Note de Charlotte Mason France : A l’occasion du centenaire de la mort de Charlotte Mason, l’équipe de Charlotte Mason France est ravie de vous proposer la traduction en six articles du livre « In Memoriam: Charlotte M. Mason« . Le livre s’ouvre par un poème écrit par Charlotte Mason, « The World to Come (The Disciple) », puis est composé de deux parties :
– la première partie, en deux chapitres, correspond à deux discours prononcés par Charlotte Mason lors de la dernière conférence à laquelle elle a participé avant sa mort survenue le 16 janvier 1923. Cette conférence, donnée à la Pentecôte en 1922, réunit des centaines de personnes venues de divers endroits d’Angleterre et d’ailleurs, toutes unies par les principes de la pédagogie de Charlotte Mason ;
– la deuxième partie rassemble des textes d’amis, étudiants, collègues, éducateurs… prononcés lors du service commémoratif ou écrits pour les éditions spéciales du Mémorial de la Parents’ Review. Tous ces témoignages et souvenirs partagés offrent un regard plus intime sur Charlotte Mason et ceux qui ont partagé sa vie.
Il s’agit ici du deuxième chapitre de la première partie, retrouvez le premier chapitre en cliquant ici.
II. La P.N.E.U. rend service à l’État.
Par C. M. Mason
Hier, nous avons parlé de certains de nos principes directeurs et de la façon dont ils devraient nous guider à titre individuel. Mais ces jours que nous vivons nous font sentir que nous sommes tous redevables à notre pays, ne serait-ce que par égard pour les hommes tombés au combat. De nombreux projets sont mis à l’essai pour rendre la nation meilleure ; nous commençons à peine à en voir les résultats, et certains d’entre nous sont terriblement désireux d’accomplir quelque chose dont l’État bénéficiera, ne serait-ce qu’en reconnaissance de tout ce que nous avons reçu.
Ce que l’on veut, c’est une éducation démocratique qui n’inclue pas seulement les gens intelligents, l’aristocratie de l’esprit, les élites et les petites gens, les riches et les pauvres, mais tout le monde. Et à présent, nous, les membres de la P.N.E.U., sommes en mesure d’affirmer que si l’enseignement académique n’atteint que les personnes privilégiées et minoritaires, les humanités anglaises répondent à l’intérêt général. Nous avons cessé de compter, après les 10 000 premiers enfants des écoles élémentaires, ceux qui se sont montrés capables de faire un travail humaniste1 joyeux et excellent, mais nous savons maintenant que l’histoire, le théâtre, le conte, les meilleurs poèmes, intéressent tout le monde.
L’esprit, capable d’aborder la connaissance sous ses trois formes – la connaissance de Dieu, la connaissance de l’homme, la connaissance du monde naturel, la science – apparaît comme un bien universel, permettant à chacun d’éprouver la joie et les intérêts multiples procurés par une telle connaissance. En revanche, seuls quelques-uns, quelques dizaines, disons, au sein d’une grande école, excelleront dans les connaissances académiques, qu’elles soient mathématiques, linguistiques ou scientifiques. Il faut certes leur donner leur chance. Nous aurons toujours besoin de mathématiciens et de grammairiens, mais les autres comptent également. La stabilité propre aux personnes qui ont lu intelligemment, sinon abondamment, devrait appartenir à tout le monde. À l’heure actuelle, elle appartient aux classes professionnelles et supérieures, aux hommes des Public Schools, par exemple, qui, quelles que soient leurs lacunes, se font remarquer partout où ils se trouvent et accomplissent une bonne partie du travail du monde. Les influences familiales, les terrains de jeu d’Eton, tout, sauf leur travail scolaire, est à l’origine de cette admirable stabilité. Mais supposons qu’après tout, leurs études humanistes aient tendance à faire en sorte que les choses semblent valoir la peine d’être faites, même si elles sont faites avec peu de mérite ou de profit ; supposons que le sens du devoir anime « les classes instruites » et que, si insistantes que soient les revendications personnelles, elles soient subordonnées aux revendications de service ; voilà l’esprit même que nous voulons voir dans toutes les classes de nos compatriotes ; et la voie directe et possible vers un tel état d’esprit est une éducation libérale.
Nous avons tous entendu des rumeurs de réforme de l’enseignement, qui nous touchent peut-être comme le grondement de la circulation londonienne – nous n’analysons pas le grondement, ni ne réfléchissons à ce que tout cela signifie. Permettez-moi de vous inviter à accorder une attention sérieuse à la question de l’éducation en bloc, car la P.N.E.U. est maintenant appelée à jouer un rôle éminent dans l’éducation de la génération à venir : je ne parle pas uniquement des enfants de nos membres, mais de l’éducation de notre pays, à laquelle nous devons montrer l’exemple. Il est possible de dire comme le prince dans Rasselas2 : « La façon dont le monde doit être, non pas « peuplé », mais éduqué, n’est pas mon affaire et n’a pas besoin d’être la vôtre. » Telle a été notre attitude par le passé, même la nôtre en tant que Société ; mais de grandes choses nous sont arrivées : nous avons découvert que notre méthode d’éducation, utilisée avec nos enfants, est capable d’être utilisée avec un effet incroyable sur des enfants de toutes sortes et de toutes conditions. Des choses qui n’ont jamais été réalisées depuis que le monde existe sont maintenant réalisées par le mouvement dans lequel nous sommes. Notre secrétaire honoraire pourrait raconter une histoire merveilleuse sur les enfants des bidonvilles d’une grande ville du Nord ; les membres de nos comités exécutifs pourraient en faire autant ; et notre secrétaire général pourrait nous raconter des histoires qui nous tiendraient en haleine pendant des jours et des jours. Nous n’avons pas à craindre que de tels récits nous laissent froids car l’éducation est une chose vitale dont nous sentons le pouls. Il nous est désormais impossible de rester insensible à une histoire vraie sur l’éducation, tout comme nous ne pouvons rester insensible lorsque nous écoutons l’histoire de Florence Nightingale ou de Shackleton, ou de n’importe quel autre de nos bienfaiteurs, car nous formons tous un seul corps.
Comment se fait-il alors que seuls un philanthrope ou un philosophe, ici ou là, se soient penchés sur la question ? Pour la même raison que, bien que nous soyons émerveillés en découvrant les machines d’une grande filature de coton, l’émerveillement s’estompe au bout d’une demi-heure et nous devenons surtout conscients du bruit et de la poussière intolérables. Notre éducation, dans toutes les classes de la société, est devenue mécanique, pourvue seulement d’un petit interlude d’intérêt ; les résultats sont remarquables mais insipides ; les examens sont préparés et les candidats les réussissent avec distinction ; un domestique postule (ou postulerait dans le bon vieux temps) pour une place avec une lettre aussi bonne que quiconque pourrait l’écrire ; les gens, tous les gens, sont éduqués jusqu’à un certain point, mais ne sont pas, comme ils le diraient eux-mêmes, « meilleurs pour autant ! ». L’éducation n’a réussi à apporter à aucune classe de la société, en tant que classe, de nouveaux intérêts, une vive jouissance mentale, un plaisir esthétique, une élévation de caractère, des principes de conduite. Quelques-uns, ici et là, essaient de compenser les défauts de leur éducation à ces égards, mais rarement avec beaucoup de succès. Je dînai un jour chez un jeune homme qui s’était bâti une réputation grâce à Keats. Nous cherchions nos poèmes favoris pour être prêts à un festin de discussions éclairées. Mais notre hôte n’était qu’un simple collectionneur, il possédait toutes les éditions et tous les commentaires et se refusait à toute remarque sur les poèmes eux-mêmes. Apparemment, il n’avait pas lu Keats du tout, mais uniquement collectionné ses œuvres. L’éducation communément donnée rend possible une telle attitude d’esprit.
Considérons notre Société comme un « Service » rendu à l’État ; une idée qui nous tient tous à cœur. Le fait de « sauver le pays » nous interpelle tous. Que pouvons-nous faire ? Il est évident que le premier service à rendre à l’État est de lui présenter de bons citoyens, et presque toutes les écoles, presque toutes les familles, ont l’intention de travailler dans ce but.
Quelles sont les qualités qui font un bon citoyen et dans quelle mesure un enfant de la P.N.E.U. les présente-t-il ? Pour des raisons de commodité, nous pensons ici aux enfants, car les enfants de la P.N.E.U., en dehors de leurs traits de famille, présentent certains signes distinctifs permettant de les reconnaître : un membre de l’auditoire suggérait « l’intégrité » ; vous savez tous combien vos enfants sont francs à propos de leurs examens ; combien ils sont libres de tout faux-semblant, ils savent ou ils ne savent pas, et sont tout à fait sincères à ce sujet. Ces enfants ne “traînassent” pas, ne font pas de bêtises et ne trichent pas comme le font communément les enfants des écoles. N’est-ce pas cette attitude, que nous appelons l’intégrité, que nous voulons chez nos citoyens de toutes classes ?
De même, l’absence de conscience de soi, d’autosatisfaction, de vanité, d’étalage, a été remarquée chez ces enfants, qui ne sont que des enfants ordinaires de la P.N.E.U. Ce sont là des qualités qui devraient amener un citoyen à faire passer ses devoirs avant ses droits ; et, une fois de plus, de tels citoyens ne sont-ils pas un atout pour toute nation ?
Cet auditoire a été frappé par l’obéissance inconsciente des enfants, et là encore, qu’est-ce qu’un État pourrait désirer de plus que des citoyens qui obéissent à ses lois sans le savoir, comme la plupart d’entre nous le faisons.
Il y a chez eux une unité de but et de motif qui augure bien de leur avenir en tant que citoyens, et qui promet une autre sorte de vertu au sujet de laquelle nous sommes tous un peu inquiets, et qui est mieux assurée par un esprit bien nourri et actif, car la malice de Satan a toujours de l’emprise sur les esprits oisifs.
Un autre atout de nos enfants de la P.N.E.U. est la pratique de l’attention immédiate et absolue, ce qu’on appelle la concentration. Pensez à ce que représenterait pour le chef d’une maison ou d’une usine, d’un navire ou d’un service, la certitude qu’une attention intelligente et fixe est accordée à chaque instruction ! Nous servons tous d’une manière ou d’une autre, mais la capacité de servir dépend de l’habitude de la concentration.
Nous affirmons que toutes ces qualités, et bien d’autres encore, d’un bon citoyen, dépendent de l’apport de connaissances appropriées. Permettez-moi de répéter que la connaissance (pour offrir une définition approximative) est une information empreinte d’Émotion. C’est pourquoi seuls la littérature et l’art offrent aux enfants le pabulum dont ils ont besoin. Qui peut s’émouvoir devant un compendium, aussi louable soit-il ? Mais la littérature, qu’elle prenne la forme d’une histoire, d’une poésie, d’une pièce de théâtre, d’un traité scientifique, nourrit l’âme. Si l’on mettait le monde entier sur le plateau d’une balance, il ne ferait pas le poids face à une seule âme correctement nourrie.
[pabalum = nourriture ; compendium = abrégé]
Un bon citoyen doit connaître les lois de son pays, les moyens d’administration, la manière dont la constitution s’est développée ; ces choses, il doit les apprendre par une lecture assez large de l’histoire – anglaise, européenne, française, antique –, les récits émouvants des services rendus à leurs pays respectifs par de grands citoyens à travers les âges. Aucun garçon ne lit « Comment Horatius garda le pont dans les temps héroïques d’autrefois » sans avoir des résolutions secrètes et un regard rêveur.
La première tâche d’un citoyen est peut-être de devenir indépendant ; nous sommes tous d’accord pour dire que les garçons et les filles doivent être élevés pour gagner leur vie, soit en administrant leurs propres biens, soit en rendant des services plus directs, et nous sommes satisfaits que son devoir de subvenir à ses besoins s’arrête là ! Mais ce raisonnement n’est qu’un début ; songez aux gens qui nous ennuient par leur torpeur, qui nous contrarient par leur désinvolture, et la nature triviale de leurs occupations, qui se servent de nous comme de chevilles auxquelles accrocher une heure d’oisiveté, – et nous reconnaîtrons qu’un citoyen a d’autres façons de subvenir à ses besoins pour gagner son pain.
L’esprit demande, inexorablement et tout au long de sa vie, son pain quotidien ; nous ne le reconnaissons pas pleinement, et c’est pourquoi tant d’adultes et de personnes âgées deviennent ineptes, fatigantes et incapables de partager les intérêts intellectuels de leurs enfants. Le citoyen éduqué par la P.N.E.U. a vu ses innombrables émotions suscitées par ses « beaux livres », ses « livres glorieux », et l’émotion du moment a transformé les faits de l’histoire, des voyages, de la science, les thèmes de la poésie ou du théâtre, en connaissances vitales. C’est la raison d’être de la narration ; le lecteur récupère en quelque sorte ce qu’il a lu puis il le regarde, et dans ce regard son émotion s’enflamme. Les Grecs reconnaissaient deux émotions par lesquelles la tragédie devait éduquer le peuple ; or nous essayons non seulement de purger mais de vivifier l’âme, par la pitié, la tendresse, l’admiration, la révérence, le plaisir de la beauté, la noble émulation créée par l’action héroïque – les cent élans qui jouent sur l’esprit (ou l’âme) et par ce jeu, transforment l’information que nous recevons sous forme littéraire en la connaissance par laquelle nous vivons.
En veillant à ce que les enfants connaissent une grande quantité de bons livres, nous leur assurons de délicieux champs de réflexion et des réservoirs d’intérêt pour leur vie future ; les enfants du manoir et du hameau3 grandissent avec des possessions communes, et leur bonne camaraderie est assurée. Le haut niveau moral et l’attention soutenue des jours d’école sont mis au service du futur métier, et le maître et l’homme sont tous deux bénis.
Nous avons essayé de montrer comment les tableaux et la musique, les oiseaux, les fleurs et les arbres, la géographie, l’histoire et la géologie, l’influence des grands hommes (et quel village n’a pas engendré un grand homme ?), les lectures publiques comme celle que nous avons écoutée sur « George Borrow »4, le théâtre, les travaux manuels utiles et beaux et les exercices physiques, les danses et les chansons, peuvent devenir, pour certains, des plaisirs domestiques, pour d’autres, les joies de la communauté villageoise. Une salle des fêtes ou une salle publique et la bibliothèque Carnegie5 sont tout ce dont les citoyens élevés dans nos écoles ont besoin pour devenir autonomes dans tous les sens du terme, mental, moral et physique.
Nous avons vu comment nos professeurs semblent se mettre en retrait pendant qu’ils enseignent et laissent l’esprit des enfants s’épanouir librement ; ainsi, si je peux me permettre de faire une suggestion, il vaut mieux indiquer à ces villageois ou citadins instruits ce qui leur est possible en matière de vie intellectuelle plutôt que d’utiliser des cordes de guidage6, de monter des pièces de théâtre pour eux, de nous disposer à les amuser de bien des façons ; le hameau peut inviter le manoir à participer, à chanter à un concert, à présenter un personnage dans une pièce de théâtre, ou autre, mais la communauté villageoise devrait peut-être organiser ses propres plaisirs sur le genre de valeurs saines que nous avons essayé d’indiquer ici pour la vie intérieure et extérieure.
Vous ne direz pas qu’il s’agit de travailler pour la postérité, et « qu’est-ce que la postérité a fait pour moi ? ». En fait, nous vivons tous pour la postérité et n’avons pas d’autre affaire au monde. Mais nous n’aurons pas à attendre la « postérité » pour grandir ; ce que les enfants savent, les parents l’apprennent aussi et s’en délectent ; le champ est donc déjà blanc pour la moisson. Un lieu approprié pour un tel travail est l’école primaire du village ; déjà dans deux ou trois cas, une association de parents d’élèves a été créée en relation avec une école (grâce à l’initiative de Mme Franklin). Mais les Welfare Clubs, les Instituts de village7 et autres organisations sont déjà largement répandues et peut-être pourrions-nous être autorisés à introduire un élément plus intellectuel dans leur fonctionnement, en évitant les conférences, en offrant des concerts et autres aides aux divertissements, et en encourageant les gens à être leurs propres pourvoyeurs – peut-être sur le modèle de la P.N.E.U.
Une vie bien remplie est source de contentement et de bonheur, et ceux-ci représentent la stabilité dont la nation a tant besoin. Tout cela est très bien, dites-vous, en Utopie ! mais qu’en est-il de notre malheureux pays où l’industrie est continuellement interrompue par des grèves, souvent déclenchées pour des raisons fantaisistes ? L’éducation telle que nous la concevons est le seul remède.
Nous n’avons qu’à lire les torts amers causés par les émeutes chartistes dans Sibyl8 de Disraeli, par exemple, pour être assurés que le peuple doit tenir dans ses mains un instrument de réparation ; mais l’éducation devrait garantir que ce formidable instrument ne sera pas manipulé de façon impulsive et hâtive. Ce que la Société des Nations devrait faire pour entraver ou réglementer les guerres, je crois que nous, de cette société insignifiante, pouvons le faire pour entraver les grèves. Éduquez la nation et si les grèves surviennent, elles seront d’abord bien étudiées par des esprits équilibrés ; aucune grève ne sera déclenchée sans une délibération longue et générale ; nous nous serons assurés cette trêve avec les bouleversements sociaux que la Société des Nations cherche à obtenir avec la guerre.
Mais éduquer, éduquer, éduquer, est le mot d’ordre du jour. En quoi la P.N.E.U. se distingue-t-elle des autres ? Principalement en deux points. L’égalité des chances pour tous est l’offre de l’État ; ce n’est pas nouveau ; dans les pays où il n’y a pas d’aristocratie héréditaire, comme la Chine et la Turquie, c’est la règle depuis de nombreuses années. L’Église romaine, qui est avant tout démocratique (et socialiste), a toujours offert des possibilités illimitées aux personnes aptes, selon
« La bonne vieille règle, le plan simple,–
Que celui qui a le pouvoir prenne
Et que celui qui peut le conserve, »–
une règle aussi applicable aux réserves de l’esprit que de la poche. Le démagogue, le socialiste, le bolcheviste sont le résultat d’une éducation volée par la force de l’esprit. Nous répandons l’éducation, pas seulement pour ceux considérés aptes, mais pour tous ; tous y participent, même l’enfant mentalement retardé ; et nous certifions former des citoyens satisfaits, capables d’un jugement juste en toutes choses, religieusement, moralement, socialement, physiquement, capables de prendre la part qui leur revient dans un état heureux et ordonné. Encore une fois, les méthodes de notre éducation diffèrent ; les écoles en général envoient des étudiants qui ont appris « comment apprendre » (ils montrent rarement qu’ils ont appris cet art !) Nous envoyons des étudiants qui ont appris, qui savent et qui trouvent la connaissance si agréable qu’elle est devenue une quête et une source de bonheur pour toute la vie.
Il y a deux mille ans, il a été dit à une douzaine d’hommes sans distinction : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création » ; et ils l’ont fait. Nous aussi, par la grâce de Dieu, nous avons un fragment de cet évangile à prêcher ; nous tous ici présents, qui représentons des milliers de membres de la P.N.E.U., sommes beaucoup mieux pourvus en nombre pour répandre cette nouvelle Renaissance. Soyons prêts à agir ; le seul enthousiasme perceptible dans cette salle suffit à convertir un monde ; et combien plus encore, à rendre nos propres gens capables de préférer (et de jouer) les pièces de Shakespeare plutôt que les futilités du Music Hall. Luttons pour que les garçons que nous envoyons à l’école reçoivent une « éducation libérale ». Nous ne pouvons pas créer ou trouver un substitut aux Public Schools9 – une grande réussite nationale – mais nous pouvons inciter les maîtres et les directeurs d’école à accorder au moins les six ou huit heures par semaine consacrées à l’anglais et à l’histoire, aux études et aux méthodes que nous avons trouvées merveilleusement efficaces. Pour nos filles de la P.U.S., je ne sais pas si la vie offre une compensation pour la perte du travail des cinquième et sixième Forms10 ; laissez-les travailler pleinement leur plan d’éducation libérale, ne serait-ce que pour qu’elles soient prêtes à entreprendre la croisade que je suis tentée de recommander à des auditeurs si réceptifs et encourageants. Nous connaissons le chemin, nous avons les moyens, nous voyons des opportunités partout – les écoles primaires et secondaires, privées et publiques sont ouvertes à l’attaque !
Partageons l’engagement…
« Je ne cesserai jamais mon combat intérieur,
Et jamais mon épée ne dormira dans ma main,
Jusqu’à ce que nous ayons bâti Jérusalem
Sur les terres vertes et plaisantes d’Angleterre. »11
et que Dieu soit avec nous dans nos travaux !
(L’auteure s’excuse si ces notes contiennent plus que ce qu’elle a réellement dit. L’attitude amicale de l’auditoire l’a incitée à parler de manière informelle.)
Note de la traductrice :
1 Une approche humaniste consiste à encourager la personne à se concentrer sur ses points forts plutôt que sur ses défauts. ↑
2 « Histoire de Rasselas, prince d’Abyssinie » est un livre de Samuel Johnson publié en 1759. Il s’agit d’une œuvre philosophique sur le bonheur et l’ignorance. ↑
3 « les enfants du manoir et du hameau » fait référence à « The Hall and the Hamlet; or scenes and characters of country life » par William Howitt (1792–1879), écrivain anglais, père de Mary Howitt, amie de Charlotte Mason. ↑
4 George Henry Borrow (1803 – 1881) était un écrivain anglais de romans et de récits de voyages basés sur des expériences personnelles en Europe. Ses voyages lui ont donné une grande affinité avec le peuple rom d’Europe, qui figure en bonne place dans son œuvre. ↑
5 Une bibliothèque Carnegie est une bibliothèque construite avec de l’argent donné par l’homme d’affaires et philanthrope écossais-américain Andrew Carnegie. ↑
6 Au XVIIe et XVIIIe siècles, les cordes de guidage étaient d’étroites lanières de tissu attachées aux vêtements des enfants, qui empêchaient ces derniers de s’éloigner ou de tomber lorsqu’ils apprenaient à marcher. ↑
7 Les Welfare Clubs visaient à soutenir les personnes défavorisées. Les instituts de village avaient comme objectif de fournir éducation et culture aux villageois. ↑
8 Sybil, or The Two Nations est un roman de Benjamin Disraeli (1804-1881) paru en 1845. Il traite des conditions horribles dans lesquelles vivait la majorité des classes ouvrières d’Angleterre. L’intérêt de Disraeli pour ce sujet découle de son intérêt pour le mouvement chartiste, un mouvement politique réformiste de la classe ouvrière qui recherchait le suffrage universel masculin et d’autres réformes parlementaires. ↑
9 En Angleterre et au Pays de Galles, le terme public school désigne un petit groupe d’écoles indépendantes, membres de la Headmasters’ and Headmistresses’ Conference et sont en général plus anciennes, plus coûteuses et plus sélectives. Récemment, ce terme a évolué pour désigner plus spécifiquement des écoles privées pour des élèves âgés de 13 à 18 ans. ↑
10 Dans le système éducatif français, cela correspond à la troisième (dernière année du collège) et aux années de lycée. ↑
11 « And did those feet in ancient time », également connu sous le nom de Jérusalem, un poème de William Blake. Traduction française officielle. ↑
Traduction française de Maeva Dauplay ©2023. Relecture : Charlotte Roman, Sarah Eisele et Sylvie Dugauquier.