chauds ni dans les pays froids, elle est rare dans les Highlands, et qui pourrait oublier l’histoire du grand naturaliste suédois Linnæus qui, en visitant l’Angleterre et en voyant pour la première fois la plante dans toute la gloire de sa floraison, instinctivement

« S’agenouilla devant elle sur le gazon
Remerciant Dieu pour sa beauté. »

Les Bovins, les Moutons et les Lapins dévorent les jeunes pousses tendres et les insectes se délectent de ses fleurs. Le Tarier des prés (Pratincola rubetra), passereau à la poitrine chamois, est appelé Whinchat par les Anglais, en référence à l’Ajonc d’Europe qu’ils nomment “whin” et sur lequel cet oiseau aime se poser. 

Les touffes plumeuses de la Clématite de Virginie, originaire d’Amérique du Nord, justifient son nom de « Barbe de vieillard » ; comme le Saule, le Chardon, etc., ses graines sont dispersées par le vent. Le Bident penché (Bidens cernua) a également mûri ses graines, chaque fruit étant pourvu de trois ou quatre poils raides munis de barbes qui se fixent au pelage des animaux, comme des Bardanes. Le nom scientifique bidens, du latin bi, double, et dens, dent, fait référence à ces poils crantés.

Parmi les champignons qui subsistent encore, on trouve le Pied-de-mouton, le Pied bleu qui est le nom vernaculaire français du Tricholome nu, l’Agaric améthyste et l’Hygrophore blanc, ces derniers survivant pour un temps aux légères gelées qui tuent leurs parents plus délicats. La chasse à la Truffe, qui était autrefois une industrie traditionnelle, est aujourd’hui pratiquement abandonnée en Angleterre mais pas en France, qui l’approvisionne de ce met délicat. Le chien truffier, une race de caniche spécialement entraînée à cet effet, est désormais aussi méconnue chez les Anglais que le Turnspit ou cette race d’Épagneuls qui leur était autrefois familière mais qui n’est plus représentée que par de vieux ornements de cheminée. En France et en Italie, les porcs sont aussi employés pour détecter les truffes, qui poussent sous la terre, dans un sol calcaire, généralement près des racines des arbres, que l’on trouve dans les bois de Hêtres, de Chênes, de Bouleaux, de Châtaigniers, de Noisetiers et de Charmes. En France, il existe plusieurs variétés réputées qui ressemblent toutes plus ou moins à un nodule noir de forme irrégulière, dont la taille varie de celle d’une noix à celle d’une grosse pomme de terre, et dont la surface est couverte de grumeaux aux multiples facettes. : la Truffe Noire ou « Truffe du Périgord » (Tuber Melanosporum), La Truffe blanche d’été ou « Truffe de la Saint-Jean » (Tuber æstivum), La Truffe Blanche ou “Truffe du Piémont” (Tuber Magnatum Pico) et la Truffe de Bourgogne ou “Truffe grise” (Tuber Uncinatum).

Le botaniste Robert M. Stark, dans A Popular History of British Mosses, nous dépeint la beauté des nombreuses mousses qui attirent notre attention :

“Le manteau verdoyant de la Terre protège le germe
De la vie des plantes et des insectes du froid de l’hiver,
Au milieu de laquelle les petites branches, sans être blessées,
Se parent de teintes vertes et dorées. »

Beaucoup sont parsemées des petites capsules vertes qui contiennent les spores, d’autres les font mûrir à d’autres saisons, tandis que certaines espèces ne fructifient que rarement. La Mousse d’eau à long bec (Platyhypnidium riparioides) est une mousse qui fructifie en hiver, elle pousse parmi les pierres et les rochers des chutes d’eau, tout comme la Palustriella commutata (Hypnum commutatum ou Cratoneuron commutatum). La Brachythecium velutinum (Hypnum uncinatum) se reconnaît à sa couleur vert vif et à l’aspect crochu de ses feuilles ; l’Hylocomie brillante (Hylocomium splendens) se trouve dans les bois, sur les talus de haies, les landes, etc.

Une mousse bien connue est le Polytrichum commun qui pousse en grands coussins, la partie supérieure étant verte et les tiges et les feuilles inférieures brunes. Les feuilles se détachent de la tige et donnent à la mousse, vue d’en haut, l’apparence d’un amas d’étoiles. Cette mousse est utilisée en Laponie pour la confection de lits et d’oreillers. Le botaniste d’origine allemande Johann Jacob Dillenius nous dit qu’à son époque on en tirait une huile pour les cheveux, et le naturaliste et ornithologue britannique Gilbert White, qui peut d’ailleurs être considéré comme un pionnier de l’écologie, mentionne les petits peignes fabriqués à partir de cette mousse, « très appropriés pour épousseter les lits, les rideaux, les tapis, etc. » Le nom du genre vient du grec πoλύτριχος, qui signifie « avoir beaucoup de poils », par allusion aux poils fins du voile qui recouvre la capsule non mûre.

Le Bryum d’argent (Bryum argenteum), dont les extrémités sont vert argenté, est une mousse qui fructifie en hiver ; les feuilles étroitement pressées sur la tige donnent aux grappes de fleurs tombantes l’apparence d’un chaton, d’où le nom de Mousse argentée à tige de chaton donné par Dillenius. Le Bryum cæspititium pousse sur les murs et les toits des maisons, et c’est là aussi que l’on trouve le Grimmia sessile (Grimmia aporcalpa) et de nombreuses mousses à sporogones : ces petites tiges surmontées d’une capsule et d’une coiffe. Le Grimmia sessile se trouve également sur les rochers et les arbres, il pousse en coussins compacts, la longue pointe de poil au bout de chaque feuille lui donnant un aspect argenté. En ce qui concerne les mousses à sporogones, Mlle Tripp, dans un article sur les mousses britanniques, déclare : « Aucune mousse n’ajoute autant à la beauté de nos contemplations quotidiennes. Leurs coussins ronds, verts et gris, d’où s’élèvent des ‘touffes en forme de harpon’ rouges, brillants au soleil, étincelants sous la pluie, occupent la même place parmi les mousses que les marguerites parmi les fleurs, et les rouges-gorges parmi les oiseaux. « 

La Fontinale commune (Fontinalis antipyretica), mousse aquatique aux feuilles vertes foncées et aux tiges souvent longues de plus de trois centimètres, pousse sur les rochers et les pierres dans les rivières et les ruisseaux, parfois dans les eaux stagnantes.

Les mousses fourchues, de la famille des Dicranum parmi celles appelées communément les “vraies mousses”, sont nommées ainsi en raison de la ressemblance des minuscules dents qui entourent la capsule avec un crochet ou une fourchette. Le nom générique vient du grec δίκρανος, dikranos, “fourchu”. L’une des plus remarquables est le Dicranum scorparium que l’on trouve dans les bois ; le Dicranum varium pousse sur les sols humides et argileux et sur les berges humides, et le Dicranum heteromallum sur les berges et au pied des arbres. Les feuilles vertes brillantes de cette dernière se retournent dans le même sens, présentant un aspect lisse et satiné ; les capsules sont brun rougeâtre, et apparaissent en automne et en hiver. 

Parmi les différentes espèces de Sphaigne (Sphagnum) dont les feuilles sont d’un vert pâle, presque blanc, la Sphaigne palustres (Sphagnum cymbifolium) est la plus commune. Elle pousse en abondance dans les tourbières et les landes; ses feuilles deviennent rouges lorsqu’elles sont âgées ou exposées à la sécheresse. La Mousse de tourbière à feuilles étalées (Sphagnum squarrosum) se reconnaît à ses feuilles pointues et recourbées. Linnæus nous dit dans son livre Flora of Lapland que la Mousse de tourbière, après avoir été séchée, était largement utilisée dans son pays comme literie pour les nourrissons, et elle est de plus en plus employée pour les compresses des hôpitaux et les pansements antiseptiques. La tourbe est en grande partie composée de cette mousse, qui est l’une des plus utiles de ces humbles plantes. Mais, en effet, les mousses rendent des services inestimables tant en formant le sol qu’en protégeant les tendres racines des arbres. « Le lichen et les mousses”, dit l’écrivain John Ruskin, … « Douces créatures ! Première miséricorde de la terre, voilant d’une douceur feutrée ses rochers sans vie : créatures pleines de pitié, couvrant d’un honneur étrange et tendre la disgrâce cicatrisée de la ruine, posant un doigt tranquille sur les pierres tremblantes pour leur apprendre le repos. Aucun mot, que je connaisse, ne peut dire ce que sont ces mousses… des tracés d’argent complexes, et des franges d’ambre… pourtant tout en retenue et pensives, et conçues pour les plus simples et les plus doux offices de la grâce ! On ne les cueillera pas, comme les fleurs, pour en faire des chapelets ou des gages d’amour, mais c’est d’elles que l’oiseau sauvage fera son nid et l’enfant fatigué son oreiller. » (Modern Painters Vol. V. partie vi.)

« La petite mousse, dont la verdure soyeuse habille
La roche usée par le temps, et dont les capsules brillantes s’élèvent,
Des urnes de fées légères, sur des tiges d’un éclat doré,
Réclame notre admiration et nos louanges,
Autant que le cèdre embrassant le ciel bleu. »

Les mousses sont apparentées aux Hépatiques vertes qui rampent sur nos chemins humides et nos murs en ruine, mais les Lichens, gris, jaunes et bruns, sont une espèce de champignon. Un Lichen, en réalité, est composé de ce que l’on peut décrire comme une union de champignons et d’algues, les premiers étant probablement parasites des secondes, mais chacun aidant l’autre. On trouve quelque 1 200 espèces de Lichens en Europe. Le Lichen d’Islande (Cetraria islandica) est commun à tous les pays nordiques ; en Islande, il couvre de grandes étendues de terrain et atteint une hauteur de quatre à dix centimètres. Il est utilisé pour les gelées, et parfois trempé dans l’eau et pilé pour le pain ; il n’est pas rare en Grande-Bretagne, dans les districts montagneux. Le Lichen des rennes (Cladonia rangiferina) est appelé ainsi car il constitue la principale nourriture hivernale de cet animal. Comme le Lichen d’Islande, il est propre à la consommation humaine, et un édit de Gustave III, de Suède, recommandait son utilisation en période de disette. Il s’agit d’une espèce britannique commune, dont la tige cylindrique grise et très ramifiée atteint une hauteur de cinq centimètres et plus, et dont les branches, si plusieurs plantes poussent ensemble, s’entrelacent en une masse complexe. Dans les climats plus septentrionaux, elle atteint une hauteur considérablement plus grande ; en Laponie, elle est récoltée et stockée en tas comme fourrage pour le bétail.

En France, parmi les Lichens les plus fréquents sur les troncs et aussi sur les pierres et les tuiles, les espèces du genre Xanthoria sont reconnaissables à leur couleur jaune plus ou moins orangée. Les Xanthoria peuvent être utilisés pour teindre les lainages en jaune ou en brun. A l’inverse, en Haute-Ardèche, un Lichen très rare (Sphaerophorus globosus) qui ne pousse que dans les endroits où la pollution est absolument nulle a permis de détecter une zone où l’air est le plus pur de notre territoire.

Certains Lichens, que l’on trouve sur l’écorce des arbres, sont connus sous le nom de Lichens des lettres ou d’orthographes, en raison de leur ressemblance avec les lettres de l’alphabet oriental. Les troncs des Houx sont les lieux de villégiature préférés de ces Lichens, et on les trouve également sur le Chêne, le Frêne, l’Orme, le Bouleau et le Noisetier. Les touffes hirsutes grisâtres ou jaune verdâtre du Lichen à barbe rouge (Usnea rubicunda) poussent sur les vieux arbres forestiers, en particulier les Sapins. Le Parmelia (du grec parma, “petit bouclier rond”) est une autre espèce bien connue que l’on trouve sur les pierres et les murs.

Le Lobaria pulmonaria est une espèce de lichens de la famille des Lobariacées. C’est un des rares lichens à être un tant soit peu connus du public. Il doit cette notoriété, toute relative, à sa grande taille et à un usage ancien dans la pharmacopée traditionnelle. Il était autrefois utilisé comme teinture, notamment pour les bas de laine des Highlands.

Les lichens, bien qu’étant la plus basse des végétations, peuvent être considérés comme les précurseurs de la plus haute, car leur travail n’est pas tant de préparer que de créer le sol, ce qu’ils font en rampant à la surface des roches, et à l’aide d’un acide que possèdent leurs minuscules filaments, ils se frayent un chemin dans le bloc solide, contribuant ainsi au processus d’usure. La surface dure de la roche, qui s’effrite lentement, forme un sol mince sur lequel les mousses et d’autres plantes minuscules peuvent s’épanouir, et celles-ci, à leur tour, se décomposant progressivement et formant un sol encore plus riche et plus résistant, préparent le terrain pour des plantes plus développées. C’est à l’humble travail de ces pionniers que « le cèdre embrassant le ciel bleu » doit son existence. « Et comme la première miséricorde de la terre, ils sont son dernier cadeau envers nous. Lorsque tous les autres services sont vains, les plantes et les arbres, les mousses douces et les lichens gris montent la garde près de la pierre tombale. Les bois, les fleurs, les herbes porteuses de cadeaux, ont fait leur part pour un temps, mais ceux-ci rendent service pour toujours. Les arbres pour la cour du constructeur, les fleurs pour la chambre de la mariée, le maïs pour le grenier, la mousse pour la tombe. … En partageant le calme de la roche impassible, ils partagent aussi son endurance ; et tandis que les vents du printemps qui s’en va dispersent les fleurs blanches de l’aubépine comme de la neige, et que l’été assombrit sur la prairie desséchée la chute de son or de la tulipe, loin au-dessus, parmi les montagnes, les taches de lichen argenté reposent, comme des étoiles, sur la pierre ; et la tache orange qui s’accumule sur le bord du pic occidental reflète les couchers de soleil de mille ans. »

Notes :

1Le baron de bœuf : cette pièce est le rôti obligatoire dans les grands cercles anglais. Il comprend les deux aloyaux et une partie des trains de côtes. C’est une pièce de viande très imposante. De plus, les druides sacrifiaient de jeunes taureaux blancs lors de la cérémonie de la coupe du gui.

2La fromentée est un mets de la cuisine médiévale d’Europe de l’Ouest. Elle est principalement faite de grains de blé concassés et bouillis, d’où son nom, issu du latin frumentum “froment”. Diverses recettes incluent du lait, des œufs, du bouillon.

Version française de l’article publié par Charlotte Mason Poetry avec leur autorisation. (Traduction et adaptation ©2022 Charlotte Roman. Relecture : Maeva Dauplay)

Ecouter le podcast